Les pierres qui chantent

Un matin de 1144, avec toute sa famille, Renaud arriva au grand chantier de la cathédrale de Chartres. Il y avait tant besoin de bras aguerris et adroits qu’il fut aussitôt embauché. Le chantier était en effervescence. Le génie francilien s’épanouissait dans toute sa splendeur, offrant à l’humanité les fleurs de l’architecture les plus pures.

Le portail royal, avec ses trois portes tournées vers l’ouest, était recouvert de grandes statues de pierre, aux allures nobles et pleines de pudeur, aux élans profonds et dignes, aux regards débordants de vérité, aux visages francs et rayonnants : une impression de joie douce et vraie transparaissait sur tous ces personnages. Les statues figuraient la vérité de la religion, elles incarnaient l’amour de Dieu, parlaient de sa justice et de sa miséricorde, elles racontaient la gloire des élus et la force des martyrs, elles se lamentaient de la laideur du péché et chantaient la beauté de la vertu, la rédemption, le sacrifice de Dieu sur la Croix, les gloires de Marie. Elles murmuraient la douceur des saisons aussi, la noblesse des travaux de la terre : la vie des hommes vivant de la vie de Dieu même. Et de chaque côté des portails, les deux tours romanes, fortes et douces, montaient vers le ciel.

Renaud fut aussitôt conquis par la force de la statuaire du portail : jamais pareille richesse de statues n’avait été réalisée. Et avec quelle finesse ! Quelle sagesse ! Ce n’était pas un étalage ou une collection de figures, c’était un tout qui se lisait dans son ensemble, un tout qui parlait de Dieu : le portail de droite honorait la Vierge Marie, assise en Madone, son divin enfant sur les genoux ; le portail de gauche présentait l’Ascension au regard du pèlerin, promesse de l’espérance, et enfin, le grand portail central était dédié au Christ glorieux. Le portail de droite, c’est l’Incarnation, c’est le premier avènement de Jésus : sa venue sur terre. Il est offert aux hommes par Marie. Le Messie est précédé par les hommes de l’ancien testament qui le préfigurent : Joseph, Moïse, David. Ce premier avènement de Jésus trouve sa conclusion sur le portail de droite, Jésus monte au Ciel, emmenant avec lui l’espérance des hommes vers les cieux. Le Sauveur laisse derrière lui ses apôtres qui baptisent les peuples. Et le second avènement du Christ, majestueux sur le portail central, c’est celui de l’apocalypse : Jésus sur son trône de gloire, entouré des quatre animaux symboliques des évangélistes sur le tympan, des vingt-quatre vieillards alignés dans les cordons des voussures, et de ses apôtres, assis tels ses assesseurs dans le linteau pour juger les hommes. Et partout, dans les chapiteaux et les jambages entourant les trois grandes portes, se trouve représentée l’humanité : l’humanité qui travaille et accomplit par là sa rédemption. Elle fructifie ses vertus, par le travail de la terre, par l’étude et la méditation, par la pénitence et la prière. Par le labeur, l’homme se fait instrument dans les mains de Dieu, serviteur dévoué offrant ses talents à son maître, chacun à sa place, dans un tout qui dépasse la finitude humaine pour embrasser l’éternité.

Dans la pierre, toute la religion se trouvait résumée, tel un livre saint ouvert sur les âmes. Le spectacle était saisissant ! Renaud le Fort, sa femme, et leurs enfants, furent éblouis. Ce n’était plus de la pierre, c’étaient des visages, des couleurs, des tissus, des drapés, des lumières, des vertus, en un mot : c’était la vérité. La pierre s’effaçait, elle laissait la place aux hommes, aux anges, aux saints, à Dieu ! Elle n’était plus matière, elle devenait credo, elle n’était plus roc, elle était dogme, elle revêtait la vérité, elle portait la Révélation, catéchisme vivant, trésor de Dieu donné aux hommes : il suffisait de lire la cathédrale pour connaître la vérité qui sauve. La petite fille, saisie sur la grande statuaire, sa petite main blottie dans celle de son père, demanda innocemment, du fond de ses grands yeux émerveillés :

– Papa, c’est la porte du Ciel ?

Le père regarda tendrement sa fille. Oui, la petite avait raison ! Ce n’était pas une porte de pierre pour entrer dans un bâtiment terrestre qui se dressait devant eux, c’était la porte sainte de la vérité qui s’ouvrait sur la demeure de Dieu.

– Oui, ma fille, c’est la porte du Ciel !

Et cela était vrai. Cela est vrai.

Il fut un siècle où un peuple chrétien, travailleur, mit ses talents au service de son Créateur, pour parfaire la Création. Chacun à sa place, maçons, tailleurs, charpentiers, vitraillistes, architectes, au rythme des heures saintes, sur plusieurs générations, l’Europe baptisée édifia la demeure de Dieu. Aucune autre civilisation, aucune autre époque ne connut une telle effervescence religieuse. Chaque village se vit doté de son temple, bâti par ses habitants, librement, spontanément. Souvent, ils se rassemblaient tous autour du chantier, dans des tentes et chariots alignés en rond. Ils chantaient les heures ensemble, puis bâtissaient leur église. C’est pour cela que malgré les Guerres de Religions et la Révolution, nombre de villages comptent encore aujourd’hui en leur cœur une vieille église romane, héritage d’un lointain baptême.

Le travail est le châtiment donné par Dieu à Adam, mais il est aussi devenu l’honneur de l’homme qui, soumis à Dieu, offre son labeur en union au Sacrifice de la Croix. Le travail, dans une nature blessée par le péché, est aussi œuvre de restauration. Le travail, dans un monde fini, permet de parfaire la Création en répondant à l’injonction divine de soumettre la terre. Enfin, le travail, dans une vie, c’est aussi l’occasion de faire progresser ses talents, c’est-à-dire les prédispositions que Dieu a placées en chacun de nous pour tel ou tel métier ou activité, et par là, de faire briller un reflet de la gloire de Dieu. Cela est le devoir du vrai chrétien pour chaque époque, chaque personne et chaque métier.

Travailler, faire fructifier ses talents, c’est édifier la cathédrale de son âme. Sursum corda !

 

Bâtir une cathédrale…

 

C’est à l’Éternel qu’appartient la terre avec tout ce qu’elle contient, le monde avec tous ceux qui l’habitent,

Car il l’a fondée sur les mers et affermie sur les fleuves.

Qui pourra monter à la montagne de l’Éternel ? Qui pourra se tenir dans son lieu saint ?

Celui qui a les mains innocentes et le cœur pur, celui qui ne se livre pas au mensonge et qui ne fait pas de serments trompeurs.

Il obtiendra la bénédiction de l’Éternel, la justice du Dieu de son salut.

Telle est la génération de ceux qui te cherchent, qui aspirent après toi, Dieu de Jacob !

Portes, élevez vos linteaux ! Élevez-vous, portes éternelles ! Que le roi de gloire fasse son entrée !

Ps 24.

 Louis d’Henriques

 

Hodie, hodie

Notre citation pour janvier et février :  

Gentils pasteurs, qui veillez en la prée,

Abandonnez tout amour terrien,
Jésus est né et vous craignez de rien,
Chantez Noël de jour et de vesprée.
Noël !

Jean Danel (1490-1531)

Hodie, hodie

Motet sacré pour le jour de Noël, 1619

Choeur a cappella

Hodie, hodie

Christus natus est

Noe Noe Noe Noe

Aujourd’hui, aujourd’hui

Le Christ est né

Noël, Noël

Hodie, hodie

Salvator apparuit

Alleluia, Alleluia

Aujourd’hui, aujourd’hui

Le Sauveur est apparu

Alleluia, Alleluia

Hodie, hodie

In terra canunt Angeli

Laetantur Archangeli

Noe Noe Noe Noe

Aujourd’hui, aujourd’hui

Sur terre, chantent les Anges

Se réjouissent les Archanges

Noël, Noël

 

Hodie, hodie

Exultant justi dicentes

Gloria in excelsis Deo

Allelulia  Alleluia

Noe noe noe noe …

Aujourd’hui, aujourd’hui

Les justes exultent, disant

Gloire à Dieu au plus haut des cieux

Alleluia, Alleluia

Noël, Noël, Noël …

 

 

Partager son enthousiasme pour la lecture

Foyers Ardents a récemment rencontré une jeune mère de famille qui, au cœur de son village, a ouvert une bibliothèque accessible à tous dans une dépendance de son habitation.

Cette initiative nous a semblé excellente et nous avons décidé de la faire découvrir à nos lecteurs, qui auront peut-être envie de suivre son exemple et de faire ainsi fructifier un ou plusieurs talents…

 FA : Bonjour Laetitia, vous avez ouvert, il y a tout juste un an : Ma Biblio Catho, pouvez-vous nous dire comment cette idée originale et magnifique vous est venue à l’esprit ?

 LB : L’idée est venue tout simplement quand j’étais une jeune maman très disponible. En effet, je suis d’un naturel très actif et en début de mariage, j’avais beaucoup de temps libre. Ne souhaitant pas reprendre le travail, et comme je m’occupais plus ou moins de la procure de notre paroisse, j’ai eu idée d’exploiter ma passion pour les livres. J’ai commencé par acheter et revendre des bons livres d’occasion que je découvrais par de bons plans. Puis l’idée d’ouvrir un espace au public est venue car la disposition de la maison était adaptée. Aussi, je trouvais cela vraiment réjouissant de recevoir des personnes partageant la même ardeur pour la lecture car je me sentais terriblement… seule dans cette région totalement inconnue.

 FA : Quel est le but (ou les buts) recherché(s) à travers cette bibliothèque ?

LB : Mon objectif initial était de proposer aux parents des livres pour leurs enfants sans avoir à mettre des milles et des cents dans les achats de livres ; en effet, ceux-ci ne sont souvent lus qu’une fois (peut-être une fois par enfant et encore…) et coûtent cher. Je voulais « investir » pour les autres. Aussi, je voulais donner la possibilité à ces parents de venir me demander l’avis sur un livre ou voir si je pouvais le leur prêter avant de l’acheter.

Dans la réalité, j’ai actuellement plutôt un public d’adultes. Cela convient aussi car les personnes moins religieuses trouvent dans ma bibliothèque de quoi se divertir sainement à travers les ouvrages que je propose. « Petit à petit, l’oiseau fait son nid » comme on dit. On peut commencer avec un bon roman avant d’aller vers les témoignages puis la vie d’un saint pour en arriver à des ouvrages religieux et donc à des réflexions d’ordre plus moral et spirituel.

 FA : Vous proposez des livres bien sûr ; mais aussi d’autres produits attractifs ?

LB : En effet, Ma Biblio Catho est non seulement bibliothèque mais médiathèque et ludothèque. Je propose donc aussi des jeux de société comme les jeux de Loupio ou La Rose des Saints, ainsi que des CD de musique classique ou chants religieux, quelques bons DVD (pièces de théâtre, vraies vies édifiantes et aussi de bons films), des CD avec des histoires pour enfants à mettre dans la voiture quand on part en vacances, et autres divertissements tout à fait sains.

Je propose, une fois par mois, une matinée de découverte de jeux de société.

FA : Quels sont vos critères de choix pour les ouvrages que vous proposez ?

LB : Mes critères sont les références que je peux avoir d’abord par ma maman, puis des conseils de prêtres. J’ai aussi une amie religieuse qui m’a suggéré toute une liste d’excellents ouvrages. Les comités de lecture sont évidemment sources d’inspiration. Quoi qu’il arrive, je me fais mes propres opinions des ouvrages en les lisant tous avant de les proposer.

Parce que j’ai certaines convictions que je sais défendre par des arguments construits, je ne propose pas d’ouvrages de Fantastique ou Science-Fiction moderne. Et, concernant la politique, je n’ai que quelques ouvrages sur les fondements.

FA : Combien de livres avez-vous en stock ? Et comment vous les procurez-vous ?

LB : Je n’ai qu’une petite structure d’environ 600 ouvrages, pour l’instant. Et ils ne sont pas tous exposés car j’ai une étagère qui bouge régulièrement (période de Noël / période de la semaine sainte / proposition de revues, etc…). Beaucoup de livres sont des ouvrages qui appartiennent à ma famille et que je prête. J’achète beaucoup d’occasion (recherches ciblées) et j’ai de bons plans que je garde pour moi… Les quelques livres neufs achetés sur facture appartiennent à l’association Ma Biblio Catho. On m’a aussi donné plusieurs ouvrages pour la bibliothèque associative. Je propose un avoir pour les personnes qui donnent et / ou qui prêtent des livres à l’association, ce qui permet d’avoir aussi une bibliothèque non figée.

 FA : Dans le concret, combien de temps cela vous prend-il par semaine ?

LB : Au lancement, je passais beaucoup de temps pour chercher de bons livres d’occasion. C’était surtout du temps passé sur des sites internet divers et variés. Tout ce temps n’est pas compté. Aujourd’hui, ma bibliothèque n’est ouverte qu’un après-midi par semaine en plus d’un samedi par mois. C’est un temps que je réserve donc de manière exclusive à la Bibliothèque. Au début, je prenais sur ce temps pour référencer tous les ouvrages. Désormais, je le prends aussi pour couvrir les nouveaux arrivages. Je ne laisse pas un livre sortir sans qu’il soit recouvert.

 FA : Quelle est la principale difficulté rencontrée ?

LB : Mon point faible est ma base de données. Dieu merci, j’ai récemment fait la connaissance d’une jeune bibliothécaire qui m’aide à réparer cette lacune. En effet, ce n’est pas tant l’enregistrement de tous les ouvrages, qui est le plus compliqué, mais la gestion des entrées et sorties.

 FA : Quel accueil avez-vous rencontré dans votre village ?

LB : Quasiment tous nos voisins directs étaient présents pour la bénédiction de Ma Biblio Catho. Certains voisins sont mes plus fidèles clients. Au-delà, c’est mon manque de publicité qui a fait défaut. J’ai laissé faire le bouche à oreille car Ma Biblio Catho va déjà déménager…

 FA : Quels sont les moyens que vous avez mis en œuvre pour vous faire connaître ?

LB : Tout a commencé uniquement par mes connaissances. Certaines, de la région, ont parlé de moi et m’ont ramené du monde. J’ai aussi fait une sortie de la messe paroissiale de la petite ville la plus proche pour distribuer ma carte de visite. Après cela, j’avoue ne pas avoir beaucoup donné dans la publicité car j’ai une toute petite bibliothèque et je savais que nous n’allions pas demeurer dans la région très longtemps. En fait, notre présence dans la région n’aura pas duré deux ans, mais j’ai bien l’intention de déménager Ma Biblio Catho ! Un sondage a d’ailleurs déjà été lancé en Vendée pour connaître les attentes du public et mieux organiser mon installation.

 FA : Personnellement, pouvez-vous nous dire après cette première année d’ouverture ce que cette expérience vous a apporté ? Ses richesses ? Et éventuellement vos projets d’amélioration ?

LB : Honnêtement, j’ai été très déçue du manque d’intérêt d’un public que j’espérais viser. Nous habitons à dix minutes de Paray-le-Monial (Apparitions du Sacré-Cœur à sainte Marguerite Marie Alacoque). C’est donc une région assez croyante, j’espérais toucher toutes ces familles qui fréquentent l’école privée hors-contrat de Paray-le-Monial, mais j’ai appris à mes dépens plusieurs choses :

– Les jeunes que je pensais toucher ne lisent pas autant que les jeunes conservateurs ou traditionnalistes ; ou s’ils lisent, ce sont des ouvrages que l’on trouve partout. Autant dire que ce n’est pas ce que je vise comme public puisque mon idée est bien de proposer ce que l’on ne trouve dans aucune autre bibliothèque publique.

– Il est difficile de « faire bouger » les gens qui ont déjà leurs habitudes. Ils sont bien dans leur petite ville. Ils ont des librairies à quelques coups de pédales, pourquoi prendre la voiture pour fréquenter une petite bibliothèque ?

– La localisation n’aide pas, il faut le dire. Nous sommes non seulement excentrés, mais les gens n’aiment pas beaucoup avoir l’impression de rentrer chez nous (même si nous sommes dans une dépendance de la maison). Le public est réticent à aller chez les gens. Lorsque je déménagerai Ma Biblio Catho, j’ai l’intention de l’ouvrir dans un bourg, avec une vraie visibilité, avec pignon sur rue. La visibilité est essentielle si on veut que ça fonctionne. J’aurais été en centre-ville de Paray-le-Monial, je suis sûre que ça aurait mieux pris.

Malgré cette déception, j’ai réalisé que j’avais touché, de manière inattendue, des personnes plus mûres. L’apostolat aura été de courte durée mais c’est toujours cela qui a été semé. Cela me suffit pour me donner l’envie de continuer et de faire mieux.

 FA : Recommanderiez-vous à d’autres cette initiative ? Quelles qualités principales cela demande-t-il ?

LB : Je recommande, oui, bien sûr ! Pourquoi pas, même, en étant rattaché à l’association Ma Biblio Catho ? Pour les qualités, il faut avant tout aimer lire ! Que cela concerne le roman jusqu’à la morale, on doit être capable de répondre à toutes les questions (ou presque) qui sont susceptibles de nous être posées. Pour ma part, j’ai une expérience d’aide-documentaliste qui m’a aidé à monter tout cela mais il suffit d’avoir une grande qualité : l’organisation. Il faut aimer le contact social, évidemment ! Partager quelque chose que l’on aime doit être presque de l’ordre de la passion. La passion est bonne quand on se passionne pour les bonnes choses !

 FA : Un très grand merci, chère Laetitia, pour ce témoignage très intéressant qui va sans doute faire des émules ! Et bon courage pour le déménagement !

 

Utiliser ses talents pour progresser

Edgar Grospiron, champion de ski à bosses, médaillé d’or aux jeux olympiques de 1992, raconte : « Je suis devenu champion du monde à 19 ans, grâce à ma vitesse : c’était mon point fort n°1. Mais je faisais des fautes techniques et la technique, c’est 50% de la note totale. J’ai donc décidé d’améliorer ma technique pour rester au top. C’était impossible en skiant à une telle vitesse. Il fallait que je ralentisse. Et même comme ça, il me faudrait des années pour progresser vraiment. Nano, mon entraîneur, m’a conseillé une autre stratégie. À l’époque, je descendais une piste en 32 secondes. Il m’a demandé de réduire mon chrono à 30 secondes. Quand j’y suis parvenu, il m’a fixé un nouveau temps : 28 secondes. Pour moi, c’était le bonheur total de skier toujours plus vite, et j’ai atteint ces 28 secondes en seulement quelques semaines. Ce jour-là, Nano m’a dit : « Objectif atteint : tu descends à une telle vitesse qu’on n’arrive plus à voir tes fautes ! »

« Je passais mon temps à m’améliorer sur mes forces. J’avais une grosse exigence sur mes points forts, et plus je travaillais dessus, plus j’étais bon même là où j’étais mauvais (sic). Ça m’a permis de donner le meilleur de moi-même, toujours plus, toujours mieux. »

Quelles leçons tirer de cet exemple ?

Nous ne sommes pas candidats aux jeux olympiques, mais nous devons gagner la course vers le ciel (cf. saint Paul), et pour cela remplir au mieux notre devoir d’état de père, nourricier, éducateur et gardien de l’équilibre et de la paix de notre famille sur cette terre.

Tel un sportif, nous développerons nos talents de père et les talents de nos enfants principalement par l’entraînement et par l’expérience. Bien sûr, les bons conseils seront indispensables, la réflexion et la prière aussi. Mais il faudra surtout nous relever de nos chutes ou erreurs inévitables avec une grande persévérance.

Comme notre sportif, n’envions pas les talents des autres, mais cultivons les nôtres. Le Bon Dieu nous a donné ceux qui nous conviennent ! Au fait, les connaissons-nous suffisamment ?

Identifions-les pour les faire fructifier selon les consignes de l’Evangile. Nous en avons bien plus d’un, au moins cinq ou dix talents… Sinon, pourquoi notre femme nous aurait-elle épousé ?

Développons donc les talents liés à notre état pour les sublimer et les élargir. Ils compenseront puis réduiront nos faiblesses.

Chacun comprend que les talents à usage professionnels sont à cultiver pour servir l’intérêt collectif de ses clients et de ses collaborateurs, assurer le bien-être de sa famille, réaliser un travail épanouissant…

Nous comprenons aussi que le bonheur dans le mariage et l’entretien de l’amour mutuel passent par un don de soi sans cesse renouvelé, une volonté de donner le meilleur de soi-même, donc d’avoir quelque chose à donner !

Mais peut-être oublions-nous parfois que Dieu n’a pas allumé le lampadaire de notre Foi et de nos qualités pour qu’elles restent sous le boisseau… Elles doivent luire aux yeux des hommes, non seulement par le bon exemple, mais par la participation au Bien Commun de la société. En particulier, les sociétés qui nous sont proches : la paroisse, l’école, le groupe de familles ou de jeunes, la commune et les associations.

Et avec nos enfants ?

Certains pères sont déstabilisés face à leurs enfants, tentés de déléguer (délaisser) totalement l’enjeu à leur épouse, à l’école et aux bons prêtres et religieuses qu’ils ont choisis et qu’ils financent… N’est-ce pas déjà bien ?

Pourtant, Dieu nous a fait pères, et nous a confié des enfants à faire grandir et à conduire au ciel, avec les grâces d’état de notre mariage. Pour cela, la présence du père auprès des enfants, passant du temps avec eux au moins le dimanche, est essentielle. On ne compte plus les études qui montrent le traumatisme, l’insécurité, le manque de confiance, la contamination des mauvaises influences liés à l’absence du père.

Alors, si nous pensons : « Je ne sais pas faire avec les jeunes enfants (puis avec les ados, puis avec les grands…).» « Je ne le comprends pas, » « avec lui, ça ne marche pas alors qu’avec son frère, c’était facile… ; » faisons comme notre champion olympique : retournons le problème !

Commençons par nous réjouir de la variété des tempéraments que Dieu a mis dans nos enfants, chacun reflétant une partie de l’image de Dieu. À nous de chercher leurs qualités avec persévérance, et de trouver ainsi les clés adaptées à chacun.

Pour cela, rien de tel que l’observation des enfants dans leur quotidien, dans les moments où nous jouons ou travaillons avec eux ! Encore faut-il y passer un peu de temps. Puis au calme, comparons régulièrement nos observations entre époux : « J’ai vu ceci chez Marc aujourd’hui, il m’a étonné par telle qualité (ou telle difficulté). Comment pouvons-nous l’aider ? »

Comme le coach sportif, encourageons-les à développer les talents qu’ils ont reçus. Il faut bien sûr, comme pour le skieur, aider à corriger les défauts éliminatoires : ceux qui font sortir de la piste (de la bonne voie) ou font tomber (dans le péché délibéré). Il faut aussi apprendre le sens de l’effort, de la persévérance, du courage pour se relever après une faute ou un échec. Mais la motivation de notre enfant pour valoriser ses talents sera une source d’énergie et de confiance en lui absolument indispensable. Avec elle, le progrès sera possible, sans elle, il sera difficile.

Comment utilisons-nous nos talents ?

Comment, nous les pères, allons-nous avoir le contact avec nos enfants si différents ? Appuyons-nous déjà sur nos propres points forts pour les transmettre ou au moins les vivre avec nos enfants.

Aimons-nous le jeu, le sport, les histoires, les visites, les promenades, les discussions, le bricolage, le dessin, écouter de la musique ou des conférences ? Peu importe, ce qui compte, c’est de commencer à partager nos points forts avec nos enfants.

Plus détendus dans ce que nous aimons, nous aurons envie de nous mettre à leur portée pour partager et transmettre, nous verrons mieux leurs réactions. Créons des rituels, la promenade à vélo ou à pied du dimanche, la vie de saint racontée un soir, le jeu de cartes familial… Nous serons agréablement surpris de voir les effets positifs de ces moments de qualité passés ensemble, même s’ils ne se produisent qu’une fois par semaine.

A travers ces moments du quotidien vécus ensemble, compléments indispensables des discours et de la prière familiale, nous développerons les aspirations des cœurs pour qu’ils soient épris d’idéal, qu’ils ne s’arrêtent pas aux idoles qu’ils rencontreront en route, mais qu’ils poursuivent leurs efforts jusqu’à approcher les trois sommets de la vie : le Vrai, le Beau et le Bien1.

 

Hervé Lepère

1 D’après le père Charmot – Esquisse d’une pédagogie familiale.

 

 

La parabole des talents

La parabole des talents nous est rapportée par saint Mathieu au chapitre 25, versets 14 à 30. Saint Luc, de son côté, nous donne une autre parabole, celle des mines1, qui est très proche de la première tout en comportant des différences notables. Dans cette parabole des talents, il nous est rappelé que tout ce que nous avons nous a été donné par Dieu (I) et que les dons de Dieu nous ont été dévolus pour que nous les fassions fructifier (II). Il s’agit d’un devoir essentiel auquel se trouve suspendu la récompense ou le châtiment éternel (III).

 

I – Tout est don de Dieu

On s’est posé la question de savoir si « les talents » de la parabole signifiaient davantage les dons de la nature ou ceux de la grâce. La réponse juste consiste à penser que ce sont vraiment tous les dons divins qui sont figurés par les talents. Mais les dons surnaturels, étant les meilleurs de tous les dons, sont plus directement visés. Les serviteurs ne peuvent se glorifier de rien car c’est de Dieu qu’ils ont tout reçu. Ils ne doivent pas se laisser entraîner par une vanité coupable en se souvenant de la leçon que saint Paul donne aux Corinthiens : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu et, si tu l’as reçu, pourquoi t’en vanter comme si tu ne l’avais pas reçu ?2 » Au lieu donc de commencer à s’enorgueillir des largesses de Dieu à leur égard, les hommes ne doivent cesser de rendre grâce à leur divin bienfaiteur et de s’interroger sur le bon usage qu’ils en doivent faire. Dieu, en effet, qui ne cesse de donner, ne veut pas que les hommes gardent pour eux-mêmes ce qu’Il leur a donné.

 

II – La fructification

Bien que la comparaison nous surprenne, Dieu, figuré dans la parabole des talents par le maître, encourage les pratiques bancaires, voire usuraires !

Il donne, certes, mais Il demande à ceux auxquels Il donne de s’activer afin de faire fructifier l’argent qu’Il leur confie. La comparaison nous surprend parce que le Deutéronome3 condamnait déjà le profit illégitime que l’on retire de l’argent ou de marchandises, même si les Hébreux croyaient l’usure permise avec les étrangers. Dans la parabole de Notre-Seigneur, le maître, après avoir confié ses talents à ses serviteurs pour qu’ils les fassent fructifier, revient longtemps après et leur fait rendre compte, récompensant ceux qui par leur industrie, ont fait profiter les biens qui leur avaient été confiés, et châtiant celui qui n’en a rien tiré. On voit bien qu’il s’agit d’une véritable spéculation à laquelle devaient se prêter les serviteurs, au blâme qu’il adresse à celui des trois serviteurs qui s’est contenté de cacher son talent en terre. Il lui dit en effet : « Vous deviez donc mettre mon argent entre les mains des banquiers ; et à mon retour, j’eusse retiré avec intérêt ce qui est à moi4.» Notre-Seigneur fait donc raisonner ce maître suivant les principes de la banque.

Nous en sommes intrigués. Et c’est bien cet effet de surprise que vise la parabole pour nous donner le goût de creuser sa signification profonde.

Les biens que Dieu nous a donnés et qu’Il nous demande de faire fructifier ne nous ont été donnés qu’en vue de cette fin ultime qu’est sa gloire car Dieu ne peut pas ne pas vouloir en toutes choses sa gloire. S’Il voulait autre chose, Il ne serait pas Dieu. C’est donc toujours pour Lui que nous devons faire tout ce qui nous est demandé. Ajoutons que nous retirons nous-mêmes les véritables « intérêts » de notre fidélité dans l’amour et le service de Dieu car les récompenses dont Dieu désire nous combler vont au-delà de tout ce dont nous pourrions rêver. Le bonheur du Ciel est au-delà de tout bonheur. En réalité, « l’économie divine » est toute tournée à notre profit. Nous ne pouvons rien faire pour augmenter le bonheur de Dieu et Il n’a pas besoin de la gloire extérieure que nous lui procurons car Il se procure à lui-même sa gloire essentielle. S’Il nous prodigue les biens qu’Il nous distribue, c’est pour que nous en fassions un bon usage qui permettra alors de nous combler au-delà de toute mesure.

Selon les canons terrestres, Dieu est un bien piètre banquier qui ne prête pas mais qui donne et qui ne cesse de donner, et qui donne de plus en plus et sans compter, à mesure que ceux à qui Il donne font bon usage de ses dons.

 

III – Bons ou mauvais serviteurs

Qu’est-ce que Dieu attend de ses serviteurs ? Qu’ils mettent à profit le temps dont ils disposent pour bien utiliser leurs talents. Il exige que ses serviteurs consacrent à sa gloire tout ce qu’ils ont reçu de Lui afin de les en récompenser. On remarque que le Maître donne ses talents inégalement. Ce qui amène saint Grégoire à faire cette réflexion : « Ceux qui ont reçu en ce monde des grâces plus abondantes seront l’objet d’un jugement plus sévère car, plus on reçoit, plus grand est le compte que l’on devra rendre. »

Dans la parabole, le mauvais serviteur n’est pas un homme malhonnête. Il a reçu un talent et il le restitue au retour de son maître. Il est châtié pour sa paresse, sa pusillanimité et son insolence. En effet, il n’a rien fait de son talent. Il l’a enfoui et n’a rien produit alors que le maître escomptait une fructification. Son comportement est celui d’un pusillanime qui ne risque rien de peur de ses maladresses. La peur de ne pas pouvoir rendre son talent le paralyse et il ne fait rien. Sa pusillanimité provient de son manque de confiance en Dieu. Il a peur d’agir parce que, au lieu de se fonder sur l’aide divine, il ne compte que sur lui. On voit enfin comment il a bâti une justification détestable de son comportement où apparaît sa méconnaissance dramatique des intentions  si nobles de son maître.

Conclusion

« Il en est beaucoup dans l’Église, dont ce serviteur est la figure, qui craignent d’entrer dans les voies d’une vie plus sainte, et qui ne craignent pas de croupir dans une négligence sensuelle et honteuse.» Voilà un autre commentaire de saint Grégoire sur la parabole des talents. Il est important de noter dans cette parole que saint Grégoire envisage avant tout la fructification intérieure « les voies d’une vie plus sainte ». C’est en effet toujours par là que l’on doit commencer. L’activité -même extraordinaire – n’est rien si elle n’est pas un vrai débordement de cette vie, de cette fructification des dons intérieurs.

R.P. Joseph

 

 

1 Luc 19,12

2 I Cor. 4, 7

3 Deut. 23

4 Mt 25, 27

 

 

Faire fructifier les talents

 

Chers amis,

« C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis1. » Chacun de nous doit rendre grâce pour ces dons divins sur le plan surnaturel, mais aussi pour les multiples talents, variables selon les âges et les devoirs d’état, que nous devons faire fructifier : 

– enfants cherchant un jour ou l’autre quelle sera leur voie dans la vie,

– parents ayant le devoir de connaître les âmes qui leur ont été confiées et de découvrir leur tempérament afin que chacun puisse donner le meilleur de lui-même.

– et chacun d’entre nous enfin, se faisant un devoir de saisir les opportunités qui permettent aux talents de s’épanouir quel que soit l’âge, telles des fleurs qui s’ouvrent au printemps ou à l’automne.

Ces talents sont comme des graines qui doivent être plantées, cultivées, arrosées, semées, sinon elles pourriront et la récolte sera perdue. C’est donc la mission de l’éducateur, de soigner le milieu dans lequel elles seront déposées. Celui qui ne les sème pas et ne les entretient pas fait tort au Maître de toutes choses. Celui qui les enfouit dans la terre, comme un insouciant, ne pense qu’aux choses terrestres et oublie le but principal en nuisant au bien de tous. Au contraire, celui qui veut les faire fructifier se met au service du bien commun, de la charité et donc de Dieu lui-même. « Si le Seigneur loue et récompense le serviteur fidèle pour avoir fait fructifier cinq talents, quel éloge, quelle récompense réservera-t-il au père qui a gardé et élevé pour Lui la vie humaine qui lui a été confiée, supérieure à tout l’or et à tout l’argent du monde !2 »

Quel but plus intéressant pour un éducateur que de donner une autre dimension à un esprit étriqué, limité par des préoccupations purement personnelles et terrestres ? Quelle mission passionnante que de développer la piété, l’intelligence, le caractère et les dons artistiques et physiques en mettant tout cela en accord, tel un bon chef d’orchestre ?

Mais si nous considérons cette parabole uniquement sur le plan humain, notre œuvre sera très vite stérile. Ne tombons pas dans le travers à la mode de chercher uniquement à « s’accomplir » et à « s’épanouir » ; s’il est vrai que corps et âme sont un ensemble et que celui qui n’a pas trouvé comment faire fructifier ses talents risque de voir aussi son âme s’étioler, ne perdons pas de vue le but ultime !  N’oublions jamais que Dieu a voulu déposer ces talents dans chacun d’entre nous pour perfectionner l’individu, pour le mettre au service du bien commun et par là même répondre au commandement : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit3 ». La mission prend alors là toute sa véritable dimension : découvrir, puis développer ses talents pour la plus grande gloire de Dieu !

« O mon Dieu, que vous ai-je rendu pour la foi que vous m’avez donnée, pour tant de saintes instructions, pour tant de crimes pardonnés, pour tant de temps, pour votre longue patience ! Oh Dieu que vous ai-je rendu ? Et ne vous ayant rien rendu, que dois-je craindre4 ? »

C’est sous le regard plein de tendresse de Notre-Dame des Foyers Ardents que nous passerons cette nouvelle année, afin qu’elle nous aide à progresser toujours davantage vers le ciel et à rendre grâce à Dieu !

 

Marie du Tertre

 

1 Saint Paul – Première épitre aux corinthiens 15-10

2 Pie XII – 29 octobre 1951- Discours aux participants du  Congrès de l’Union Catholique Italienne des Sage-Femmes

3 Saint Mathieu – Chap XXII – 37

4 Bossuet, Méditations sur l’Evangile

 

Homme et femme Il les créa

 

Pour une meilleure perception de la portée de cet article, nous recommandons vivement de lire l’article publié dans FA n°41. ( https://foyers-ardents.org/2023/09/11/contre-limpurete-et-ses-ravages-toute-une-education/).

Cet article veut être un complément mettant l’accent sur les différences entre les garçons et les filles dans les mécanismes sous-tendant la sexualité, dont la connaissance est un préalable indispensable à la noble mission d’éducation. Il est publié paradoxalement après le précédent, qui contient pourtant des notions qui lui sont subordonnées, car il nécessite, pour être mieux compris, les éléments déjà développés sur les éléments communs aux deux sexes.

 Contrairement à l’idéologie indifférentialiste du moment, si, en droit comme aux yeux de Dieu l’Homme et la Femme sont parfaitement égaux, les différences de leurs corps – jusqu’au fonctionnement de leurs cerveaux – engendrent une asymétrie de leurs modes de pensée, donc d’action. Le prométhéen projet féministe n’est en cela pas seulement un effet de mode mais bien la dernière étape d’un plan de déconstruction proprement satanique et annoncé de longue date. Dès l’enfance, cette différenciation se marque et l’éducation doit respecter cette nature sous peine de produire des adultes à la personnalité claudicante.

La vision, talon d’Achille du garçon

Le professeur André Bergevin1, spécialiste des facteurs neuropsychologiques sous-tendant les conduites, prouve et analyse l’instinct sexuel masculin comme étant lié à la vision, principalement des formes féminines. Ce fonctionnement du cerveau masculin, qui s’étend à d’autres domaines que la sexualité, explique la curiosité extrême des petits, bien plus bouillonnante chez les garçons. On comprend donc que ce mécanisme automatique doit être éduqué par la tempérance et la retenue du regard. Qu’on ne s’y méprenne pas, cette curiosité naturelle est nécessaire, elle permet la connaissance du réel et constitue un moteur puissant pour pousser l’homme à devenir la porte du foyer vers l’extérieur et les connexions sociales.

Chez la femme, il en est autrement. Statistiquement, il est prouvé2 que la structure de ses connexions cérébrales est bien moins dichotomique que chez l’homme, et lui permet d’idéaliser davantage son environnement. Plus englobante, sa pensée est prédominante dans ses actions, et contrairement au sexe opposé, elle est moins sujette au principe de « stimulus déclencheur » dans le cadre de sa sexualité. Concrètement, pour elle, le plaisir sexuel sera bien moins recherché pour lui-même que comme confirmation d’un bien-être affectif.

Cela s’observe, en négatif, dans les motivations des malheureuses qui peuvent parfois tomber dans l’addiction à la pornographie : je peux citer des témoignages de femmes qui, tout en étant écœurées par les images qu’elles vont voir, y reviennent afin d’y retrouver l’impression (fausse !) de tendresse et d’affection dont certains traumatismes de la vie les ont privées. Mais dans ce domaine, si la sécrétion de dopamine aura à terme le même effet addictif que chez l’homme, l’absence de stimulus visuel limitera la profondeur du mal, et le phénomène d’addiction aura moins d’emprise, car très largement dû à l’attirance du regard.

 

Est-ce à dire que les filles sont peu partie prenante dans ce fléau ?

Non, bien sûr, mais d’une manière différente. Elles en sont à la fois victimes et causes. Victimes en tant qu’êtres profondément spirituels, car elles sont réduites à devoir se conformer à un stéréotype que l’indifférentialisme voudrait libérateur, lorsqu’il n’est qu’un rabaissement à quelques courbes et parties de corps rendues désirables par le seul mécanisme instinctif et – disons-le – prédateur, du cerveau masculin. Victimes en tant qu’êtres de cœur, car on leur refuse par cette dégradation d’être désirées pour elles-mêmes, tant elles sont enjointes par l’idéologie du moment à se conformer aux codes de la pornographie. Causes parce que souhaitant se soustraire à cette prédation, elles l’amplifient en ne voulant voir en l’homme qu’une femme aux instincts incontrôlés.

                    >>>

>>> Ni féminisme, ni angélisme

Je m’explique : que ce soit dans le féminisme ou dans l’angélisme, on retrouve cette crainte de se confronter à l’altérité. Cela se traduit dans le premier cas par une impudicité outrancière, qui aura le double effet pervers d’exciter les sens masculins, et finalement de réduire encore davantage la femme à ce qu’elle refuse légitimement d’être considérée. Dans le deuxième cas, plus présent dans les milieux catholiques, la méconnaissance du caractère masculin amène la jeune fille à lui signer un blanc-seing quant à sa vertu, transposant par naïveté la primauté du spirituel (qui est plus spécifiquement féminine) sur de simples amis dont la bonne éducation et la retenue ne sauraient annihiler les instincts naturels. Ils sauront contenir extérieurement les effets de ces derniers, qui feront alors leurs ravages dans leurs âmes. Ne soyons pas naïfs pour autant, cet angélisme est bien plus humain qu’il n’y paraît, car grâce à cette capacité qu’elle a de ressentir ce qui n’est pas dit, la jeune fille aura vite l’intuition que son attitude lui attire regards et attentions, ce qui ne fera que l’ancrer dans son attitude.

Loin de moi l’idée de rejeter la faute sur l’un ou l’autre. Ces mécanismes ne sont rien d’autre que des phénomènes très naturels que nous voyons à l’œuvre partout chez les animaux, et l’être humain fait partie du règne animal : la femelle fait sa danse nuptiale dans le but de déclencher chez le mâle l’instinct reproductif qui assurera la perpétuation de l’espèce. On retrouve par ailleurs cet échange dans les deux excès cités plus haut. Dans l’un, l’Homme n’est qu’un corps, dans l’autre il n’est qu’esprit.

Apprendre à se compléter de manière harmonieuse

Ce développement quelque peu philosophique est nécessaire avant de revenir dans le monde concret : l’Homme (avec un grand H) est corps et esprit. Il est homme et femme. Loin de les opposer, leurs différences sont autant d’occasions de se compléter de façon harmonieuse, et de se porter vers le Bien de sorte que leur union est infiniment plus que la somme des deux.

Les deux écueils précédents sont abordés sous l’angle de la féminité car ils aboutissent à la même impasse chez l’homme : son effacement comme être spirituel par l’exploitation de son mécanisme sexuel instinctif. La solution apparaît alors clairement : tout d’abord la connaissance de l’autre, puis une véritable charité qui vise à se fournir l’un à l’autre les moyens permettant de s’accomplir en ce qu’il/elle est.

Nous sommes faits à l’image de Dieu, Lui qui, Esprit procédant d’un Père pur esprit et d’un Fils charnel, a voulu par l’image de l’altérité des sexes, reproduire cette perfection afin de nous signifier d’où nous venons. L’antidote à ce monde que nos ennemis appellent de leurs vœux et de leur actes, c’est l’autorité paternelle.

La paternité est indispensable à l’épanouissement de la femme, en lui créant l’environnement sécurisant dont elle a besoin afin de donner la pleine mesure de sa générosité et des puissances de son cœur. Et ce faisant, elle construira pour l’homme le foyer dont il a besoin afin d’enflammer son énergie au service de causes nobles.

 

Eduquer les enfants à la retenue

Abordons maintenant l’éducation des sexes, qui va au-delà d’une simple éducation sexuelle. L’autorité paternelle, entre autres effets, aura pour bienfait d’éduquer les enfants à la retenue, retenue du regard et des appétits charnels pour les garçons et retenue dans le paraître et les sentiments pour les filles, les préparant ainsi dès le plus jeune âge à considérer l’autre sexe en ce qu’il est, afin plus tard de l’aider à devenir ce à quoi il est appelé. Lorsque l’on parle d’appétit charnel, il n’est pas question uniquement de sexualité : la gourmandise (on ne mange pas n’importe quand, et on mange de tout à table), le confort (on ne paresse pas avec une BD vautré dans son lit, on ne s’étale pas sur des chaises longues au soleil…), la possession (on n’est pas tenu d’acheter immédiatement le jeu que notre enfant réclame à cor et à cri) sont autant d’entraînements efficaces pour les luttes qu’il aura à mener plus tard. Et pour nos filles, l’image paternelle doit préfigurer ce qu’elles rechercheront dans leur futur époux. La relation père-fille a cela d’unique qu’elle permet à la jeune fille d’obtenir affection et tendresse sans avoir à passer par la case séduction, et que l’amour qui lui sera prodigué sera naturellement dédié à sa personne intégrale, corps et âme. C’est aussi grâce à l’authenticité de cette relation que nul mieux que le père ne peut conseiller sa fille sur la retenue de son attitude et de ses sentiments.

 

La pudeur

La retenue est une autre façon de parler de pudeur : pour citer le professeur Bergevin, « la pudeur féminine n’est pas autre chose qu’une réponse à cette tendance masculine innée de ne la prendre que pour un corps3 ». Autrement dit, bien plus qu’une honte, il s’agit d’une incitation pour l’homme de considérer la femme d’abord en son âme et sa personne, sachant qu’elle a aussi un corps.

La pudeur masculine est différente, et concerne davantage la relation qu’il entretiendra à l’égard des jeunes filles, prouvant par son regard et sa retenue dans ses effusions qu’il considère avec respect la personne féminine, refusant de l’offenser par la réduction à l’état de corps pour laquelle le sien est programmé. Dans une formule très schématique, je dirais que la pudeur féminine avertit « que la femme n’est pas qu’un corps » quand le garçon devra alerter « qu’il n’est pas qu’une âme ».

 

Pour l’éducation, le combat culturel allié au combat spirituel

Ces considérations psychologiques peuvent sembler très théoriques, mais elles sont indispensables pour guider une saine éducation à la pureté. Lues à l’aune des dangers de notre époque, elles mettent en exergue le fait que le combat est général, autant personnel et spirituel que social et civilisationnel, tant le vice a infiltré la plupart des codes de conduite, des jeunes comme des adultes. On pourrait d’ailleurs étudier avec précision les effets que ce phénomène produit dans les milieux catholiques traditionnels, dont les murs moraux sont d’efficaces remparts contre la déferlante, mais ne sauraient empêcher des infiltrations insidieuses. Certes, c’est Dieu qui donne la victoire, mais la lutte nous revient, et ôtons de nos têtes la tentation de recettes magiques qui permettraient de résoudre le problème sans mouiller la chemise. Il est temps. Grand temps.

 

Odoric Porcher

 

1 A. Bergevin, Révolution permissive et sexualité, François-Xavier de Guibert, 2003. Beaucoup de notions de ce texte sont issues de cet ouvrage de référence, dont je ne saurais que trop conseiller la lecture !

2 Voir les travaux de Roger W. Sperry, prix Nobel de médecine, sur les rôles de hémisphères cérébraux droit et gauche et leur répartition (majoritaire sans être exclusive) chez l’un et l’autre sexe.

3 A. Bergevin, Révolution permissive et sexualité, op.cit., p. 82.

 

Des moufles et une écharpe

Pour préparer l’hiver

Chères couturières,

La cigale ayant chanté tout l’été, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue !

Heureusement, le temps de l’automne n’est pas terminé et nous laisse encore quelques semaines pour couvrir nos tout-petits ou préparer de chaleureux petits cadeaux de naissance.

La sieste commence ? Hop hop, à nos machines, pour un ouvrage accessible à toutes.

Nous vous présentons les explications et le patron pour réaliser des moufles et une écharpe en 1 et 2 ans. A réaliser idéalement dans une polaire bien chaude…

Bonne couture !

Atelier couture

https://foyers-ardents.org/category/patrons-de-couture/

 

Marie ma exaucée…

Un ex-voto du passé

À l’intérieur de la chapelle de la Vierge de Fourvière à Lyon, le vingtième ex-voto en comptant du bas sur le deuxième pilier droit arrête le regard : Marie ma exaucée. Comme beaucoup d’autres, il date du Second Empire. Gravée dans le marbre, la faute d’orthographe n’est pas sans en rappeler une autre, tracée avec du sang en 1991, le fameux Omar m’a tuer, et tant d’autres vilénies qui farcissent copies d’élèves, colonnes de journaux, menus de restaurants ou affichettes publicitaires, tant les « ma » pour des « m’a » et les « tuer » pour les « tué », sans compter les « mon » pour les « m’ont » et autres barbarismes sont encore légions au XXIe siècle.

Marie ma exaucée : il y a donc, se dit-on tout d’abord, comme un marqueur de classe ou d’ignorance dans la disparition de l’apostrophe. La faute provient-elle du graveur ou de la commanditaire de cette plaque ? On pourrait s’en tenir là si ne résonnait pas dans l’énoncé une sorte de franchise et de probité qui le rend presque poétique : je ne sais plus quel linguiste rappelait que toute faute individuelle de langage, si choquante soit-elle, est souvent motivée par une signification en partie consciente du sujet qui la commet, à la manière d’un acte manqué. Le regard s’attarde à nouveau sur le propos, au tiers supérieur du pilier : Marie ma exaucée.

On songe que ce ma pourrait aussi bien être un déterminant possessif, et qu’ainsi ce serait fort joli : Marie ma exaucée, comme Marie ma bien-aimée. Dans cet emploi, exaucée serait un participe passé substantivé, juxtaposé au prénom de la Vierge ; évidemment cela contrarie l’intention première de l’ex-voto puisque c’est Marie qui a exaucé le vœu de la personne qui le fit graver. Or Marie sujet ne peut devenir objet du vœu. Mais en même temps, cela renforce le lien de familiarité, d’intimité, voire de dévotion qui s’exprime alors.

En effet, se souvient-on, Marie ne fut-elle pas, elle aussi, exaucée ? Si l’on en croit le splendide Magnificat, nulle personne ne le fut même davantage qu’elle ! La faute nous fait aussitôt passer d’un vœu exaucé, celui de la personne qui commanda l’ex-voto, à un autre, celui de la fille d’Anne et de Joachim.

 

Une faute poétique

Certes, c’est sans compter sur la règle qui veut que devant un nom féminin commençant par une voyelle, pour éviter un hiatus disgracieux, on emploie les formes masculines (mon, ton, son, au lieu de ma, ta, sa : ma femme, mais mon épouse). Il eût donc fallu graver dans ce cas Marie mon exaucée.

Mais la faute, justement, prend un caractère poétique qui commence à me charmer.

J’imagine cette lyonnaise de la deuxième partie du XIXe, une mère de famille à la fois pieuse et bonne-vivante, dans le genre de celles qui faisaient leur marché sur le quai Saint-Antoine et qu’on voit sur les tableaux de petits maîtres régionaux dans certaines brocantes. Longue jupe de coton, corsage à rayures, fichu noué, chaussures entre la sandale et le sabot, dans cette époque où l’on allait encore à pied.

Et puis son garçon soudain saisi d’une mauvaise grippe, ou quelque chose de plus grave encore du côté de l’époux. Alors on se tourne vers Marie ; Marie, Mère de l’esprit de famille, recours dans la douleur, Mère de toutes les grâces, que l’on prie pour les siens. On prie un jour, neuf jours, s’écoulent deux, trois neuvaines… Et voilà que tout finit par s’arranger. Le garçon guérit, le mari se relève… J’imagine les longues visites qui précédèrent l’heureux dénouement, les montées à Fourvière comme disaient alors les petites gens de Vaise ou de Saint-Jean, dans cette chapelle emplie d’histoires de familles murmurées, devant ce haut retable baroque où trône encore cette Vierge en bois vêtue d’étoffes chatoyantes. Je crois l’entrevoir remerciant, repentante et agenouillée dans la fumée des cierges d’antan, son chapelet coulant entre ses doigts, cette femme d’un autre temps devant l’autel.

Pour qui veut bien lire et s’attarder, il y a tout cela, plus même, dans cette faute.

Le garçon, un compagnon un peu lourdaud qui d’une main rugueuse la grava définitivement, cette faute d’orthographe, dans l’atelier d’un faubourg, songeait probablement à sa belle à lui, sa bien-aimée, une petite Marie du quartier qu’il épouserait bientôt, quand son ciseau passa de « m’a » à « ma »… Marie ma exaucée. Après, c’était trop tard ! Le patron a fermé les yeux en se disant que ce n’était pas si grave, que ça passerait… Il faut imaginer aussi le moment où un prêtre maigre et sérieux finit par découvrir la faute. Au prix que coûtait le marbre, on jugea que ce n’était pas si grave, que le Seigneur, c’est bien connu, ne regarde pas le degré d’instruction de ses ouailles lorsqu’Il juge les intentions. Et on fixa quand même cet objet de reconnaissance parmi les autres, qui demeure, le vingtième en partant du bas sur le deuxième pilier droit, comme le témoignage d’une certaine France que nous aimons.

 

Beauté du français

Toute faute d’orthographe étant, au même titre qu’un trope, un écart, n’est-elle pas aussi, d’une certaine façon, une figure poétique ? Dans ses Études de style, le philologue Léo Spitzer rudoie cette « linguistique behavioriste, antimentaliste, mécaniste, matérialiste, qui voudrait faire du langage ce qu’il n’est pas : un agglomérat sans signification de choses inertes, un matériel verbal mort, des habitudes des paroles automatisées ». Un langage de simple communication, dirait-on à présent, au service de l’IA qui porte bien son nom d’artificiel et n’a pas fini d’abuser les crédules.

Car l’intelligence artificielle ignorera toujours la signification interne que prennent les mots, les figures de style et jusqu’aux fautes d’orthographe de chacun. Quel plaisir, quel réconfort de retrouver ce qu’elle manifeste à travers les époques de la belle polysémie propre à notre langue, sur les piliers bruissants d’autrefois, qui soutiennent, à Lyon, la chapelle de Fourvière.

Avec cet ex-voto insolite, en effet, nous nous trouvons à la croisée d’une prière et d’une mémoire, d’une histoire singulière qui s’efface et d’une civilisation qui perdure, d’un dire aussi beau que maladroit, celui qui témoigne que Marie est la protectrice des familles et la garante du pardon entre les hommes.

 

« Marie, exaucée,

m’a exaucée.

Marie ma exaucée… »

 G. Guindon