Agir bien. Les actes à double effet

  1. INTRODUCTION

 Le père de famille qui veut poser un acte bon peut se trouver confronté à la question : « Comment savoir si cet acte est licite ou non, alors qu’il entraîne à la fois des effets bons et des effets mauvais ? » C’est là ce qu’on appelle un acte à double effet.

Les exemples sont nombreux dans le domaine de la santé, en particulier aujourd’hui (affaire Lambert, révision des Lois de Bioéthique, PMA, GPA).

Le but n’est pas de donner ici des arguments tout faits, mais de puiser à des sources fiables et de réfléchir pour bien agir. Estimer les seules conséquences de l’acte est insuffisant, il faut remonter aux principes, basés sur la loi surnaturelle et loi naturelle. Ces principes sont enseignés par l’Eglise de toujours, Mater et Magistra, et il faut donc les chercher dans la doctrine catholique traditionnelle.

Dans le domaine de la santé, notons l’importance de l’enseignement des papes, et en particulier du pape Pie XII :

« La morale naturelle et chrétienne maintient partout ses droits imprescriptibles: c’est d’eux, et non des circonstances de sensibilité, de philanthropie matérialiste, naturaliste, que dérivent les principes essentiels de la déontologie médicale : dignité du corps humain, prééminence de l’âme sur le corps, fraternité de tous les hommes, domaine souverain de Dieu sur la vie et sur la destinée » (1).  Et encore « Les obligations fondamentales de la loi morale se basent sur l’essence, la nature de l’homme, et sur ses rapports essentiels, et valent donc partout où se trouve l’homme; les obligations fondamentales de la loi chrétienne, pour autant qu’elles excèdent celles de la loi naturelle, se basent sur l’essence de l’ordre surnaturel constitué par le divin rédempteur.» Pie XII (2)

Ce n’est donc pas d’abord en raison de la « dignité humaine » qu’il convient d’accepter ou de refuser tel ou tel acte, ce n’est pas le principe premier. Le principe premier est la loi de Dieu, le plan voulu par Dieu.

Le « principe de l’acte à double effet » est une notion connue des moralistes, parfois même vulgarisée, mais aussi parfois détournée de sa définition exacte. Il est donc à connaître pour ne pas être trompé.

 

Énoncé du principe

   Lorsqu’un acte (ou une omission délibérée) entraîne à la fois un effet bon et un effet mauvais, il peut, à certaines conditions, devenir pleinement légitime de le poser en tolérant l’effet mauvais pour obtenir l’effet bon. 

Il y a parfois plusieurs effets bons ou mauvais résultant d’un même acte.

Le principe de base est que « mala non sunt facienda ut eveniant bona »: on ne peut jamais faire un mal pour obtenir un bien. (Cf St Paul Rm 3,8). La fin bonne ne justifie pas le moyen mauvais.

Historiquement, ce principe semble avoir été formulé pour la première fois pour résoudre un cas particulier. Saint Thomas d’Aquin l’établit dans son analyse de la défense légitime « Est-il permis de tuer un homme pour se défendre? » (Somme de théologie IIa-IIae, q. 64, a. 7) :

« Rien n’empêche qu’un même acte ait deux effets (duos effectus), dont l’un seulement est visé (in intentione), tandis que l’autre ne l’est pas (praeter intentionem). Or les actes moraux reçoivent leur spécification de l’objet que l’on a en vue, mais non de ce qui reste en dehors de l’intention (praeter intentionem), et demeure, comme nous l’avons dit, accidentel à l’acte. Ainsi l’action de se défendre peut entraîner un double effet (duplex effectus) : l’un est la conservation de sa propre vie, l’autre la mort de l’agresseur. Une telle action sera donc licite si l’on ne vise qu’à protéger sa vie, puisqu’il est naturel à un être de se maintenir dans l’existence autant qu’il le peut. Cependant un acte accompli dans une bonne intention peut devenir mauvais quand il n’est pas proportionné à sa fin. Si donc, pour se défendre, on exerce une violence plus grande qu’il ne faut, ce sera illicite. Mais si l’on repousse la violence de façon mesurée, la défense sera licite. Les droits civil et canonique statuent, en effet : il est permis de repousser la violence par la violence, mais avec la mesure qui suffit pour une protection légitime. »

Notons dès à présent la différence entre faire le mal et tolérer le mal. Mais le rôle fondamental du principe n’est pas de « permettre » le mal (d’établir les cas où le législateur «ferme les yeux»), mais de promouvoir le bien dans toute la mesure du possible. C’est dans cette perspective qu’il faut l’aborder.

 2. Conditions de la licéité d’un acte entrainant un effet bon et un effet mauvais

  Pour qu’un acte à double effet soit licite, il faut remplir plusieurs conditions. N’en remplir qu’une ne suffit pas, il faut que les quatre conditions soient satisfaites simultanément.

Première condition :

 Il faut que l’agent ne veuille pas in se l’effet mauvais. Autrement dit que l’intention de l’agent soit informée par la finalité positive.

En parlant de la fin d’un acte, saint Thomas distingue « finis operis et finis operantis ». La « finis operis » est l’objet vers lequel tend l’acte par sa nature même, son objectif intrinsèque, indépendamment des motifs subjectifs de l’auteur, ou de toute circonstance particulière dans laquelle il est exécuté. La « finis operantis » est surajoutée par l’agent de l’acte : c’est le but pour lequel on accomplit un acte, l’intention subjective de l’action.

Si l’effet mauvais est, au moins en partie « finis operantis » de son acte, alors l’acte est mauvais. Il sera totalement « finis operantis » si l’effet bon n’est qu’un prétexte et si c’est l’effet mauvais qu’on cherche. Il sera partiellement « finis operantis » si on recherche l’effet bon mais qu’on est aussi heureux de l’effet mauvais.

Ne pas se demander avec quels sentiments notre volonté se porte sur son objet, mais si elle s’y porte « in se » ou simplement « in causa ».

Exemples :

– Une femme enceinte gravement malade qui prend un médicament dont l’un des effets secondaires qui se rencontre parfois est de provoquer l’avortement. Elle ne veut pas l’effet mauvais, elle le redoute. La condition est remplie (mais ce n’est peut être pas suffisant pour en faire un acte bon, il faut toutes les conditions)

– La même femme enceinte qui prend le médicament en voulant que l’effet mauvais se manifeste: la condition n’est pas remplie.

Or « Dieu veut premièrement l’intention droite, mais cela ne suffit pas, il veut aussi l’œuvre bonne » Pie XII (2). Trois autres conditions sont nécessaires.

Deuxième condition :

 Il faut que l’action en elle-même ne soit pas mauvaise, mais soit moralement bonne ou du moins indifférente. C’est le rejet des actions « intrinsèquement mauvaises ».

Le fait qu’elle vise une fin bonne ne la rend pas bonne : la fin ne justifie pas le moyen. « Il n’est pas permis de faire le mal pour qu’il en résulte un bien » Pie XII (2) citant saint Paul aux Romains (Rm III, 8).

Pour mémoire, l’Eglise, Mater et Magistra, a le pouvoir et le devoir de dire ce qui est intrinsèquement mauvais, fidèlement au dépôt qu’elle a reçu. Par exemple, la contraception et l’avortement sont intrinsèquement mauvais.

Troisième condition :

 Il faut que l’effet bon ne résulte pas du mauvais. Autrement dit que l’effet direct de l’intervention soit positif. L’effet mauvais ne vient qu’indirectement. On parle de caractère physiquement médiat ou immédiat d’un mal, c’est-à-dire le fait, pour un mal, de précéder ou non le bien voulu.

Exemples :

– Un médecin administre un médicament pour calmer la douleur, sachant qu’il est susceptible d’abréger la vie du patient. La suppression de la douleur ne vient pas de la diminution du nombre des jours du malade (qui d’ailleurs n’est pas automatique). La condition est remplie.

 – Un médecin administre un médicament pour abréger la vie du patient, et lui épargner une souffrance. La suppression de la douleur vient de la mort, donc de l’effet mauvais. La condition n’est donc pas remplie.

Les conditions 2 et 3 ont tendance à se confondre. Au vrai, elles traduisent toutes deux une seule et même exigence : on ne peut pas faire un mal pour obtenir un bien. On ne le peut ni directement, ce que traduit la condition 2, ni indirectement, ce que traduit la condition 3.

Quatrième condition :

 Il faut qu’existe une juste proportion, ou raison proportionnée, entre l’effet bon recherché et l’effet mauvais toléré. Autrement dit que l’effet bon soit plus important ou au moins aussi important que l’effet mauvais.

Ce qui exige que l’effet bon ne puisse être obtenu convenablement par une autre voie que l’action entraînant l’effet mauvais. Autrement il n’y aurait aucune raison de tolérer l’effet mauvais.

C’est précisément par l’intervention d’une raison proportionnée que les mauvais effets deviennent indirects : à défaut d’une raison proportionnée, tous les effets mauvais entrent dans l’objet direct de l’action.

Exemples:

– Un médecin donne un médicament qui va guérir de la tuberculose et priver le malade de la vue pendant 6 mois. Il est meilleur, de loin, d’être définitivement guéri d’une maladie grave en perdant totalement la vue, que de garder la vue et mourir de tuberculose, la condition est remplie si il n’y a pas d’autre traitement possible.

– Un médecin donne un  médicament qui va guérir une femme enceinte d’un rhume et provoquer à coup sûr l’avortement de l’enfant. La mort est infiniment plus mauvaise que la maladie bénigne qu’on entend guérir. La condition n’est alors pas remplie.

Il faut par ailleurs que l’effet bon soit plus important que l’influence de l’action-cause sur l’effet mauvais. Cette influence, plus ou moins légère, peut se traduire par le risque plus ou moins grand de voir l’effet mauvais se produire ou par la connexion plus ou moins grande entre l’action et l’effet mauvais.

 

Exemple de risque :

– Une femme enceinte est malade, tel remède la guérirait mais il arrive que ce remède provoque l’avortement, c’est un risque. Imaginons ici ce risque très faible. On ne doit pas mettre en balance la santé de la mère (effet bon) et la mort de l’enfant (effet mauvais) – ce qui irait toujours à l’abstention –  mais bien la santé de la mère avec le risque (dans cet exemple réduit) de l’avortement. Et la condition pourrait être remplie. Mais rappelons qu’il faut que les quatre conditions soient remplies pour que l’acte soit licite. (NB : l’acte licite peut être posé sans problème de conscience, pour autant ce n’est pas obligatoire ; et il est des cas héroïques où on choisit de ne pas poser un acte licite).

La connexion plus ou moins grande entre l’action et ses effets est aussi liée à la coopération plus ou moins grande à cette action. La coopération est dite immédiate quand on prend part directement à l’action. Elle est dite médiate quand on y prend part indirectement ; et, en fonction de l’implication de l’auteur, cette coopération médiate sera dite prochaine ou lointaine. La coopération est formelle quand on l’approuve complètement. Elle est seulement matérielle quand on réprouve l’acte mauvais.

 Exemple de coopération:

– Observons la coopération à un avortement entre le médecin, l’infirmière anesthésiste (IADE), et l’agent d’entretien qui nettoie la salle. Le médecin pratique directement l’acte (coopération immédiate, toujours illicite), les autres indirectement (coopération médiate). Le médecin y coopère de façon formelle, les autres peuvent n’y coopérer « que » de façon matérielle.

La coopération formelle au mal n’est jamais permise. En revanche, une coopération matérielle peut être licite s’il y a une raison proportionnée et une coopération matérielle lointaine.

Reprenons l’exemple précédent:

– Si l’IADE et l’agent d’entretien réprouvent la mort de l’enfant, et visent un effet bon : gagner leur vie et faire vivre leur famille. Leur coopération peut être limitée à « matérielle ». Elle est médiate car aucun des deux ne pratique directement l’acte : l’IADE se contente d’endormir la patiente, et l’agent de nettoyer la salle, comme pour tout opération. Mais leur influence sur le déroulement de l’acte est très différente : la coopération de l’IADE est prochaine, alors que celle de l’agent est lointaine. La coopération de l’agent d’entretien pourra donc être licite, alors que celle de l’IADE ne l’est pas.

A la coopération formelle correspond, dans le principe du double effet, l’admission directe d’un mal, admission toujours interdite ; à la coopération matérielle correspond l’admission indirecte d’un mal qui peut parfois être justifiée aux conditions sus-citées.

 

  1. Exemples de questions précises posées au pape Pie XII.

 

Le cas de effets secondaires des antalgiques

   Des médecins posaient cette question au pape Pie XII : l’emploi d’analgésiques est-il permis même en certains cas où l’atténuation de la douleur intolérable s’effectue probablement aux dépens de la durée de la vie qui est abrégée ?

« Toute forme d’euthanasie directe, c’est-à-dire administration de narcotiques (ici utilisé comme antalgiques) afin de provoquer ou hâter la mort est illicite parce qu’on prétend alors disposer directement de la vie. Un des principes fondamentaux de la morale naturelle et chrétienne est que l’homme n’est pas maître et possesseur mais seulement usufruitier de son corps et de son existence. On prétend à un droit de disposition directe toutes les fois que l’on veut l’abrègement de la vie comme fin ou comme moyen. Dans l’hypothèse que vous envisagez, il s’agit uniquement d’éviter au patient des douleurs insupportables. Si entre la narcose et l’abrègement de la vie n’existe aucun lien causal direct, posé par la volonté des intéressés ou par la nature des choses (ce qui serait le cas si la suppression de la douleur ne pouvait être obtenue que par l’abrègement de la vie), et si au contraire l’administration de narcotiques entraîne pas elle-même deux effets distincts, d’une part le soulagement des douleurs, et d’autre part l’abrègement de la vie, elle est licite; encore faut-il voir s’il y a entre les 2 effets une proportion raisonnable, et si les avantages de l’un compensent les inconvénients de l’autre. Il importe aussi d’abord de se demander si l’état actuel de la science ne permet pas d’obtenir le même résultat en employant d’autres moyens. » (3)

Le cas de la sédation en phase terminale

   Le raisonnement est le même que pour les antalgiques. Mais au préalable, il y a des éléments supplémentaires à prendre en compte notamment la notion de suppression de la conscience.

« Il ne faut pas sans raison grave priver le mourant de la conscience de soi »

« Le mourant ne peut permettre et encore moins demander au médecin qu’il lui procure l’inconscience, si par là il se met hors d’état de satisfaire à des devoir moraux graves, par exemple de régler des affaires importantes, de faire son testament, de se confesser. »

« Mais

  • si le mourant a rempli tous ses devoirs et reçu les derniers sacrements,
  • si des indications médicales nettes suggèrent l’anesthésie,
  • si l’on ne dépasse pas dans la fixation des doses la quantité permise,
  • si l’on a mesuré soigneusement l’intensité et la durée de celle-ci,
  • et que le patient y consente,

rien alors ne s’y oppose, l’anesthésie est moralement permise. » (3)

L’usage de traitements hormonaux contraceptifs

 Un médecin prescrit un traitement hormonal à une femme mariée. Ce traitement empêche toute fécondation.

« Si la femme prend ce médicament [il s’agit de la «pilule»], non pas en vue d’empêcher la conception, mais uniquement sur avis du médecin, comme un remède nécessaire à cause d’une maladie de l’utérus ou de l’organisme, elle provoque une stérilisation indirecte, qui reste permise selon le principe général des actions à double effet.

Mais on provoque une stérilisation directe, et donc illicite, lorsqu’on arrête l’ovulation, afin de préserver l’utérus et l’organisme des conséquences d’une grossesse qu’il n’est pas capable de supporter » (4).

Conclusion

   On aura noté la difficulté de l’application du principe d’acte à double effet dans certains cas. Il faudra discerner avec jugement. L’aide d’un prêtre bien formé sera la bienvenue.

Le père de famille va donc implorer les dons du Saint Esprit pour le guider, et vouloir s’attacher aux principes de la loi divine.

« Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour, comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure en son amour » St Jean XV, 10.

« Donc il n’y a qu’une seule voie pour arriver à l’amour de Dieu et pour se maintenir dans l’union et l’amitié avec lui : l’observance de ses préceptes. » Pie XII (5)

Dr L.

 

 

Bibliographie : Pie XII :

 1- allocution au congrès des médecins catholiques 29 septembre 1949

2- allocution à la fédération mondiale des jeunesses féminines catholiques 18 avril 1952

3- discours à des médecins sur les problèmes moraux de l’analgésie 24 février 1957

4- allocution devant les membres du 7e Congrès international de la Société d’hématologie, 12 septembre 1958

5- discours aux curés et prédicateurs de carême de Rome, 22 février 1944

 

Repassage à l’amidon

Pour un repassage impeccable du linge liturgique, pour les robes de baptême ou de communion, cette technique d’amidonnage :

–  15 g, soit 3 cuillères à soupe d’amidon de riz en cristaux « Remy » pour 1 litre d’eau

–  Prélevez 125 ml du litre d’eau pour délayer l’amidon.

– Chauffer le reste de l’eau jusqu’à ébullition, puis verser progressivement dans l’amidon délayé.

– Bien remuer, puis laisser tiédir (30 à 40 minutes environ)

– Plonger plusieurs fois le linge dans le bain d’amidon

– Essorer à la main

– Pour étendre le linge, le disposer bien à plat sur une toile cirée ou un plastique lisse, en lui donnant sa forme carrée. Lorsqu’il se décolle tout seul, il peut être repassé.

– Il ressort alors impeccable, sans pli au repassage.             

 D’une lectrice, Mme D.

Avec tous les remerciements de la rédaction

 

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Le chef de famille

Chers grands-parents,

 

I – Le principe

           Il m’a semblé, de prime abord, que cet article s’adresserait principalement aux grands-pères. Cependant, après relecture de l’épître de Saint Paul1, je me suis aperçue de la finesse avec laquelle l’église donnait son rôle à chacun des époux. Elle ne fixe pas ce que chacun doit imposer à l’autre, mais plutôt ce que chacun doit s’imposer à soi-même pour que la famille fonctionne harmonieusement. « Maris, aimez vos femmes… femmes, soyez soumises à vos maris ». Le chef de famille existe parce que son épouse lui en laisse la place ! L’exigence est forte pour les deux époux ! Le mari doit aimer sa femme comme le Christ a aimé l’Eglise et est mort pour elle ! La femme doit être soumise en tout à son mari ! La sainteté de la famille est subordonnée à l’application de ces préceptes de l’Ecriture !

Bien sûr, l’esprit dans lequel ces prescriptions doivent être appliquées mérite d’être bien compris. La hiérarchie dans le ménage doit être comprise comme un binôme ordonné. La plupart des décisions quotidiennes sont prises en accord, parfois après discussion… l’intelligence et l’amour doivent présider aux rapports entre les époux, dans le respect du principe.

II – Et chez les grands-parents ?

  Ce modèle est-il uniquement destiné aux jeunes familles ou doit-il perdurer quand la famille se développe et que les enfants se marient ?

Il est certain que l’autorité paternelle du grand-père doit s’appliquer différemment, en particulier quand les jeunes familles prennent de la maturité. Son autorité devient moins directive, une plus grande liberté est laissée aux parents, accompagnée d’une grande disponibilité pour ses petits-enfants. On va en vacances chez les grands-parents et il y existe une liberté de bon aloi permettant à chaque famille et à chacun de s’épanouir en harmonie2.

Cependant, même dans cette situation, la structure familiale doit être maintenue. Si les grands parents laissent une certaine latitude aux enfants pour mener leur vie de famille au sein de la « grande famille », un ordre suffisant doit demeurer pour que chacun garde sa place.

Il n’y a certainement pas une seule manière de faire ! Les traditions des familles, les usages des pièces rapportées, la personnalité de chacun permettent l’épanouissement de modèles variés. Il nous semble que quelques principes de nature à structurer les choses doivent être appliqués.

Les grands-parents sont maîtres chez eux et leurs enfants viennent « pour leur faire plaisir » et nourrir la cohésion familiale. Ils doivent être délicats et vigilants à respecter les usages de la maison.

De leur côté, les grands-parents doivent veiller à ce que les familles disposent de la liberté indispensable pour s’épanouir. Chaque famille est différente et, s’il est primordial que chacun se soumette aux usages d’une vie commune harmonieuse, il peut être bien, en fonction des circonstances, de tolérer certaines imperfections pour conserver une bonne entente nécessaire à un bien supérieur. 

Les grands-parents – nous en avons déjà parlé – doivent veiller à la conservation des traditions et des usages de la famille…

Une bonne méthode est de créer un cadre permettant à la structure familiale de vivre, commençant par la prière de matin, quelques règles de vie commune (tenues, attitudes, horaires…), une attention au respect de chacun, une saine ambiance familiale et un appui constant mais généralement discret de l’autorité des parents pour permettre l’épanouissement équilibré de chaque famille.

  Prions saint Joachim et sainte Anne, patrons des grands-parents de nous éclairer dans notre rôle de chefs de famille et de nous aider à piloter au mieux notre barque.

Bon courage à tous !

 Des grands-parents

 

1 Ephésiens 5,22

2 Nous avons abordé le sujet dans le « FA N°5 » : « Les grands-parents confidents ».

 

Le père de famille

 Chère Bertille,

            Un grand merci pour ta dernière lettre et les nouvelles que tu me donnes ! Tu me dis avoir eu des conversations intéressantes avec ta responsable, tu m’expliques qu’elle est mariée et a deux enfants. La manière de vivre de cette famille fait écho à d’autres situations que tu connais et tu t’interroges sur le rôle du père de famille et comment l’épouse peut l’aider dans sa tâche.

   Il est vrai que, de plus en plus, nous sommes entourés de familles où l’homme et la femme vivent comme s’ils étaient égaux : chacun a son travail, sa voiture, ses collègues, son activité sportive ; ils partagent les tâches : le soin des enfants, les courses, les déplacements pour les enfants, la cuisine. Cela apparaît plus comme la somme de deux vies égoïstes. On se demande alors ce qui peut bien faire l’unité de la famille. Eh bien, ma chère Bertille, dans un foyer catholique, c’est le père de famille qui fait l’unité. Il donne un cadre, il indique le but à suivre, il est garant et protecteur de sa famille.

   Le père de famille donne le cadre. En effet, la famille est composée de plusieurs individus qui composent une petite société. Pour que cette dernière fonctionne il faut qu’il y ait un ordre, une hiérarchie, que chacun soit soumis à une seule autorité que le Bon Dieu a confiée au père de famille. C’est ce que nous dit Pie XII dans l’une de ses allocutions aux nouveaux époux : « Maris, vous avez été investis de l’autorité. Dans votre foyer, chacun de vous est le chef, avec toutes les obligations et les responsabilités que ce titre comporte. N’hésitez donc pas à exercer cette autorité ; ne vous soustrayez pas à ces devoirs, ne fuyez pas ces responsabilités. Que l’indolence, la négligence, l’égoïsme et les passe-temps ne vous fassent pas abandonner le gouvernail du navire familial confié à vos mains1.» Et nous, femmes, nous devons en être conscientes, pour laisser à notre mari toute sa place de chef. Cela ne veut pas dire que nous lui sommes inférieures. Nous retrouvons dans cette organisation de la famille la grande Sagesse du Bon Dieu. L’homme et la femme ont été créés de manière à ce qu’ils soient complémentaires : « Dieu a donné à la femme des vertus particulières qui la rendent apte à l’œuvre grandiose de la maternité. Ce sont la délicatesse, la persévérance, l’endurance dans la douleur, le don de soi, une intuition particulière pour deviner la souffrance des plus faibles et une ardente compassion pour la soulager. Mais cette sensibilité très fine risque fort, si elle n’est pas canalisée, de prendre le pas sur la raison […]. Comment se prévenir contre des débordements si naturels sinon, comme l’homme lui-même d’ailleurs, par une conduite ferme, et donc par l’autorité de son mari ? Et la femme est bien à plaindre si celui-ci ne remplit pas sa mission à ses côtés, ou si elle-même s’y soustrait2. »

   Le père de famille indique le but à atteindre, c’est-à-dire le Ciel. Il doit conduire sa famille vers le Bon Dieu. Voici ce que dit le Père Jean-Dominique : « Le père de famille n’est qu’un représentant de Dieu et doit donc user de son autorité au nom, et seulement au nom de Dieu3. » « …parce qu’elle nous est donnée par Jésus-Christ, cette suprême autorité que le père a dans sa famille même, afin de la conduire à la fin pour laquelle Dieu l’a établie. Le nom de père ne convient qu’à Dieu, et Dieu l’a en quelque sorte donné aux mortels pour montrer non seulement le respect dans lequel le père doit être tenu, mais l’autorité suprême qu’il doit exercer dans la famille elle-même4. »

           L’épouse a ici une place très importante et belle, comme nous l’explique le pape Pie XII : « Et vous, épouses, élevez vos cœurs ! Ne vous contentez pas d’accepter et presque subir l’autorité de votre époux, à qui Dieu vous a soumises par les dispositions de la nature et de la grâce. Dans votre sincère soumission, vous devez aimer l’autorité de votre mari, l’aimer avec l’amour respectueux que vous portez à l’autorité même de Notre Seigneur, de qui descend tout pouvoir de chef. […]. Nombre de voix autour de vous vous la représentent, cette sujétion, comme quelque chose d’injuste ; elles vous suggèreront une indépendance plus fière, vous répèteront que vous êtes, en toutes choses, les égales de vos maris et que, sous bien des aspects, vous leur êtes supérieures. Prenez garde à ces paroles de serpent, de tentations, de mensonges, ne devenez pas d’autres Eve, ne vous détournez pas du seul chemin qui puisse vous conduire, même dès ici-bas, au vrai bonheur5.» Le père de famille, aidé de son épouse pourra conduire sa famille à la sainteté en éduquant la volonté de ses enfants et en montrant l’exemple. Il ne doit être inconditionnel que de Dieu.

  Le père est garant et protecteur de sa famille. « Par ailleurs, un aspect de cette autorité revêt de nos jours une particulière importance, c’est le devoir qui incombe au mari de protéger sa femme et ses enfants. Car il est vrai également en ce sens qu’il doit user d’une grande vigilance et d’une force parfois farouche pour éloigner du foyer et des âmes à lui confiées les assauts du démon et du monde. […] Ceci est tellement vrai que Notre Seigneur prend le chef de famille comme modèle pour mettre en garde ses disciples contre l’insouciance : « Sachez le bien, si le père de famille savait à quelle heure le voleur doit venir, il veillerait et ne laisserait pas percer sa maison.» Or le voleur le plus dangereux est bien celui des âmes6. »

  Voilà, ma chère Bertille, comment doit être une famille catholique pour être bien unie. Et c’est seulement ainsi qu’elle pourra tendre à la sainteté car elle correspondra au plan divin, chacun y ayant sa place et remplissant de tout son cœur la mission que le Bon Dieu lui a donnée.

 

Anne

1  Pie XII DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX – 10 septembre 1941

2 Père Jean-Dominique, Le père de famille. p.34

3 Père Jean-Dominique, Le père de famille. p.32

4 Saint Pie X Lamento ne piu – 27 octobre 1907

5 Pie XII DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX – 10 septembre 1941

6 Père Jean-Dominique, Le père de famille. p.48-49

 

 

 

Saints de France

Refrain :

Saints de France à qui notre histoire

Doit ses jours de plus belle gloire,

Dans le malheur et le danger

Vous saurez bien nous protéger (bis)

 

  1. De la France qui se lève,

Dieu bénit le clair matin.

Par Clotilde et Geneviève,

Saint Rémi et Saint Martin.

 

  1. Des vieux Francs, la foi profonde

De l’Eglise est le soutien.

Et Saint Louis présente au monde

L’idéal du Roi chrétien.

 

  1. Pour transmettre les messages

De son Cœur victorieux,

Dieu choisit nos vierges sages

De Paray et de Lisieux

 

  1. Quand se meurt la France en larmes,

Le secours lui vient du Ciel.

Jeanne d’Arc reçoit ses armes

De l’archange Saint Michel.

 

  1. O grands Saints la France est fière

De compter près du Seigneur,

Tant d’élus dont la prière

Est un gage de bonheur.

 

A écouter dans les productions du Chœur Montjoie Saint Denis

 

Fête de Sainte Cécile

Notre citation pour novembre et décembre :  

« Il n’y a de grand parmi les hommes que le poète, le prêtre et le soldat, l’homme qui chante, l’homme qui bénit, l’homme qui sacrifie et se sacrifie », Charles Baudelaire.  

 Sanctus

Messe Solennelle de sainte Cécile

Charles Gounod (1818, Paris – 1893, Saint-Cloud)

 

 

 

 

 

 

 


Le 22 novembre prochain, honneur à la patronne de cette rubrique puisqu’elle est la patronne des musiciens, honneur à sainte Cécile dont le nom est inscrit au Canon de la Messe.

 

Cette Messe solennelle en l’honneur de sainte Cécile, composition musicale de Charles Gounod, son œuvre la plus connue (hormis ses opéras), fut donnée pour la première fois le 22 (ou le 29) novembre 1855 à l’église Saint-Eustache de Paris, pour la sainte Cécile.

 

Née en l’an 200, Cécile est mariée contre son gré au païen Valérien. Le soir de son mariage, Cécile révèle à son mari qu’elle a fait vœu de virginité et le convertit ainsi qu’un peu plus tard, son beau-frère Tiburce. Elle subit le martyre par trois fois jusqu’à sa décapitation, en chantant des hymnes à Notre-Seigneur. Pour cette raison sainte Cécile est devenue patronne des musiciens.

En octobre 1599, lorsqu’à la demande du cardinal Sfondate, on ouvrit le sarcophage de la sainte, son corps était encore intact. Le sculpteur romain, Maderno exécuta la réplique fidèle du corps supplicié, œuvre que l’on peut toujours contempler dans l’Eglise Sainte Cécile du Trastevere, à Rome.

 

Sanctus, Sanctus, Sanctus Dóminus Deus Sábaoth


Pleni sunt caeli et terra glória tua


Hosánna in excélsis


Benedíctus qui venit in nómine Dómini

 

Hosánna in excélsis.

 

 

https://open.spotify.com/search/Sanctus%20Gounod%20Kiri%20T

 

Si le père n’est pas là…

           Pour le nouveau-né, le père est d’abord une présence. Il ne sait pas « à quoi sert un papa », mais il devine son rôle et son importance à la sécurité qui émane de lui. Le père apaise les peurs, calme les caprices, les énervements, dissipe les craintes, sème la joie. Il lui suffit pour cela d’apparaître…

Mais il arrive que l’enfant soit privé de la présence de ce papa pourtant si nécessaire à son équilibre. Que ce soit par la mort, le divorce de ses parents, un abandon…ou même un père présent seulement physiquement parce que non impliqué dans son devoir paternel, l’enfant souffre tout autant de ce manque cruel de son père.

Dans le cas de la mort, l’enfant chrétien, quoi que souffrant du vide laissé par son père disparu, sait que son père n’est pas tout à fait absent puisque, étant déjà dans l’éternité il est le plus vivant de la famille. Le défunt a ainsi encore toute sa place, son souvenir reste, les photos témoignent des bons moments passés ensemble, on parle de lui, on se recueille sur sa tombe. Papa n’est plus là à la maison, mais il ne cesse de protéger sa famille, à la manière du bon Dieu, sans secours visible ; et la prière est le moyen de rester bien uni à lui. Et puis, il y a son nom que porte toute la famille, les histoires que raconte la maman pour montrer quel homme était papa et qui engendrent une admiration certaine, parfois au détriment de la mère elle-même, ou du moins pour sa faiblesse de femme. Dans ces conditions on ne s’étonnera pas que leur père vive « parmi eux » comme le maître de famille.

Les enfants de divorcés vivent un arrachement d’autant plus cruel qu’ils sont attachés à leurs deux parents qu’ils voient « en guerre », se justifiant l’un l’autre, se condamnant mutuellement…et il faudrait que les enfants jugent cela et prennent parti pour l’un ou l’autre de leurs deux parents ?! Si le divorce disloque la famille, les enfants en subissent de plein fouet de profonds traumatismes affectifs et psychologiques. Ils ne savent plus si « chez eux » est la maison de papa ou l’appartement de maman. Inconsciemment ils se reprochent de ne pas avoir réussi à empêcher la séparation de leurs parents.

Que dire des cas où l’un ou les deux parents se mettent à vivre avec une autre personne ?! Quel choc pour ces petits qui se retrouvent dans des foyers « décomposés/recomposés » !!! Comment une petite tête d’enfant peut-elle faire face à cela sans dégâts irréversibles ?!…

L’enfant né hors mariage n’est malheureusement pas un fait rare puisqu’en 2014 cela concernait 50% des grossesses en France (41% aux USA)*. Et n’allez pas croire que les milieux catholiques en soient préservés. Il ne s’agit bien sûr pas de juger, surtout si les jeunes filles (ou jeunes gens) ont eu le courage de garder leur enfant, de le faire baptiser et de l’élever, et parfois seules.

Ces enfants, souvent conçus alors que leurs parents ne souhaitaient pas particulièrement se marier, ne sont pas toujours reconnus par leur père et donc élevés sans lui. Parfois les deux parents ont une réelle affection l’un pour l’autre et sont prêts à se marier bien vite, surtout pour « sauver les apparences » aux yeux du monde, sans être vraiment certains de fonder ainsi un foyer solide … La prudence demande de ne pas précipiter les choses et de prendre le temps de bien se connaître pour savoir si l’on peut raisonnablement s’engager dans le mariage durablement.

On dit souvent que ce n’est pas parce qu’on a fait une « bêtise » qu’il faut en faire une deuxième ! Pour être à même de mieux réfléchir à cette question, il est bon que les parents de l’enfant vivent séparés pour faire leur choix plus facilement et librement…mais aussi plus saintement.

Ce n’est pas parce que cet enfant est né d’une « erreur » que le père sera un mauvais père. S’il s’investit dans son éducation en dépit de l’éloignement, s’il prend intérêt de lui, la mère pourra alors compter sur son soutien auprès d’elle, et, à moins d’un empêchement majeur, ils pourront unir leurs vies dans le mariage. S’il est mieux pour elle et pour son enfant de rester seule, elle aura ce courage de ne pas risquer un foyer de discorde et de souffrances pour toute la famille, ni même de mettre en danger sa foi ou sa santé nerveuse tant que physique.

Être absent, cela ne signifie pas forcément être éloigné physiquement, il y a des pères inexistants dans leur foyer tout en y étant présent ! On les voit distants, distraits, absorbés par d’autres soucis, ou tout simplement égoïstes au point de ne prendre aucune part à l’éducation des enfants qu’ils considèrent même comme « une affaire de femme » ! Il y a de bons pères qui sont marins ou grands voyageurs pour leur profession, mais qui restent présents au foyer par le téléphone et un vrai intérêt à tout ce qui se passe chez eux. Ils sont en communion permanente. Mais le père « absent », alors même qu’il est en présence de sa famille, devient un poids pour tous. Il s’agit-là de plus qu’une défaillance, c’est une démission qui peut provoquer de vraies catastrophes ! La mère s’épuise et s’endurcit, les enfants sont atteints d’exactement les mêmes symptômes que tous ceux qui ont été élevés sans la présence de leur père.

Le père a un rôle structurant dans la construction de la personnalité de l’enfant. Son absence n’entraîne pas systématiquement de carences, mais des études de l’INED dénoncent une délinquance des jeunes en pleine expansion surtout chez les enfants privés de père. Un psychologue est même allé jusqu’à intituler son livre « Père manquant, fils manqué » !

On constate chez ces enfants un manque de confiance en soi (si son père est parti, c’est donc que lui ne vaut pas grand-chose sinon il n’aurait pas été abandonné), échec scolaire, une éternelle insatisfaction qui entraîne : obésité, forte consommation d’alcool et de drogues, blessures par des piercing et tatouages, tendances suicidaires, et, phénomène récent, déviances sexuelles. Les éducateurs et psychologues qualifient l’absence du père comme un problème de santé publique actuellement. A partir de 10 ans l’enfant a pleine conscience de l’absence de son père, et en souffre davantage, parfois jusqu’à la révolte. Alors comment aider et soulager ces enfants ?

Il est clair que la foi et la pratique religieuse préservent nettement des effets secondaires négatifs en représentant une colonne vertébrale de valeurs morales qui soutiennent. Le sens de l’effort, du sacrifice et de la prière y contribue.

Si elle ne peut tout à fait remplacer le père, la mère a moyen de suppléer partiellement à son absence. Elle a les grâces pour cela et se doit d’être autant que possible père et mère à la fois : son enfant lui réclame inconsciemment ce qu’il attendait aussi de son père. Elle se retrouve donc face à un dilemme cruel : ou bien être trop faible, ou bien être trop dure. Allier la tendresse, la douceur, la bonté de la femme, et la fermeté, la justice, le calme de l’homme, est-ce possible, même par grâce ? S’il s’agit d’obtenir obéissance et discipline, la mère y parviendra. Mais s’il s’agit d’une transfusion de virilité cela paraît difficile.

Quelles que soient les situations citées ci-dessus, le manque du père existera toujours chez l’enfant, mais il est en partie possible de « remplacer » l’absent par une autre figure : grand-père, oncle, parrain…qui offre un contre-poids à la figure maternelle et donne à l’enfant le repère masculin dont il a besoin pour grandir. Un dernier conseil serait que l’enfant n’entende pas critiquer ou condamner son père. Même si cela se passe mal entre les deux parents, il y a des choses qui ne regardent pas leur enfant, mais surtout il y a un lien étroit entre l’image de son père et celle qu’il a de Dieu. C’est à travers le père et à l’image du père qu’est essentiellement formée la représentation de Dieu.

Sophie de Lédinghen

*Insee 

 

La prière des pères de famille

           « Qui tient la femme tient tout », s’exclama Jules Ferry, lorsqu’il plaida pour l’école laïque obligatoire. Son objectif était de faire main basse sur les consciences. Pas uniquement les consciences de son temps, mais celles du futur. Aussi voulut-il étendre l’emprise de la République laïque sur les femmes, qui souvent restaient au foyer et élevaient les enfants et les consciences de demain dans la foi catholique. Le catéchisme, la foi, la France éternelle s’est transmise ainsi pendant des siècles, sur les genoux des mères de famille parlant à leurs petits enfants.

  Comme Jules Ferry avait raison ! Peu à peu, la République pénétra les foyers, jusque dans leur intimité. Peu à peu, elle s’empara des consciences, cachée derrière les vanités. Elle avança drapée d’illusion, aidée du matérialisme et du confort, et en deux siècles, elle déchristianisa la Fille aînée de l’Eglise. La mainmise sur les consciences a tué la force d’un peuple autrefois chrétien. La République a violé les foyers, et cherche toujours à étendre son emprise totalitaire. Aujourd’hui, les Français sont démunis, désarmés, désemparés. Ils n’ont rien en quoi espérer, rien après quoi vibrer, ils s’accrochent à leurs idoles éphémères et meurent avec elles. Ils ne savent plus écouter le silence, prier, chanter, se tourner vers leur Créateur. Non, ils se prostituent et se livrent corps et âmes au premier charlatan, au premier marabout venu leur promettre richesse, confort et divertissement avec force bruit et plaisirs. Au fond de leur cœur, certains sentent le grand mensonge, ils sentent qu’on se moque d’eux, que sous couvert de fausse liberté on les enchaîne. Mais le mensonge progresse et continue son œuvre : appauvrissement moral et désormais matériel de ce peuple autrefois grand, réduit à pleurer ses cathédrales en feu sans en comprendre le sens, jeté sur les ronds-points pour crier son désarroi de se voir mourir, sans personne pour lui tenir la main, tétanisé à l’idée de se rappeler qui il est, humilié au point de battre sa coulpe sans cesse pour des crimes idéalisés au détriment de ses vrais péchés. Un peuple peureux, esclave parce qu’il ne sait plus se mettre à genoux.

  Mais il reste des chrétiens en France. Ils sont dans les foyers où l’on prie. D’abord les mères de famille, qui toujours sur leurs genoux annoncent la bonne nouvelle évangélique et transmettent la foi dans leur sacerdoce maternel. Mais plus encore par les pères de famille ! L’on a fait croire que les bondieuseries étaient choses de bonnes femmes, que les hommes vont au bistrot tandis que leurs épouses vont à l’église. Mensonge !

La prière des mères continue l’Eglise, la prière des enfants attendrit le cœur de Dieu et enchante tout le Ciel, la prière des prêtres est la seule à même de sauver l’Eglise, mais c’est la prière des pères qui reconstruira la chrétienté. Un chrétien n’est grand que lorsqu’il a le genou en terre, humilié, adorant son Dieu, le suppliant de le sanctifier et de sanctifier les siens. Le père de famille est le chef des âmes que Dieu lui a confiées. Il doit les conduire au Ciel. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus dira qu’elle découvrit l’amour de Dieu à travers l’amour de son père ; quelle responsabilité !

           Quel fils n’a pas compris beaucoup des choses de Dieu lorsqu’il surprit un matin ou un soir, son père, à genoux dans le salon, droit comme un « i », dignement et simplement abandonné dans les mains de Dieu. Qui n’a pas eu envie de prier à son tour, de découvrir la profondeur de l’intimité avec Dieu, de devenir un saint, rien qu’à voir son père prier ?

  Si la République a déchristianisé la France en prenant en otage les femmes, le cœur du foyer, Dieu reconstruira la France par la prière des pères de famille, par la tête du foyer. Quand un homme se met à genoux, droit, les yeux levés vers le ciel, c’est le regard de Dieu qui se pose sur la terre. Voilà la responsabilité des pères de familles : de preux à pieux, seule une lettre change, le « i ». Droit comme un « i » …

 

Louis d’Henriques

 

 

Quand l’époux devient père

         Il y a en tout homme qui se respecte le goût et l’espoir des responsabilités. On le voit déjà chez le jeune garçon lorsqu’il revêt son uniforme de louveteau, ou utilise pour la première fois la débroussailleuse… Mais quelles responsabilités sont comparables à celles de la paternité ? « La paternité prend tout l’homme et le prend toujours ». Être père, c’est être majeur, c’est accéder aux plus hautes fonctions pour lesquelles l’homme se sent préparé : le voici législateur, juge, maître, défenseur, prêtre, roi. Qui pourrait nier que l’homme est fait pour cela ? (Même dans un foyer sans enfant, on peut exercer une paternité spirituelle, le prêtre accède lui aussi à une paternité plus haute encore…). La paternité humaine est la révélation de la paternité divine, le père est l’image du Père.

Il est frappant de voir aujourd’hui combien le père est dévoyé, ridiculisé… Tenez, il suffit d’entendre quelques publicités à la radio pour observer à quel point il est rabaissé : il est toujours le « pauvre homme » à qui sa femme (qui sait tout sur tout !) explique quel sirop prendre pour sa toux, ou quel concessionnaire automobile aller rencontrer pour la nouvelle voiture familiale que madame a déjà choisie ! Quand ce ne sont pas les enfants eux-mêmes qui expliquent à leur benêt de père quelle nouvelle pâte à tartiner convient le mieux à leur goûter ! Et écoutez bien les voix : l’épouse est des plus charmantes, et les enfants très polis avec une jolie expression…Il n’y a que le malheureux père qui semble toujours tombé de la lune ! Pauvres pères, réveillez-vous ! Ne vous laissez pas enfermer pas dans cette case de « papa-bien-gentil qui dit « amen » à tout », retrouvez votre dignité de chefs de famille, la noblesse de votre belle mission !

La première vertu du père est la dignité, qui prend sa source dans la vie intérieure. Être père, c’est d’abord avoir désiré un enfant. Celui qui a prié pour la fécondité de son union, qui a accepté dans sa finalité l’acte qui appelle à la vie, n’est-il pas mieux préparé à assumer son rôle de père ? Il a prié pour son enfant avant de le connaître. Il est quelqu’un qui sait ce qu’il veut et ce qu’il fait.

Lorsque l’enfant naît, l’homme devenu père mesure ce que c’est que d’avoir fait commencer une destinée éternelle. Il prie tous les jours pour ce petit. Il le prend en charge. Il sent son amour pour sa femme transfiguré et approfondi. Faire réussir cette vie qui paraît si frêle, éveiller cette âme encore endormie, faire grandir jusqu’à l’âge adulte ce tout petit être, voilà la pensée qui l’habite, qui illumine toute sa vie.

Le père sait que son enfant l’admirera, puis le jugera. Est-il digne d’être admiré ? Il lui faut, pour ne pas décevoir un jour son enfant, travailler à se perfectionner, à acquérir davantage pour pouvoir donner davantage. Il essaie d’aiguiser sa foi, son intelligence, de devenir celui qu’il voudrait que son enfant soit un jour. Ainsi l’homme devenu père sent en lui le besoin d’augmenter sa valeur humaine, de grandir pour être le guide et le modèle de demain. Il faut qu’il se refasse enfant, pur et jeune, à l’image de l’enfant qui lui est confié et de l’Enfant-Dieu. La naissance de l’enfant est ainsi, pour le père, une nouvelle naissance.

Pour être un père accompli, l’homme n’est pas seul, il a à ses côtés cette compagne dont la mission est de partager sa vie. « Le chef d’œuvre d’une femme, c’est le père. Comment l’homme, ce grand garçon qu’elle a épousé, deviendrait-il ce souverain au cœur grave et juste si son intelligente et patiente tendresse n’y travaillait jour après jour ? Comment comprendrait-il ses enfants si elle ne les lui expliquait ? Comment honoreraient-ils et aimeraient-ils leur père si elle n’orientait pas leurs cœurs vers lui 1? »

La présence du père est essentielle à l’équilibre moral de l’enfant. Mais qui ne voit que c’est la mère qui fait découvrir « papa » au tout petit ? De même qu’elle donne l’enfant au père, elle doit donner le père à l’enfant. Le père et la mère offrent d’abord à leur enfant l’image d’une union parfaite, d’une tendresse et d’une confiance sans nuages. Ils doivent faire régner au foyer ce climat de paix, de joie qui fait les enfances heureuses. Il est impossible de mesurer, sur la sensibilité d’un enfant, les effets d’une mésentente simplement soupçonnée, pressentie. Aux parents de purifier leur amour, de rectifier leurs caractères, de s’aider à faire rayonner la paix. L’amour paternel, c’est l’épanouissement de l’amour conjugal. Le père sera d’abord pour l’enfant ce que le fera la maman. A elle aussi de modeler son image. Elle parlera souvent de lui, fera désirer son apparition, respecter ses affaires, admirer son courage au travail, elle fera comprendre qu’il apporte soutien et réconfort.  « On demandera à Papa. » C’est dans la mesure où elle sera tout à fait l’épouse qu’elle sera tout à fait la mère. Elle veillera cependant à ne pas trop idéaliser le père de ses enfants qui risqueraient de croire qu’il est un modèle inaccessible. Les garçons se décourageraient de ne pas lui ressembler, et les filles peineraient à s’engager dans le mariage, ne trouvant « le mari parfait » !

Les années passant, l’épouse s’est souvent affirmée dans l’éducation de ses enfants et la tenue de sa maison au sens large du terme. On pourrait en effet qualifier une maîtresse de maison, de chef d’une petite PME tant il faut organiser, agencer, diriger, fabriquer, surveiller, économiser, acheter, prendre les rendez-vous, assurer le transport, déléguer tout en supervisant…La petite fiancée tout intimidée a parfois peu à peu laissé place à une vraie matrone plus ou moins acariâtre et directive ! L’essentiel est d’en prendre conscience pour rester vigilante. Si la mère a un certain « pouvoir », elle ne le détient pas au point de mettre la maisonnée au pas, mari compris !

Lorsque le père parle, la mère s’efface et montre son soutien autant que sa confiance : n’ont-ils pas déjà abordé ensemble ces sujets de discussion pour les accorder ? Une décision a été prise ? C’est le père qui, en famille, fait part de ce que son épouse et lui ont décidé. Les enfants ne doivent sentir aucun désaccord sur des choses importantes entre leurs parents. De façon habituelle, le père bénira la table, dirigera la prière et le chapelet, et bénira ses enfants, ce sont là des marques du chef de famille. Cependant c’est à l’épouse d’être la flamme intérieure qui veille et fait que, d’un seul cœur, la famille répond à l’appel du Père.

Sophie de Lédinghen

 

1 P. Henri Caffarel

 

 

Les devoirs de vigilance et de commandement

           La piteuse réponse d’Adam, interrogé par Dieu, après la faute originelle, au sujet du fruit qui a été dérobé sur l’arbre, mérite notre réflexion ! « Dieu lui dit : Mais qui t’a appris que tu étais nu, si ce n’est que tu as mangé du fruit de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? Et Adam répondit : La femme que vous m’avez donnée pour compagne m’a présenté du fruit de l’arbre et j’en ai mangé.1»

Quelle subtilité pour délicatement faire peser le poids du péché sur tout le monde sauf sur lui … Sur tout le monde et d’abord sur Dieu lui-même. En effet – lui rappelle-t-il – c’est « la femme que vous m’avez donnée pour compagne » qui « m’a présenté du fruit de l’arbre ». Dieu est presque rendu responsable du péché parce qu’Il a placé Eve aux côtés d’Adam. Dans un deuxième temps, le premier homme « charge » autant qu’il le peut sa malheureuse épouse en dénonçant son rôle qui a été de lui présenter le fruit. Ce n’est qu’en dernier lieu, en un mot, qu’il finit par dire qu’il en a mangé …

Lorsque nous relisons cette scène, nous songeons peut-être à de brefs épisodes de bêtises enfantines où les petits hommes sont tout aussi impitoyables pour se débiner de leurs torts en accentuant ceux des autres et paraître immaculés à nos yeux. Ils sont bien là de dignes enfants d’Adam et Eve et la Genèse n’a rien perdu de son actualité.

Mais il est plus facile, justement, d’en tirer les leçons pour les autres que pour soi-même. Les pères de famille doivent les premiers, et avec tout le sérieux requis, se demander si la peu glorieuse dérobade d’Adam devant Dieu n’est pas un peu la leur. Leur honnêteté est d’autant plus requise qu’ils doivent avoir retenu de leur catéchisme que -Adam a beau dire – son péché est en réalité plus grave que celui d’Eve parce que c’est lui le chef.

Il nous semble, aujourd’hui, que la fréquente dérobade des pères de famille trouve comme alibi la puissance du féminisme. L’homme ne trouverait plus sa place dans une société féminisée et, pour éviter d’envenimer la situation, s’aménagerait une petite vie de démissionnaire. Nous ne voulons certes pas dire que, dans nos familles traditionnelles, la chose se passe souvent de la sorte. En revanche, oui, les tendances à aller dans ce sens et les tentations de s’y enfoncer ne manquent pas.

Faut-il le dire ? Pas plus que les paroles d’Adam ne le dédouanèrent de sa responsabilité devant Dieu, ceux qui abdiquent de leur rôle de chef de famille ne trouveront pas non plus grâce devant Lui en se défaussant sur leurs épouses. En, effet, lorsque Dieu donne aux êtres humains une mission, Il leur procure les secours surnaturels dont ils ont besoin pour la mener avec abnégation et courage et Il veut qu’ils la remplissent.

 Il appartient au chef d’être vigilant – c’est le premier de ses devoirs – Mais à quoi cela servirait-il de voir si on n’agit pas ? Aussi, il lui faut ensuite indiquer la route, être celui qui a le pouvoir de direction ou de commandement. Ai-je prononcé des gros mots ? Non. Je sais bien que le mot « commandement » apparaît aujourd’hui connoté d’une façon très négative, surtout s’il est utilisé dans le cadre de la vie familiale … Et pourtant !

Si Adam avait été là, avec sa femme, pour qu’elle n’aille pas  traîner auprès de l’arbre, il aurait rempli son devoir de vigilance et si, la voyant sous le coup de la tentation, il lui avait commandé de rebrousser chemin avec lui, quelle reconnaissance elle lui en aurait eue !

Laissons de côté la dialectique des marxistes … Une épouse doit encourager son mari à remplir ses devoirs de vigilance et de commandement. Il y a bien plus à craindre d’un mari démissionnaire de ses devoirs que de celui qui, même avec ses limites et ses maladresses, s’efforce courageusement de tenir son rôle. Comme l’a très justement remarqué Pie XI « (…) C’est au détriment de la femme elle-même que tourne cette fausse liberté et cette égalité non naturelle avec son mari ; car si la femme descend de ce siège vraiment royal où elle a été élevée par l’Evangile dans l’intérieur des murs domestiques, elle sera bien vite réduite à l’ancienne servitude (sinon en apparence, du moins en réalité) et elle deviendra – ce qu’elle était chez les païens – un pur instrument de son mari 2»

 

Que l’épouse ne lorgne pas de conquérir ce gouvernement qui, dans la réalité, se passe de la manière la plus douce et la plus partagée entre un mari et une femme quand chacun comprend, accepte et aime la complémentarité conjugale. Et, en définitive, qui a le plus beau rôle ? Est-ce l’homme parce qu’il gouverne ? Ou n’est-ce pas plutôt la femme qui façonne le cœur de ceux qui gouvernent et gouverneront ?

 

Père Joseph

1 Gen. 3 ; 11-12

2 Pie XI in « Casti Connubii » du 31 XII 1930