Mois : octobre 2021
La prudence
« Le prudent, nous enseigne Voltaire, se fait du bien, tandis que le vertueux en fait aux autres ». Cette conception de la prudence comme d’une sorte de mesquinerie, de pusillanimité, est popularisée au cours du XVIIIème siècle, le « siècle des Lumières », par les penseurs de la Révolution. Cependant, moins de cent ans auparavant, la Bruyère en faisait dans ses Caractères la marque de la noblesse d’âme : « Où manque la prudence, trouvez la grandeur si vous le pouvez », tandis que saint Thomas la présentait comme « la vertu la plus nécessaire à la vie totale de l’homme ». Afin de redonner à cette vertu ses lettres de noblesse, Marcel de Corte lui consacre un de ses ouvrages, La Prudence, ou la plus humaine des vertus, nous permettant de redécouvrir sa beauté et son importance dans l’agir humain.
La Prudence, d’après Aristote et saint Thomas d’Aquin
La Prudence est l’une des quatre vertus cardinales, ou morales, avec la Justice, la Force et la Tempérance. « Cardinal » vient du latin cardo, ce qui se traduit par gond ou pivot. Quant à « Moral », il s’agit de ce qui est conforme aux mœurs, aux règles de l’agir. Ces vertus ont pour rôle de guider l’action de l’homme, en lui permettant de faire le bien et d’éviter le mal. Par elles, l’homme remplit sa nature d’être raisonnable et politique, en régissant sa manière d’agir par rapport à la société où il se trouve et au bien commun. Parmi ces quatre vertus, la prudence a la primauté. Elle est, selon les mots d’Aristote et de saint Thomas, la Recta ratio agibilium, la « droite règle de l’agir ». Son but est de « gouverner la vie de l’homme », de mener chaque acte, quel qu’il soit, vers sa fin bonne. saint Thomas dit qu’elle est « l’art de bien vivre », et donc nécessaire pour progresser dans la vertu. Cette importance peut sembler étonnante au premier abord, aussi Marcel de Corte, citant toujours Aristote et saint Thomas, analyse plus profondément ce en quoi elle consiste ainsi que les trois étapes qui la composent : la délibération, le jugement et l’exécution.
La Prudence, nous l’avons dit, est la manière de mener toute action vers sa fin.
– La délibération, ou conseil, est « la recherche conduite par la raison relativement aux actions à faire ». Cette recherche, dans les cas où la réponse n’est pas évidente, se fait auprès de ceux qui ont le savoir, l’expérience, avant de devenir plus naturelle, plus instinctive. Elle appelle l’humilité de la part du sujet, qui reconnaît son ignorance et se met à l’école de plus sage que lui, mais aussi un juste choix des « maîtres » à consulter. Une fois les différents avis rassemblés1 (plus l’acte est important, plus la délibération est longue et les conseils nombreux), il est alors nécessaire de choisir, de juger de ce qui a été délibéré.
– Le jugement détermine ce qui est le plus juste en fonction de l’objectif à atteindre, en écartant les propositions idéalistes (qui ne manquent pas dans un monde dénaturé comme le nôtre) pour se concentrer uniquement sur la solution réaliste, conforme à la fin de l’action recherchée. Il détermine, parmi les différents choix qui se présentent à lui, quel est le plus adéquat et le plus conforme à la fin recherchée, en fonction du contexte présent. Juger appelle un certain sens critique, une certaine connaissance des principes et un certain caractère. Si la délibération a en effet comme objectif de recueillir l’avis des maîtres, le jugement n’est en rien une application stupide de ce qui a été dit par tel ou tel, mais bien plutôt l’expression d’une volonté propre du sujet qui choisit l’une des options qui s’offrent à lui en acceptant les conséquences possibles et en les assumant. Juger engage déjà la responsabilité, avant même que l’action soit exécutée, car il entraîne naturellement un acte de la part du sujet.
– Une fois que la décision induite par le jugement est prise, il reste à la mettre en œuvre. Cette partie est la plus importante de la Prudence, car cette dernière étant la vertu de l’agir, elle doit se concrétiser dans un acte. Il est des hommes qui sont dotés d’une sagesse remarquable et d’une connaissance des choses qui force le respect. Ces hommes sont de bons conseils et savent les moyens de parvenir à une fin donnée, mais certains se refusent d’agir par crainte, par désintérêt, ou encore parce qu’ils considèrent que leur devoir est d’éclairer leur prochain plutôt que d’agir pour le sauver. Cela est hautement imprudent et dommageable, et le bon sens populaire ne manque pas de bons mots pour condamner cette apathie : « Il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne font pas d’erreurs », « qui ose gagne » … Car agir est prendre un risque : risque de se tromper, de se faire du mal, de ne pas rencontrer le résultat escompté. Mais risque nécessaire car lié intimement à un bien que l’on a jugé supérieur, plus digne d’être poursuivi, et ultimement rattaché au Bien suprême qu’est Dieu.
La prudence, d’après le monde moderne
« La prudence, lit-on dans le Larousse, est l’attitude de quelqu’un qui est attentif à tout ce qui peut causer un dommage, qui réfléchit aux conséquences de ses actes et qui agit de manière à éviter toute erreur ». Il ne s’agit plus de viser au plus grand bien, objectif et indépendant de notre volonté, mais d’atteindre un bien personnel, subjectif, opposé au bonheur spirituel suite au rejet de la nature humaine, dirigée vers Dieu. Ainsi le « Prud’homme » des temps médiévaux, tant vanté par saint Louis2, a laissé la place au « influenceurs » des réseaux sociaux, aux girouettes humaines qui ne s’engagent jamais afin de toujours être du côté de la bien-pensance, du consensus populaire. Des trois actes de la Prudence, le monde moderne ne conserve en effet que la délibération, en l’étendant à l’extrême pour au final s’exempter de juger et s’éviter les conséquences potentiellement négatives d’une prise de position et d’un passage à l’acte. Et quand les circonstances les obligent à poser un acte, censément réfléchi et raisonnable, combien de fois voyons-nous ces Homonculi3 revenir sur leur parole et prétexter leur revirement, qui dans bien des cas est une trahison, par une ignorance des conséquences, un « changement de programme », un manque de réflexion. Cette prudence, synonyme de pusillanimité et de lâcheté, troque la moralité de chaque acte, dépendant de la fin visée, par une « morale de situation » liée au contexte particulier.
Rejetant les notions fondamentales de bien commun et de vérité, l’homme moderne fait de la Vox Populi le nouvel Evangile, le nouveau Décalogue. Les démocraties modernes deviennent alors les refuges parfaits de ces éternels enfants, condamnés à rester comme tels parce que rejetant toute responsabilité et toute atteinte à leur confort. A cette tyrannie du nombre s’ajoute le dictat suprême de la technique, des procédures. On crée des schémas qui s’efforcent de donner une solution miracle à chaque situation, en forçant si besoin la réalité à rentrer dans le cadre que l’on a établi. Le particulier, objet de la vertu de prudence, se trouve noyé dans le général. Le chef et le juge, premiers concernés par cette vertu, car ayant l’agir le plus important au vu du bien commun, se transforment en techniciens chargés d’appliquer les protocoles. Cela se vérifie dans la puissance toujours plus grande donnée à la Loi, chargée de remplacer l’absence générale de prudence pour assurer un semblant d’ordre social, car moins l’homme est prudent, plus il est nécessaire de le canaliser par la contrainte : « La loi joue ici le rôle de la prudence chez ceux qui n’en ont pas ».
Cultiver la prudence
La vertu est un habitus, c’est-à-dire une « disposition stable à faire le bien », de manière ferme (« Firmiter »), rapide (« Expediter ») et agréable (« Delectabiliter »). Cela sous-entend un apprentissage qui peut être l’œuvre de toute une vie, puisque les vertus ne grandissent pas seules mais s’imbriquent et se soutiennent mutuellement. Il en est ainsi pour l’acte de prudence, qui bien que dominant l’ensemble de l’agir humain, doit s’appuyer sur la justice, la force et la tempérance pour atteindre sa perfection. Comment, en effet, un homme égoïste et soumis à ses pulsions pourrait, de manière habituelle, agir conformément à la règle de la prudence ? Discerner la vérité, arrêter le meilleur moyen de l’atteindre et le mettre en œuvre demande une disposition favorable au bien. Cela n’est bien sûr pas l’apanage des seuls chrétiens, un non croyant pouvant tout à fait être animé par l’amour du bien commun et faire grandir en lui, avec l’aide de la grâce actuelle que Dieu offre à chaque homme, les vertus de justice, de force et de tempérance ; sa prudence sera seulement imparfaite tant qu’elle restera cantonnée aux vues humaines, mais trouvera son ultime justification dans l’amour de Dieu, Bien suprême.
De manière plus concrète, l’acquisition de la prudence, vertu de chef car vertu de l’agir, et vertu de « l’homme total », demande d’aimer le bien, et donc de le connaître. D’où le bienfait évident de la formation personnelle, tant spirituelle (religieuse) qu’intellectuelle : aimer entraîne une volonté de se rapprocher, de connaître plus profondément, et de cette connaissance grandit l’amour. Les ouvrages de maîtres ne manquent pas pour découvrir ou approfondir les grandes vérités de l’existence et celles de Dieu. Ces « maîtres à penser » transmettent aux générations qui les suivent la sagesse des temps, s’étant eux-mêmes appuyés sur les hommes de bien les précédant. La docilité à leur enseignement est une autre condition sine qua non pour acquérir la prudence, comme le souligne le livre de l’Ecclésiastique : « Tiens-toi au milieu des anciens prudents, et unis-toi de cœur à leur enseignement ». Il est également nécessaire de prendre garde au « prêt à penser » si présent dans notre monde moderne : télévision, radios et autres médias qui sont autant d’écrans, dans le sens d’obstacles, à un jugement droit et posé. La prudence demande une vie intérieure, et non pas une vie artificielle constamment connectée à la 4G et aux ondes. Ce serait faire ainsi le jeu du monde, « ennemi de tout forme de vie intérieure », avide de faire de chacun de nous des homo emptor, des « hommes consommateurs ».
« Pareille à l’aurige qui, fermement appuyé de ses deux pieds sur le plancher du char, dirige celui-ci vers le but de la course, elle guide toutes les vertus vers leurs accomplissements. » Cette image, reprise des anciens philosophes, montre bien cette suprématie de la prudence sur les autres vertus de l’agir, mais également la nécessité pour elle de les faire grandir en parallèle pour progresser. Hélas, on préfère aujourd’hui voir les autres courir à notre place plutôt que de prendre les rênes, et le monde souffre cruellement de l’absence de ces hommes prudents, appelés à guider leur prochain dans la voie de la vérité et du Bien. Cependant, n’oublions pas que si la Prudence est reine de l’agir et « la plus humaine des vertus », la vertu des hommes complets, elle ne saurait surpasser la Charité, vertu des chrétiens. Aussi, si certains sont appelés à commander, et d’autres à transmettre la science, selon les mots de l’Apôtre, tous sont appelés à servir Dieu sur terre et dans les cieux : soyons humains, c’est entendu, mais soyons par-dessus tout chrétiens.
Un animateur du MJCF
Conseils de Saint Jean Bosco
Voici les trois conseils donnés par saint Jean Bosco au petit garçon qui voulait savoir comment s’y prendre pour devenir saint et qui deviendra le grand saint Dominique Savio :
¨ Primo : Ne pas s’emballer, car on ne reconnaît pas la voix du Seigneur quand l’âme est inquiète.
¨ Secundo : Continuer à faire son devoir d’état qu’il s’agisse du travail de classe ou des exercices de piété.
¨ Tertio : S’amuser de tout son cœur en récréation.
Et aucun de ces trois conseils ne doivent prendre le pas l’un sur l’autre ; ils sont tous trois d’égale importance.
Prière à saint François, ce stigmatisé si joyeux1
Bien aimé saint François, prenez-moi, je vous en supplie, dans vos mains crucifiées pour me plonger dans le cœur ouvert de notre Dieu, de notre tout.
Je ne vous demande pas de m’apprendre la résignation, c’est une lâcheté pour ceux qui sont fatigués d’aider Jésus à sauver le monde ; mais je vous demande de m’enseigner la louange, vous qui êtes un Séraphin. La louange, quand le seul Saint veut bien dans Sa miséricorde inouïe me faire une petite place sur Sa Croix où je suis un avec Lui. Donnez-moi ainsi de n’être pas un Cyrénéen maussade et bougonnant.
Je ne vous demande pas de m’apprendre la modération, et l’équilibre, et la mesure, et le juste milieu, parce qu’il n’y a pas de juste milieu entre Tout et rien, entre l’Infini et le créé, entre Jésus vivant de ma mort et moi vivotant malgré Sa Mort ; mais je vous demande de m’apprendre à me donner tout à Lui sans mesure, à souffrir avec Lui au-delà de cette timide mesure que les événements me proposent, à connaître la joie de Sa splendeur sans mesure, à mettre dans mon amour pour Lui cette unique mesure dont parle saint Bernard et qui est de n’en pas avoir.
Je ne vous demande pas de m’apprendre le contentement qui est la mort de la joie, la clôture acceptée de nos limites, la délectation du néant qui se suffit ; mais je vous demande de m’obtenir l’héroïsme de n’être jamais satisfait, le désir inextinguible de franchir tous les barrages jusqu’à l’Amour, l’élan pour obéir à tous les appels de Celui qui m’exige, la soif inassouvie jusqu’à l’éternité, pour moi et pour tous les hommes, de l’enivrement dans le Sang de l’Agneau, de la totale combustion dans le Feu dévorant de Yahvé.
Bien aimé saint François, veillez sur moi pour écarter toujours le détestable enfer d’une allégresse sans stigmates et l’horreur d’une croix sans amour exultant. Si je succombe à Satan jusqu’à m’ennuyer sur la Croix, jusqu’à ne plus la désirer comme l’unique béatitude, alors obtenez pour moi de brûler ma tiédeur au souffle du Crucifié qui réjouit ma jeunesse. Et si mon enthousiasme fait alliance avec les pitreries vaniteuses, les orgueils troubles, les plaisirs trop humains, vous qui savez tant L’aimer, implore la Cause de notre joie de m’arracher à ces consolations maudites, et aidez-moi à me tourner vers NotreDame pour lui demander la plus haute grâce de Son Fils :
« Fac me plagis vulnerari,
Fac me Cruce inebriari,
et cruore filii ».
Ainsi soit-il !
1 Prière écrite par un grand handicapé.
Restaurer une maison ancienne
Les boiseries intérieures (1) : les portes
Les boiseries intérieures, tant les lambris sur les murs que les portes intérieures, ont donné lieu à bien des beautés du travail du bois par les menuisiers, qui les agrémentaient parfois de détails amusants.
Dans la restauration d’une maison ancienne, il est important de connaître les spécificités selon les époques pour en garder le caractère authentique, ou du moins de s’en approcher, pour éviter des notes disgracieuses ou en désaccord avec l’époque de la maison.
La principale caractéristique de la porte ancienne est qu’elle vient en saillie sur le dormant (la partie bois qui entoure l’ouverture de la porte). Le battant de la porte vient donc par-dessus le bois fixe et se ferme avec un loquet le plus souvent, ou une clenche.
Ce battant est souvent adouci sur les trois côtés (haut et latéraux) par une doucine ou moulure.
Les portes modernes, où le battant est dans l’axe exact du dormant, ont bien moins de charme. De plus, le bois a moins de latitude d’y jouer naturellement que sur le bâti ancien. Soit cela bloque quand le bois gonfle, soit si l’on rabote un peu trop, il se produira « un jour » trop important, lorsque le bois séchera. La manière de faire des anciens menuisiers était donc plus logique pour respecter ce matériau vivant.
Ces portes étaient souvent larges, voire à deux battants dans les demeures d’importance, mais peu hautes car la population était plus petite que de nos jours. Les dimensions que l’on trouve fréquemment sont 0,80 à 0,90 m pour la largeur et 1,85 à 1,90 m pour la hauteur.
La fermeture se faisait par une béquille, ou un bouton que l’on actionne d’un côté, soulevant de l’autre une longue penture.
La partie haute de la porte pouvait être vitrée pour laisser passer la lumière, avec un petit rideau que l’on tirait le soir pour l’intimité de la chambre.
Pour éclairer un couloir ou un petit recoin, les dessus de portes (pleines) pouvaient être surmontées d’impostes à petits (XVIIIème) ou grands (XIXème) carreaux. Il est bon de les conserver, voire d’en créer, en récupérant des parties de fenêtres anciennes qu’un bon menuiser saura replacer sans difficulté.
Les moulures des portes ont évolué selon les époques. Au XVIème siècle et début XVIIème, le motif dit « en plis de serviettes » est d’usage, tandis qu’à l’époque classique (seconde moitié du XVIIème), nous trouvons un grand panneau, ou double panneau en bas et un autre en haut, droit ou « en chapeau » de gendarme au XVIIIème.
Parfois, dans une maison ancienne, co-existent des portes d’origine, moulurées et d’autres modernes, planes pour des pièces nouvellement créées. Un bon moyen d’harmoniser ces dernières avec l’existant est d’y appliquer des panneaux et moulures en imitant le mieux possible les anciennes. Une fois peintes, et ayant choisi des poignées en harmonie, rien (ou presque…) n’y paraîtra.
Quand on le peut, lors de la création d’une pièce, il faut tâcher de récupérer dans des bric à brac, des portes anciennes. Le menuisier fera ensuite le dormant en fonction du battant de porte trouvé.
Nous verrons la prochaine fois les lambris (ou boiseries) et leur raison d’être.
Jeanne de Thuringe
Notes : planche tirée du livre « La maison de pays » de René Fontaine.
Conseils de saint François de Sales
Je vous recommande la sainte simplicité. Regardez devant vous, et ne regardez pas à ces dangers que vous voyez de loin… Il vous semble que ce soient des armées ; ce ne sont que des saules ébranchés, et cependant que vous regardez là vous pourriez faire quelques mauvais pas. Ayons un ferme et général propos de vouloir servir Dieu de tout notre cœur et toute notre vie ; au bout de là, n’ayons soin du lendemain. Pensons seulement à bien faire aujourd’hui ; et quand le jour de demain sera arrivé il s’appellera aussi aujourd’hui, et lors nous y penserons. Il faut encore à cet endroit avoir une grande confiance et résignation en la providence de Dieu. Il faut faire provision de manne pour chaque jour, et non plus ; et ne doutons point, Dieu en pleuvra demain d’autre, et passé demain, et tous les jours de notre pèlerinage. »
« Ces brouillards ne sont pas si épais que le soleil ne les dissipe. Enfin Dieu qui vous a conduit jusqu’à présent, vous tiendra de sa très sainte main ; mais il faut que vous vous jetiez, avec un total abandonnement de vous-même, entre les bras de sa providence, car c’est le temps désirable pour cela. Se confier à Dieu dans la douceur et la paix des prospérités, chacun presque le sait faire ; mais de se remettre à lui entre les orages et tempêtes, c’est le propre de ses enfants ; je dis, se remettre à lui avec un entier abandonnement ».
1 Aux sources de la joie avec saint François de Sales, chanoine Vidal
L’instruction en famille : vers l’interdiction ?
Nous avons laissé le projet de loi une fois celui-ci voté l’hiver dernier par l’Assemblée nationale. Il est temps de présenter une appréciation critique de la réforme avant de reprendre le fil de la discussion de celle-ci au Parlement.
Appréciation critique de la réforme
Le remplacement du régime de simple déclaration par un régime d’autorisation préalable très encadrée appelle des critiques de principe fondées tant sur le droit naturel que sur le droit positif.
Parmi les arguments de doit naturel se trouve le principe selon lequel les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. La liberté dont disposent les parents dans ce domaine est un droit qu’ils tiennent de Dieu lui-même devant qui ils devront répondre de la façon dont ils l’ont utilisée. La fonction de l’Etat est de compléter, voire le cas échéant de suppléer, le rôle d’éducateurs dévolu aux parents. Ce principe de la liberté parentale de choisir le mode d’éducation de leurs enfants ne doit pas être la victime expiatoire de l’incapacité de la laïcité à combattre les abus d’une religion conquérante. En outre, cette liberté préserve les familles de toute dérive vers le totalitarisme. Les régimes totalitaires commencent toujours par enlever les enfants à leurs parents pour les faire éduquer par l’Etat. Enfin, l’Etat peut suppléer les parents dans leur rôle d’éducateur mais les éventuelles carences de ceux -ci ne peuvent être présumées.
Le droit positif vient, une fois n’est pas coutume, au secours du doit naturel. La liberté d’enseignement est une liberté protégée par la Constitution en tant que principe fondamental reconnu par les lois de la République. Il en résulte que son exercice ne peut être soumis à une autorisation administrative. En droit international, la liberté d’enseignement est reconnue par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention européenne des droits de l’homme. Or, depuis 1946, les traités l’emportent sur le droit interne de la France. Dans une décision rendue le 19 juillet 2017, le Conseil d’Etat a jugé que le principe de la liberté d’enseignement implique la possibilité de créer des établissements hors de tout contrat avec l’Etat tout comme le droit des parents de choisir pour leurs enfants des méthodes alternatives à celles proposées par le système scolaire public, y compris l’instruction au sein de la famille.
Plus généralement, la mesure d’interdiction de l’instruction dans la famille est inscrite dans un projet de loi destiné à lutter contre le séparatisme islamique alors que le lien entre les deux n’a jamais été établi. Même si l’interdiction faite aux parents d’invoquer à l’appui de leur demande d’autorisation leurs convictions philosophiques, politiques ou religieuses a été retirée du texte, celles-ci ne pourront cependant pas être invoquées car seul l’intérêt supérieur de l’enfant, apprécié par l’administration selon des critères que la loi n’a pas fixés, pourra justifier une telle demande. Le quatrième cas de dérogation à l’interdiction de l’école à la maison, la situation particulière de l’enfant motivant le projet éducatif, est particulièrement flou. Enfin, la généralité de la mesure d’interdiction qui s’applique de façon uniforme aux enfants âgés de 3 à 16 ans encourt la critique.
L’examen par le Sénat
Le Sénat a examiné le texte en commission en mars, puis en séance publique du 30 mars au 12 avril 2021. Il a souhaité trouver un point d’équilibre entre lutte contre le séparatisme et liberté d’enseignement. Il a considéré que le texte remettait en cause la liberté de l’enseignement et que les objectifs que le gouvernement s’est fixé pour lutter contre le séparatisme auraient pu être atteints en utilisant pleinement les dispositifs existants. S’il a supprimé du projet de loi les dispositions relatives à l’interdiction de l’instruction en famille et maintenu le régime actuel de la déclaration, le Sénat a renforcé les mesures de contrôle. Les parents condamnés pour infractions sexuelles ou pour violence ne pourront exercer l’instruction en famille. Celle-ci sera également interdite en cas d’absence de déclaration ou de déclaration frauduleuse. Les personnes chargées de cette instruction devront présenter dans leur déclaration les modalités d’organisation de cette instruction et l’enseignement ainsi dispensé devra l’être principalement en français. Enfin, seuls des inspecteurs académiques spécialement formés pour ce mode d’instruction pourront exercer le contrôle pédagogique prévu par la législation.
L’échec de la commission mixte paritaire et le vote final du texte le 23 juillet
Les deux assemblées du Parlement ayant voté des textes différents, le gouvernement a décidé de provoquer la création d’une commission mixte paritaire composée de sept députés et de sept sénateurs chargée de trouver un compromis sur le contenu du projet de loi. La commission mixte paritaire s’est réunie le 12 mai et a vite constaté que les positions des deux assemblées étaient trop divergentes pour que puisse se dégager un accord.
Le texte est revenu à l’Assemblée nationale qui l’a examiné en séance publique du 28 juin au 2 juillet 2021. Ce fut en quelque sorte une seconde lecture au rabais, le gouvernement n’était pas représenté par le ministre de l’intérieur qui avait préparé et porté la réforme. Sur les dispositions concernant l’enseignement, le ministre de l’éducation nationale n’a assuré qu’un service minimum et une secrétaire d’Etat à la notoriété encore en devenir, Nathalie Elimas, en soutenait, assez faiblement d’ailleurs, la discussion. Les débats ne présentaient, il est vrai, guère d’intérêt, la majorité La République en marche ayant décidé, sur l’instruction en famille comme sur presque toutes les dispositions du projet, de revenir au texte qu’elle avait voté en février, sans tenir compte des apports du Sénat, et d’opposer une fin de non-recevoir aux amendements présentés par les députés de l’opposition.
Le Sénat a examiné le texte le 20 juillet. Prenant acte du vote par les députés d’un texte ignorant sa contribution au débat, les sénateurs ont rejeté en bloc le projet de loi. Le gouvernement a demandé à l’Assemblée nationale de statuer définitivement et celle-ci a le 23 juillet, dans l’indifférence générale, entre deux lectures du projet de loi sur le covid, voté à nouveau le texte qu’elle avait adopté le 2 juillet.
La saisine du Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le 13 août 2021. Il n’a statué que sur les dispositions dont il avait été saisi par les parlementaires, ce qui lui a permis de ne pas se prononcer, au moins à ce stade, sur le renforcement du contrôle de l’Etat sur les écoles hors contrat et les associations cultuelles. Sur l’instruction en famille, il a considéré que la loi était conforme à la Constitution dans la mesure où il ne s’agit pas, selon lui, d’une liberté fondamentale, protégée au même titre que la liberté d’enseignement, mais d’une modalité de mise en œuvre de l’instruction obligatoire. Il a toutefois émis des réserves d’interprétation : le recours à cette technique juridique lui permet de ne pas censurer une loi tout en en donnant l’interprétation que devront suivre l’administration et les tribunaux. Le Conseil constitutionnel a ainsi interprété la loi pour limiter le pouvoir d’appréciation des rectorats saisis d’une demande de dérogation en vue d’assurer l’école à la maison : ceux-ci ne pourront, pour fonder leur décision, que vérifier la capacité des personnes responsables de l’enfant à donner à celui-ci le socle commun de connaissances, de compétences et de culture prévu par la législation et s’assurer que le projet éducatif d’instruction en famille comporte les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage de l’enfant. Un décret devra préciser la procédure à suivre par les rectorats conformément à cette interprétation donnée par le Conseil constitutionnel. Cette décision, plus politique que juridique, ne rend pas bonne une loi qui reste mauvaise mais en réduit les effets les plus pervers. Le combat mené n’aura pas été complètement vain.
Thierry de la Rollandière
La louange
Dans ses Méditations sur l’Evangile, le bienheureux Charles de Foucauld nous donne un des fondements de la joie chrétienne, fleuron de notre Foi et de notre fierté d’être catholiques.
Saint Matthieu, 21,16 : « … et les enfants … criaient dans le temple : Hosanna au Fils de David. »
Notre-Seigneur approuve les enfants qui chantent : « Hosanna au Fils de David ». Il approuve donc, Il veut qu’on le loue… Il ne Lui suffit pas qu’on le remercie, qu’on Lui demande pardon, qu’on Le prie d’accorder des grâces ; ces trois mots : « merci, pardon, secourez-nous », si indispensables, et qui doivent être à tout instant dans nos cœurs sur nos lèvres, ne suffisent pas pour Le prier comme nous le devons : il faut encore Le louer. Louer, c’est exprimer son admiration et, en même temps, son amour, car l’amour est inséparablement uni à une admiration sans réserve. Donc, louer Dieu, c’est se fondre à Ses pieds en paroles d’admiration et d’amour, c’est Lui répéter de toutes les forces qu’Il est infiniment parfait, infiniment aimable, infiniment aimé, que Sa beauté, notre admiration et notre amour sont sans mesure ; c’est Lui dire sans fin. Lui dire sans pouvoir mettre de terme à une si douce déclaration, qu’Il est beau et que nous L’aimons.
Combien la louange fait partie essentielle de l’amour ; combien, par conséquent, elle fait indispensablement partie de nos devoirs envers Dieu ; c’est facile à voir… Mais il est une deuxième cause pour laquelle nous devons à Dieu la louange ; c’est que, nous permettre de la Lui adresser, c’est de sa part une incomparable faveur : permettre à quelqu’un de nous dire, de nous répéter sous toutes les formes qu’il nous aime, n’est-ce pas la plus grande faveur que nous puissions lui faire ? N’est-ce pas lui dire que Son amour nous plaît, nous est agréable, n’est-ce pas lui dire que nous l’aimons aussi ?… Dieu nous permet de nous tenir à Ses pieds, murmurant sans fin des paroles d’admiration et d’amour : quelle grâce, quelle bonté, quel bonheur ! … Mais, quelle ingratitude si nous méprisions une telle faveur ! Ce serait la mépriser que de n’en pas profiter, et non seulement Dieu nous permet ce bonheur des bonheurs, mais Il nous l’ordonne : Il nous ordonne de Lui dire que nous L’admirons et que nous L’aimons, et nous ne répondons pas à une invitation si précieuse et si douce ? quelle ingratitude ! quelle indignité ! quelle grossièreté, quelle monstruosité !
Mon Seigneur et mon Dieu, apprenez-moi à trouver toute ma joie à Vous louer, c’est-à-dire à Vous répéter sans fin que Vous êtes infiniment parfait et que je Vous aime infiniment : « Delectare in Domino et dabit tibi petitiones tuas » avez-Vous dit. Apprenez-moi à me délecter en Vous, dans la vue de Vos infinies beautés et le murmure amoureux et incessant, à Vos pieds, de Vos louanges !…
Sainte Magdeleine, obtenez-moi la grâce de louer Notre-Seigneur, notre Maître commun, comme Il veut que je le fasse !
Courgettes- Macarons
Courgettes façon pizza
Ingrédients :
– Courgettes
– Sauce tomate
– Jambon
– Mozzarella
Préparation :
– Couper les courgettes en grosses rondelles.
– Mettez-les crues dans un plat à four.
– Mettez dessus de la sauce tomate, jambon, mozzarella….
– Aspergez le tout avec de l’huile d’olive et mettez au four pendant environ 20 minutes à 150°C.
C’est rapide et délicieux !
Macarons
Ingrédients pour 30 pièces :
– 125 g d’amandes en poudre
– 250 g de sucre glace
– 4 blancs d’œufs
– 2 ou 3 gouttes d’extrait ou d’essence de vanille
– 125 g de chocolat noir
– 125 g de crème fraîche liquide
– Si vous voulez avoir des macarons roses, mettez quelques gouttes de colorant rose.
Préparation :
– Sortez la grille du four. Préchauffez le four à 145°C.
– Tamisez les amandes avec le sucre glace.
– Montez les blancs en neige avec le sucre glace.
– Incorporez délicatement le mélange amandes-sucre aux blancs en neige en ne les laissant pas tomber.
– Utilisez une poche à douille pour dresser les macarons sur toile silicone ou papier cuisson.
– Faire cuire 15 minutes. Les macarons doivent être dorés et craquants.
– Laissez-les refroidir avant de les démouler.
– Faire fondre du chocolat au bain marie, rajoutez le même poids en crème fraîche liquide chauffée.
– Mélangez les deux et mettre au réfrigérateur en posant un film dessus. Faire le montage quand la crème est froide et dure…
Bon appétit !
Henri Charlier et l’ouvrage Culture, école, métier
Henri et André Charlier sont deux grands convertis au catholicisme du 20ème siècle qui ont eu un parcours remarquable. Henri est né en 1883, baptisé à 31 ans et mort à 92 ans en 1975 au Mesnil-Saint-Loup. C’est un de nos plus grands artistes peintre et sculpteur catholique de la 1ère moitié du 20ème siècle. André Charlier, né en 1895, est lui un éducateur, professeur puis directeur de l’école des Roches, un établissement scolaire de Normandie qui s’était replié à Maslacq entre Orthez et Pau pendant la 2nde Guerre Mondiale. Charlier a eu comme élève des personnalités aussi célèbres que Jean Raspail et dans l’équipe de professeurs qu’il dirigeait, un Jean Madiran. André et Henri Charlier ont nourri, éduqué, élevé des générations entières de jeunes gens, d’apprentis, d’artistes (musiciens, peintres et de sculpteurs), de paysans ou d’intellectuels, dans un authentique esprit français, le même que celui qui a animé un Charles Péguy dont ils étaient tous les deux proches.
Henri et André Charlier ont contribué au renouveau du chant grégorien en écrivant ensemble un ouvrage clé sur le sujet. Les disciples qu’ils ont eus ont permis à plusieurs générations de français de retrouver le trésor de la Tradition catholique et la grandeur de la chrétienté. Qu’il suffise de citer le monastère bénédictin sainte-Madeleine du Barroux fondé par Dom Gérard, un élève d’André Charlier à l’école de Maslaq dont il était directeur dans les années 40 ou encore le pèlerinage de Chrétienté, connu comme le pèlerinage de Chartres et dont l’idée est née au Mesnil-Saint-Loup, là ou Henri Charlier s’était installé comme peintre et sculpteur, 7 ans après sa mort en 1982 à l’occasion de la troisième édition de l’Université du Centre Henri et André Charlier fondée à Fanjeaux en 1979 avec la bénédiction de Mère Anne-Marie Simoulin. Henri et André Charlier ont été de remarquables écrivains et contributeurs à la revue Itinéraires de Jean Madiran. D’André Charlier, on lira avec beaucoup de fruits les Lettres aux Capitaines et les Lettres aux Parents qu’il adressait aux jeunes de son école et à leurs familles. Une biographie écrite par son petit-fils, le père Henri, moine du Barroux, a été publiée aux Ed. Sainte-Madeleine en 2015. D’Henri Charlier, on retient le livre La réforme politique, composé de certains de ses articles parus dans Itinéraires et surtout le très bel ouvrage sur l’enseignement, Culture, école, métier. Charlier traite dans ce livre d’une question centrale que doit se poser tout éducateur, qu’il soit parent ou professeur : quelle instruction donner à un jeune à l’école ? Quelle culture, quels savoirs transmettre ? Il apporte des réponses profondément réalistes à ces questions. Cet ouvrage est un excellent complément au livre L’intelligence en péril de mort de Marcel de Corte car il fournit des remèdes à la crise actuelle de l’éducation.
Les thèses essentielles d’Henri Charlier dans cet ouvrage sont les suivantes :
- L’école apprend à penser, à distinguer les idées et à former le jugement ;
- Cette formation s’appuie sur une authentique culture vécue : lire des écrivains dans le texte, se réciter chaque jour des vers, être capable de soutenir une petite conversation latine ou traduire des textes dans une autre langue.
- L’école doit s’articuler harmonieusement avec les métiers qui s’apprennent dans les ateliers et au contact des professionnels par l’apprentissage.
Concernant le premier point, Charlier montre que la finalité de l’enseignement n’est pas de faire retenir aux enfants dans leur mémoire le plus de choses possibles, mais de leur apprendre d’abord à penser : « Que la mémoire soit pleine de connaissances innombrables amassées par les générations des hommes est tout à fait inutile si l’esprit ne sait ni les unir en idées ni les classer. Le véritable esprit de l’enseignement n’est pas de savoir beaucoup de choses mais d’apprendre à distinguer les idées. » Blaise Pascal l’avait magnifiquement écrit : « L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. […] Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale car toute notre dignité consiste en la pensée. » Une tête bien faite plutôt qu’une tête bien pleine nous dit encore Montaigne. Penser consiste à exercer son intelligence. Ce n’est pas créer ni recréer le monde comme le désirait un Karl Marx, c’est pénétrer profondément dans la nature des choses, y voir des rapports qui ont échappé aux yeux, rattacher entre eux les faits observés.
Sur le deuxième point, on ne peut donner à un enfant, un jeune homme que ce que l’on a soi-même reçu. Il revenait à nos pères d’être les passeurs de la culture et des savoirs des générations précédentes. Pour transmettre un héritage qui ait une quelconque valeur, il appartient d’abord à ceux qui sont les gardiens de cet héritage de le cultiver. Cultiver sainement l’héritage, c’est non seulement en vivre mais le faire fructifier et enseigner à la génération suivante à faire de même. Voilà qui est bien différent du projet moderne d’accumuler dans des mémoires informatiques sans âme toujours plus d’informations de toute sorte que l’on ne retient pas car l’on invite tout le monde à se servir d’un moteur de recherche pour retrouver telle ou telle information. Le complément indispensable de l’intelligence est cette faculté de l’âme qu’est la mémoire. L’un des préjugés les plus communs que l’on rencontre aujourd’hui avec le numérique est de considérer que l’on n’a plus besoin de savoir par cœur quoique ce soit puisque l’on aurait tout au bout des doigts. C’est ce qui a fait écrire à ce pseudo-philosophe Michel Serres un opuscule intitulé Petite poucette où il vante l’usage du doigt qui accède à toute la connaissance du monde sans peine. Mais pour savoir quoi chercher encore faut-il s’être donné la peine de l’apprendre puis de recourir à sa mémoire pour le retrouver. Si vous voulez chercher ces merveilleux vers de Virgile dans l’Énéide, encore faut-il que vous sachiez que Virgile existe, qu’il a écrit l’Eneide et que ce poème raconte l’histoire d’Énée. Tout ceci a dû vous être enseigné et vous avez dû l’inscrire dans votre mémoire.
Enfin le génie de Charlier est de constater grâce à son art de peintre et de sculpteur que l’espèce de savoir enseigné dans les écoles n’est pas apte à bien former le jugement des choses pratiques si l’enseignant ne s’appuie pas sur des faits concrets, c’est-à-dire l’art de soupeser les causes différentes qui agissent en chaque cas donné. Citons-le : « Un enfant rabote une planche pour la première fois ; il apprend aussitôt que le bois a un fil contre lequel on ne peut rien ; c’est, direz-vous, de la technique tout simplement alors que c’est l’intelligence qui apprend par l’éducation de la main. C’est aussi cette constatation fondamentale qu’il y a une nature des choses à connaître, ce dont les intellectuels se passent généralement, parce qu’elle ne leur a jamais été présentée à eux-mêmes comme une chose d’expérience. Ils pensent la trouver dans des principes généraux beaucoup trop abstraits et ils ont coutume dans l’enseignement de simplifier l’explication des faits. » Les métiers enseignent qu’il y a une nature des choses. Un professeur peut être dans l’erreur, y rester toute sa vie, massacrer 1000 ou 10 000 intelligences, il garde une bonne place, puis prend une retraite confortable. Mais si le paysan manque deux fois de suite les semailles, il est ruiné. C’est l’origine de ce qu’on appelle le bon sens paysan : il sait qu’il y a une nature des choses et qu’on ne la changera pas. L’esprit d’un grand vigneron est un esprit formé – formé à observer, à induire, abstraire, déduire, généraliser.
Selon Charlier, un programme d’éducation type unirait donc tous les Français sur une conception naturelle de la vie, c’est-à-dire enseignant la loi et la morale naturelle dont la justice est le grand ressort, et ce programme s’établira d’autant mieux que l’on y joindra les textes magnifiques que nous ont laissés nos ancêtres dans l’Histoire.
Louis Lafargue