Enthousiasme et devoir d’état

Ma chère Bertille,

 Tu me faisais part dimanche, à la sortie de la Messe, de la difficulté que tu rencontres pour tenir emploi du temps et résolutions ; en effet de nombreux évènements venant sans cesse contrecarrer ton programme bien rempli, tu as toujours un grand sentiment d’insatisfaction qui te donne envie de tout abandonner et de laisser à l’avenir les circonstances régler ta vie !

Je voudrais t’aider à y voir plus clair.

 Rappelons tout d’abord que l’on touche là à la difficulté de l’obéissance, car qu’est-ce qu’une règle de vie, qu’un emploi du temps, que des résolutions précises si on ne pratique pas une certaine forme d’obéissance ? Voilà un mot qui ne plaît guère. Pourtant, il faut obéir, car sur terre tout le monde obéit à quelqu’un. Et le plus puissant en apparence est le plus esclave. Par contre, le plus esclave peut être le plus libre de la vraie liberté, qui s’appelle la maîtrise de soi-même. Souvent, nous voulons le bien et nous faisons le contraire. C’est ne pas se posséder. On est maître de soi quand la volonté bonne – et non pas la bonne volonté qui ne suffit pas – est la plus forte. Or, pour fortifier la bonne moitié de nous-mêmes et accroître son empire sur la mauvaise, il faut plier celle-ci et prendre l’habitude d’obéir. C’est une réalité même si elle n’est pas très facile à entendre.

 Ceci dit, venons-en maintenant à des conseils pratiques : il est important d’avoir une règle précise et pourtant assez souple pour s’adapter à tous les besoins. On néglige souvent l’une des données. Tantôt une règle rigide et brutale paralyse toute personnalité, tantôt elle se perd dans le vague et n’est plus qu’une anarchie organisée. La première donne un vrai sentiment d’insatisfaction et de culpabilité à celui qui ne peut la tenir malgré toute sa bonne volonté ; alors que la deuxième ne peut satisfaire celui qui aura l’impression le soir d’avoir perdu sa journée et papillonné ici et là !  Entre ces deux excès, la juste mesure doit se trouver dans l’application intelligente et large d’une règle établie avec assez de précision pour qu’on puisse la considérer vraiment comme un plan de vie. En prenant de bonnes habitudes intellectuelles et morales grâce auxquelles on s’acquittera machinalement et comme par réflexe de certains actes élémentaires, on acquerra un esprit libre, capable de prendre des décisions plus importantes.

Adoptons ensuite l’habitude de tout bien faire. Puisse cette habitude, devenant comme une seconde nature donnée à tous, assurer la sûreté et la promptitude de décision qui caractérisent les âmes fortement trempées.

 Un autre principe sera de toujours aller jusqu’au bout du travail commencé, sans papillonner d’un dossier à l’autre pour s’apercevoir enfin que ce n’est « ni fait, ni à faire » ! Perdons l’habitude de « zapper » pour employer un néologisme devenu si courant et emprunté à ceux qui passent facilement d’une émission à une autre sans jamais être satisfaits, ni approfondir quoi que ce soit…

Enfin, et j’aborde là une pratique qui me semble essentielle car j’ai remarqué que quand le devoir d’état devient gênant, au lieu de s’y appliquer avec un soin particulier, on cherche 1000 bonnes raisons de s’en affranchir… Et si on le considérait autrement ? Les choses sont intéressantes dans la mesure où on veut y trouver de l’intérêt. Tout est intéressant, ou plutôt tout ce qu’on s’efforce de bien faire est intéressant. Un proverbe très juste dit qu’il n’y « a pas de sot métier ». Soyons persuadés qu’il n’y a pas davantage de sot travail. L’effort même qu’on y donne est une source de joie. Aimons les règles, elles nous paraîtront douces. Cultivons même un enthousiasme pour ces tâches quotidiennes qui peuvent paraître si puériles et sans importance et qui ont pourtant tant d’importance aux yeux de Dieu. Citons l’exemple du petit Jean-Marie Vianney qui, ne parvenant pas à aller aussi vite que son frère pour le désherbage des betteraves, prit la petite statue de la Sainte Vierge qu’il ne quittait jamais, l’enveloppa avec soin dans son mouchoir et la lança très loin devant lui ; ainsi mû par son amour pour Notre-Dame, il trouva la force d’avancer plus vite, le travail lui parut plus facile et il dépassa même son frère aîné… Voilà la force que donne l’amour !

 Dès ton réveil, prends donc la résolution de tout bien faire, jusqu’au bout et de tout ton cœur, avec un bel enthousiasme et pour l’amour de Dieu, voilà la vraie discipline. Tu verras combien tu seras alors portée et tu découvriras la véracité des paroles du Christ : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai. Prenez sur vous mon joug, et recevez mes leçons : je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez du repos pour vos âmes, car mon joug est doux et mon fardeau léger1. » 

 En espérant que ces quelques conseils t’aideront pour prendre tes résolutions de 2025, je t’embrasse affectueusement et te souhaite une sainte année,

Anne

 

Ma Bibliothèque

LA CHINE AUJOURD’HUI : UN MIRACLE EN TROMPE-L’OEIL ?  – M. Humbert – Chiré – 2024

L’auteur propose ici un ouvrage de référence sur ce pays mystérieux et fascinant pour les occidentaux. Il y aborde tous les aspects historiques, culturels, économiques et sociaux. Sa connaissance très profonde du sujet en fait un livre de géopolitique qui passionnera tous les curieux de l’histoire contemporaine. A lire absolument.

 

TOUTE LA VIE SANCTIFIÉE – LE DEVOIR D’ÉTAT À L’ÉCOLE DE SAINT FRANÇOIS DE SALES – Francis Mugnier – 2023

Le Chanoine Francis Mugnier entreprend le défi de persuader tout chrétien que la sainteté est à la portée de tous dans l’accomplissement de son devoir d’état. Il démontre que quelques prières matin et soir et l’assistance à la messe du dimanche ne suffiront pas pour gagner le Paradis ! Saint François de Sales, véritable « docteur du devoir d’état » a réfuté activement mais avec sa délicatesse habituelle cette erreur, et encouragé fermement les catholiques de son temps dans cet effort. Le chanoine Mugnier nous offre ici un exposé clair et précis qui sera aussi un guide.

 

POUR EN FINIR AVEC 100 TICS DE LANGAGE (« Du coup » on dit quoi ?) – S. Belmont – Le Figaro – 2024

Passionnée de grammaire, Sarah Belmont s’attache à la pureté de la langue française et lutte activement contre toutes les expressions-types qui s’insèrent sournoisement dans le langage courant. Avec humour et précision elle cite, explique et reprend les formules à la mode pour nous aider à les éliminer de nos habitudes si par malheur elles y étaient entrées : néologismes, anglicismes, vices de construction, et tout ce que l’on entend malheureusement de plus en plus souvent !

 

À L’ÉCOUTE DES ANIMAUX DE LA FORÊT – X. Japiot, M. Luchesi – Rusti’kid – 2024

Ce très beau livre cartonné et magnifiquement illustré propose au petit lecteur de découvrir toutes les caractéristiques et même le chant de ces animaux qu’il croise souvent au cours des promenades en forêt. Les 21 animaux décrits n’auront bientôt plus aucun secret pour vos enfants qui les reconnaîtront très facilement et qui apprécieront d’autant plus les sorties en famille. Pour tous !

 

Actualités culturelles

  • Chartres (France)

Depuis le 21 septembre dernier, le trésor de la cathédrale de Chartres est de nouveau accessible aux visiteurs. Presque vingt-cinq ans auront été nécessaires avant la réouverture de ce site majeur : les conditions de conservation n’étant pas optimales, des travaux s’avéraient nécessaires, mais ceux-ci ont pris un retard considérable puisqu’ils n’ont été entamés qu’en 2017 (alors que le trésor était déjà fermé au public depuis 2000). C’est désormais dans une chapelle Saint Piat entièrement restaurée que l’on peut admirer les nombreux chefs-d’œuvre de cette collection remise à neuf : reliquaire abritant le voile de la Vierge, statuaire, ornements, parements et objets liturgiques, reliquaires, sculptures issues du jubé disparu du XIIIe siècle… Tout un monde merveilleux s’ouvre à nos yeux !

 

 

 

 

 

 

  • Gizeh (Egypte)

Repoussée depuis plus de 10 ans, l’ouverture du Grand Musée Egyptien (GEM) a désormais lieu par étapes progressives : après l’atrium et le colosse de Ramsès II, que l’on pouvait admirer depuis un an, une douzaine de galeries (plus de 160 vitrines) ont été ouvertes au public le 16 octobre dernier. Bâti sur près de 500 000 m2, le musée est situé à Gizeh, non loin des pyramides. Une fois inauguré, c’est-à-dire une fois que toutes les collections seront rassemblées et ouvertes à la visite, le complexe représentera le plus grand ensemble d’antiquités appartenant à une seule et même civilisation. C’est là que sera recueilli bientôt l’ensemble du trésor de Toutankhamon, composé de 5 600 objets, parmi lesquels son fameux masque funéraire.

 

  • Rome (Italie)

La ville éternelle regorge de richesses artistiques, à tel point que l’on y fait sans cesse de nouvelles découvertes, et parfois de façon assez rocambolesque. C’est ce qui est arrivé l’année dernière à la villa Farnesina, construite au début du XVIe siècle pour le banquier Agostino Chigi. Chargé de réaliser quelques vérifications dans le monument, un électricien a débusqué par hasard un ensemble de 3 fresques du XVIIe siècle camouflées sous de faux plafonds en bois et tombées dans l’oubli ; on peut y admirer une multitude de putti (angelots) dans des paysages bucoliques et célestes. Les armes de la famille Farnèse qui y figurent laissent à penser qu’il s’agit d’une commande d’Alexandre Farnèse (futur pape Paul III) ou de l’un de ses descendants. Le plafond en bois, quant à lui, a probablement été placé par-dessus les œuvres lors de la campagne de restauration réalisée entre 1861 et 1863. Comme quoi, il fait bon se faufiler dans des trappes poussiéreuses où personne ne s’est encore aventuré !

 

  • Saint-Flour (France)

La cathédrale Saint Pierre de Saint-Flour, en Auvergne, a été l’objet de bien des débats ces derniers temps. En effet, désireux de récolter des fonds en vue de la restauration du monument, le recteur du lieu a eu l’idée, en 2022, d’acheter des jambons d’Auvergne de 8 mois d’âge pour les faire sécher encore   >>>  >>> quelques mois dans la tour nord de la cathédrale (à plus de 900 mètres de haut). Ainsi affinés, les jambons n’en étaient que meilleurs et pouvaient être revendus au prix fort. Cette ingénieuse initiative a permis de récolter quelque 15 000 euros en l’espace de deux ans, ce qui a rendu possible, entre autres, la restauration de l’orgue. Plusieurs grands chefs, conquis par l’idée, se sont empressés d’acheter ces produits de qualité pour les servir dans leurs restaurants étoilés. Néanmoins, en octobre dernier, l’architecte des Bâtiments de France ainsi que la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) ont fait part de leur inquiétude quant aux taches de graisse qui pouvaient abîmer le sol du monument datant du XVe siècle. L’histoire des jambons de Saint-Flour allait-elle s’arrêter là ? L’affaire fut alors portée devant la ministre de la culture qui autorisa la poursuite de l’entreprise : il est donc toujours possible d’acheter son jambon (y compris sur internet) ou même son miel puisque le recteur avait également installé en 2019 des ruches sur les toits de la cathédrale !

 

La fidélité dans les petites choses

« Ce que Jésus veut de nous dans cette tornade, c’est la paix, la prière confiante, la détente dans le sacrifice quotidien, la sagesse pour garder notre vie équilibrée… » Père Calmel

Nous sommes tous admiratifs des saintes Jeanne d’Arc ou Thérèse de l’Enfant-Jésus, des martyrs et de tous les héros qui nous montrent la perfection chrétienne… Serions-nous capables d’en faire autant ? Serions-nous capables d’être martyrs ? La question est vaine ! Pour le moment, rien de tout cela ne nous est demandé !

« C’est bien, bon et fidèle serviteur. Parce que tu as été fidèle dans les petites choses, entre dans la joie de ton Maître. » (Saint Matthieu, 15, 23).

Notre devoir est beaucoup plus accessible ! Nous devons accomplir chaque jour ce que le pape Pie XI appelait le « terrible quotidien ».

Notre véritable préoccupation doit donc se limiter à la question suivante… Suis-je fidèle à mes devoirs de chrétien, de père, de mère, de fils ou de fille, d’étudiant, d’employé, de patron, de malade, de bien portant ? Là est la question ! Le terme « terrible quotidien » employé par le Pape, montre bien l’acharnement nécessaire pour répondre positivement à cette question !

Nous devons nous poser cette question parce que les obligations liées à notre état de vie sont très exactement l’expression de la volonté de Dieu sur nous ! Et c’est bien comme cela que peut se définir notre devoir d’état. C’est tout simplement porter courageusement la Croix que Dieu nous demande de porter chaque jour !

Ne voyons pas seulement la Croix dans les épreuves ! Elle se trouve partout, plus ou moins lourde selon les domaines, et doit être portée partout avec l’aide de Dieu !

Nous aurons chaque jour les grâces nécessaires pour remplir ces devoirs et c’est par cette attitude héroïque que nous nous préparerons au dernier héroïsme !

Aujourd’hui, le problème de fond est très probablement celui de savoir accepter ce devoir. Il n’y a rien de plus contraire à notre société, essentiellement régie par des droits et des contrats (le triste « contrat social » de Rousseau). La négation de Dieu a totalement fait oublier que, dans l’exécution de notre devoir d’état, c’est d’abord à Dieu que nous obéissons.

Bien sûr, dans l’état de vie provisoire où nous sommes, nous travaillons pour nos enfants, notre patron, nos amis, notre société. Cependant, c’est premièrement pour faire la volonté de Dieu que nous prions et travaillons. Ne méprisons pas le quotidien en considérant que, dans une société opposée au Christ, seul le minimum est requis. Ne trouvons pas d’excuses ! Quelle que soit notre place, nous devons remplir de notre mieux notre devoir là où Dieu nous a placés. Pour notre salut, notre créateur a décidé de nous faire vivre dans cette   époque, cette condition et ces épreuves. Ne récriminons pas ! Faisons partout le mieux que nous pourrons ! C’est comme cela que le Seigneur modèlera notre âme pour lui donner sa forme éternelle !

Ne subissons pas ! Soyons vigilants pour remplir avec attention les devoirs de notre état avec nos talents, nos faiblesses de tempérament, les péchés passés qui nous ont parfois engagés dans des chemins de traverse …

Où que nous soyons, il y a du bien à faire ! Ne cédons pas aux discours du moment qui pourraient nous faire croire qu’à chaque devoir est lié un bénéfice ! Ne maquillons pas notre paresse en cédant à la tentation cherchant à nous faire croire qu’il n’y a rien à faire !

« De nos jours plus que jamais, la force principale des mauvais c’est la faiblesse et la  lâcheté des bons, et tout le nerf du règne de Satan réside dans la mollesse des chrétiens », disait saint Pie X pour fustiger les couards !

Pour les grands-parents, c’est probablement par l’exemple que nous agirons le mieux, surtout quand la vieillesse réduit nos capacités d’agir concrètement ! Faisons donc preuve, devant nos petits, de dévouement, d’exactitude dans nos comportements et d’honnêteté dans nos devoirs ! Montrons-leur à quel point le devoir se trouve aussi dans les petites choses !

« La fidélité aux petites choses, c’est ce qui nous garantit la fidélité dans les grandes. C’est Notre Seigneur qui l’a dit », disait un saint évêque. Faisons nôtre cette héroïque devise ! Nous accomplirons très certainement ainsi la volonté de ce que Dieu veut pour nous et donnerons un bel exemple à nos petits…

Sainte Anne, priez pour nous !

Des grands-parents

 

La joie dans le devoir d’état

Comment garder la joie au milieu du devoir d’état ? Nous pouvons trouver des éléments de réponse dans le Traité de la joie chrétienne du Père Antoine de Lombez.

 En voici quelques extraits :

« On exige souvent trop de soi-même : on s’efforce ; on s’impose des devoirs arbitraires, et on les remplit avec une excessive rigidité. On est quelquefois excédé ; n’importe, on veut achever sa tâche. De là l’accablement et la tristesse, l’humeur et le dépit. Vous avez souvent entendu dire de certaines dévotes, qu’elles sont plus inquiètes que les gens du monde. Vous les trouverez plus sages, plus réservées, plus équitables, plus sobres, plus retenues, plus appliquées à leurs devoirs que ne le sont les femmes du monde : leur aigreur, à certains moments, ne vient que des scrupules ou de l’excès de leur application (….).

On s’efforce et on est abattu ; on aime le travail, on s’y livre avec excès ; on souffre quelque besoin ou quelque douleur qu’on veut supporter sans se donner les secours et les soulagements qui se présentent. Si c’était par une véritable inspiration de la grâce, à la bonne heure, Dieu nous conserverait la joie au milieu de la peine. Mais souvent la propre volonté est satisfaite, et la joie est perdue. Le prophète-roi conservait ses forces pour servir Dieu ; et nous devrions à son imitation conserver toujours la liberté de notre âme, pour nous élever à Dieu, et la force de notre corps, pour travailler à son service.

Variez vos occupations, faites succéder la prière au travail, et la lecture à la prière. C’était la maxime des anciens solitaires et c’était ce qui les mettait en état de rester toute leur vie dans de vastes déserts. Tout, hors le devoir rigoureux, doit céder à la liberté intérieure, à la paix et à la joie. 

Chaque exercice de piété en particulier est louable, mais tous réunis nous accableraient sans nous sanctifier. Tous les aliments sont bons ; mais l’excès est nuisible. Le bon régime est d’en prendre toujours moins qu’on en pourrait digérer, et la bonne conduite en matière de pratique arbitraire, est de s’en imposer toujours moins qu’on en pourrait remplir, ou du moins de les laisser sans scrupule dès qu’on s’en trouve fatigué. De cette manière on les fait sans dégoût, on les reprend sans répugnance, on les remplit beaucoup mieux, et un air de contentement nous accompagne partout. Là où est l’esprit de Dieu, là règne la liberté et la joie, et là où est l’esclavage, là domine la tristesse. Surtout il faut s’abstenir des austérités excessives, qui en détruisant la santé nous font perdre la joie et le goût même des saints exercices. Si vous vous apercevez, dit saint Anselme, que l’austérité de votre vie intéresse votre santé, modérez-la ; car il vaut mieux faire quelque chose avec la joie que donne la bonne santé, que d’être obligé de tout abandonner, ou que de s’acquitter mal, quand le tempérament sera ruiné, de ce que vous faites toujours bien quand vous le faites avec joie.

 

Deus vult

Le petit garçon regarde son cahier d’analyse et lit pour la centième fois la phrase qui lui résiste : « Le chevalier vacilla et tomba par terre.» « terre » …  Quelle est la fonction de ce mot ? Hum … on dirait bien un complément, mais complément de quoi ? Il y a plein de compléments ! Si on lui demandait son avis, Paul dirait qu’il y a beaucoup trop de compléments… Alors, complément du nom ?  Complément d’objet ? Pas sûr, et puis, la terre, ce n’est pas un objet. Et puis pourquoi il tombe ce chevalier ? Le coup était-il si fort ? Il est vrai que son adversaire semble coriace. C’est certain, il va perdre le tournoi. L’exercice de la joute n’est pas aisé : tenir la lourde lance, droite, viser l’adversaire, diriger le cheval, à toute vitesse, affronter sa peur, ne pas détourner le regard … 

 

« Allons Paul, concentre-toi enfin ! On ne va pas y passer la nuit quand même !» La voix de maman le rappelle à l’ordre. Ah oui, c’est vrai ! Quelle est la fonction du nom « terre » ? Car c’est bien un nom n’est-ce pas ? « terre » … Comme la Terre Sainte. Paul pense à son cours sur les croisades. Tous ces chevaliers qui partirent en bateau, à l’autre bout du monde, pour combattre les Arabes et délivrer le Tombeau du Christ. Comme sur l’immense fresque de la Salle des Illustres au Capitole, à Toulouse. Son papa l’y avait emmené le mois dernier. Il avait beaucoup aimé la grande fresque :  Urbain II, sur son destrier, défile dans la ville, précédé par les saintes reliques de l’évêque Saturnin, portées en triomphe. Sur les murailles et dans les rues, toute la ville se tient debout, en fanfare, sous les bannières et les oriflammes. Les chevaliers en armes s’apprêtent à suivre la sainte procession : la ville se lève pour partir défendre Jérusalem. Le comte de Toulouse précède les hommes en armes, la foule crie d’une seule voix. « Paul, je monte habiller ta petite sœur. Quand je reviens, je veux que tu aies terminé tes devoirs. »

Mais Paul est déjà parti avec les Croisés. Il a embarqué dans les hautes nefs et navigue sur la mer, toutes voiles dehors. Il galope dans le désert au pied des murs de la Cité Sainte, le sable fouette son visage, le fracas du fer répond aux cris des ennemis dans la mêlée. Paul tient la ligne avec les Français, son écu et son épée à la main. Couvrant le tumulte de la bataille, Godefroy de Bouillon harangue ses chevaliers.

« Paul, de qui te moques-tu ? Ça fait trente minutes que tu es sur ton analyse. Eh bien tant pis pour toi, ferme ton cahier, tu expliqueras à la maîtresse que tu préfères rêvasser plutôt que faire tes devoirs. Si elle te met un 0, tu ne pourras t’en prendre qu’à toi-même ! »

 

Ne sommes-nous pas tous un peu comme Paul ? Parfois, nous rêvons de grandes et belles choses, mais nous négligeons notre devoir d’état. Il est tellement plus facile d’être un saint demain qu’un bon chrétien aujourd’hui, d’être le meilleur employé de l’entreprise l’année prochaine qu’un employé loyal maintenant, d’être l’entrepreneur à succès de la prochaine décennie que de s’acquitter d’abord des engagements déjà pris. Le Bon Dieu n’attend pas de nous que nous soyons des martyrs demain si des hordes païennes hostiles venaient à envahir nos églises un jour, Dieu veut que nous soyons des martyrs des petites choses du quotidien, des petits devoirs qui incombent à notre état, à notre situation actuelle.

 

Pourtant, nous le savons ! Les héros et les saints, grands dans les grandes choses, ont d’abord été grands dans les petites choses. Mieux que cela, nous savons que la Charité n’a pas de limite. Sa mesure est Dieu, sa mesure est l’infini. La Charité doit animer chacun de nos actes, plus notre Charité sera grande, plus nos actes seront grands, même les plus insignifiants, comme passer le balai, apprendre une leçon de grammaire, rédiger un rapport de vente ou enduire un mur de plâtre. Chacun selon sa place. Ainsi croissent les belles fleurs du jardin de Dieu. Parfois, Dieu en cueille une, lui demandant un acte héroïque. Mais cela, c’est la décision de Dieu et non la rêvasserie de l’homme.

 

Si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous savons ce que le Bon Dieu attend de nous. Cette résolution que nous avons lâchée, reprenons-la avec vigueur. Ce défaut qu’on traîne depuis des années et son cortège de péchés qu’il entraîne, quand nous attèlerons-nous à le combattre ? Ces tâches quotidiennes qui nous agacent et que nous cherchons à éviter ou à retarder, aimons-les ! Faisons-les avec courage. Elles sont le moyen que Dieu met à notre disposition pour nous sanctifier. Dieu, dans sa sagesse, nous demande d’accomplir ces tâches, quotidiennes, liées à notre profession, à notre place dans la famille, à notre âge, à notre vocation. Il ne nous demande pas d’être courageux dans une vie parallèle, il nous veut aimants et dociles dans cette vie-là, la vie réelle, et aucune autre.

 

Alors, Dieu veuille que Paul cesse de rêver et s’attache à son analyse grammaticale, voilà la Croisade voulue par Dieu pour Paul. Elle comporte aussi sa noblesse, sa sainteté dès lors qu’elle est faite avec Charité. Nous, si notre devoir d’état n’est plus scolaire, nous savons quels sont nos devoirs de père ou mère de famille, d’époux, d’employés, d’homme ou de femme, chacun selon son état, là où Dieu nous a placés. Mettons toute la Charité possible dans notre agir, même dans les choses les plus insignifiantes. Voilà notre Croisade ! Et si les fleurs de son jardin sont belles, Dieu veuille en faire un bouquet, de la manière qu’il Lui plaira et quand Il le voudra. Deus vult !

 Louis d’Henriques

 

Le petit cheval dans le mauvais temps

Georges Brassens (1921-1981)

Le petit cheval dans le mauvais temps,
Qu’il avait donc du courage !
C’était un petit cheval blanc,
Tous derrière, tous derrière,
C’était un petit cheval blanc,
Tous derrière et lui devant.

Il n’y avait jamais de beau temps
Dans ce pauvre paysage,
Il n’y avait jamais de printemps,
Ni derrière, ni derrière.
Il n’y avait jamais de printemps,
Ni derrière, ni devant.

Mais toujours, il était content,
Menant les gars du village,

A travers la pluie noire des champs,
Tous derrière, tous derrière,
A travers la pluie noire des champs,
Tous derrière et lui devant.

 

Sa voiture allait poursuivant
Sa belle petite queue sauvage.
C’est alors qu’il était content,
Tous derrière, tous derrière,
C’est alors qu’il était content,
Tous derrière et lui devant.
Mais un jour, dans le mauvais temps,
Un jour qu’il était si sage,
Il est mort par un éclair blanc,
Tous derrière, tous derrière,

Il est mort par un éclair blanc,
Tous derrière et lui devant.

Il est mort sans voir le beau temps,
Qu’il avait donc du courage !
Il est mort sans voir le printemps
Ni derrière, ni derrière
Il est mort sans voir le beau temps,
Ni derrière, ni devant.

Le petit cheval • Georges Brassens (spotify.com)

 

Choisir un tissu grâce à un détail : le grammage !

Chères couturières,

Choisir un tissu est tout un art. Choisir un tissu adapté à un patron ou un patron adapté à un tissu est une difficulté pour les débutantes comme pour les expérimentées, qui peut décourager les bonnes volontés ! Nous voulons vous présenter dans cet article un outil technique qui va vous permettre de choisir des tissus (souvent à distance), avec un petit peu plus d’assurance d’avoir choisi le bon coupon ! Une viscose un peu épaisse fera une belle jupe fluide non transparente, une viscose légère ne fera pas mieux qu’un foulard ou devra être doublé en toutes circonstances…

Vous y trouverez des ordres de grandeur et l’usage des différents tissus. Une bonne fiche de référence à imprimer et mettre en couverture de votre classeur à patrons, à ressortir avant tout achat compulsif de tissu !

Bonne lecture !

Atelier couture

 

http://pheon.ovh/wp-content/uploads/2025/01/2024_12_18_Grammage_fiche-site.pdf

 

Jour après jour

Jour après jour, ta vie s’écoule, monotone, cachée, sans action de grande envergure, la routine s’installe et tu as toujours la tentation de t’y soustraire, sous mille prétextes.

Pourtant, que de richesses dans ces petits moments besogneux sans éclat, qui, accomplis généreusement avec amour, consolent le Cœur divin et élèvent l’âme. Que de bien, dans la communion des saints, tu peux faire par cette offrande cachée, qui t’

Apprend à aimer ton devoir d’état.

Il est nécessaire de l’organiser pour bien le faire sans maugréer. Ton emploi du temps prévoit dans l’ordre, chaque tâche, et doit commencer par un moment de prière, même courte, pour mettre ta journée sous le regard divin, lui donnant ainsi toute sa valeur.

N’oublie pas aussi que nous sommes de pauvres êtres ayant besoin de détentes. Choisis-les en fonction de tes goûts et donne leur la place nécessaire pour œuvrer ensuite sans tension, ainsi tu

Apprends à aimer ton devoir d’état.

 

Que ta place dans le monde soit simple ou plus prestigieuse, là où Dieu t’a voulue avec tes responsabilités, tout est fait d’abord de petits riens qui s’enchaînent et souvent t’enchaînent.

Dans l’exercice du devoir d’état, la vraie charité veut que notre prochain soit le plus proche par le sang, ou la proximité.

Soudain, c’est un enfant malade, un parent à soulager, un dossier urgent à régler qui se met en travers de ce que tu avais prévu.

Il faut alors renoncer avec le sourire, en voyant la main divine qui t’

Apprend à aimer ton devoir d’état.

Celui-ci se conjugue avec celui de nos parents, de notre mari, de nos collègues de travail ou de ceux avec qui nous servons en association, ou par dévouement. Bien souvent, à notre insu, nous y mettons trop de nous-mêmes et une secrète complaisance se glisse dans nos meilleures intentions. Te voilà alors contrariée car même le bien que tu avais projeté, ne peut se faire.

Vois-y la main de Dieu qui purifie ton intention, et t’

Apprend à aimer accomplir ton devoir d’état.

 

Enfin, ne te laisse pas prendre au piège de le détourner au profit d’œuvres, apparemment plus nobles, même spirituelles. Une prière trop longue ou un service extérieur pouvant attendre, n’ont jamais tenu une maison, écouté un enfant et donc sanctifié une mère de famille.

Ce renoncement fréquent à ce qui nous attire, cette pénitence, est, selon le mot de saint François de Sales, le seul humus sur lequel grandira ta fleur, dont tu verras les fruits dans l’Eternité.

« Fleuris là où Dieu t’a plantée. » 

 

     Jeanne de Thuringe

 

Devoir de servir

Martial et Paul se retrouvent dans le bus après une journée de travail fatigante.

– Ce week-end, ce sera repos total, sans contrainte comme d’habitude ! J’espère que mon épouse aura fait travailler les enfants et que je pourrai regarder le match.

– Tu ne viens pas à la réunion mensuelle du cercle des familles ?

– J’ai déjà ma famille et mon travail, cela suffit.

– J’aimerais bien que tu m’aides pour le chapitre enfants du prochain pèlerinage, c’est à peine quelques heures de préparation, et trois jours ensemble, une fois par an.

– Tu n’y penses pas, je n’ai pas de temps. D’ailleurs c’est fatigant, d’autres seront meilleurs que moi pour cela…

La tentation de l’égoïsme nous guette et nous fait oublier que nous avons trois devoirs d’état principaux : devoir professionnel, devoir familial, devoir social.

Aucun ne peut être négligé sous prétexte qu’il faut réaliser les deux autres, bien que les proportions de temps et d’effort que nous allouons à l’un ou l’autre puissent varier en fonction des circonstances et des périodes de la vie.

« Il y a des familles en grand nombre où l’on est dévoués les uns à l’égard des autres, mais où l’on ne songe qu’au bien du petit groupe ainsi formé comme si les portes de la maison n’ouvraient pas sur des espaces plus larges, ainsi que ses fenêtres sur le ciel. On entend dire d’un homme « c’est un bon père de famille ». C’est bien, et il y a de la chance qu’il soit de ce fait même un bon citoyen, mais cela n’est pas certain. (…) Il y a un égoïsme à plusieurs, un égoïsme de groupe, et c’est un égoïsme quand même. On se croit généreux parce qu’on dépasse le bien de la personne ; mais en dressant l’intérêt de quelques-uns contre l’intérêt de tous, on peut nuire à la communauté plus que l’égoïsme individuel lui-même1. »

Parfois, nous nous plaignons, à juste titre, des maux de notre temps et attendons un temps meilleur. « Attendre ! Avez-vous remarqué qu’une foule de gens sont dans cette position et cet état d’esprit ? Et ils attendent quoi ? Que les évènements les délivrent ? Mais les évènements n’ont jamais délivré personne. Ce sont les gens de cœur qui délivrent les évènements et les inclinent dans le sens de leur volonté2. »

C’est aussi ce que rappelait Mgr Lefebvre en préfaçant le livre « Pour qu’Il règne3 » en 1959 : « Notre-Seigneur règnera dans la Cité, lorsque quelques milliers de disciples assidus de Notre-Seigneur et de l’Eglise seront convaincus par la grâce et par leur effort intellectuel de la Vérité qui leur est transmise, et que cette Vérité est une force divine capable de tout transformer. » Ne sommes-nous pas parmi ces quelques milliers ?

Ce devoir social est impératif d’une part parce que nous ne pouvons pas nous sauver seuls, d’autre part pour le salut des âmes, en particulier pour que nos enfants et petits-enfants bénéficient d’un monde meilleur que le nôtre. Plusieurs papes nous en rappellent le besoin, par exemple Pie XII : « De la forme donnée à la Société (je préciserais : et à toutes les associations humaines), conforme ou non aux lois divines, dépend et découle le bien ou le mal des âmes, c’est-à-dire le fait que les hommes, appelés tous à être vivifiés par la grâce du Christ, respirent, dans les contingences terrestres du cours de la vie, l’air sain et vivifiant de la vérité et des vertus morales ou, au contraire le microbe morbide et souvent mortel de l’erreur et de la dépravation4.» Pie XII dit aussi : « En conséquence, coopérer au rétablissement de l’ordre social, n’est-ce pas là, un DEVOIR SACRE pour TOUT chrétien ? » Alors que faire ?

Il nous indique les domaines où nous pouvons exercer notre action :                          « Le mot d’ordre doit être : pour la foi, pour le Christ, dans toute la mesure du possible, présence partout où sont en cause les intérêts vitaux, où sont en délibération les lois qui regardent le culte de Dieu, le mariage, la famille, l’école, l’ordre social, partout où se forge l’éducation, l’âme d’un peuple5. »

Alors à chacun de contribuer dans le domaine qu’il choisit, selon ses compétences et les circonstances.

Il est souvent bon de commencer dans le domaine du soutien aux familles par la formation et l’action6, par l’aide aux écoles catholiques libres, aux pèlerinages et processions pour aider nos prêtres.

De nombreuses opportunités supplémentaires s’ouvrent de plus en plus dans nos villes et villages, et dans les œuvres sociales des entreprises, car « la Révolution tend à réduire à néant, à atomiser les communautés naturelles. Elle dissocie, elle désagrège, elle fait éclater les liens familiaux, culturels, nationaux. Elle dépersonnalise pour n’avoir plus affaire qu’à des individus (…) divisés, séparés, opposés7. » Mais les hommes de bonne volonté ont soif d’autre chose : le catholique social aura donc à cœur de « renouer les liens sociaux, au lieu de les briser et exercer une action coordinatrice en sens inverse de l’action révolutionnaire8 » : formation des esprits, reconstitution des liens sociaux, adaptation des institutions (et associations) à l’ordre social chrétien. Ainsi la contribution à une bibliothèque d’entreprise ou de village, ou à l’organisation d’expositions ou de fêtes historiques locales contribuera à former et enraciner les esprits, à leur faire redécouvrir les racines chrétiennes de la France. L’implication dans une conférence Saint Vincent de Paul ou de visite des malades ou dans les commissions départementales de santé, permettra de réconforter les malades ou de les protéger des dérives sociétales actuelles. La participation aux associations de village ou de quartier (sport, histoire, jeunesse, patrimoine…) permettra d’exercer une bonne influence sur les adhérents, en les aidant à développer le sens de l’effort, de l’entraide, du Beau, du Vrai et du Bien.  Des élus locaux se plaignent souvent du manque de bénévoles et souhaitent recréer du lien social, face aux ravages de l’individualisme et du consumérisme : des places sont à prendre.

Que les paroles de Pie XII aux jeunes français résonnent dans nos cœurs : « Soyez fidèles à votre traditionnelle vocation. Jamais l’heure n’a été plus grave pour vous en imposer les devoirs. Jamais l’heure n’a été plus belle pour y répondre. Ne laissez pas passer l’heure, ne laissez pas s’étioler les dons que Dieu a adaptés à la mission qu’il vous confie ; ne les gaspillez pas, ne les profanez pas au service d’un autre idéal trompeur, inconsistant ou moins noble et moins digne de vous9 ! »

 

Hervé Lepère

1 La vie française, Père Sertillanges, O.P.

2 Idem.

3 Jean Ousset, fondateur de la Cité Catholique. Livre vivement recommandé.

4 50e anniversaire de Rerum Novarum, 1/6/1941.

5 Discours à l’Union Internationale des Ligues Féminines Catholiques, Pie XII, 1947.

6 Par exemple, le Mouvement Catholique des Familles-MCF avec 80 cercles de familles en France.

7 Doctrine d’Action Contre-Révolutionnaire ; P. Chateau-Jobert.

8 Joseph de Maistre

9 06/01/1945