Gestionnaires des dons de Dieu

 « J’accorde à l’un la vertu d’enseigner, de porter la parole, en donnant au prochain de justes conseils, sans se soucier d’autrui. Un autre a la grâce de donner le bon exemple. Mais chacun est très strictement obligé d’édifier son prochain par le parfait exemple d’une vie sainte et louable. 

Telles sont les vertus et bien d’autres qui sont engendrées par l’amour du prochain. Je les ai faites si différentes que je n’ai pu les donner toutes à un seul homme. J’accorde en particulier à l’un celle-ci, à l’autre celle-là. 

Pourtant, on ne peut avoir l’une sans les autres parce que toutes les vertus sont liées entre elles. Mais il y en a beaucoup que j’accorde comme têtes de file des autres : j’accorderai à l’un principalement la charité, à l’autre la justice, à celui-ci l’humilité, à celui-là une foi vive, à cet autre la prudence, la tempérance, la patience, et à cet autre enfin une force invincible. 

Tous ces nombreux dons, ces grâces des vertus ou d’autres avantages, qu’il s’agisse du corps ou de l’esprit, sont distribués de façon diverse. Si je les répands de façon si variée – car je ne les donne jamais tous au même individu – c’est pour qu’on soit obligé d’exercer la charité les uns envers les autres.

Car j’aurais bien pu doter les hommes de tout ce qu’il leur fallait, pour le corps et pour l’âme. Mais j’ai voulu que l’un eût besoin de l’autre et qu’ils deviennent ainsi mes gestionnaires chargés de distribuer les dons et les grâces qu’ils ont reçus de ma bonté. Bon gré mal gré l’homme ne peut pas éviter la nécessité de recourir à l’action charitable du prochain, pourtant, si une telle action ne se fait pas sous mon regard, elle ne lui procure aucun profit de grâce. »

Extrait du Dialogue de Notre-Seigneur avec sainte Catherine de Sienne  

 

Quatrième station

« Bien vivre n’est rien d’autre qu’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit, » et comment aimer Dieu si nous ne le connaissons pas ? Aimer Dieu ! Vaste programme ! Et l’aimerons-nous jamais assez ?

La maman pourra ainsi lire ou simplement s’inspirer de ces pensées pour entretenir un dialogue avec ses enfants ; elle l’adaptera à l’âge de chacun mais y trouvera l’inspiration nécessaire pour rendre la présence de Dieu réelle dans le quotidien matériel et froid qui nous entoure. Elle apprendra ainsi à ses enfants, petit à petit, à méditer ; point n’est besoin pour cela de développer tous les points de ce texte si un seul nourrit l’âme de l’enfant lors de ce moment privilégié.

Ainsi, quand les difficultés surgiront, que les épreuves inévitables surviendront, chacun aura acquis l’habitude de retrouver au fond de son cœur Celui qui ne déçoit jamais !

Après la contemplation du Notre Père et de la Salutation angélique, nous vous proposons celle du Chemin de Croix. En effet, sa méditation, source de nombreuses grâces, est un exercice souvent négligé hors du temps du Carême, elle est pourtant source de nombreuses grâces. Une illustration facilitera le recueillement des plus jeunes.

Seigneur, je me mets en votre présence et je vous adore avec toute la ferveur dont je suis capable. Je veux être tout à vous dans les instants qui vont suivre, et prolonger mon cœur à cœur avec vous toute la journée !

 

Quatrième station : Jésus rencontre sa très sainte Mère

Composition de lieu

Après sa chute, Jésus se redresse avec peine. Avant de reprendre sa marche, il lève les yeux, et voit sa Mère, qui a réussi à se faufiler près de lui. Aucune parole n’est dite, aucun geste n’est fait. Il y a seulement deux regards qui se croisent et se comprennent : allons sauver les âmes !

Corps de la méditation

Quelle torture est-ce pour vous, ô Maman chérie, que la vision de votre divin Fils souffrant ! Vous voulez le réconforter, vous aimeriez tant prendre sur vous toute sa douleur. Mais vous savez qu’elle est nécessaire, et dans votre regard passe un nouveau Fiat, avec l’amour et la souffrance mêlés. Et à vous voir ainsi éprouvée, la peine de Notre-Seigneur est encore plus grande ! C’est un vrai paradoxe, comme une contradiction, de voir que cet instant vous apporte à tous deux souffrance et consolation en même temps : Marie ne nous a pas encore officiellement adoptés comme ses enfants, mais elle nous aime avec un cœur dont l’amour est tel que celui de toutes les mères réunies n’est rien en comparaison ; et elle comprend que seul un Dieu peut réparer pour nos fautes immenses, et sauver de l’enfer toutes les âmes qui se laisseront toucher par sa grâce. Alors elle veut participer à notre salut, en prenant une part dans les souffrances de Jésus : elle accomplit son rôle corédempteur. Et dans ses yeux, Jésus peut lire : « Je suis là, ne crains pas de décharger un peu ton fardeau sur moi, car je suis ta mère, et c’est mon privilège de maman de souffrir pour toi, et à cause de toi. Moi aussi je veux sauver les âmes, car je les aime. »

Vous auriez pu nous rejeter tous, et nous laisser à notre misère, car nous le méritions. Mais comment votre cœur maternel si pur peut-il abandonner ceux pour lesquels son Fils souffre en ce moment ? Comprendrais-je un jour à quel point vous nous aimez ?                                                                              

Colloque

Plus un cœur est pur, plus le péché le fait souffrir. Vous me voyez, ô Jésus, si contrit de la peine que je vous cause, à vous et à votre Mère immaculée, et pourtant je ne mesure pas le mal que je fais chaque jour, et à quel point il offense vos deux cœurs. J’en ai bien une idée, quand je croise le regard de ma maman de la terre, après avoir fait une sottise : dans ses yeux je vois la peine que je lui cause, et la miséricorde toute proche qui n’attend qu’un geste de ma part pour me pardonner. Vous aussi, vous n’attendez que mon repentir et le don de mon cœur pour me combler de grâces, et pour que les larmes de votre Mère me purifient afin de me permettre de comprendre l’horreur du péché, et de l’éviter autant qu’il m’est possible de le faire ! Mon Saint Ange, éclairez-moi, guidez-moi sur le chemin du Ciel, afin que je comprenne, à travers les souffrances et les croix, combien est doux le chemin du Ciel quand on y croise le regard de Marie.

                   

Germaine Thionville

 

Ne nous décourageons pas !

Certains d’entre nous, plus lucides que la majorité, pourraient se décourager devant l’état de déliquescence de notre civilisation chrétienne occidentale. De ce fait, une certaine langueur les atteint, qui les freine dans leur action ou dans le développement de leurs talents personnels.

William J. Slattery, loin de leur donner raison, leur énonce des raisons d’espérer1 :

« Plutôt que de considérer l’Eglise comme quelque chose d’ancien, avec la tentation de se dire que sa jeunesse et sa maturité créative sont derrière elle, nous prenons conscience qu’elle n’est peut-être pas encore sortie de l’enfance. 

Il y a une chose que nous savons avec certitude : l’Eglise du Christ divinement constituée porte en elle une sagesse et une énergie dotées d’une éternelle jeunesse. Ni la persécution, ni les chefs incapables ou corrompus, ni les catastrophes de l’Histoire ne parviendront jamais à la dévitaliser. « La Chrétienté a subi un certain nombre de bouleversements dont le christianisme est mort chaque fois, écrivait Chesterton. Il est mort et s’est relevé de chacune de ses morts, car son Dieu sait comment on sort du tombeau ». Sa vitalité, si manifeste dans son passage des catacombes aux cathédrales du premier millénaire, la rend pleinement apte à mener une autre lutte herculéenne pour faire naître une nouvelle civilisation chrétienne. Nécessairement nouvelle – abandonnons les illusions – parce que la « civilisation occidentale » d’aujourd’hui, devenue culture globale dominante, s’empresse de se débarrasser de tous les symboles chrétiens publics, éliminant la morale chrétienne de ses institutions, de ses programmes éducatifs et de sa conscience médicale ; elle aura bientôt achevé de détruire jusqu’à l’esprit chrétien qui seul consolidait ses fondations. L’Occident s’est tragiquement condamné lui-même, et il n’apparaît pas qu’il soit récupérable.

La nouvelle civilisation chrétienne peut commencer n’importe où. Peut-être même, une fois de plus, en Occident, en Amérique et en Europe. Car cette société en décomposition compte des hommes et des femmes au cœur ardent, entièrement convaincus que Jésus-Christ est le Seigneur de toutes les dimensions de la vie ; des minorités créatives qui œuvrent à faire renaître de ses cendres le phénix des idéaux sociaux-chrétiens ; qui, encore aujourd’hui, jour après jour, prient, étudient, parlent et agissent pour construire sur la vérité une culture de vie et un ordre de liberté centrés sur le Christ. (…)

La tâche de bâtir une civilisation chrétienne peut paraître décourageante, mais nous pouvons agir en nous rappelant comment elle a été construite la première fois : sous l’impulsion de la conviction que Jésus-Christ est le seul sauveur de l’humanité, qu’il n’y a que dans la foi catholique que l’homme peut trouver la plénitude de la vérité ; qu’il ne peut y avoir de paix avec la dictature du relativisme ; que ni le syncrétisme ni le faux œcuménisme ne sont envisageables ; que l’amour du catholicisme pour Dieu, pour chaque homme et pour chaque femme en fait une religion ouverte sur le monde qui propose « l’antique vérité » à tous, avec ardeur et intelligence ; et que chacun de nous a un rôle à jouer.

Car une civilisation est construite ou détruite non pas par des réalités sans nom, mais par la force des actions cumulées d’individus qui changent les choses parce qu’ils font usage de leur créativité, de leur liberté avec le soutien de la grâce sanctifiante. Avant toute révolution sociale, il faut une révolution intérieure. C’est dans l’âme que l’histoire est faite, dans ce sanctuaire secret où toute la puissance des hommes politiques, des législateurs, des militaires et des médias des régimes totalitaires est toujours réduite à néant. Et ce sanctuaire est la raison d’être du catholicisme : c’est dans la mesure où il y pénètre avec les vérités divines, la sanctifiant avec la vie surnaturelle et la guidant vers l’union avec Dieu dans le Corps Mystique du Christ qu’il devient l’irremplaçable bâtisseur d’une civilisation véritablement chrétienne.

Dans cette mission la plus urgente, la plus cruciale – car qu’y a-t-il de plus urgent, de plus crucial que le salut éternel ou la damnation ? – le catholique devra défier les forces d’un monde hostile au Christ et être défié par elles. (…)

Dans le feu de la guerre spirituelle, son cœur sera renforcé par le souvenir de la longue lignée de catholiques héroïques et créatifs qui l’ont précédé et lui ont ouvert la voie. Mais il y aura plus que le souvenir : il y aura la présence mystique. »

 

La Pentecôte dans l’art médiéval : « Et chacun les comprenait dans sa langue »

Qui ne se souvient de ces quelques mots des Actes des apôtres évoquant leur toute première prédication, le jour même de la Pentecôte : « et chacun les comprenait dans sa langue ». Et le texte de continuer en listant les différents peuples assistant au miracle : Parthes, Mèdes, Elamites, habitants de Mésopotamie, etc. Le jour de la Pentecôte, les douze apôtres reçurent le don si particulier de la glossolalie, également appelé don des langues, dont le propre est de se faire comprendre de tous et ce en dépit de la frontière de la langue. C’est ce don si spectaculaire qui explique certaines représentations étonnantes de la Pentecôte dans l’art médiéval.

L’iconographie de la Pentecôte : les apôtres au cénacle

La représentation de la Pentecôte connut quelques variations au fil des siècles et ne fut pas toujours clairement distincte de l’Ascension. Il faut dire que les deux épisodes mettent en scène les douze apôtres après la Résurrection. Le jour de l’Ascension, le Christ montant aux Cieux leur donne pour mission de prêcher l’Evangile et leur promet l’envoi du Saint-Esprit pour les assister dans cette tâche. Puis, le jour de la Pentecôte, leur mission débute par la réalisation de cette promesse : l’Esprit Saint descend sur eux. Parfois la Vierge Marie les accompagne, parfois non. Ainsi, dans les Evangiles de Rabula (Syrie, VIe siècle) l’Ascension prend l’apparence d’une pré-pentecôte : de part et d’autre de la Vierge, les apôtres, les yeux levés au ciel, assistent à la montée du Christ aux Cieux sur un char de feu. Des langues de feu descendent alors sur chacun d’eux. En dépit de ce détail troublant, il s’agit bien d’une Ascension ! La Pentecôte est elle-même représentée quelques folios plus loin dans le même manuscrit et cette fois-ci plus de doute : les apôtres et la Vierge réunis au cénacle reçoivent à nouveau l’Esprit Saint.

De manière générale, deux éléments constituent la Pentecôte : la descente de l’Esprit Saint et la réunion du collège apostolique au cénacle. À l’époque carolingienne, le Sacramentaire de Drogon (IXe siècle) la représente ainsi : sous un dôme supporté par des colonnes et orné de drapés, les douze apôtres sont placés en demi-cercle, dos au lecteur. Tous portent un nimbe qu’une flamme vient compléter. Dans le coin supérieur gauche, le Père et le Fils réunis leur envoient l’Esprit Saint, tandis que dans le coin supérieur droit une main divine déploie un phylactère inscrit.

Cette image de la Pentecôte d’une certaine manière fait écho aux nombreux conciles réunis par l’Église à l’époque carolingienne. En effet, parfois, au-delà du récit lui-même, l’image renvoie à l’institution de l’Église qui, en la personne des apôtres, se voit confier la mission d’annoncer l’Evangile à toutes les nations. Ainsi il arrive que la Vierge, souvent image de l’Église, soit placée en avant du collège apostolique. Ou bien, comme sur le lectionnaire de Cluny (XIe-XIIe siècles), c’est saint Pierre, en tant que chef de l’Église, qui occupe cette place.

Le Tympan de Vézelay (XIIe siècle) : les peuples de l’Univers

La plus fameuse représentation médiévale de la Pentecôte se trouve à Vézelay sur l’un des tympans du narthex parfois qualifié à tort de tympan de l’Ascension en raison de la place centrale qu’y occupe le Christ. Toutefois, l’observation attentive du tympan nous prouve que nous avons ici à faire à une véritable Pentecôte. Des mains du Christ s’échappent des rayons qui partent en direction des douze apôtres répartis de part et d’autre du Christ. La promesse de l’envoi de l’Esprit Saint se superpose avec la réalisation de cette promesse.

Mais surtout, les peuples de l’Univers, auxquels est adressée la Bonne Nouvelle, occupent les voussures de ce tympan. Et il faut dire que ceux-ci sont nombreux et variés : il y a évidemment les Romains accompagnés des bœufs qu’ils sacrifiaient, les Arméniens montés sur des patins, les siamois qui partagent un même corps, les pygmées qui ont la réputation d’être si petits qu’ils montent sur leurs chevaux à l’aide d’une échelle. Plus étonnants encore sont les Panotii ou Panotéens, peuple des confins de la terre qui ont la réputation d’être dotés de grandes oreilles dans lesquelles ils s’enveloppent pour dormir ; ou bien les Cynocéphales, peuple à tête de chien, vivant sur les bords du Gange ou, d’après d’autres auteurs, en Cyrénaïque.

Évidemment, tout cela paraît grotesque. Pour bien comprendre ces sculptures surprenantes, il faut se rappeler que le but est de représenter tous les peuples de la terre, y compris ceux des antipodes, dont l’apparence physique étonnante est rapportée dès l’Antiquité par des auteurs comme Hérodote (Ve siècle avt J.-C.), repris plus tard par Isidore de Séville (VIe siècle après J.-C.). Mais au-delà de ces récits exotiques, les dimorphismes mis en avant à Vézelay résultent moins d’une croyance en l’existence de peuples difformes que d’une volonté de donner une formule visuelle aux différents paganismes existant sur terre avant la venue du Christ. La déviance spirituelle s’accompagne soit d’un usage rituel païen comme le sacrifice des bœufs par les Romains, soit d’une difformité physique qui lui est souvent liée puisque, pour le cas des cynocéphales, leur apparence va de pair avec une réputation de cruauté.

Le plus célèbre d’entre eux est saint Christophe, patron des voyageurs. À partir du XIIe siècle se popularise en Occident la légende orientale selon laquelle le patron des voyageurs, connu pour sa taille de géant, était un cynocéphale. Christophe s’appelait le « Réprouvé » et vivait dans le pays de Canaan, pays dont le nom ressemble phonétiquement au mot latin canis, désignant le chien. Un jour, il rencontre le Christ enfant et l’aide à traverser un fleuve. En remerciement, le Christ lui donne une apparence normale. Il devient Christophe, perd sa tête de chien et la monstruosité qui va avec, et reçoit le baptême. Comme dans l’histoire de saint Christophe, sur le tympan de Vézelay, la difformité physique est l’image de la faute originelle impactant chaque peuple de la terre. Cette faute originelle sera lavée par le baptême dès que ces peuples seront évangélisés. C’est donc tout l’intérêt de les représenter ainsi associés à la Pentecôte. Les apôtres reçoivent la mission d’évangéliser les peuples de la terre, de porter la Bonne Nouvelle là où elle n’est pas encore parvenue.

La Pentecôte définie comme l’anti-Babel

Mais, dans la plupart des cas, les peuples de l’Univers sont représentés de manière moins extravagante. Sur les mosaïques du dôme de la Pentecôte (XIIIe siècle) de Saint-Marc de Venise, les différents peuples cités dans les Actes des apôtres sont représentés par un binôme de chaque. Ces représentations peuvent nous interpeller car elles reflètent l’image que les Vénitiens du XIIIe siècle se faisaient de chacun de ces peuples. C’est ainsi que les Égyptiens ont la peau noire, probablement en référence aux Soudanais ou aux Éthiopiens, que les Élamites ressemblent à des asiatiques, et que les Romains ne sont pas les légionnaires de l’Antiquité mais plutôt les habitants de la ville de Rome, rivale de Venise.

La présence de tous ces peuples rappelle la mission évangélisatrice des apôtres qui ne doit pas se limiter au seul pourtour méditerranéen, au seul Empire Romain. Elle évoque aussi directement la glossolalie. Ce don mystérieux est la raison pour laquelle la Pentecôte est définie comme l’anti-Babel. La glossolalie est le remède à la diversité des langues, initialement créées pour contrer l’orgueil humain et obtenir de l’homme qu’il peuple les extrémités de la terre, conformément à l’ordre divin donné à Adam puis à Noé à la sortie de l’arche, ordre auquel les hommes se sont soustraits en construisant la Tour de Babel. Dans la Cité de Dieu, saint Augustin insiste sur ce point : la Pentecôte rétablit l’unité que l’orgueil humain avait brisé. C’est pourquoi certains manuscrits représentent les deux épisodes en parallèle, notamment ceux conservant le Speculum Humanae Salvationis, texte théologique du XIVe siècle qui procède à des mises en parallèle typologiques entre Ancien et Nouveau Testament. Ainsi, au folio 64v d’un Speculum Humanae Salvationis conservé à Cologne, les deux épisodes sont superposés. Tandis que les apôtres et la Vierge reçoivent l’Esprit Saint au registre supérieur, quatre ouvriers s’activent au registre inférieur pour édifier la Tour de Babel.

Conclusion 

Que retenir de tout cela ? Il est peu probable que l’un d’entre nous soit amené dans sa vie à converser avec des hommes dotés d’oreilles d’éléphant, et il est évident que le bilinguisme n’est pas à la portée de tous. Mais tous, nous sommes apôtres et il sera donné à chacun selon sa vocation propre les grâces et les dons nécessaires à l’accomplissement de la volonté de Dieu. Aux apôtres, il fut donné la glossolalie pour que la Bonne Nouvelle soit entendue de tous. Et, de manière générale, même si cela peut prendre des apparences étonnantes, c’est le propre des dons de l’Esprit Saint et des talents que Dieu nous donne de faciliter l’apostolat. C’est donc en les cultivant que l’on devient apôtre et que l’on œuvre au Salut de ce monde.

 

Une médiéviste

 

Petite panne électrique

Qui n’a jamais été confronté à ces petites pannes venant de contacts électriques oxydés ? Des piles ont coulé, de l’humidité s’est infiltrée… Il peut s’agir de lampes de poche, de réveils, de balances de cuisine, de certains éléments de jeux de société, etc.

Il s’ensuit des faux contacts ou pas de contact du tout (perte de conductivité). Pour la balance de cuisine, on peut assister à un véritable ballet des chiffres de la pesée, dans une fantaisie déconcertante !

Une amie m’a conseillé ce petit truc : le grattage et frottement des contacts oxydés (les traces peuvent être vertes ou brunes) avec une lime à ongles en  papier émeri, avec délicatesse car assez minutieux compte tenu de ces contacts de petite taille.

Il est bien évident que cette petite astuce est à utiliser toujours après avoir débranché l’appareil (s’il est sur secteur) ou avoir retiré les piles, afin d’éviter toute électrocution, même minime.


N’hésitez surtout pas à partager vos astuces en écrivant au journal !

 

Aide-mémoire pour les périodes troubles

Ma chère Bertille,

 Dans la période trouble que nous vivons actuellement, j’ai pensé qu’il te serait utile d’avoir quelques repères pour t’éclairer quant aux grandes questions qui se posent sur la Foi et la fidélité à l’Eglise. J’ai lu très récemment le Commonitorium (aide-mémoire) de saint Vincent de Lérins qui avait donné les principes intangibles pour éclairer les âmes troublées. Après avoir cité les paroles de l’Ecriture Sainte qui répondent à ceux qui cherchent la vérité : « Interroge tes pères et ils te répondront ; tes anciens et ils te formeront », il expose les critères de l’orthodoxie (pensée droite).

Je te retranscris telles quelles ces phrases capitales écrites par un saint canonisé. Elles font autorité et elles ont le mérite d’être très claires et très faciles à appliquer :

 « Si moi ou tout autre voulait prendre sur le fait les sophismes des hérétiques qui surgissent de nos jours, éviter de tomber dans leurs pièges, et demeurer dans une foi saine en restant sain et sans atteinte, il faut, avec l’aide de Dieu, abriter cette foi derrière un double rempart : d’abord l’autorité de la loi divine, ensuite la tradition de l’Eglise catholique.

Et dans l’Eglise catholique elle-même, il faut veiller soigneusement à s’en tenir à ce qui a été cru partout, et toujours, et par tous ; car c’est cela qui est véritablement et proprement catholique, comme le montrent la force et la définition du mot lui-même, qui enveloppe l’universalité des choses. Et il en sera finalement ainsi, si nous suivons l’universalité, l’antiquité, le consentement général. Nous suivrons l’universalité, si nous confessons comme unique vraie foi celle que confesse l’Eglise entière par tout l’univers ; l’antiquité, si nous ne nous écartons en aucun point des sentiments manifestement partagés par nos saints aïeux et par nos pères ; le consentement enfin, si dans cette antiquité même, nous adoptons les définitions et les doctrines de tous, ou du moins de presque tous les évêques et les maîtres.

Mais peut-être dira-t-on : « N’y aura-t-il alors, dans l’Eglise du Christ, aucun progrès de la religion ? » Certes il faut qu’il y en ait un, et considérable ! Mais cela à condition que ce soit vraiment pour la foi un progrès et non un changement, étant donné que ce qui constitue le progrès c’est que chaque chose soit augmentée en restant elle-même, tandis que le changement, c’est que s’y ajoute quelque chose venu d’ailleurs. Car si l’on tolérait une seule fois cette licence de l’erreur impie, je tremble de dire quel danger s’ensuivrait de détruire, d’anéantir la religion. Sitôt qu’on aura cédé sur un point quelconque du dogme catholique, un autre suivra, puis un autre encore, puis d’autres et d’autres encore seront abandonnés, d’une façon en quelque sorte coutumière et licite. Et si l’on commence à mêler le nouveau à l’ancien, les idées étrangères aux idées domestiques, le profane au sacré, nécessairement cette habitude se propagera partout, si bien qu’ensuite, dans l’Eglise, il ne demeurera plus rien d’intact, rien d’entamé, rien d’inviolé, rien d’immaculé, mais qu’il y aura une maison de passe des erreurs impies ou scandaleuses, précisément là où se trouvait auparavant un sanctuaire de la chaste et incorruptible Vérité.

Il est assurément nécessaire pour tous les catholiques qui ont à cœur de démontrer qu’ils sont les fils légitimes de leur mère l’Eglise, qu’ils adhèrent à la sainte foi des saints Pères, qu’ils s’attachent à elle et qu’ils détestent les profanes nouveautés des profanes, qu’ils en aient horreur, qu’ils les traquent, les poursuivent. »

 J’espère que ces lignes t’aideront, toi et tes amis, à voir plus clair, sans te laisser troubler au milieu de cette période difficile. Je te conseille vivement la lecture de ce petit aide-mémoire à la portée de tous ; il te montrera que l’Eglise a déjà traversé des périodes bien troubles, et que les saints et les Pères de l’Eglise nous ont donné les clés pour les surmonter tout en gardant la paix de l’âme.

Je te souhaite une sainte année 2024 et t’embrasse affectueusement,

Anne

 

La magnanimité

S’il est une vertu qui ne se rencontre plus beaucoup actuellement, c’est bien la magnanimité, c’est-à-dire l’âme grande.

 Elle évoque souvent l’attitude élevée des rois, mais nous est également nécessaire, afin de lutter contre la médiocrité de notre époque.

Aussi je voudrais, à l’image du Divin Maitre, et des siens, la contempler avec toi, afin qu’elle grandisse en nous.

La magnanimité, c’est la grandeur d’âme. Ame qui s’élève, sans orgueil, dans les petites choses du quotidien, pour les faire le mieux possible.

Sans rechigner, sans se plaindre, sans ménager sa peine, car le regard voit plus loin et plus haut que la triste besogne, agissant par amour de Dieu, atteignant ainsi un peu d’éternité.

C’est le sens de l’honneur qui nous pousse à tenir parole, à accomplir ce que l’on s’est promis ou que l’on a promis.

Si le découragement ou la fatigue nous assaille, la magnanimité nous aide à reprendre avec courage car fille de la vertu de force, elle entraîne à la persévérance.

C’est saint Joseph dans l’épreuve de la fuite en Egypte, partant sans murmure et supportant les adversités du voyage et de l’exil sans se plaindre.

La magnanimité, c’est la patience du Seigneur face au manque de compréhension de ses disciples et à leur vue trop terrestre.

Ce fut ne pas s’irriter et pardonner aux foules qu’Il avait enseignées, secourues, guéries, de Lui témoigner si peu de reconnaissance lors de sa Passion.

C’est savoir saluer avec le sourire celui qui nous a offensé, sans arrière-pensée, lui tendre la main pour repartir ensemble.

C’est pardonner vraiment, durablement sans avoir plus tard une parole blessante, ou entretenir des rancœurs familiales ou relationnelles.

C’est l’habitude de toujours rendre le bien pour le mal, ne pas avoir l’esprit de clan et ne mépriser personne.

Clémence des grandes âmes, souvent chez nos rois chrétiens, qui était l’honneur de la chevalerie et de ceux qui ont l’esprit.

C’est Notre-Dame au pied de la croix, priant pour l’humanité sans une plainte et relevant saint Pierre après sa chute.

La magnanimité, c’est l’humilité de ne pas se mettre en avant, ne pas se froisser d’être négligé, se taire sur nos peines, quand ce n’est pas utile d’en parler, c’est l’oubli de nous-mêmes face à une autre détresse.

C’est aussi humblement et simplement reconnaître ses torts, sans se trouver de mauvaises explications, et savoir se retirer si l’on n’est plus digne.

C’est celui qui, sachant qu’il n’est pas meilleur que les autres, ne s’étonne pas de ses faiblesses mais poursuit sa route paisiblement

C’est l’amour de la vérité sans faux-fuyants, le sens de l’honneur et de la loyauté.

La magnanimité, c’est la générosité de celui qui ne regarde pas au don, qu’il soit physique, moral ou financier, et ne le fait pas savoir.

C’est celui qui sait se sacrifier pour les autres, voir leur intérêt avant le sien et sortir de son confort. C’est celui qui accepte de tout perdre ou de voir échouer son projet, s’en remettant à Dieu, malgré la douleur et la déception.

C’est celui qui va rester constant, calme dans la tempête voyant plus haut, il rassure ainsi et entraîne au bien, au dépassement de soi.

La magnanimité, comme la charité, dont elle participe, ne pêche jamais par excès. Elle nous permet de laisser le monde un peu meilleur après nous, en lui donnant un sens divin.

 

          Jeanne de Thuringe

 

Sans la grâce, les talents ne sont rien !

 

 Les meilleurs dons de la nature, non seulement ne suffisent point, sans la grâce, à mener l’homme à sa fin dernière, à cette fin divine et unique, au-dessous de laquelle il n’y a d’avenir pour lui que l’enfer ; mais ces dons sont encore impuissants à sauver l’homme en ce bas monde : je veux dire à préserver notre esprit des erreurs les plus déplorables, non plus que notre cœur des plus honteux dérèglements. En réalité, sans le secours surnaturel de Dieu et l’action de sa grâce, ces dons se corrompent toujours plus ou moins et n’empêchent l’homme ni de se tromper, ni de se dégrader, ni de se perdre.

Quelle mère chrétienne, ne souhaiterait à ses enfants un cœur et un esprit semblables à ceux de saint Augustin ? Qui de vous, si elle reconnaissait des dons si rares en quelqu’un de ses fils, n’en ressentirait point une vive joie et ne rendrait point à Dieu d’immenses actions de grâce ? Vous auriez bien raison : ces dons naturels ont réellement un grand prix ! N’est-ce point assez qu’ils viennent de Dieu ? Outre que tous sont là pour conduire à lui, ils sont excellents en eux-mêmes. Toutefois, l’Eglise l’enseigne : si, pour favorisée que la nature puisse être, Dieu n’y ajoutait point un surcroît de grâce : grâce sanctifiante et grâce actuelle, nul de nous n’atteindrait le terme de sa route et risquant d’y tomber à chaque pas, nous y ferions inévitablement des chutes et souvent des chutes graves.

La nature ne nous suffit point sans la grâce car non seulement elle est impuissante à conduire l’âme en paradis mais elle ne peut même pas, toute seule, maintenir l’homme à son premier niveau, retenir son esprit dans l’ordre de vérité et son cœur dans la mesure d’honnêteté et de vertu.

La grâce, Ô Mère chrétienne, la grâce du Christ, estimez-la, demandez-la, faites-la valoir !

Estimez-la : rien ne la vaut. Elle est le trésor caché dans le champ évangélique, elle est la perle précieuse entre toutes. La grâce, c’est comme le cœur de Dieu écoulé sur la terre. C’est la force de son regard et >>> >>> l’attrait de sa voix. C’est un signe propice de sa main et un doux sourire de ses lèvres. C’est le don même de l’Esprit-Saint et son intronisation dans les âmes. C’est la vertu du sang répandu de Jésus et le prix de tout son sacrifice. C’est la moisson de sa vie, le salaire de ses sueurs, l’héritage que nous vaut sa mort. C’est la clé d’or du paradis ; c’est le mariage du ciel avec la terre. C’est la résurrection du monde et l’avènement du règne de Dieu ici-bas. C’est une lumière qui ne trompe point, un appui qui ne trahit personne, une source intarissable où toute soif légitime a de quoi s’épancher. C’est une sagesse, une science, une stratégie, un triomphe. C’est une arme qui peut tomber quand nos mains ne la tiennent plus, mais qui jamais ne se brise et rend invincible quiconque la garde et la manie. C’est la céleste aurore de nos intelligences, le soulèvement et la dilatation de nos cœurs, la guérison de tous nos maux, le remède toujours prêt contre toutes nos défaillances, un baume à fermer toutes blessures, une onction à laquelle ni amertume, ni chagrin ne résistent. C’est la rupture des liens qui nous oppriment et nous entravent, c’est notre vraie liberté intérieure ; ce sont des ailes ajoutées à nos pieds et des yeux divins ouverts au centre de notre cœur. C’est une justice, une beauté, une convenance, une harmonie qui font qu’en tous ceux qu’elle décore Dieu se mire et s’admire. C’est notre communion à Dieu, notre part de sa joie et de sa gloire ; c’est notre béatitude dans son germe et dans sa substance.

N’estimez rien tant que la grâce, et puisqu’elle s’offre, recevez-la, puisqu’elle se promet elle-même à vos prières, demandez-la. Ne demandez-vous pas votre pain ? Le désir traduit le besoin ; en toute âme éclairée et humble, la prière traduit le désir. Demandez-la donc souvent et instamment à plein cœur et à mains jointes. « La confiance, tout obtient » répétait sainte Thérèse. Demandez la grâce et quand vous l’aurez reçue, faites-la valoir et fructifier. Car sans la grâce, ni les arts ont définitivement de valeur, ni les richesses, ni la beauté, ni le courage, ni la vigueur, ni le génie, ni l’éloquence. Ces dons naturels, en effet, sont communs aux bons et aux méchants ; tandis que le don propre de vos élus, c’est la grâce et l’amour qui parce qu’ils en sont ornés les rendent dignes de la vie éternelle…

 

O bienheureuse grâce, qui rendez riche en vertu celui qui était pauvre d’esprit et qui donne l’humilité du cœur à celui qui possède déjà d’autres biens, viens, descends jusqu’à moi ; remplis-moi chaque matin de consolation, de peur qu’avant le soir mon âme ne tombe de défaillance, accablée qu’elle est si souvent par le poids de toute chose et par sa propre sécheresse.

Seigneur, je vous en conjure, que je trouve grâce devant vos yeux car quand bien même je n’aurai rien de ce que peut désirer ma nature, si j’ai votre grâce, je possède tout… Qu’elle me prévienne, qu’elle m’accompagne, qu’elle me suive, de telle sorte que je sois uniquement et constamment appliqué à bien faire par Jésus-Christ votre Fils. 

Conférence aux mères chrétiennes  – Monseigneur Charles Gay

 

Faire fructifier ses talents pour les autres et en vue du Ciel !

Quand on parle à des personnes âgées, ou même seulement à des personnes qui ont dépassé la cinquantaine, il est frappant de voir la différence entre celles qui se sont « laissé vivre », ont profité de l’existence en touriste et se sont aménagé une petite vie tranquille, où la préoccupation de leur propre personne tient beaucoup de place ; et celles dont la vie fourmille encore de mille curiosités, d’atomes crochus toujours renouvelés, qui les font se porter vers les autres et les aider, toujours en quête de petits services à rendre à droite et à gauche, toujours avec un ouvrage ou un bricolage en cours, toujours d’une activité d’abeille infatigable. Elles ont réussi à vaincre l’attrait des nouvelles technologies qui, à force d’envahir la vie quotidienne, freinent et même empêchent toute réalisation concrète, toute culture, tout progrès spirituel. Certaines ont cultivé leurs talents intellectuels, d’autres leurs aptitudes pratiques, toutes ont lutté contre la paresse et l’acédie, ce dégoût décourageant de l’existence qui devient un mal spirituel tout autant que psychologique ; la plupart ont compris qu’il ne fallait pas se préoccuper uniquement de leur bien-être personnel parce que ce temps leur était donné pour un bien supérieur. L’époque de l’activité intensive (travail professionnel ou occupations familiales) est passée, elles ont décidé de se consacrer davantage aux autres ; en pensant à l’au-delà qui approche, elles pensent à leur âme.

Nous n’avons qu’une vie, qu’une jeunesse, qu’un âge mûr, qu’une vieillesse, qu’une âme !

 

L’heure de Dieu sur le Nouveau Monde

La légende noire de la chrétienté regorge de mythes et d’histoires toutes plus horribles les unes que les autres, adaptées aux goûts du jour quand elles ne sont pas forgées de toutes pièces, dans le seul but de discréditer l’Eglise et de corrompre son image aux yeux des peuples modernes, crédules et ignorants. Dans ce cortège de mensonges, les Grandes Découvertes1 ont une place de choix. Les nations chrétiennes, et principalement la très catholique Espagne, y sont dépeintes comme assoiffées de richesses, dépourvues de tout sens moral et prêtes à tous les massacres pour arracher la plus petite once d’or aux populations indigènes. Dans le sillage des Conquistadors, les missionnaires dominicains et jésuites ne sont que de vulgaires sbires du Pape, envoyés pour assujettir les pauvres Indiens et les soumettre aux vice-rois et gouverneurs venus d’outre-atlantique. La vérité est bien différente, comme l’expose Jean Dumont dans son ouvrage L’Heure de Dieu sur le Nouveau Monde2. Il ne s’attache pas à contrebalancer une « légende noire » par une « légende rose », mais bien plutôt à remettre les faits dans leur contexte, à corriger les mensonges et demi-vérités communément admis, et surtout à nous faire découvrir le visage de ceux qui ont eu la charge de civiliser les terres du Nouveau Monde, et d’y répandre la Parole de Dieu.

La découverte

Lorsque Christophe Colomb atteint ce qu’il croit être l’Inde, en 1492, il ne s’agit en fait que des Antilles, archipel s’étendant entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud. Ce sera sept ans plus tard, en 1499, que l’Italien Amerigo Vespucci, lui aussi au service de l’Espagne, découvrira le Brésil, et comprendra qu’il s’agit d’un nouveau continent. Les premières volontés claires d’évangélisation sont exprimées dès le mois de mai 1493 dans l’Instruction envoyée par le roi Ferdinand et la reine Isabelle à Colomb, devançant la volonté du pape3 qui sera exprimée en juin de la même année par la bulle Piis fidelium. Les désirs des autorités politiques et religieuses sont louables, mais vont se heurter dans leur exercice à plusieurs obstacles.

Le premier provient de la mauvaise disposition de certains Européens, dont Christophe Colomb. Nommé gouverneur des Antilles, il réduit en esclavage les indigènes pour les faire travailler à son profit dans le comptoir commercial qu’il a créé. Il semble peu se soucier de leur évangélisation, n’ayant avec lui que trois ou quatre missionnaires : en 1500, huit ans après la découverte, on ne compte que deux mille baptêmes sur près d’un million d’Indiens. Il sera arrêté la même année, sur ordre d’un enquêteur mandaté par le roi et la reine.

Le second obstacle réside dans les Indiens eux-mêmes. Libérés de l’esclavage par ordonnance d’Isabelle la Catholique4, ils sont regroupés dans des communautés dirigées par des « hommes de bien », chargés de les protéger, d’améliorer leurs conditions de vie et de favoriser l’évangélisation : ces regroupements sont appelés les « Encomiendas ». Dans un souci de les faire parvenir le plus vite possible à l’autonomie, une première communauté libre exclusivement indienne est créée en 1503 afin de servir de test. D’autres suivent entre 1518 et 1520. Tous les membres sont sélectionnés parmi les sujets jugés les mieux préparés, mais dans chaque cas l’échec est sans appel. Des notes d’alors soulignent que les Indiens « ne travaillent pas assez pour se substanter », « oublient le christianisme qui leur a été enseigné », et retournent à leurs mœurs païennes d’avant la découverte5. En un mot, « ils ne donnent pas lieu au moindre espoir dans la civilisation6 », et ce même après plusieurs années d’essai. Ces communautés libres doivent donc être abandonnées pour revenir au régime de l’encomienda, qui durera jusqu’en 1748.

Le dernier obstacle majeur réside dans l’instabilité politique qui va suivre la mort d’Isabelle la Catholique, en 1504. Il faudra attendre vingt ans pour que, une fois l’ordre rétabli par Charles Quint, soit institué le Conseil des Indes. L’effort de civilisation et d’évangélisation des terres espagnoles d’Amérique va alors vraiment débuter, soutenu en Espagne par le Roi et mené en Amérique par des hommes d’un dévouement extrême, tel le premier archevêque de Lima, Jérôme de Loaisa.

L’essor de la civilisation

Le développement matériel des peuples d’Amérique7 va de pair avec le développement moral et spirituel, pour dépasser leurs limites énoncées plus haut. Des hommes comme les vice-rois, les gouverneurs, les titulaires d’encomienda, et bien évidemment les missionnaires et hauts responsables du clergé, vont être les bâtisseurs de ce Nouveau Monde. Il est sûr que certains d’eux ont démérité, mais les rapports et les enquêtes montrent que la majorité s’est consciencieusement livrée à sa belle et noble tâche. Jérôme de Loaisa se démarque parmi ces bâtisseurs de nations, par le zèle et le très grand amour des Indiens dont il a fait preuve. Né en 1498, il est nommé en 1537 pour être le premier évêque de Carthagène, capitale des Caraïbes espagnoles. Il y commence son apostolat amérindien pour être désigné comme archevêque de Lima en 1541. Son archevêché est immense, le plus vaste de la chrétienté : avec les diocèses qui lui sont rattachés, il s’étend du Nicaragua (Amérique centrale) jusqu’à la Terre de Feu (extrémité sud de l’Argentine), pour englober plus de la moitié du continent sud-américain. Le terrain de mission est colossal, mais rien n’arrête le nouvel archevêque.

La tâche de missionnaire est bien souvent triple : le religieux se fait tour à tour bâtisseur, prêcheur et politique, confronté à un climat auquel il n’est pas habitué, à une culture nouvelle et bien souvent barbare, à des carences matérielles omniprésentes. Mais il n’est rien que l’amour des âmes et de la Croix ne rende possible, soutenu par la grâce de Dieu. De tout cela, Jérôme n’en manquera pas. Ce que lui doit l’Amérique est impressionnant. « Protecteur général des Indiens du Pérou8 », il défend contre Las Casas9 les encomiendas, base de la civilisation et de l’évangélisation. Ces communautés d’Indiens, régies par un Espagnol « homme de bien », permettent d’améliorer les conditions de vie des populations, de les protéger et de les convertir. Il punit ceux des Conquistadors qui abusent de leur pouvoir et exploitent les Indiens, et fait restituer aux Indiens les biens et trésors injustement saisis. Ses tournées pastorales lui font visiter chaque village, presque chaque maison où se trouvent des Indiens convertis ; son plus long voyage apostolique l’emmène jusqu’au Panama à trois mille kilomètres de Lima ! Le premier et le second conciles de Lima, qu’il convoque en 1552 et 1567, fixent les règles de l’évangélisation et la formation d’une Eglise autochtone : obligation est faite aux prêtres d’apprendre les langues locales, pour prêcher, administrer les sacrements et catéchiser.

Il fait construire à ses frais écoles et hôpitaux, s’endettant même lorsque ses revenus ou l’argent donnés par le Roi ne suffisent pas. Il érige ainsi l’hôpital Santa Anna, réservé aux Indiens, et pour lequel il réunit plus de quarante mille pesos d’or. Il le confie aux Jésuites, et y fait soigner chrétiens et païens. En moins d’un siècle, près de cinquante mille Indiens y reçoivent les derniers sacrements. Jérôme lui-même y mourra en 1575, parmi les Indiens qu’il a tant aimés, couché sur le « dernier lit », après avoir passé ses dix dernières années à servir les malades. L’hôpital Santa Anna subsiste encore aujourd’hui, près de cinq siècles après sa fondation, même s’il a changé de place puis de nom : on l’appelle aujourd’hui « Hôpital archevêque de Loaisa ».

  Il faudrait, pour rendre à la Découverte espagnole les honneurs qui lui sont dus, s’attarder sur d’autres figures emblématiques telles que le vice-roi Toledo ou encore saint Turibe, successeur de Jérôme de Loaisa. Chacune d’elles suffit pour mettre à bas les accusations injustes portées sur l’action des Espagnols et de l’Eglise au Nouveau Monde, mais il y aurait tellement à en dire que ces quelques lignes ne pourraient suffire10. Quoi qu’il en soit, l’Espagne peut être fière de ce temps où elle a porté à bout de bras la lumière de la Foi et de la civilisation sur ces terres d’Amérique, les arrachant au démon et donnant à l’Eglise l’un de ses plus beaux joyaux : un continent où les conversions se compteront par centaines de milliers et où Dieu et sa Mère seront, pendant près de cinq siècles, honorés et servis.

 

RJ

 

1 Terme désignant la découverte et la conquête des Amériques, entre la fin des XVème et XVIème siècles.

2 Ed. FLEURUS

3 Alexandre VI

4 Ordonnance de 1499 punissant de mort tout esclavagiste et complice d’esclavagiste

5 Orgies rituelles, sacrifices humains, réduction de têtes d’enfants, drogueries …

6 J. DUMONT, L’Heure de Dieu sur le Nouveau Monde, p.13

7 Nous utiliserons ce raccourci pour désigner les terres d’Amérique du Sud sous tutelle espagnole.

8 Titre donné par Charles Quint

9 Bartlomeo de las Casas (1484-1566) est connu pour ses attaques contre les colons espagnols et le régime pourtant si bénéfique des encomiendas

 10 Nous recommandons vivement la lecture de l’ouvrage de Jean DUMONT pour découvrir ou approfondir ce sujet passionnant.