La science, de l’intégrité à la corruption  

L’homme cartésien aime croire à l’intégrité des hommes de science. Concevoir qu’à l’image des autres hommes, les scientifiques puissent faire preuve de corruption lui répugne. L’histoire de la science occidentale s’inscrit pourtant dans une longue, méthodique et persévérante révolte contre Dieu, que le mythe faustien (parmi d’autres) incarne. Mais ce qui devrait l’alarmer, au contraire, le rassure : les ennemis de Dieu ne peuvent que désirer son confort ! Et travailler à son bien !

Une corruption théologique : La perte de l’intégrité

Selon Mgr Gaume, « Le don de science n’est pas la science, il en est le moyen nécessaire, qui communique à l’entendement une impulsion, une vigueur, une étendue. De là, un discernement pour distinguer le vrai du faux, le solide de l’imaginaire, le réel de ce qui n’est qu’apparent.»1

Ce moyen nécessaire offert par l’Esprit-Saint, trouve-t-il encore asile dans l’esprit de nos scientifiques ? Qu’en est-il, dans leurs universités et leurs laboratoires, de cette exigence de fidélité au vrai, au solide, au Réel ? « Le but véritable et légitime des sciences n’est autre que de doter la vie humaine d’inventions et de ressources nouvelles »2 écrivait déjà Francis Bacon en 1620, dans son Novum Organum. Sa méthode expérimentale reposait sur « une sorte d’homologie entre le vrai et l’explicable »3 qui a considérablement restreint le domaine de la science au champ de la seule nature, tel que l’homme s’est mis à la penser dans son rejet viscéral de la scolastique médiévale et de sa philosophie : Bacon, Kepler, Leibniz, Copernic ou Newton, autant de savants humanistes dont les liens avec la kabbale, la gnose ou l’illuminisme sont aujourd’hui avérés. Leur laboratoire prolongeait l’antre de l’alchimiste, dans la vénération d’un même totem. L’abstraction de la machine humaine et celle du cosmos païen qu’on y célébrait préfigurait la fureur sans limite du transhumanisme contemporain. La première forme de corruption de la science fut ainsi une transgression d’ordre ésotérique.

Une corruption politique et financière : La soumission au politique

Lorsque la Convention révolutionnaire comprit que le télégraphe optique de Claude Chappe (1763-1805), qui dormait depuis quatre ans dans ses cartons, constituait un moyen d’inscrire la mosaïque de pays qu’était la France de l’Ancien Régime dans la cohérence spatiale et idéologique de l’État centralisé, elle finança son implantation sur tout le territoire. Le franc-maçon Lakanal, dans un rapport sur le télégraphe de la fin de l’année 1794 s’exalte : « Il rapproche les distances. Rapide messager de la pensée, il semble rivaliser de vitesse avec elle ». La propagande millénariste pour Internet évoquant  « le monde comme un village global » et « les autoroutes de la pensée » prétend-elle autre chose ? L’instrumentalisation de la science par la tyrannie politique est une vieille histoire…

Six millions de chercheurs nourris par la peur du déclassement social sont aujourd’hui en concurrence, au sein d’une communauté internationale massifiée et soumise au projet libéral globalisé : Ultra compétition et spécialisation à outrance sont leurs maîtres mots. L’incessante quête de financement transforme en universitaires du spectacle des biologistes, économistes, informaticiens, climatologues, chimistes, astrophysiciens, géologues, psychologues, pédagogues, virologues, statisticiens et consorts… Censées servir le Bien Commun, leurs recherches se trouvent assujetties au service des vérités transitoires et des fables utopiques que les États leur commandent.4

Une corruption intellectuelle : Gouffre ou périlleux défilé ?

Au lieu d’éclairer le vulgum pecus, la science se rend ainsi complice des narratifs tantôt effrayants, tantôt rassurants, destinés à abuser de sa crédulité. Pandémies à répétition, réchauffement climatique endémique, villes intelligentes, homme augmenté, procréation assistée et médecine transhumaniste sont autant d’escroqueries intellectuelles montées en bandes organisées pour piller les états et asservir les populations. Ce phénomène va croissant depuis l’avènement du scientisme, lorsque le prestige du savant usurpa celui du prêtre, et le statut de la découverte scientifique celui du sacrement : la religiosité qui adouba la vaccination de Pasteur entoure aujourd’hui la promotion de l’intelligence artificielle : pour dénoncer cette fraude langagière, Gérard Berry5 dans sa leçon inaugurale du Collège de France, oppose l’intelligence humaine et l’intelligence artificielle : « intuition, rigueur, lenteur, d’un côté, rapidité, exactitude, stupidité de l’autre », lâche-t-il. Entre les deux, un gouffre ! Ce qui pose évidemment un problème de maîtrise. Car l’intelligence artificielle, c’est de l’information ; et l’information, ce n’est ni de la matière ni de l’énergie.

Afin de ne pas succomber à la fascination devant l’intelligence artificielle, on ne peut que méditer la prière de saint Bonaventure, dont le De reductione artium ad theologiam, classe l’habileté technique, « inventée par l’homme pour suppléer aux déficiences de son corps » au plus bas dans la  « hiérarchie des lumières », et la science de l’oraison au plus haut : « Dangereux, enseigne-t-il, est le passage de la science à la sagesse, si l’on ne place au milieu la sainteté ! Aidez-nous à franchir le périlleux défilé ; faites que toute science ne soit jamais pour nous qu’un moyen de la sainteté pour parvenir à plus d’amour.» Mais, la science contemporaine, dans un degré plus périlleux encore que l’art contemporain, s’est éloignée du souci du véritable Bien Commun, dans la fidélité aux lois de la Création. Comme les catholiques prient pour recevoir de Dieu de saints prêtres, il leur faut pareillement prier, aujourd’hui, pour des scientifiques qui soient des saints…

G. Guindon

 

1 Mgr Gaume, Traité du Saint Esprit, ch. 29, p 596

2 Bacon, «Aphorisme 81», Novum Organum sive indiciade interpretatione naturae.-, (1620) p. 141.

3 Nissim Amzallag, La Réforme du Vrai

4 Voir à ce sujet l’instructif Mythes et réalités de la science du physicien Jérôme Halzan.

5 Les cours de Gérard Berry sont disponibles en ligne sur le site Internet du Collège de France

 

A l’école

Est-ce que le savoir-vivre s’applique aussi à l’école ? C’est la question qu’on pourrait se poser en voyant les « incivilités » en tous genres dont souffrent les professeurs. Récemment, une jeune institutrice en voyage en Afrique, me faisait part de sa surprise en voyant la discipline et le respect pour l’autorité qui règnent dans les classes des pays qu’elle a traversés !

Serait-ce que les règles de politesse de l’ancien temps y sont toujours de mise, que le souffle du grand laisser-aller démagogique français n’a pas encore atteint les enseignants d’outre-Méditerranée ?

Rappelons quelques points essentiels qui rythmaient la vie scolaire de bien des écoles, il n’y a pas si longtemps, et qui se retrouvent heureusement encore dans quelques établissements où la discipline est respectée :

Respect des horaires, rassemblement en silence dans la cour de récréation.

Entrée en classe en rangs 2 par 2, en uniforme ou avec un tablier, boutonné, les bras croisés derrière le dos (afin d’apprendre à se tenir droit).

Accueil du professeur debout, jusqu’à ce qu’il nous invite à nous asseoir. On lève la main pour prendre la parole, on n’interrompt pas le professeur, et l’on attend qu’il ait fini son explication pour poser sa question.

On ne l’appelle pas par son prénom, mais Madame, Mademoiselle ou Monsieur. Quand on parle de lui, on ne dit pas : Dupont, mais « Monsieur » Dupont, même en son absence. Quand on le croise dans les couloirs, on lui dit : « Bonjour Monsieur » distinctement avec un franc sourire, même s’il vient de nous rendre un devoir « exagérément sous-noté ».

Les caricatures, surnoms et autres quolibets sont à proscrire ; de même pour les batailles d’objets volants non identifiables, le trafic de matériel, ou d’information pendant les devoirs, les portables… Je ne vais pas vous faire un récapitulatif de règlement intérieur.

Tout ce formalisme n’est pas facultatif. Lui seul permet de maintenir un climat d’étude et de courtoisie, qui devient bientôt de la confiance et même de l’affection du professeur vis-à-vis de sa classe, confiance réciproque, entraide entre camarades. Ce n’est plus la lutte des classes, le combat irrémédiable entre les « sachants » et les « apprenants », le professeur garde chiourme, mais plutôt un grand navire avec un maître d’équipage chargé de faciliter la traversée de ses matelots vers les terres inconnues du Savoir.

Ce n’est pas un idéal inatteignable, saboté par les commentaires assassins des élèves sur les réseaux sociaux, mais une condition indispensable pour lutter contre l’ignorance invincible de cette génération de « mal appris », qui n’a même pas appris à apprendre… C’est d’ailleurs la méthode appliquée par toutes les petites structures qui veulent redresser la situation dans des zones déshéritées : discipline, politesse, confiance.