Bouddhisme, yoga et autres pratiques…

Foyers Ardents a rencontré Marion Dapsance, docteur en anthropologie et auteur de plusieurs livres sur le bouddhisme. (Nous avons conservé le style oral de cet entretien)

 Foyers Ardents : Chère Madame, les nouvelles pratiques d’inspiration asiatique sont à la mode et utilisent un vocabulaire dont la signification nous dépasse (zen, karma, shakras, mandala, etc…).

Tout d’abord, pouvez-vous nous résumer ce qu’est le bouddhisme et son origine ?

Marion Dapsance : Le fameux Bouddha serait le prince Siddhartha Gautama qui aurait vécu au Ve siècle avant Jésus-Christ. Nous n’avons cependant aucune preuve historique de son existence. Le bouddhisme est né dans un milieu d’ascètes qui se sont séparés des hindouistes originaires d’Iran, qui pratiquaient des rituels védiques (liés au feu). Ces ascètes ont inventé ce qu’on a appelé plus tard « le yoga » c’est-à-dire des pratiques corporelles qui étaient initialement des pénitences pour brûler – en référence au feu védique – le mauvais karma, c’est-à-dire les conséquences des mauvaises actions de cette vie et des vies passées.

Pour brûler ce karma, il fallait faire des pratiques de privation et de rejet du corps, par exemple rester les 2 bras en l’air sans jamais les baisser, rester suspendu à des arbres la tête en bas ou rester sur un pied pendant des années ; certains même se coupaient une main, un bras, un pied ou s’arrachaient un œil !

Ensuite différentes écoles bouddhiques ont essaimé en Asie.

Ce que nous appelons « le bouddhisme », c’est (d’après les dernières recherches publiées dans mon livre : Le bouddhisme des bouddhistes1) la secte qui s’est distinguée des autres dans le culte des reliques du Bouddha, dans la vénération d’images » (icônes et statues de divinités particulières qui venaient de l’Inde ancienne) et dans la domestication des démons pour obtenir les pouvoirs de se libérer du cycle des réincarnations. La vie pour eux est considérée comme uniquement négative. Le corps est considéré comme un obstacle et il faut sortir de ce cycle sans fin des morts et des renaissances en découvrant à l’intérieur de soi la conscience pure qui n’est pas non plus l’esprit mais qui est une sorte d’âme éternelle cachée par tout ce qui est matière. Le but est donc de se détacher du corps et de se faire aider en cela par des divinités, par des démons.

 FA : Existe-t-il, comme dans le protestantisme, différents bouddhismes ?

MD : Il y a en effet différentes écoles bouddhiques puisqu’il n’y a pas d’autorité centrale qui définirait des dogmes ou une doctrine claire, comme dans l’Eglise catholique. Dans le bouddhisme, selon les tendances, on peut donc trouver une idée et son contraire. Certaines écoles considèrent que l’âme n’existe pas, que les êtres humains n’ont pas d’âme et que l’éveil c’est justement de comprendre que l’homme n’a pas d’âme. D’autres écoles disent au contraire qu’il faut retrouver cette conscience pure – plus ou moins une âme -, qui est en fait divine et que tout le monde possède à l’intérieur de soi.

 FA : Retrouve-t-on une idée principale dans toutes ces philosophies bouddhiques ?

MD : Il  y en a plusieurs parce que le but recherché appelé l’éveil, autrement dit la libération du cycle sans fin des renaissances, n’est pas défini. Cependant on retrouve quelques idées centrales : ce sont les fameuses « quatre nobles vérités2 ».

Ces 4 vérités affirment que :

– le monde est souffrance et illusion,

– la cause de la souffrance est l’ignorance (ignorer que l’on n’existe pas, qu’il n’y a pas d’âme ou que cette âme est obscurcie par les mauvais karma),

– on peut se libérer de cette ignorance,

– il y a un chemin vers la libération que les bouddhistes appellent le noble sentier octuple donc un sentier en 8 étapes.

Le karma régit l’existence, c’est-à-dire que l’être humain et même l’être animal posent des actes entraînant des conséquences qui donnent des sortes de bons points karmiques ou de mauvais points. Plus on obtient de points positifs, plus on aura une renaissance favorable ; à l’inverse plus on acquiert de mauvais points, plus on risque de se réincarner comme un animal sale, misérable. Cette loi du karma est l’un des points importants du bouddhisme.

Une autre idée importante dans le bouddhisme est que le monde est une illusion et par conséquent on ne peut pas se fier au monde, on ne peut pas se fier à ses sens, ni à sa raison, qui, de fait, n’existe pas. L’être humain est prisonnier d’un monde qui est comme un film ; ce film, cette illusion « existe », ou plus exactement apparaît, se manifeste en raison de l’illusion qui réside dans les esprits du fait de l’accumulation du karma. Prendre le monde et le soi comme des réalités tangibles est selon eux la cause de la souffrance. Pour faire disparaître la souffrance, il suffit de prendre conscience que « je » n’existe pas réellement, et le monde non plus.

 FA : Les personnes qui sont attirées par le bouddhisme pensent à la « non-violence », à la « zen attitude », au calme, au bien-être, au refus de la souffrance. Ce n’est pas ce que vous décrivez !

MD : Il faut savoir au départ ce que signifie le mot « zen » : son objet n’est pas du tout de trouver le calme. Au départ la méditation zen avait pour but de voir le Bouddha en la personne même de l’abbé du monastère, alors que dans les versions antérieures du zen et de son ancêtre chinois le chan, il fallait le voir dans les icônes. La discipline très stricte qui entoure ces pratiques de « vision du Bouddha » (darshan) sont à l’opposé de ce que l’on appelle chez nous « zen », c’est-à-dire « détendu », « calme », « cool ». Le zen japonais est tout sauf « cool ». D’autre part, les rituels zen étaient surtout dédiés à la protection de l’empereur, de la nation et de l’ordre moral. Jamais pour le « développement personnel » ou le confort.

FA : Votre livre de 2018 s’appelle : Qu’ont-ils fait du bouddhisme ? Une analyse sans concession du bouddhisme à l’occidentale3. Y-a-t-il alors un bon, un vrai bouddhisme ?

MD : Il faut savoir que toutes les écoles de bouddhisme pratiquent des rituels qui sont souvent basés sur des principes de magie, c’est-à-dire où l’on se transforme en autre chose que ce qu’on est. Le bouddhisme qu’on appelle tantrique est une religion qui a dominé toute l’Inde et toutes les traditions d’Inde au Moyen-Âge. Dans le tantrisme, on se transforme en divinité et on fait appel à des rituels où on convoque une divinité en l’appelant, en l’invoquant, en répétant son mantra. La divinité prend alors possession du corps de l’adepte qui devient cette divinité et a des pouvoirs surnaturels, supposément des pouvoirs d’omniscience, de voler dans les airs, de se transformer en ce qu’il veut et d’obtenir ce qu’il recherche et notamment le pouvoir d’atteindre l’éveil c’est-à-dire la libération. Fondamentalement, il s’agit de pratiques de possession par des entités préternaturelles : « divinités » ou démons dont on entend s’accaparer les pouvoirs.

Le bouddhisme est aussi, en Asie, un culte des reliques, reliques qui appartiennent, prétend-on, au Bouddha. Par exemple, une tenue de Bouddha est vénérée au Sri Lanka et promenée dans un festival annuel. Remarquons que dans le christianisme on vénère les reliques de celui qui a démontré sa sainteté tandis que dans le bouddhisme, c’est la relique qui fait la sainteté. On brûle le corps du moine bouddhiste sans trop savoir s’il avait des pouvoirs particuliers : si on trouve dans ses cendres des petits galets colorés, alors on considère que ce sont des reliques, donc que cette personne avait des pouvoirs surnaturels ou super humains. Mais ce ne sont pas ces formes-là du bouddhisme asiatique qui ont intéressé les Occidentaux des XIXe et XXe siècles. Pour satisfaire leur désir d’une « meilleure religion » que le >>>           >>> christianisme qu’ils rejetaient, ils ont inventé un « bouddhisme » à leur goût, sur la base de quelques textes philosophiques sanskrits. Ce « bouddhisme » est devenu « rationnel » parce qu’ils ont opéré une sélection drastique entre l’immense matériau de possession, de sorcellerie, de magie, de merveilleux, dont ils se sont débarrassés, et quelques textes de pure philosophie, qu’ils ont conservés et montés en épingle.

FA : Vous avez parlé de mantra ; pouvez-vous nous définir ce mot ?

MD : Un mantra, c’est à la fois l’invocation d’une divinité ou d’un démon. C’est aussi une formule magique, c’est-à-dire une formule qui n’a pas un sens rationnel mais qui produit des effets de transformation donc des effets magiques. C’est enfin une sorte de condensation sonore ou écrite d’une divinité. Chaque divinité a son mantra par lequel on la célèbre et on la vénère.

 FA : On entend souvent dire en entreprise et à la radio « ouvrons les chakras ! ». De quoi s’agit-il ?

MD : Au départ, le chakra c’est la roue d’un char de guerre puis ce mot en est venu à désigner ces fameux centres d’« énergies » (« souffles » et « nectars » pour les Indiens), que l’on aurait le long de la colonne vertébrale dans le corps dit subtil ou imaginal. Mais ce sont aussi et surtout des panthéons, c’est-à-dire des univers de divinité. Chaque chakra est un univers de divinité, univers gouverné par une divinité en particulier, entourée d’autres divinités secondaires. Le yogi ou le pratiquant du bouddhisme tantrique imagine que son corps est empli de divinités et qu’elles sont à l’intérieur de ses chakras, à l’intérieur des roues.

 FA : Que faut-il penser du yoga qui est pratiqué en France sous la forme d’exercices respiratoires, d’étirements et de gymnastique et parfois dans certaines préparations à l’accouchement ? Cela ne ressemble pas à la pratique du yoga telle que vous l’avez définie plus haut. Pouvez-vous nous expliquer ces deux pratiques différentes ?

MD : Différencions le Hatha yoga du yoga pratiqué aujourd’hui en Europe.

– le Hatha Yoga a pour but de permettre au yogi, donc aux pratiquants, d’atteindre l’immortalité ; le but de ce yoga c’est d’avoir un corps immortel, un corps divin. Les rituels pratiqués utilisent sang et sécrétions corporelles ; nous ne les décrirons pas davantage ici.

– Le « yoga » qu’on nous propose aujourd’hui en Occident est un mélange de pratiques dans lesquelles on trouve essentiellement de la gymnastique suédoise et des méthodes de gymnastique qui ont été développées à la fin du XIXe et début du XXe siècle quand les États européens ont pensé qu’il fallait que leur population soit forte et résistante et quand les Anglais répandirent ces pratiques en Inde. Plusieurs « gourous » (maîtres) indiens ont repris ces méthodes de culture physique et y ont adjoint du hatha yoga plus traditionnel, donc en lien avec des pratiques sexuelles d’union avec des « divinités ».

 FA : Le catholique peut-il pratiquer sans danger ce « yoga » en le séparant de toute idée de religion ?

MD : La réponse est évidemment non. Qu’il se mette plutôt aux pilates, à la gymnastique, à la barre au sol, à la danse… Les possibilités sont nombreuses.

             FA : De grandes entreprises, des consultants et You Tube promeuvent des séances de « méditation en pleine conscience » ou de « méditation anti-stress ». Ont-elles un rapport avec le bouddhisme ? Sont-elles comparables à la méditation pratiquée par le catholique ?

MD : L’origine de la méditation bouddhique, qu’on appelle chez nous pleine conscience est, comme le yoga, un mélange de tradition indienne médiévale et de tradition du sud-est asiatique où l’esprit doit passer en revue le corps pour se focaliser sur la respiration en vue d’atteindre la libération du samsara (cycle des morts et des renaissances). Dans les traditions bouddhiques indiennes qui sont supposées être les plus pures on trouve en réalité des « méditations sur l’impur » ou sur « l’abject » où l’on se visualise soi-même comme un sac de substances dégoûtantes et comme un cadavre en devenir. Cette méditation n’a donc rien à voir avec la méditation catholique qui a pour but de se rapprocher de Dieu.

FA : Que pensez-vous des mandalas, ces coloriages « zen », pour enfants et adultes ?

MD : Un mandala à l’origine est une représentation symbolique de l’univers en peinture, en sable ou en différents matériaux centrée sur le Mont Mérou qui est supposé être le centre de l’univers. C’est aussi un panthéon, et également une aire rituelle, un cercle magique, que le pratiquant trace sur le sol avant de commencer ses rituels. C’est exactement ce que font les sorciers quand ils pratiquent la magie. On ne peut que déconseiller la fréquentation de ces pratiques inspirées de la magie et on se demande donc quel intérêt l’occidental trouve à colorier des mandalas… Pourquoi ne pas plutôt colorier des vitraux de cathédrales ?

 FA : Puisque c’est le thème de ce numéro, qu’est-ce que le mot « amitié » représente pour un bouddhiste ?

MD : L’amour, l’amitié, la charité sont les grands absents du bouddhisme. Il y a certes « la compassion », mais elle reste surtout abstraite. Les rituels du mahayana (« grand véhicule ») mentionnent que le pratiquant « souhaite que tous les êtres parviennent à l’éveil », ce qui paraît un peu court.

 Merci Madame, d’avoir éclairé pour nous ce monde mal connu en Occident et dont les pratiques tentent de se répandre « en douceur ».

 

 

 

 

Un bien précieux

Sais-tu qu’il existe un bien rare et précieux entre tous, qui ne s’achète pas mais qui se donne et se reçoit, un bien qui, s’il est absent d’une vie, la rend bien triste et terne malgré tous les talents et toutes les richesses ?

C’est l’amitié véritable.

 La sagesse antique d’Aristote la donne comme la plus grande des trois formes d’amitié : l’amitié intéressée, l’amitié agréable, et l’amitié véritable.

Si tu prends contact habituellement d’un air faussement aimable, recherchant un avantage matériel ou un service, et dans ce but, ne te soucie qu’apparemment de l’autre, c’est l’amitié intéressée mais

Ce n’est pas l’amitié véritable.

 Si tu es heureuse de passer un bon moment avec tel ou tel pour une détente ou une activité commune, un groupe d’amis qui peut-être n’existera plus quand les difficultés surviendront, et ne durera que le temps des études ou des loisirs communs, c’est l’amitié agréable, souvent superficielle mais 

Ce n’est pas l’amitié véritable.

 

Un bien précieux comme l’amitié commence parfois doucement, les rencontres dans diverses circonstances permettant le temps de se connaître, ou au contraire se faisant assez vite, deux âmes s’étant reconnues.

Le seul critère est celui des fruits que nous laisse chaque rencontre, avec un parfum de bonté qui dans son sillage, nous a rendus meilleurs. Se sentir grandi, enrichi et ennobli au contact de l’autre, toujours et sans illusion,

C’est l’amitié véritable.

 Se retrouver comme l’on s’est quitté, quel que soit le temps écoulé, dans une totale confiance, sans crainte de la réaction de l’ami ou de son humeur, avec une simplicité toujours présente pour être totalement nous-même, sans faux-semblant, sans détour, savoir ouvrir son âme avec ses faiblesses et ses doutes sur des sujets difficiles,

Pouvoir appeler à l’aide dans la détresse physique, morale, spirituelle, ou au contraire répondre à ses appels sans faire attendre, en se gênant s’il le faut,

Comprendre aussi avec patience qu’il ne puisse à un moment nous aider, sans lui en vouloir,

C’est l’amitié véritable.

Être capable d’entendre une parole forte, dans notre intérêt, même douloureuse mais nécessaire pour éviter des erreurs ou grandir dans la vertu,

Et remercier d’être remis sur la bonne route, car le véritable ami veut notre vrai bien.

Savoir dire cette même parole avec clarté et délicatesse sans craindre de perdre l’autre, faisant fi alors des conséquences que cela aurait pour nous.

Lors des incompréhensions, se remettre en cause et demander pardon, savoir pardonner très vite et s’il faut en reparler, le faire avec humour et humilité, sans ressentiment,

C’est l’amitié véritable.

 Ne pas s’étonner des défauts, des faiblesses, des chutes aussi, car se rappelant notre propre misère et vouloir toujours, toujours aider, soutenir, être présent, quoiqu’il en coûte.

Être prêt à tendre la main quand bien même notre ami serait tombé très bas, sans le juger, mais en le relevant avec patience,

Garder au fond de notre cœur les confidences, ne jamais trahir un secret, et fermer nos oreilles aux critiques d’autrui sans écoute complaisante, en voulant au contraire défendre sa réputation,

C’est l’amitié véritable.

 Comprendre un éloignement passager, sans amertume même si la souffrance est là et se réjouir, sans remarque, du contact retrouvé.

Garder sa porte toujours ouverte, et s’efforcer de deviner les besoins ou les peines.

Uniquement si cela est nécessaire pour un plus grand bien, savoir se quitter sans la lâcheté des moyens de communication interposés qui font écran au courage et à la loyauté, mais expliquer face à face ce qui coûte, par respect de ce que fut l’amitié.

C’est l’amitié véritable.

Enfin, lorsque l’ami quitte ce monde, ne pas l’oublier, faisant fi des serments de fidélité et de soutien sans prier pour lui.

Mais le remettre par nos sacrifices et nos prières dans les mains toutes miséricordieuses du Véritable Ami, et lui demander, au nom de l’amitié, d’intercéder pour nous, afin qu’ensemble nous nous réjouissions sans cesse dans le bonheur sans fin,

C’est l’amitié véritable.

 Jeanne de Thuringe

 

N.B : pour les besoins du texte le mot ami est pris ici dans son concept même, sans connotation masculine spécifique..    

 

Les trois sortes d’amitié

Ma chère Bertille,

 Tu rêves d’avoir quelques véritables amies et me demandes quelles sont les conditions d’une bonne amitié. Tu as raison, l’amitié est un mot qui fait rêver, qui scintille comme les étoiles dans le ciel ! Parfois, on la rencontre dès le jeune âge et elle perdure au fil du temps ; parfois on souffre de se trouver isolé quand on aimerait tant pouvoir partager « d’âme à âme ». Les franches et belles amitiés sont exigeantes, tant elles demandent confiance réciproque, dépassement de tout amour-propre et harmonie. Comment les trouver ?

 Aristote distingue trois amitiés : l’amitié utile (ayant pour fondement un intérêt commun), l’amitié de plaisir (les amis ressentent une joie mutuelle à être ensemble) et l’amitié parfaite fondée sur la vertu.

Les deux premières sont celles que l’on rencontre le plus souvent ; elles se nouent et se dénouent au fil des ans et sont souvent fondées sur les centres d’intérêts communs. Quoi qu’il en soit, il faut veiller à ce que celles-ci soient saines afin de toujours mener vers le Vrai, le Beau et le Bien.

Tu te demandes donc comment savoir si une amitié est mauvaise ou même seulement inutile ?

Il est un signe qui ne trompe pas : si elle te rend triste, t’abaisse et te mène vers un repli sur toi, une vision pessimiste ou égoïste sur le monde, alors « taillez, tranchez, il ne faut pas s’amuser à découdre ces folles amitiés, il faut les déchirer1. »

Parmi les mauvais amis, on reconnaît les égoïstes qui ne voient que leur intérêt ; les arrivistes qui cultivent les belles relations pour se frayer un chemin professionnel ; les accapareurs qui veulent tout recevoir sans jamais rien donner, les vaniteux qui se juchent sur un piédestal pour se faire aduler ; les jouisseurs qui ne cherchent qu’une exaltation excitante comme celle qui se propage sur « la toile », les volages qui papillonnent et font souffrir, les exclusifs qui n’admettent aucun partage, les médiocres et les vulgaires… Ne nous attardons pas sur ces relations superficielles et malsaines qui ne font que combler un vide absolu et qui sont l’apanage des « petits » ;  leur âme, soit par manque de profondeur, soit par absence de volonté, n’a pas réussi à acquérir la valeur que Dieu propose pourtant à chacun. Quelle que soit la gloire qui les entoure, le prestige qui les auréole ou le bruit étourdissant qui retentit autour d’eux, détournons la tête et passons, car le bien de notre âme mérite d’être entouré par de vrais amis.

 Approfondissons donc cette amitié vertueuse que tu souhaites :

Bien plus qu’une question de sentiments, la véritable amitié est aussi un choix de la volonté. Les vrais amis, comme une cordée, partent vers les plus beaux sommets de leurs idéaux partagés. L’amitié favorise le don de soi, l’enrichissement de sa personnalité, la lutte contre les défauts car « Toute âme qui s’élève élève le monde » écrivait Elisabeth Leseur.

Ces êtres qui, quand on les côtoie, donnent envie d’être meilleurs et entraînent vers le bien se reconnaissent non par les dons reçus mais par l’utilisation noble de leur vie dans le sens du bien, par leur attitude de conscience en face du devoir et par la puissance de sacrifice qu’ils sont capables de mettre au service de ce même devoir et de ce même idéal. Ils ne sont pas parfaits, mais ils cherchent à progresser. La belle amitié, « fondée sur la beauté de l’âme, naît dans des régions plus libres, plus pures et plus profondes que toute autre affection2. » Elle s’entretient et doit être réciproque ; elle incite à la confidence pour s’enrichir et se soutenir, ce qui nécessite la confiance et ne supporte aucune ambiguïté ou mélange d’intérêts. Tu comprends mieux maintenant pourquoi l’amitié entre filles ou entre garçons sera plus facilement vraie qu’une amitié mixte tant le désir de plaire ou de conquérir, si naturel entre garçons et filles, risque de polluer ce qui unit les âmes.

 

Il y aurait encore beaucoup à dire, ma chère Bertille, mais je te laisse méditer toutes ces réflexions et me dire au cours de notre prochaine conversation ce que ces pensées t’ont inspiré.

 

Anne

 

Actualités culturelles

  • Bruxelles (Belgique)

Alors qu’ils travaillaient sur le chantier d’une future station de métro de la ligne 3 qui reliera le nord et le sud de Bruxelles, des ouvriers ont découvert les ossements d’animaux préhistoriques au cœur de la capitale belge ! En effet, les travaux nécessitant de creuser profondément, les travailleurs sont arrivés au niveau des couches sédimentaires de la dernière période glaciaire. Un fémur de mammouth de près d’un mètre et des fragments de ses défenses ont été extraits ainsi que les bois et une mandibule de cerf élaphe ou de mégalocéros (cerf géant). La suite du chantier du métro sera bien évidemment surveillée de près par les archéologues. S’il s’agit d’une découverte exceptionnelle, ce n’est pas la première en son genre puisqu’un fragment de défense de mammouth avait déjà été découvert à Bruxelles en 2018 lors de la construction d’un parking.

 

  • Lyon (France)

Après sept ans de travaux, le musée d’art religieux de Fourvière a rouvert ses portes le 20 avril dernier.  Situé dans une ancienne chapelle des Jésuites jouxtant directement la basilique Notre-Dame de Fourvière (dans l’actuelle « Maison carrée » classée Monuments Historiques), le musée possède l’une des plus importantes collections d’art sacré en France. Créé en 1960, le complexe avait pour but de faire découvrir les richesses du patrimoine et de la culture du christianisme. On y trouve un grand ensemble d’orfèvrerie ainsi que des dessins, statues et de très nombreux vêtements liturgiques témoignant de l’art exceptionnel des soieries lyonnaises. La plupart des œuvres datent du XIXe siècle (en particulier des pièces d’orfèvrerie de l’artiste lyonnais Armand-Calliat), mais on en trouve également quelques-unes des XVIIIe et XXe siècles. C’est également dans le musée privé de Fourvière qu’est conservé le magnifique trésor de la basilique et ses reliques.

 

  • Paris (France)

Dès le 3 juin prochain, le 4e arrondissement de Paris abritera le tout premier Musée Vivant du Fromage. Ce projet, lancé par de véritables fromagers, a pour but de faire redécouvrir l’histoire du fromage, ses origines, les secrets de sa fabrication… Le tout bien évidemment accompagné de dégustations bienvenues ! Une excellente idée pour mettre en valeur le monde de la caséologie (science ayant pour but l’affinage et la connaissance du fromage) qui fait incontestablement partie du patrimoine français. Le musée propose également d’appréhender un savoir-faire ancestral grâce à la laiterie-fromagerie qui permettra de fabriquer du fromage sous les yeux des visiteurs. Une entreprise qui se fixe pour objectif de créer de nouvelles vocations de fromagers face à l’abandon des métiers artisanaux.

 

  • Rome (Italie)

Haute de 13 mètres, la statue colossale représentant Constantin (272-337), premier empereur romain converti au christianisme, avait été réalisée entre 313 et 324 environ. Tandis que le corps de l’empereur assis, représenté sous les traits de Jupiter, était sculpté dans du marbre de Paros, le manteau et les accessoires (sceptre et globe) étaient en bronze. Il s’agissait là d’une des sculptures les plus significatives de l’Antiquité tardive et de la plus grande statue de l’Antiquité (après le colosse en bronze de Néron, haut de 30 mètres). Ce n’est qu’en 1486 que les premiers vestiges de cette œuvre ont été découverts au sein du forum romain, dans la basilique de Maxence : une tête haute de 2m60, deux pieds, le tibia droit, le genou droit, le bras droit, la main droite, un poignet et un mollet. En 1951, un pan du torse a été découvert à son tour. Ces fragments sont visibles dans la cour du Palais des Conservateurs.

Or, depuis quelques années, les archéologues se sont attelés à une tâche hors du commun : reconstituer cette statue unique à partir des vestiges et des sources littéraires et iconographiques ! C’est le 6 février dernier que cette reconstitution a été dévoilée dans les jardins de la villa Caffarelli, sur la colline du Capitole : réalisée en résine, stuc, poudre de marbre et plâtre (et aluminium pour la partie intérieure), la statue conservera sa place actuelle jusqu’en 2025, année du jubilé où des millions de pèlerins catholiques sont attendus à Rome. Après cette date, elle sera déplacée ailleurs dans la ville de façon définitive.

 

 

Nana Mouskouri (née en 1934)

« Tant que tu seras heureux, tu compteras beaucoup d’amis.

Que le ciel s’obscurcisse et tu seras tout seul. » Ovide

 

Afin d’illustrer le thème de ce numéro, voici une chanson composée par Léo Ferré à partir d’extraits poétiques de Rutebeuf (vers 1250-1260, « les poèmes de l’infortune »).

Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L’amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta

 

Avec le temps qu’arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n’aille à terre
Avec pauvreté qui m’atterre
Qui de partout me fait la guerre
L’amour est morte


Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à honte
En quelle manière

 

Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L’amour est morte

Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m’était à venir
M’est avenu

 

Pauvre sens et pauvre mémoire
M’a Dieu donné le roi de gloire
Et pauvres rentes
Etroit sur moi quand bise vente
Le vent me vient, le vent m’évente
L’amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta, les emporta.

 

 

 

Afin d’illustrer le thème de ce numéro, voici une chanson composée par Léo Ferré à partir d’extraits poétiques de Rutebeuf (vers 1250-1260, « les poèmes de l’infortune »).

 

Le Véritable Ami

Voici, résumé par le Bienheureux Claude de la Colombière, le modèle de l’Amitié humaine, magnifié ici dans l’Amitié divine : une très haute idée de l’Amitié….

« Jésus, Vous êtes le seul et le véritable AMI.

Vous prenez part à mes maux, vous vous en chargez, vous avez le secret de me les tourner en bien. Vous m’écoutez avec bonté lorsque je vous raconte mes afflictions et vous ne manquez jamais de les adoucir.

Je vous trouve toujours et en tout lieu ; vous ne vous éloignez jamais et, si je suis obligé de changer de demeure, je ne manque pas de vous trouver où je vais.

Vous ne vous ennuyez jamais de m’entendre ; vous ne vous lassez jamais de me faire du bien. Je suis assuré d’être aimé si je vous aime. Vous n’avez que faire de mes biens, et vous ne vous appauvrissez point en me communiquant les vôtres.

Quelque misérable que je sois, un plus noble, un plus bel esprit, un plus saint même ne m’enlèvera point votre amitié ; et la mort, qui nous arrache à tous les autres amis, me doit réunir avec vous. Toutes les disgrâces de l’âge ou de la fortune ne peuvent vous détacher de moi ; au contraire je ne jouirai jamais de vous plus pleinement, vous ne serez jamais plus proche que lorsque tout me sera le plus contraire.

Vous souffrez mes défauts avec une patience admirable : mes infidélités mêmes, mes ingratitudes ne vous blessent point tellement que vous ne soyez toujours prêt à revenir si je le veux. O Jésus, accordez-moi de le vouloir, afin que je sois tout à vous, pour le temps et pour l’éternité. »

 

Et toi, aimerais-tu « être ton ami » ?

C’est au sein de sa famille que le jeune enfant développe ses premiers contacts avec les autres : parents, frères et sœurs, grands-parents ou cousins qui passent ou rendent visite. Les parents s’appliquent à ce que s’établissent d’excellents rapports entre tout ce petit monde, un bon esprit, le désir de se comprendre, de s’entraider, de se confier. Peu à peu les connaissances s’élargissent aux amis de passage, aux gens que l’on croise dans la rue ou à l’église. Le petit fait souvent la grimace devant un nouveau visage, puis s’y habitue après plusieurs rencontres…

Parfois des familles très unies ont tendance à défendre jalousement l’entrée du foyer à tout étranger. Mieux vaut préserver nos enfants de cette forme de repliement familial en leur montrant assez jeunes qu’il y a d’autres familles, d’autres enfants, auxquels, à l’occasion, on pourra rendre service, saluer d’un mot gentil, d’un geste de politesse, d’un sourire.

Quand il ira à l’école, l’horizon du nouvel écolier s’agrandira encore, et il apprendra à bien s’intégrer dans sa classe et à respecter ses camarades, pour de nombreuses années ! C’est sa personnalité, polie et modelée par son éducation, qui fera de lui un être plus ou moins sociable et avenant. Que seront ses camarades, pour lui ? Des êtres indifférents ? Des souffre-douleurs dont on s’amuse parce qu’ils n’ont ni son nom, ni sa désinvolture… ? Des objets de mépris car concurrents, trop « bigots » ou dévergondés ? Non, ils ne peuvent ni ne doivent être cela ! L’écolier devra d’abord voir en chacun de ses camarades, en chaque homme, une âme créée par le Bon Dieu. Ses parents l’aideront dès son jeune âge à voir, non s’il a tel ou tel caractère, non s’il est déplaisant ou sympathique, mais une âme. Une âme qui se prépare, comme lui, un avenir éternel de joie ou d’horreur. Avant de juger, il doit déjà respecter l’âme de ses congénères, et l’aimer comme Dieu l’aime.

Qui sait si le salut de l’une de ces âmes n’est pas lié à l’attitude qu’aura l’enfant vis-à-vis de lui ? Souvent, les hommes se damnent par les hommes, et Dieu les sauve aussi les uns par les autres. En tout cas, cet enfant peut beaucoup compter pour en entraîner un autre dans un sursaut ou une chute, selon sa bonne ou mauvaise influence sur lui (et inversement !). À l’école, l’élève « bon camarade » cherchera à élever le niveau d’entente entre tous, à contribuer à donner un esprit de classe qui est comme une âme collective frondeuse ou disciplinaire, vulgaire ou distinguée, fervente ou indifférente… Il apprendra également à se défier des mauvais sujets pour lesquels il aura tout tenté avec gentillesse, mais sans succès. On le mettra en garde de ne pas mettre son âme en danger sous prétexte de « convertir » un camarade de mauvaise influence. Prier pour le malheureux sera alors son réconfort, et la Providence fera le reste.

Cela n’est pas donné à tout le monde d’être meneur d’hommes, fédérateur dans sa classe, mais cela est à la portée de tous d’être le bon camarade sur lequel on peut compter, auquel on songe spontanément quand on a un service à demander, dont on est sûr de n’être jamais repoussé. Celui-là devient alors un modèle vivant qui sans pose, s’impose ; sans rien dire, réprimande ; sans discours, prêche Dieu ; sans rien faire pour attirer l’attention, se distingue aux yeux de tous.

C’est en étant admirable, vertueux, que l’on se fait de bons amis. Vertueux ne veut pas dire « sainte Nitouche » qui se montre exemplaire par devant et détestable par derrière ; mais quelqu’un qui, se mettant à l’école de Notre-Seigneur, imite ses vertus de bonté, de joie, d’honnêteté, de franchise, de courage, de pureté… pour se faire un autre Christ parmi les autres. Cela est entraînant pour l’entourage qui voudrait imiter et devenir l’ami de ce si bon camarade. « Qui se ressemble s’assemble ! », les bons camarades, comme les mauvais, auront une bonne ou une mauvaise influence autour d’eux…

Plusieurs fois, des jeunes de mon entourage sont venus me trouver :

– Je n’ai pas d’amis, personne ne veut venir avec moi…

– Et toi, aimerais-tu « être ton ami » ? En quoi es-tu suffisamment aimable pour attirer de bons et sympathiques amis ?

C’est amusant comme à chaque fois cette question faisait « mouche » en ouvrant les yeux de l’âme. Nous n’avions pas besoin de développer davantage la question… Tout était clair, et je le voyais bien dans ce bon sourire entendu que j’avais alors en face de moi !

En amitié, ce sont les âmes qui s’attirent, qui s’entraînent et s’élèvent en s’encourageant mutuellement. Un bon ami n’est jamais parfait, il a ses propres défauts, ses propres combats pour son bien supérieur, il a comme nous tous son pèlerinage terrestre à accomplir avec ses dépouillements et ses enrichissements, ses labeurs, ses épreuves, ses chutes, et ses élans de grâces. Le véritable ami sait nous reprendre, nous encourager contre nos défauts ou faiblesses, et peut tout nous dire. Il est autant l’ami de notre âme que celui de notre personne humaine… et peut-être même plus !

Il faut donc guider nos enfants dans la recherche du bon ami, celui qui l’entraînera vers le Ciel. Le Bon Dieu en met toujours un et même plusieurs sur le chemin, parfois dès la petite enfance, parfois plus tard (scoutisme, pension, études supérieures, paroisse…), toujours il nous envoie ce soutien de l’âme. Mais surtout notre éducation fera de notre enfant « le » bon ami pour d’autres, un nouveau Jésus-Christ parmi ses congénères, en famille, en société, en entreprise, celui dont on pourra dire : « Si je ne l’avais pas connu, je ne vaudrais pas la moitié de moi-même. » Celui-là saura immanquablement se faire de bons et vrais amis !

   Sophie de Lédinghen 

 

Le Grand Ami

La foule se presse sur les trottoirs pour attraper le prochain RER. Au passage piéton, les automobilistes tentent de trouver un intervalle dans le flot continu, mais il semble qu’à chaque fois un piéton surgisse au dernier moment. Les chauffeurs s’impatientent. Certains finissent par forcer, s’attirant des regards noirs de chaque côté de la chaussée. D’autres klaxonnent. Au milieu, les trottinettes slaloment, manquant de renverser une vieille dame, pestant contre un piéton plus lent que la moyenne. Les cyclistes se suivent en file, le doigt sur la sonnette, prêts à houspiller le premier qui oserait poser le pied sur leur voie réservée. Il y a peu de sourires dans cette foule. Quelques rares éclats de voix brisent le bruit des pas sur le béton, entre deux collègues de travail, le temps de rejoindre l’anonymat du quai. Les visages sont globalement fermés, les yeux rivés sur les écrans ou perdus dans le brouhaha que des écouteurs déversent directement dans leurs oreilles.

Assis sur le béton, un mendiant regarde le torrent humain qui charrie les individus comme des galets qui s’entrechoquent dans le courant. Personne ne voit le miséreux. Il est sale et malodorant. Déshumanisé, il devient invisible. Qui pour l’aider ? Enfin, une parmi un millier, une âme généreuse lui tend la main et glisse dans sa paume crasseuse une petite aumône. La Charité fleurit dans le sourire du misérable et dans celui de son bienfaiteur, que la foule happe de nouveau.

Jérusalem. Les cris ameutent les passants. Des gens, les bras levés, menaçants, insultent un homme seul, entouré d’une troupe de soldats. La foule éructe et crache sur le malheureux. Son corps est une immense plaie. Les yeux sont tuméfiés. La nuque, le dos, les épaules, les jambes sont lacérés par les coups de fouet. La chair est à vif. Reste-t-il quelque chose d’humain chez ce condamné ? Les épines humilient et blessent son front. Ses mains sont liées au patibulum qui lui laboure les épaules. Il ne peut se protéger le visage quand il chute de nouveau, sous les railleries. Il n’a plus figure humaine. Il est comme un ver de terre. Défiguré par le péché, les hommes se détournent de lui et le mènent à la mort, sans pitié aucune.

Qui pour l’aider ?

« Je ne vous appelle plus serviteurs […] mais je vous ai appelés amis. »

Où sont vos « amis », Seigneur ?

Par la Croix, Dieu restaure la dignité de l’homme. Non pas à la façon de l’âme généreuse qui donne l’aumône au misérable du coin de la rue. Non, en se faisant plus misérable que le misérable, afin que le mendiant restaure sa dignité en faisant lui-même l’aumône du peu qu’il a, à plus indigent que lui.

Dieu ne fait pas l’aumône aux hommes. Il se fait plus misérable que le plus misérable de tous les hommes pour mendier notre amour. Il revêt tous nos péchés qui le défigurent et lui ôtent toute apparence humaine. Il porte nos trahisons jusqu’au Calvaire pour les détruire, sous les coups et les crachats, versant tout son sang. Tout cela pour que, pris de compassion, nous l’aimions. Notre-Seigneur Jésus-Christ est venu sur terre pour mendier notre Charité. Son Sacré-Cœur veut notre amitié. Il veut notre amitié plus que jamais nous ne pourrons le vouloir.

Ô Dieu Mendiant ! Ô Divin Ami ! Resterons-nous ingrats ? Resterons-nous dans le camp des hommes sans pitié qui l’ont vu dans les rues de Jérusalem et n’ont rien fait, ou pire, qui ont jeté leurs insultes et leurs crachats avec la foule ?

« Voici ce cœur qui a tant aimé les hommes, et qui reçoit en retour tant d’ingratitudes. »

Le vrai amour est quand celui qui aime est prêt à se sacrifier pour le bien de l’être aimé. Aimons-nous véritablement ? Comment aimons-nous Dieu ? Pour nos intérêts d’abord ou pour Dieu uniquement ? Aimons-nous Dieu pour éviter l’Enfer et obtenir une promotion au boulot ? Ou aimons-nous Dieu pour sa Gloire et uniquement pour sa Gloire, pour répondre à son amitié et ne chercher qu’à Le glorifier ?

« Je ne vous appelle plus serviteurs […] mais je vous ai appelés amis. »

Où sont vos amis, Seigneur ? Vous êtes venu mendier la charité des hommes, qui avez-vous trouvé pour se donner tout entier à vous ?

Que chacun de nous, au fond de son âme, considère le Sacré-Cœur de Jésus qui a tellement souffert à cause de nous, qui ne veut pas faire l’aumône en nous sauvant sans nous, mais qui veut restaurer notre dignité en se faisant plus misérable que nous pour mendier notre charité. Quelle preuve d’amitié ! Il n’y a pas de plus grand ami que Jésus ! Que ferions-nous pour le meilleur de nos amis qui nous a sauvés en donnant sa vie ? Tout simplement donner sa vie en retour. Qu’au fond de notre cœur jaillisse le don total.

Ô Jésus, je vous donne tout, mon âme, ma vie, ma santé, mon corps, mon honneur, mes richesses, ceux que j’aime, tout. Vous voulez tout prendre comme Job ? Faites ! Tout ce que vous voudrez, Ô Cœur divin, tout ce qui vous est agréable, Ô Dieu mendiant, Ô vous Jésus, mon grand Ami.

 Louis d’Henriques

 

Trousse en toile enduite doublée

Chères couturières,

Vous trouverez sur notre site pour ce nouveau numéro un patron de cette petite ou grande trousse qui vous suivra partout : trousse à bijoux, à crayons de couleurs, trousse de couture pour votre nécessaire de raccommodage ? Trousse de toilette à offrir ou encore trousse pour les portables, dans l’entrée ou dans le salon ? Trousse fourre-tout pour votre sac à main, trousse de monsieur avec l’indispensable pour tailler une barbe…

http://pheon.ovh/wp-content/uploads/2024/05/Couture-Trousse_fiche.pdf

Il s’agit d’un modèle simple, formé de deux rectangles de tissu. Nous vous indiquons en début de patron les mesures nécessaires en fonction de modèles types (trousse à crayons, trousse de toilette, trousse avec un nécessaire pour changer bébé…). Le patron est proposé doublé pour une finition plus soignée ; vous pouvez le réaliser en une seule épaisseur. Le tissu extérieur est proposé en toile enduite imperméable, mais n’hésitez pas à laisser s’exprimer votre créativité printanière avec des matières comme du cuir ; ajoutez-y à votre gré de jolies surpiqures, des broderies, des rubans, des pompons, pour une réalisation du meilleur effet ! Bonne couture !

http://pheon.ovh/wp-content/uploads/2024/05/Patron-trousses-3-formats.pdf

Atelier couture

https://foyers-ardents.org/category/patrons-de-couture/

 

Constitution et avortement : loi constitutionnelle du 8 mars 2024

La constitutionnalisation de la liberté de l’avortement fait partie des sujets que nous préférerions naturellement éviter tant elle heurte les consciences droites et montre le fossé qui sépare les catholiques fidèles et les défenseurs de la loi naturelle de la quasi-totalité de la classe politique et médiatique, et même de la grande majorité de nos contemporains. Il faut dire que peu de choses nous ont été épargnées dans les derniers jours de février et la première semaine de mars 2024 : la hâte avec laquelle ont été conduits les débats, les très fortes majorités des votes favorables à la loi dans tous les groupes politiques, la faiblesse des opposants dont le nombre diminuait au fil du temps et qui contrastait avec le triomphalisme débridé de ses promoteurs – le Premier ministre a parlé à cette occasion de « la France, phare de l’humanité » , la timidité de la réaction de l’Eglise catholique, sans compter l’illumination de la tour Eiffel qui affichait, le soir du vote final, les mots « mon corps, mon choix » et la cérémonie organisée place Vendôme pour l’apposition du sceau de la République sur la loi promulguée par le chef de l’Etat. Ce déferlement peut apparaître dérisoire tant le combat des partisans de la révision constitutionnelle fut facile et dénué d’embûches. Il montre en creux la gravité de l’atteinte ainsi portée à la loi naturelle et à ce qui reste de la France chrétienne, ainsi que la facilité avec laquelle pourraient être demain adoptées, sans rencontrer de résistance, d’autres réformes mettant en péril les îlots de chrétienté qui subsistent.

« La France, ont clamé les partisans du texte, est le premier pays de la planète à inscrire la liberté d’avorter dans sa constitution et est fière d’envoyer ainsi un signal de libération à toutes les femmes du monde au nom du droit de celles-ci à disposer de leur corps.» Tout est faux dans cette assertion. Le maréchal Tito avait déjà fait inscrire cette sinistre liberté dans la constitution yougoslave après la seconde guerre mondiale et les constitutions de deux pays européens y font aujourd’hui indirectement référence. Avorter n’est pas pour une femme disposer de son corps mais de celui d’un autre être humain dont la vie a commencé et qui est privé du droit de vivre. Comment parler de libération de la femme alors qu’il y a aujourd’hui tant d’avortements contraints ? Cette prétendue liberté de la femme repose bien sur une fausse conception de la liberté.

Le vote de la loi érigeant le droit à l’avortement en liberté constitutionnelle est une initiative des députés appartenant aux groupes insoumis et écologistes au cours de la précédente législature, (2017-2022) à laquelle les gouvernements de l’époque s’étaient opposés en arguant du caractère inutile d’un tel texte en l’absence de menace affectant ce droit. Après l’arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis du 24 juin 2022 qui a supprimé la protection fédérale du droit à l’avortement et donné pleine compétence aux Etats fédérés pour >>> >>> légiférer dans cette matière, plusieurs propositions de loi ont été déposées dans les deux assemblées du Parlement français pour « inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution ». Le Sénat a rejeté le 19 octobre 2022 la proposition déposée par 118 sénateurs appartenant à sept groupes politiques alors que l’Assemblée nationale a adopté le 24 novembre 2022 un texte identique. Celui-ci visait à introduire dans la Constitution, dans le titre VIII relatif à l’autorité judiciaire, après l’article 66-1 relatif à l’abolition de la peine de mort, un article 66-2 garantissant à la femme un droit effectif à l’IVG.  Après la protection de la vie des criminels, venait le droit de tuer les innocents. Le texte voté par les députés, avec cette fois-ci le soutien du gouvernement, est venu en discussion au Sénat le 1er février 2023. Tous s’attendaient à ce que la proposition soit à nouveau rejetée quand, à la surprise générale, le sénateur LR de la Manche, Philippe Bas, ancien ministre de la santé de Jacques Chirac, a déposé et fait adopter un amendement introduisant dans l’article 34 de la Constitution un alinéa selon lequel « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse ». Les différences entre les versions des députés et des sénateurs relèvent surtout de la sémantique mais le président de la République a décidé de reprendre le texte sénatorial pour en faciliter l’adoption et le texte voté le 30 janvier 2024 par l’Assemblée nationale, le 28 février par le Sénat et le 4 mars par le Congrès du Parlement dispose que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. »

Les débats parlementaires ont été décevants. Les opposants ont insisté sur le caractère inutile du projet en l’absence de remise en cause du droit à l’avortement dans notre pays et sur leur attachement à la loi Veil de 1975 dont la révision constitutionnelle trahirait selon eux l’esprit. Les deux tentatives de modification du projet, qui se sont heurtées à un échec, ont porté sur la suppression de l’adjectif « garantie » et sur l’insertion dans le texte de la protection de la clause de conscience qui donne au personnel médical le droit de ne pas pratiquer ni de concourir à une interruption volontaire de grossesse. Au Congrès réuni le 4 mars 2024 à Versailles, 782 parlementaires ont voté pour, 80 contre – honneur à eux car ils ont été soumis à de fortes pressions – et 50 se sont abstenus, tandis que 23 n’ont pas pris part au vote.

Cette révision constitutionnelle s’inscrit dans la ligne des réformes qui depuis 1975 n’ont cessé d’élargir le droit à l’avortement. D’abord présenté par Simone Veil comme un « ultime recours » pour remédier à une « situation de détresse » et dépénalisé pour une durée de cinq ans s’il était pratiqué pendant les dix premières semaines de la conception du fœtus, l’avortement allait être autorisé de façon définitive en 1979, puis remboursé par la sécurité sociale en 1982. En 1993, la loi crée le délit d’entrave à l’IVG et, en 2001, le délai pendant lequel l’avortement peut être pratiqué est porté à douze semaines, les chefs de service hospitalier ne peuvent plus s’opposer à la pratique d’un avortement dans leur service et la femme ne peut plus être poursuivie pour un avortement hors délai. En 2012, le taux de remboursement par la sécurité sociale passe à 100 %, en 2014, est supprimée la « condition de détresse » d’une portée pratique limitée car la femme en était le seul juge, et en 2022, le délai passe de douze à quatorze semaines.

La liberté de l’avortement avait acquis, avant même la récente réforme, un statut quasi-constitutionnel dans la mesure où le Conseil constitutionnel avait à quatre reprises reconnu la conformité à la Constitution de la loi de 1975 et des mesures qui en élargissaient la portée. La décision du 27 juin 2001, à laquelle a participé Simone Veil en tant que membre du Conseil à cette époque, est intéressante à plusieurs titres : le Conseil avait été saisi par plus de 60 sénateurs (y en aurait-il encore un seul aujourd’hui ?)  sur l’allongement du délai de dix à douze semaines et sur la possibilité pour un chef de service de s’opposer à la pratique de l’avortement dans son service. Le Conseil a décidé que l’augmentation du délai ne remettait pas en cause l’équilibre existant entre la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et la liberté que tient la femme de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789  >>> >>> (« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. »), ce qui ouvre un champ pour le moins indéfini à son application. Le Conseil, à aucun moment, ne reconnaît à l’embryon la qualité d’un être humain, semblant oublier le principe posé à l’article 16 du code civil : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la vie.» La suppression du droit, pour un chef de service, de s’opposer à ce qu’un avortement soit pratiqué dans son service fut jugée conforme à la Constitution en raison de l’existence de la clause de conscience du corps médical fondée sur la liberté d’opinion, reconnue par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le préambule de la Constitution de 1946 et la liberté de conscience considérée comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République. 

Les conséquences de cette réforme ont été soulignées : la clause de conscience du personnel médical, dont plusieurs députés insoumis et écologistes ont demandé la suppression dès le lendemain du vote, peut être considérée comme étant à risque malgré la décision du Conseil constitutionnel de 2001, le nouveau texte pourra encourager les pratiques eugénistes, et la possibilité de critiquer l’avortement pourra être censurée en tant qu’elle contreviendrait à l’exercice d’un droit constitutionnellement garanti. Nous avons déjà pu constater l’existence d’un tel risque avec les réactions aux propos courageux d’Aymeric Pourbaix sur Cnews selon lesquels l’avortement était la première cause de mortalité dans le monde, avant le tabac et le cancer. Plusieurs journalistes de la chaîne ont désavoué leur auteur et Cnews a dû platement s’excuser pour cette déclaration jugée transgressive. Pourtant les chiffres sont éloquents : il y a eu 232 000 avortements en France en 2022 et ce chiffre est en augmentation constante depuis une trentaine d’années – nous étions à 200 000 en l’an 2000 – ce qui représente 32 % des naissances. Ces chiffres placent la France en tête des pays européens pour le taux de recours à l’avortement : le rapport entre le nombre d’avortements et celui des naissances est de 12 % en Allemagne 12,5 % en Suisse et 16 % en Italie. En outre, la France est le seul pays d’Europe où ce taux continue à augmenter alors qu’il diminue dans les autres pays.

L’Eglise catholique a pris position contre l’inscription de l’avortement dans la Constitution française. Le responsable de Radio Vatican et de Vatican News a rappelé les paroles prononcées par le pape François en 2021 : « L’avortement est un meurtre » et s’interroge : « Comment est-il possible de juxtaposer dans la charte fondamentale d’un Etat le droit qui protège et celui qui sanctionne sa mort ? » La conférence épiscopale française a appelé les catholiques à être des serviteurs de la vie, de la conception à la mort, et a appelé « à soutenir ceux et celles qui choisissent de garder leur enfant (…) et à entourer de notre respect et de notre compassion ceux et celles qui ont eu recours à l’avortement ». Nous retrouvons là toute la prudence, pour ne pas dire plus, du corps épiscopal qui omet d’avertir sur la gravité du péché objectif que représente un tel acte.

 

Alors que faire dans « cette course à l’abîme d’une civilisation en perdition » pour reprendre les mots de Philippe de Villiers ? Ne pas nous décourager, ni nous résigner bien sûr. Essayer modestement de tirer quelques leçons de ce triste événement de notre vie politique. Ne pas céder sur les principes car, n’en déplaise à beaucoup de « modérés », la constitutionnalisation de l’avortement était en germe dans la loi Veil de 1975 et défendre celle-ci pour mieux combattre celle-là est une gageure. Reconnaître aussi que le vrai combat est surnaturel et que si l’avortement est contraire à la loi naturelle, il ne pourra pas être combattu par les seuls moyens humains bien que ceux-ci soient nécessaires.  L’avantage du combat surnaturel est que, même s’il se situe dans le long terme, c’est un combat assurément gagnant. N’oublions pas l’une des dernières paroles de Jésus-Christ à ses disciples : « J’ai vaincu le monde.» J’ai vaincu, cela veut dire que c’est déjà fait…     

Thierry de la Rollandière