La Croisade du Rosaire

L’activité de l’association de la Croisade du Rosaire est intimement liée aux apparitions de Fatima, au cours desquelles la Très Sainte Vierge Marie rappela avec insistance qu’il fallait réciter le Rosaire : « Afin de sauver les âmes, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé1.»

Son principe s’inspire des œuvres fondées par Pauline Jaricot, femme à l’âme d’apôtre, née le 22 juillet 1799 à Lyon. À la fois contemplative et active, ayant un sens pratique développé, elle fonda plusieurs œuvres de charité :

– La « Propagation de la foi » en 1817, destinée à soutenir les missions de Chine dans une situation critique (l’Eglise reprendra en 1822 sous ce vocable l’œuvre pontificale du même nom). Des groupes de dix personnes, dont chacune devant former un nouveau groupe de dix et ainsi de suite, s’engageaient à réciter une prière quotidienne pour les missions, accompagnée d’une offrande à leur intention. Très vite, cette œuvre prit des proportions importantes.

– Le « Rosaire vivant » fondé en 1826, était basé sur le même principe. Il s’agissait de constituer des groupes de prières avec quinze « Rosaristes » qui méditaient chacun un mystère différent, de sorte que chaque jour ils soient unis dans la récitation d’un Rosaire entier avec toutes les grâces que cela comporte pour les intéressés.  A une période où cette dévotion avait besoin d’être ranimée, elle répandait ainsi un moyen d’apostolat. La fin essentielle de l’association était de fléchir la colère de Dieu par l’entremise de Notre-Dame du Rosaire, de vivifier de plus en plus la foi dans les âmes des fidèles, d’obtenir la conversion des pécheurs, de conserver la foi en France, et également d’établir une union entre les associés. Le Rosaire était appelé « vivant » car il s’agissait de faire revivre, par la méditation et la contemplation les mystères de la vie de Jésus et de Marie, et de les mettre en œuvre dans la vie quotidienne. Il formait alors une couronne vivante de roses offerte au Seigneur ; les roses étant les différents mystères.

Le Rosaire vivant eut un succès considérable et ranima la foi dans les cœurs engourdis. Pauline Marie Jaricot avait placé son œuvre sous la protection de sainte Philomène – la petite Sainte du Curé d’Ars -, martyre, par qui elle fut guérie miraculeusement en 1830.

A sa mort en 1862, l’association comptait deux millions et demi d’associés dans le monde entier.

Si à l’époque de Pauline Jaricot, où l’Église était encore très présente dans tous les villages de France, le besoin se faisait sentir de « ranimer la foi », que ne dirait-elle pas à notre époque ?

La Croisade du Rosaire approuvée et encouragée par saint Pie X

Inspirées par cette œuvre, un certain nombre d’associations se sont constituées sur cette base. Aujourd’hui, la « Croisade du Rosaire », fondée par le Révérend Père Jean Reynaud, dans les années 1970, dans le cadre du M.J.C.F2, est très active. Cette association se propose d’organiser des groupes de prières et plus généralement de  faire connaître, d’encourager, de propager, d’utiliser tous les moyens propres à développer, en France et dans le Monde, la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, telle qu’elle est reconnue et approuvée par l’Eglise catholique romaine. Le développement de la dévotion au Cœur Douloureux et Immaculé de Marie s’opérera spécialement par la récitation du chapelet, – comme Notre-Dame l’a demandé avec insistance au cours de chacune de ses six apparitions à Fatima en 1917 – et par la Consécration de ses enfants à son Cœur Douloureux et Immaculé. Cette consécration à la Très Sainte Vierge devant tout naturellement conduire à la Consécration au Sacré-Cœur et à l’intronisation du Sacré-Cœur dans les foyers.

Plusieurs actions sont organisées par cette association :

– Le rosaire vivant organisé par « un zélateur3 »

Les personnes qui s’inscrivent à la Croisade du Rosaire s’engagent à réciter au moins une dizaine de chapelet chaque jour. Ces personnes sont désignées par le terme de « Croisé ». De la sorte, tous les jours, les quinze dizaines correspondant aux quinze mystères du Rosaire sont récitées, et chacun, en communion de prière avec les autres, bénéficie des grâces attachées à la récitation du Rosaire dans son entier, car Notre-Seigneur Jésus-Christ a dit : « Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux4. » On peut se procurer auprès du secrétariat de la Croisade du Rosaire, des livrets illustrés avec méditation sur chaque mystère5.

Chaque personne, dévouée envers la Très Sainte Vierge, peut rechercher quatorze personnes dans son entourage pour former avec elle un Rosaire Vivant. Elle devient ainsi « zélateur ». Bien sûr, de prime abord, il peut paraître difficile de trouver autour de soi quatorze personnes qui consentent à s’associer dans un Rosaire Vivant, mais dès que deux ou trois personnes sont réunies, il est possible de lancer Le Rosaire Vivant sans attendre qu’il soit complet. Ces deux ou trois personnes aideront à compléter ce Rosaire Vivant grâce à leurs parents et à leurs amis. Il suffit de commencer et la Très Sainte Vierge nous aide à faire le reste : elle répand ses grâces sur nous et sur nos familles dès que nous commençons à nous mobiliser à son service. Chaque trimestre, des intentions de prières sont données par notre Aumônier. Les zélateurs qui s’inscrivent auprès du secrétariat recevront les instructions nécessaires.

Pour démultiplier localement son action, la Croisade du Rosaire s’efforce de mettre en place dans chaque lieu de messe où elle le peut, en accord avec le prêtre responsable, un correspondant de bonne volonté et dévoué à la Sainte Vierge.                           

– Le chapelet continu pour les mois consacrés à Notre-Dame

La Croisade du Rosaire organise un chapelet continu, nuit et jour, pendant le mois de mai (mois de Marie) et le mois d’octobre (mois du Rosaire). Les Croisés et personnes volontaires s’inscrivent pour réciter le chapelet, chez eux ou dans une église, pendant une demi-heure ou plus, un jour de ce mois, à l’heure de leur choix. Cette inscription peut se faire soit directement6 et individuellement auprès de la Croisade du Rosaire, soit auprès du correspondant local dans le cadre d’une journée attribuée au prieuré ou à la chapelle de leur domicile, et en union aux intentions de la Croisade. 

– « Le Lien »

L’association édite un bulletin trimestriel expédié à chaque Croisé adhérent qui le demande ; il est destiné à maintenir et renforcer la dévotion mariale. Outre l’éditorial et un article de fond de l’aumônier et éventuellement d’autres articles, « Le Lien » publie une méditation sur un mystère du Rosaire, les intentions communes et des intentions de prières particulières demandées par les Croisés. Son financement est assuré par la générosité de ses membres. Il n’y a ni cotisation, ni abonnement. Nous ne voulons pas en effet que certains, faute de moyens, soient privés de le recevoir. Il faut reconnaître que c’est là peut-être, aux yeux du monde, le point faible de l’organisation, car de ce fait, la marge de manœuvre financière est extrêmement faible. Nous n’avons pratiquement aucune trésorerie et l’édition ou l’expédition de nouveaux documents est parfois acrobatique. Néanmoins, jamais la Très Sainte Vierge ne nous a laissés manquer du nécessaire. Elle a toujours su mobiliser la générosité des Croisés et a  permis, grâce à eux, de faire face aux dépenses.

Nombreuses sont les personnes qui s’inquiètent de l’état de l’Eglise, de la France ou du monde : les intentions de prières ne manquent pas ; mais au lieu de se lamenter, n’est-il pas temps de s’unir pour implorer notre bonne Mère du ciel qui ne nous abandonnera jamais, elle nous l’a assuré ! Unissons-nous alors par ce moyen si simple qu’offre la Croisade du Rosaire ! C’est le premier pas qui coûte car une fois que nous y adhérons, quand le groupe est lancé, tout se fait facilement ! Soyons certains que Notre-Dame verra notre effort et ne manquera pas de répandre ses grâces sur chacun d’entre nous et sur les nôtres, « maintenant et à l’heure de notre mort ».

Emmanuel du Tertre

 

Croisade du Rosaire – 22 chemin des Baratteries 37360 Saint Antoine -du-Rocher – 06.47.50.13.94

croisadedurosaire@outlook.fr

 

 

Trouver la paix avec Marie dans le monde d’aujourd’hui

Saint Louis-Marie de Montfort a joui plusieurs fois du charisme de prophétie. On peut lire, par exemple, dans sa Prière embrasée : « Votre divine loi est transgressée, votre Evangile est abandonné, les torrents d’iniquité inondent toute la terre et entraînent jusqu’à vos serviteurs, toute la terre est désolée, l’impiété est sur le trône, votre sanctuaire est profané et l’abomination est jusque dans le lieu saint… Tout deviendra-t-il à la fin comme Sodome et Gomorrhe ?   Ah ! Permettez-moi de crier partout : au feu, au feu, au feu ! A l’aide, à l’aide, à l’aide ! Au feu dans la maison de Dieu, au feu dans les âmes, au feu jusque dans le sanctuaire ! A l’aide de notre frère qu’on assassine, à l’aide de nos enfants qu’on égorge, à l’aide de notre bon père qu’on poignarde !  Seigneur, levez-vous ! Pourquoi semblez-Vous dormir ? » (5, 28 et 30).

Cette prophétie, écrite au début du XVIIIe siècle, est étonnante d’actualité. On y trouve : 1) le libéralisme, dans la divine loi transgressée ; 2) l’apostasie, dans l’Evangile abandonné ; 3) l’impudicité s’étalant dans les rues et se déversant dans les torrents d’iniquité qui inondent toute la terre ; 4) les défections et scandales des âmes consacrées, dans les serviteurs de Dieu entraînés par ces torrents d’iniquité ; 5) les catastrophes naturelles, dans la terre désolée ; 6) les gouvernements maçonniques, dans l’impiété qui est sur le trône ; 7) les messes sacrilèges, à travers le sanctuaire profané ; 8) l’homosexualité, lorsqu’il parle de Sodome et Gomorrhe ; 9) l’œcuménisme d’Assise, lorsqu’il dénonce l’abomination dans le lieu saint ; 10) l’insécurité permanente qui se cache derrière le frère qu’on assassine ; 11) l’avortement qui transparaît derrière les enfants qu’on égorge ; 12) l’euthanasie que révèle le bon père qu’on poignarde.

En 2017, à l’occasion de la publication du livre Une pensée par jour, Saint Louis-Marie Grignion de Montfort (Éditions Clovis), le passage qu’on vient de citer était choisi pour la date du 15 avril. Or, deux ans plus tard, à cette même date, Notre-Dame brûlait à Paris : « Au feu, au feu, au feu ! Au feu dans la maison de Dieu, au feu dans les âmes, au feu jusque dans le sanctuaire ! » Prophétique encore !

Après le XVIIIe siècle passons aux XIXe et XXe. Il y a plus de 15 ans, je tentais de faire une petite théologie de notre histoire contemporaine à partir d’affirmations des deux frères Huxley, Julian et Aldous, glanées dans le livre écrit par Epiphanius intitulé Maçonnerie et sectes secrètes paru aux Publications du Courrier de Rome (2000). Dans ce petit travail, je disais que, si le XIXe siècle a été le siècle du Libéralisme et le XXe siècle celui du Communisme, le XXIe siècle sera celui du Mondialisme. Thèse, antithèse, synthèse : c’est la « logique » de la pensée hégelienne.

Je décrivais ensuite le Mondialisme en ces termes : un Libéralisme-communiste ou un Communisme-libéral. C’est-à-dire, une synthèse et une fusion entre le Libéralisme et le Communisme. Plus précisément ? « Un système juridique dans lequel la législation n’autorise et ne favorise que l’erreur et le vice, et interdit et sanctionne la vérité et la vertu.» En définitive, c’est « un esclavage juridique imposant tyranniquement au genre humain le faux et le mal ».

Cette analyse, je ne l’ai pas inventée. Elle a été élaborée par les deux frères Huxley, avant même 1989, année de la chute du mur de Berlin. Sir Julian Huxley (+1975), premier directeur général de l’UNESCO, a rédigé un opuscule dans lequel il affirme : « Le conflit (entre capitalisme et communisme) peut être évité et les contraires réconciliés ; cette antithèse peut-elle être résolue par une synthèse supérieure ? Je crois non seulement que cela peut se produire, mais qu’à travers l’inexorable dialectique de l’évolution cela doit se produire… Je suis convaincu que cette synthèse réalisée à temps pour prévenir un conflit ouvert doit constituer le but dominant de l’UNESCO. » (op. cit. p. 311).

Son frère Aldous (+ 1963) explique, dans la Préface du Meilleur des mondes, que cette nouvelle société trouvera un levier puissant dans le vice : « Au fur et à mesure que la liberté politique et économique diminue, la liberté sexuelle a tendance à s’accroître à titre de compensation. Et le dictateur sera bien avisé d’encourager cette liberté. S’ajoutant au droit de rêver sous l’influence de la drogue, du cinéma, de la radio, elle contribuera à réconcilier avec l’esclavage ceux dont il est le destin. » (op. cit. p. 369) Le destin des masses ? L’esclavage de l’impureté sous l’influence des médias et, même s’il ne le savait pas encore, d’internet.

En 1961, Aldous Huxley fit même allusion à la possibilité de créer « une sorte de camp de concentration mental non douloureux pour des sociétés entières, un lavage de cerveau par des méthodes pharmacologiques. Et ceci – ajouta-t-il énigmatiquement – semble être la solution finale. » (op. cit. pp. 373-374) Selon Julian, ce système politique serait insupportable pour les catholiques : « Certains types d’hommes devraient être exclus : l’asthénique christianisé de type général, fanatique, exagérément zélé, terrorisé par une morale excessivement rigide… de telles personnes devront être exclues de certaines charges, telles que juges des mœurs, magistrats, enseignants, et il n’y aura pas non plus de place pour eux dans l’administration » (op. cit. p. 310). Quelle actualité !

Comment garder la paix dans ces circonstances ? Montfort ne sombre pas dans un pessimisme déprimant et relève notre courage : « Ne craignez point, petit troupeau, quoique naturellement vous ayez tout à appréhender… Mais encore un coup, ne craignez point volontairement, écoutez Jésus-Christ qui vous dit : c’est moi, ne craignez point… C’est moi qui suis votre Bon Pasteur… Je vous délivrerai des pièges qu’on vous tend, des assauts du démon… Je vous cacherai sous mes ailes ; je vous porterai sur mes épaules… Je vous exaucerai dans vos prières ; je vous accompagnerai dans vos souffrances ; je vous délivrerai de tous vos maux ; je vous glorifierai de toute ma gloire que je vous montrerai dans mon royaume à découvert, après que je vous aurai comblés de jours et de bénédictions sur la terre. Ce sont là les promesses admirables que Dieu vous fait par la bouche du prophète, si vous mettez par Marie toute votre confiance en lui !  »

Pour garder la paix aujourd’hui, l’idéal, c’est la mariothérapie : Se consacrer à Marie1 dans le saint esclavage pour résister à l’esclavage mondialiste…

M. l’abbé Guy Castelain

1 Ed. Clovis – Se consacrer à Marie – 33 jours avec saint Louis-Marie Grignion de Montfort – 208 p., 2022

 

 

 

La maternité cachée des épouses sans enfants

C’est un témoignage, parmi d’autres, que nous vous livrons.

 

Quand chacune de nous s’est mariée, nous étions loin de penser être confrontées à cette épreuve et avions comme tout le monde le désir d’avoir des enfants ; pour nous, cela allait de soi.

Mais après des inquiétudes et des déceptions, quelle douleur quand nous avons compris que nous n’aurions pas cette joie !

Nous avons prié, confié notre peine à Dieu et espéré dans l’intercession de tant de saints, mais rien n’y faisait ; nous ne comprenions pas pourquoi le Bon Dieu ne nous écoutait pas.

Ce n’était pas sa volonté. Nous le récitons pourtant chaque jour dans le Notre Père… « Que votre volonté soit faite… » Y être confrontées, c’est autre chose !

Commence alors un long deuil, avec ses moments de douleur, d’incompréhension, de révolte…

Le deuil de ces enfants que nous aurions eus, le deuil de toute la vie maternelle que nous pensions connaître, avec des tout-petits, des enfants qui grandissent et qu’on élève, dans la chaleur de la vie de famille, avec ses fatigues, ses difficultés et ses joies.

Ce sentiment de vide, de solitude du cœur, et d’inutilité devient lancinant, obsédant, et il est bien difficile à notre entourage même de tenter de nous aider. Il faut vivre cette épreuve pour la comprendre. Toutes les paroles, tous les gestes, même pleins de bonne volonté, nous pouvons les ressentir comme des maladresses tant nous sommes blessées jusqu’au fond de notre cœur. Il nous faut affronter le regard des autres : nous nous sentons si différentes. Et que répondre lorsqu’on nous interroge sur nos enfants ?! Car c’est souvent la première question posée lorsque l’on fait connaissance…

C’est la Croix, notre croix, nous le savons ! Mais comment la porter ? Et la porter quotidiennement, heure après heure ? En effet, ce n’est pas possible de la saisir d’un coup. Alors nous avons essayé, sans voir où nous allions, « de porter doucement, chaque jour, la Croix de chaque jour, avec la grâce de chaque jour1 ».  Aujourd’hui après aujourd’hui sans regarder demain.

Quand, maintenant, nous  regardons en arrière, nous  constatons qu’avec le temps et la grâce, le Bon Dieu et la Vierge Marie nous aidaient jour après jour et nous soutenaient pour soulager nos souffrances.

En nous guidant pour avancer, dans l’obscurité, sur ce chemin d’humilité, ils nous ont poussées petit à petit à nous unir à la volonté de Dieu. Et après avoir d’abord aimé Notre-Seigneur en dépit de la Croix, à nous unir à Lui, avec sa Croix2. Oui, sans le ressentir, nous le croyons, la Croix est l’Arbre de Vie, l’Arbre de la Rédemption.

Par ailleurs, alors que tout, dans la société, nous fait croire que nous sommes maîtres de notre vie, la vérité est que la vie est un don de Dieu, et un don purement gratuit. « La fécondité n’est nullement un droit des époux, elle est un droit de Dieu qui en use comme il veut. Le foyer sans enfants qui porte vaillamment cette croix (…) chante à la face des anges que Dieu est maître de la vie3 ».

Cette épreuve, c’est aussi celle de notre foyer, même si chacun la porte différemment ; nous la vivons à deux. Par la grâce du sacrement de mariage, la peine partagée par les époux porte des fruits de sanctification ; et la même épreuve, bien vécue ensemble, renforce l’union des âmes.

L’expérience nous a depuis longtemps fait comprendre que, si nous nous apitoyons sur notre sort, nous tombons dans le piège du découragement.

Pour redonner un équilibre et un sens à notre foyer, il nous a donc fallu nous détourner de notre peine en nous tournant vers les autres, y trouvant une véritable source de joie.

Car l’expérience de la souffrance nous aide à mieux percevoir celle des autres, à nous mettre à leur place, pour les aider à notre manière, avec notre attention, notre compréhension, notre aide pratique… et bien sûr notre prière. Par notre sourire, notre écoute, nos conseils, nous nous donnons, et combien nous recevons en retour ! Que nous choisissions une activité directement orientée vers les enfants, ou dans tout autre domaine, qu’il soit caritatif ou professionnel, c’est là que nous pouvons soulager notre peine et nous épanouir au service des autres.

Ainsi, sans nous en rendre compte, naturellement, le Bon Dieu nous guide, Il nous fait comprendre que nous aussi, si nous le voulons, nous pouvons avoir un rôle auprès des enfants qui nous entourent (famille, amis…) Il nous fait évoluer vers une autre forme de maternité. Celle-ci est certes plus cachée, mais elle peut trouver sa place entre celle des mères de famille et celle des religieuses, à la fois concrète et spirituelle. Quelle joie quand nous nous apercevons que le lien d’affection que nous avons noué avec tel filleul ou telle nièce est devenu, grâce au temps et à l’attention que nous lui avons consacré, une relation de confiance, une amitié, et que nous contribuons, à notre place, à faire fleurir les talents et l’âme de ces enfants. Et il arrive parfois que leurs oreilles qui étaient imperméables au discours de leurs parents s’entrouvrent au nôtre, et que leur cœur soit touché.

Aujourd’hui, nous comprenons mieux ces paroles du Père Jean-Dominique : « Cette souffrance n’est pas vaine, elle n’est pas un amoindrissement ni un rejet de la part de Dieu, mais la porte ouverte vers la sainteté et vers une fécondité supérieure4

Nous avons expérimenté que la maternité ne se limite pas à porter des enfants, elle est l’essence de notre nature de femme, elle est un appel à aimer, à entourer de soins et à guider la jeune génération, et ceux qui, à tout âge, en ont besoin ; et nous avons compris que cet appel était le nôtre, que nous ayons enfanté ou non. Car nous savons aujourd’hui ce que c’est qu’être mère auprès des âmes en les menant doucement vers Dieu, et nous savons que cela est beau !

En espérant que ce témoignage apportera un soulagement, un réconfort, à celles qui sont dans la peine.

Claire et Constance

 

 

1 Monseigneur de Ségur

2 Citation de source inconnue… Si quelqu’un en connaît l’auteur, merci de nous en informer (malgré la Croix, avec la Croix, par la Croix).

3 Père Jean-Dominique, D’Eve à Marie, Editions du Saint Nom, p. 98

4 Même ouvrage, p. 97

 

 

 

 

 

Bouddhisme, yoga et autres pratiques…

Foyers Ardents a rencontré Marion Dapsance, docteur en anthropologie et auteur de plusieurs livres sur le bouddhisme. (Nous avons conservé le style oral de cet entretien)

 Foyers Ardents : Chère Madame, les nouvelles pratiques d’inspiration asiatique sont à la mode et utilisent un vocabulaire dont la signification nous dépasse (zen, karma, shakras, mandala, etc…).

Tout d’abord, pouvez-vous nous résumer ce qu’est le bouddhisme et son origine ?

Marion Dapsance : Le fameux Bouddha serait le prince Siddhartha Gautama qui aurait vécu au Ve siècle avant Jésus-Christ. Nous n’avons cependant aucune preuve historique de son existence. Le bouddhisme est né dans un milieu d’ascètes qui se sont séparés des hindouistes originaires d’Iran, qui pratiquaient des rituels védiques (liés au feu). Ces ascètes ont inventé ce qu’on a appelé plus tard « le yoga » c’est-à-dire des pratiques corporelles qui étaient initialement des pénitences pour brûler – en référence au feu védique – le mauvais karma, c’est-à-dire les conséquences des mauvaises actions de cette vie et des vies passées.

Pour brûler ce karma, il fallait faire des pratiques de privation et de rejet du corps, par exemple rester les 2 bras en l’air sans jamais les baisser, rester suspendu à des arbres la tête en bas ou rester sur un pied pendant des années ; certains même se coupaient une main, un bras, un pied ou s’arrachaient un œil !

Ensuite différentes écoles bouddhiques ont essaimé en Asie.

Ce que nous appelons « le bouddhisme », c’est (d’après les dernières recherches publiées dans mon livre : Le bouddhisme des bouddhistes1) la secte qui s’est distinguée des autres dans le culte des reliques du Bouddha, dans la vénération d’images » (icônes et statues de divinités particulières qui venaient de l’Inde ancienne) et dans la domestication des démons pour obtenir les pouvoirs de se libérer du cycle des réincarnations. La vie pour eux est considérée comme uniquement négative. Le corps est considéré comme un obstacle et il faut sortir de ce cycle sans fin des morts et des renaissances en découvrant à l’intérieur de soi la conscience pure qui n’est pas non plus l’esprit mais qui est une sorte d’âme éternelle cachée par tout ce qui est matière. Le but est donc de se détacher du corps et de se faire aider en cela par des divinités, par des démons.

 FA : Existe-t-il, comme dans le protestantisme, différents bouddhismes ?

MD : Il y a en effet différentes écoles bouddhiques puisqu’il n’y a pas d’autorité centrale qui définirait des dogmes ou une doctrine claire, comme dans l’Eglise catholique. Dans le bouddhisme, selon les tendances, on peut donc trouver une idée et son contraire. Certaines écoles considèrent que l’âme n’existe pas, que les êtres humains n’ont pas d’âme et que l’éveil c’est justement de comprendre que l’homme n’a pas d’âme. D’autres écoles disent au contraire qu’il faut retrouver cette conscience pure – plus ou moins une âme -, qui est en fait divine et que tout le monde possède à l’intérieur de soi.

 FA : Retrouve-t-on une idée principale dans toutes ces philosophies bouddhiques ?

MD : Il  y en a plusieurs parce que le but recherché appelé l’éveil, autrement dit la libération du cycle sans fin des renaissances, n’est pas défini. Cependant on retrouve quelques idées centrales : ce sont les fameuses « quatre nobles vérités2 ».

Ces 4 vérités affirment que :

– le monde est souffrance et illusion,

– la cause de la souffrance est l’ignorance (ignorer que l’on n’existe pas, qu’il n’y a pas d’âme ou que cette âme est obscurcie par les mauvais karma),

– on peut se libérer de cette ignorance,

– il y a un chemin vers la libération que les bouddhistes appellent le noble sentier octuple donc un sentier en 8 étapes.

Le karma régit l’existence, c’est-à-dire que l’être humain et même l’être animal posent des actes entraînant des conséquences qui donnent des sortes de bons points karmiques ou de mauvais points. Plus on obtient de points positifs, plus on aura une renaissance favorable ; à l’inverse plus on acquiert de mauvais points, plus on risque de se réincarner comme un animal sale, misérable. Cette loi du karma est l’un des points importants du bouddhisme.

Une autre idée importante dans le bouddhisme est que le monde est une illusion et par conséquent on ne peut pas se fier au monde, on ne peut pas se fier à ses sens, ni à sa raison, qui, de fait, n’existe pas. L’être humain est prisonnier d’un monde qui est comme un film ; ce film, cette illusion « existe », ou plus exactement apparaît, se manifeste en raison de l’illusion qui réside dans les esprits du fait de l’accumulation du karma. Prendre le monde et le soi comme des réalités tangibles est selon eux la cause de la souffrance. Pour faire disparaître la souffrance, il suffit de prendre conscience que « je » n’existe pas réellement, et le monde non plus.

 FA : Les personnes qui sont attirées par le bouddhisme pensent à la « non-violence », à la « zen attitude », au calme, au bien-être, au refus de la souffrance. Ce n’est pas ce que vous décrivez !

MD : Il faut savoir au départ ce que signifie le mot « zen » : son objet n’est pas du tout de trouver le calme. Au départ la méditation zen avait pour but de voir le Bouddha en la personne même de l’abbé du monastère, alors que dans les versions antérieures du zen et de son ancêtre chinois le chan, il fallait le voir dans les icônes. La discipline très stricte qui entoure ces pratiques de « vision du Bouddha » (darshan) sont à l’opposé de ce que l’on appelle chez nous « zen », c’est-à-dire « détendu », « calme », « cool ». Le zen japonais est tout sauf « cool ». D’autre part, les rituels zen étaient surtout dédiés à la protection de l’empereur, de la nation et de l’ordre moral. Jamais pour le « développement personnel » ou le confort.

FA : Votre livre de 2018 s’appelle : Qu’ont-ils fait du bouddhisme ? Une analyse sans concession du bouddhisme à l’occidentale3. Y-a-t-il alors un bon, un vrai bouddhisme ?

MD : Il faut savoir que toutes les écoles de bouddhisme pratiquent des rituels qui sont souvent basés sur des principes de magie, c’est-à-dire où l’on se transforme en autre chose que ce qu’on est. Le bouddhisme qu’on appelle tantrique est une religion qui a dominé toute l’Inde et toutes les traditions d’Inde au Moyen-Âge. Dans le tantrisme, on se transforme en divinité et on fait appel à des rituels où on convoque une divinité en l’appelant, en l’invoquant, en répétant son mantra. La divinité prend alors possession du corps de l’adepte qui devient cette divinité et a des pouvoirs surnaturels, supposément des pouvoirs d’omniscience, de voler dans les airs, de se transformer en ce qu’il veut et d’obtenir ce qu’il recherche et notamment le pouvoir d’atteindre l’éveil c’est-à-dire la libération. Fondamentalement, il s’agit de pratiques de possession par des entités préternaturelles : « divinités » ou démons dont on entend s’accaparer les pouvoirs.

Le bouddhisme est aussi, en Asie, un culte des reliques, reliques qui appartiennent, prétend-on, au Bouddha. Par exemple, une tenue de Bouddha est vénérée au Sri Lanka et promenée dans un festival annuel. Remarquons que dans le christianisme on vénère les reliques de celui qui a démontré sa sainteté tandis que dans le bouddhisme, c’est la relique qui fait la sainteté. On brûle le corps du moine bouddhiste sans trop savoir s’il avait des pouvoirs particuliers : si on trouve dans ses cendres des petits galets colorés, alors on considère que ce sont des reliques, donc que cette personne avait des pouvoirs surnaturels ou super humains. Mais ce ne sont pas ces formes-là du bouddhisme asiatique qui ont intéressé les Occidentaux des XIXe et XXe siècles. Pour satisfaire leur désir d’une « meilleure religion » que le >>>           >>> christianisme qu’ils rejetaient, ils ont inventé un « bouddhisme » à leur goût, sur la base de quelques textes philosophiques sanskrits. Ce « bouddhisme » est devenu « rationnel » parce qu’ils ont opéré une sélection drastique entre l’immense matériau de possession, de sorcellerie, de magie, de merveilleux, dont ils se sont débarrassés, et quelques textes de pure philosophie, qu’ils ont conservés et montés en épingle.

FA : Vous avez parlé de mantra ; pouvez-vous nous définir ce mot ?

MD : Un mantra, c’est à la fois l’invocation d’une divinité ou d’un démon. C’est aussi une formule magique, c’est-à-dire une formule qui n’a pas un sens rationnel mais qui produit des effets de transformation donc des effets magiques. C’est enfin une sorte de condensation sonore ou écrite d’une divinité. Chaque divinité a son mantra par lequel on la célèbre et on la vénère.

 FA : On entend souvent dire en entreprise et à la radio « ouvrons les chakras ! ». De quoi s’agit-il ?

MD : Au départ, le chakra c’est la roue d’un char de guerre puis ce mot en est venu à désigner ces fameux centres d’« énergies » (« souffles » et « nectars » pour les Indiens), que l’on aurait le long de la colonne vertébrale dans le corps dit subtil ou imaginal. Mais ce sont aussi et surtout des panthéons, c’est-à-dire des univers de divinité. Chaque chakra est un univers de divinité, univers gouverné par une divinité en particulier, entourée d’autres divinités secondaires. Le yogi ou le pratiquant du bouddhisme tantrique imagine que son corps est empli de divinités et qu’elles sont à l’intérieur de ses chakras, à l’intérieur des roues.

 FA : Que faut-il penser du yoga qui est pratiqué en France sous la forme d’exercices respiratoires, d’étirements et de gymnastique et parfois dans certaines préparations à l’accouchement ? Cela ne ressemble pas à la pratique du yoga telle que vous l’avez définie plus haut. Pouvez-vous nous expliquer ces deux pratiques différentes ?

MD : Différencions le Hatha yoga du yoga pratiqué aujourd’hui en Europe.

– le Hatha Yoga a pour but de permettre au yogi, donc aux pratiquants, d’atteindre l’immortalité ; le but de ce yoga c’est d’avoir un corps immortel, un corps divin. Les rituels pratiqués utilisent sang et sécrétions corporelles ; nous ne les décrirons pas davantage ici.

– Le « yoga » qu’on nous propose aujourd’hui en Occident est un mélange de pratiques dans lesquelles on trouve essentiellement de la gymnastique suédoise et des méthodes de gymnastique qui ont été développées à la fin du XIXe et début du XXe siècle quand les États européens ont pensé qu’il fallait que leur population soit forte et résistante et quand les Anglais répandirent ces pratiques en Inde. Plusieurs « gourous » (maîtres) indiens ont repris ces méthodes de culture physique et y ont adjoint du hatha yoga plus traditionnel, donc en lien avec des pratiques sexuelles d’union avec des « divinités ».

 FA : Le catholique peut-il pratiquer sans danger ce « yoga » en le séparant de toute idée de religion ?

MD : La réponse est évidemment non. Qu’il se mette plutôt aux pilates, à la gymnastique, à la barre au sol, à la danse… Les possibilités sont nombreuses.

             FA : De grandes entreprises, des consultants et You Tube promeuvent des séances de « méditation en pleine conscience » ou de « méditation anti-stress ». Ont-elles un rapport avec le bouddhisme ? Sont-elles comparables à la méditation pratiquée par le catholique ?

MD : L’origine de la méditation bouddhique, qu’on appelle chez nous pleine conscience est, comme le yoga, un mélange de tradition indienne médiévale et de tradition du sud-est asiatique où l’esprit doit passer en revue le corps pour se focaliser sur la respiration en vue d’atteindre la libération du samsara (cycle des morts et des renaissances). Dans les traditions bouddhiques indiennes qui sont supposées être les plus pures on trouve en réalité des « méditations sur l’impur » ou sur « l’abject » où l’on se visualise soi-même comme un sac de substances dégoûtantes et comme un cadavre en devenir. Cette méditation n’a donc rien à voir avec la méditation catholique qui a pour but de se rapprocher de Dieu.

FA : Que pensez-vous des mandalas, ces coloriages « zen », pour enfants et adultes ?

MD : Un mandala à l’origine est une représentation symbolique de l’univers en peinture, en sable ou en différents matériaux centrée sur le Mont Mérou qui est supposé être le centre de l’univers. C’est aussi un panthéon, et également une aire rituelle, un cercle magique, que le pratiquant trace sur le sol avant de commencer ses rituels. C’est exactement ce que font les sorciers quand ils pratiquent la magie. On ne peut que déconseiller la fréquentation de ces pratiques inspirées de la magie et on se demande donc quel intérêt l’occidental trouve à colorier des mandalas… Pourquoi ne pas plutôt colorier des vitraux de cathédrales ?

 FA : Puisque c’est le thème de ce numéro, qu’est-ce que le mot « amitié » représente pour un bouddhiste ?

MD : L’amour, l’amitié, la charité sont les grands absents du bouddhisme. Il y a certes « la compassion », mais elle reste surtout abstraite. Les rituels du mahayana (« grand véhicule ») mentionnent que le pratiquant « souhaite que tous les êtres parviennent à l’éveil », ce qui paraît un peu court.

 Merci Madame, d’avoir éclairé pour nous ce monde mal connu en Occident et dont les pratiques tentent de se répandre « en douceur ».

 

 

 

 

Que penser de l’éducation bienveillante ?

Une nouvelle façon d’éduquer les enfants est apparue en France depuis quelques années, venue tout droit des Etats-Unis : « l’éducation bienveillante », dite aussi « éducation positive ». C’est une approche de la relation adulte – enfant sans violences physiques (gifle, fessée) ni psychologiques (privation, chantage, etc). Plus on lit sur l’éducation bienveillante, plus on a envie d’en savoir davantage : c’est une méthode qui intrigue, qui passionne ; aurait-on enfin, grâce à l’avancée des recherches psychologiques, découvert une méthode d’éducation infaillible ?

Dans un premier temps, nous parlerons de ce que nous avons entendu et lu à propos de l’éducation positive. Dans un second temps, nous réfuterons certains poncifs qui sont malheureux, voire dangereux pour l’éducation de nos enfants, en nous appuyant sur des témoignages de médecins ainsi que sur l’Histoire de l’Église et la pédagogie de certains grands saints.

 L’éducation positive concrètement

Isabelle Filliozat1, psychothérapeute, conférencière et essayiste française, et même distinguée par la Légion d’Honneur, est le maître à penser de l’éducation bienveillante en France. Elle s’intéresse essentiellement au développement psycho-affectif de l’enfant. Selon elle, tous les parents doivent apprendre des émotions de leur enfant et l’éduquer en fonction de ces mêmes émotions. Le docteur Didier Pleux2 en donne la description suivante : « Si l’enfant fait une crise parce qu’il refuse de prêter son jouet, cela signifie qu’il est en détresse. S’il pleure parce qu’il ne veut pas apprendre son solfège, attention à ne pas l’y obliger : il pourrait développer des carences affectives. Le doute est semé chez les parents, inquiets à l’idée de traumatiser leur enfant. »

L’enfant qui a fait une bêtise ou qui est énervé doit dire ce qu’il ressent et montrer une couleur qui correspond à une émotion (joie : jaune / colère : rouge / tristesse : bleu et ainsi de suite – vous trouverez quantité de livres d’enfants sur ce sujet), et ensuite il pourra passer à autre chose, tout en douceur. Il pourra aussi dire ce dont il a besoin : être en sécurité, être aimé, s’amuser…

Ensuite, vient le temps du câlin, très important dans l’éducation bienveillante : « C’est la clé pour faire baisser les tensions au cours d’une grosse colère ou d’un conflit. L’ocytocine (hormone du bonheur) est déclenchée au bout de 7 secondes d’un câlin et a un effet immédiat sur le niveau de stress », nous explique Caroline Jambon, créatrice du blog « apprendre à éduquer ».

Et si les parents deviennent la décharge à émotions de leur enfant, c’est normal. C’est leur rôle : à eux de décrypter ce que veut dire leur enfant de 3-8-15 ans, à eux de l’entourer d’amour, de l’écouter et d’évacuer ses tensions, tout en l’impliquant dans la tâche proposée, sans le contraindre bien sûr, en lui donnant des consignes en phrases affirmatives et non négatives (ne pas dire : « ne cours pas », mais « marche lentement »), tout en pensant à ses envies (« tu aimerais sans doute lire tranquillement au rayon librairie pendant que je continue de faire les courses au supermarché »), et enfin en réfléchissant aux causes des crises fréquentes de leur enfant et en s’excusant si besoin. « A force d’empathie affective, les parents ne disent jamais non et se contorsionnent parfois jusqu’au burn-out. Ils se transforment en animateurs du Club-Med, proposent des activités incessantes pour que leur enfant ne s’ennuie pas3

Voilà donc les grandes lignes de l’éducation positive. Elle devient nettement moins bienveillante quand elle fustige les principes de l’éducation dite « traditionnelle », laquelle serait basée sur les châtiments corporels, l’humiliation et l’autoritarisme le plus absolu sur l’enfant de la part de l’adulte. La punition surtout – que ce soit être privé de dessert ou aller au coin – est complétement prohibée dans l’éducation positive : l’enfant se sent diminué, mauvais, indigne d’amour, il perd confiance en lui, peut avoir même un affaiblissement de son système immunitaire et veut se venger de cet adulte tout-puissant qui le brime. Ce cercle vicieux de la punition ou de la mauvaise parole (« Qu’est-ce que je vais faire de toi ? Que vas-tu devenir ? ») « empêcherait l’enfant d’être autonome, car l’attente d’affection de la part de ses parents le maintiendrait en état de dépendance4 ».

Nous ne reviendrons pas ici sur la définition chrétienne de l’éducation et ses grands principes, notre revue se faisant déjà largement l’écho de ce sujet et avec brio ! Ce qui nous a le plus frappé en entendant les exemples issus de l’éducation bienveillante, c’est la remise en cause permanente des parents qui doivent absolument tout faire pour que leur enfant se sente bien, que ses besoins soient comblés pour qu’il soit heureux et gentil, alors que l’enfant, lui, est considéré comme une victime de son tempérament, de ses hormones, de sa place dans la fratrie, de la météo et ainsi de suite.

Concrètement, il est plus facile de dire à son enfant qu’on l’aime au lieu de le gronder, et de lui expliquer calmement qu’il a fait de la peine à maman en coupant toutes les fleurs du jardin plutôt que de le priver de dessert. Est-ce que la peine faite à maman sera plus forte la prochaine fois que les fleurs auront repoussé ? Ou est-ce que le souvenir de la privation lui rappellera qu’il ne doit plus tailler les roses ? En tant que maîtresse aussi, ce sera facile de ne pas donner de lignes à recopier, de leçons à réapprendre, d’heures de colle pour l’élève récalcitrant. Mais grandira-t-il suffisamment ? Les enfants voyant leurs besoins primaires satisfaits n’auraient plus alors selon eux de raison de se mettre en colère, d’être tristes ou dégoûtés… Mais toute notion de privation, de sacrifice, d’effort ou de résolution ayant disparu, l’éducation reposera sur la satisfaction de ces « besoins ». L’éducation bienveillante met sur le même plan une tape sur la main et assommer son enfant avec une poêle en fonte. Inutile de rappeler ici que l’éducation classique n’a pas attendu la découverte de « l’éducation positive » pour comprendre que l’éducateur doit s’adapter à l’âge de l’enfant et à son tempérament ; certains enfants ont besoin de fessées, d’autres n’en auront jamais. Maman disait en riant de mon frère et moi (nous sommes nés la même année, lui en janvier et moi en décembre) : « mon fils obéit immédiatement quand on lui fait les gros yeux, ma fille, il lui en faut un peu plus pour qu’elle cède ! ». Il en va de même pour les paroles valorisantes ou au contraire les remontrances.

Qu’en pensent les partisans de l’éducation dite « classique » ?

Le Docteur Didier Pleux pense que « l’enfant qui a été élevé selon l’éducation bienveillante risque de devenir un adulte susceptible, avec des problèmes relationnels et d’addiction. Il peut devenir vulnérable, car il a appris qu’il était beau, intelligent, et que rien ne lui résistait. Comme il n’a pas été encouragé à l’effort, la vie devra lui donner tout de suite sa dose de plaisir immédiat. Quand son époux, ses clients, patrons ou enfants, ne seront pas d’accord avec lui, et dès que la réalité ne lui plaira pas, il aura tendance à se mettre en colère ».

On trouve aussi des éléments de réponse dans la Bible car aucun élément dans tout l’Ancien et le Nouveau Testament ne permet de suivre cette voie de l’éducation positive. Bien au contraire ! Dieu n’envoya-t-il pas diverses punitions à plusieurs reprises : le déluge, les sept plaies d’Égypte… Rappelons que sept commandements sur les dix sont en forme négative.

Dans le Livre des Proverbes 29, il est écrit :

« Les coups de bâton et les réprimandes produisent la sagesse,

Mais un enfant livré à lui-même fera la honte de sa mère. (…)

Corrige ton enfant et tu auras lieu d’être sans inquiétude : Il fera les délices de ton cœur.»

 

Laurence Pernoud5 donne ce conseil : « Aux parents qui craignent de se montrer fermes avec leurs enfants, de les blesser en leur manifestant leur autorité, à ceux qui redoutent d’être moins aimés en étant exigeants, nous disons ceci : pouvoir compter sur la fermeté de ses parents rassure l’enfant, l’aide à se structurer, à créer les conditions pour qu’il s’épanouisse en toute tranquillité.»

Marielle Blanchier6, mère catholique de quatorze enfants, auteur de deux livres sur son parcours, nous dit : « Quelles que soient les personnes autour de nous, j’agis avec les enfants comme je pense devoir le faire pour notre bien commun. J’ai compris que me montrer très ferme était absolument nécessaire et structurant pour eux. »

« Maman Marguerite, la maman de Saint Jean Bosco, veuve à 29 ans, avait les mains occupées à l’ouvrage mais savait aussi caresser ses petits. (…) Elle les élevait avec douceur et fermeté. Cent ans plus tard, les psychologues écriront que pour grandir comme il faut, le bambin a besoin de l’amour calme et joyeux de la mère. Ils diront aussi qu’être orphelin fait courir à l’enfant le risque d’être affectivement incliné d’un seul côté : vers la mollesse sans vigueur pour les enfants d’une maman, vers la sècheresse anxieuse pour les enfants d’un papa. Maman Marguerite trouva en elle-même un équilibre instinctif qui la fit joindre et utiliser alternativement la fermeté calme et la joie apaisante. Don Bosco, dans son style éducatif, devra beaucoup à sa mère. Dieu te voit était une expression fréquente dans la bouche de Marguerite Bosco7. »

On a souvent demandé à Don Bosco d’expliquer sa méthode éducative dans un livre. En 1876, il prend son courage à deux mains et écrit neuf pages sur « son système éducatif en usage dans les maisons salésiennes ». La pratique de ce système est entièrement fondée sur ces paroles de Saint Paul : « La charité est douce et patiente ; elle endure tout mais espère tout ; elle supporte n’importe quel dérangement.» C’est pourquoi seul un chrétien peut appliquer avec succès le système préventif. Raison et religion sont les moyens dont l’éducateur doit faire continuellement usage.

L’éducation bienveillante issue directement de la vague New Age produit des enfants rois, centrés sur eux et leur plaisir immédiat, qui refusent l’autorité et l’effort. Nous, catholiques, savons que la vertu et la sainteté s’acquièrent avec des sacrifices (obéissance, fidélité, chasteté). Éduquer, cela vient de « ex ducere » : conduire hors de. Donner une discipline de vie à un enfant pour le conduire justement hors du péché originel et en faire un saint.

 

Agnès Lafargue

 

1 Isabelle Filliozat n’est pas baptisée. Elle se déclare elle-même agnostique. Issue d’une famille athée, elle a pratiqué le bouddhisme ainsi que des exercices ésotériques et New Age. Elle est par ailleurs vice-présidente de la Commission des 1000 premiers jours de l’enfant voulue par le président Macron en 2019 pour renforcer le contrôle de l’État sur les parents pendant cette période qui suit la naissance du bébé. Cette commission a été instaurée en même temps que la fin de l’instruction libre en famille et l’obligation de scolariser son enfant à partir de 3 ans.

2 Didier Pleux est docteur en psychologie du développement, psychologue clinicien et psychothérapeute. Fondateur et directeur de l’Institut français de thérapie cognitive depuis 2004. Il est aussi diplômé de l’Institut Hadassah de Jérusalem en remédiation cognitive. Il est professeur à l’Université de Caen.

3 Ibid.

4 Caroline Jambon, créatrice du blog « apprendre à éduquer ».

5 Laurence Pernoud, auteur reconnue sur la naissance et l’éducation enfantine. In J’élève mon enfant, Albin Michel, édition 2013-2014, chapitre 5, page 285.

6 Marielle Blanchier, Et ils eurent beaucoup d’enfants, édition Les Arènes, 2013, chapitre 11, page 107.

7 Teresio Bosco, Don Bosco, chapitre 2, page 13

 

 

 

Partager son enthousiasme pour la lecture

Foyers Ardents a récemment rencontré une jeune mère de famille qui, au cœur de son village, a ouvert une bibliothèque accessible à tous dans une dépendance de son habitation.

Cette initiative nous a semblé excellente et nous avons décidé de la faire découvrir à nos lecteurs, qui auront peut-être envie de suivre son exemple et de faire ainsi fructifier un ou plusieurs talents…

 FA : Bonjour Laetitia, vous avez ouvert, il y a tout juste un an : Ma Biblio Catho, pouvez-vous nous dire comment cette idée originale et magnifique vous est venue à l’esprit ?

 LB : L’idée est venue tout simplement quand j’étais une jeune maman très disponible. En effet, je suis d’un naturel très actif et en début de mariage, j’avais beaucoup de temps libre. Ne souhaitant pas reprendre le travail, et comme je m’occupais plus ou moins de la procure de notre paroisse, j’ai eu idée d’exploiter ma passion pour les livres. J’ai commencé par acheter et revendre des bons livres d’occasion que je découvrais par de bons plans. Puis l’idée d’ouvrir un espace au public est venue car la disposition de la maison était adaptée. Aussi, je trouvais cela vraiment réjouissant de recevoir des personnes partageant la même ardeur pour la lecture car je me sentais terriblement… seule dans cette région totalement inconnue.

 FA : Quel est le but (ou les buts) recherché(s) à travers cette bibliothèque ?

LB : Mon objectif initial était de proposer aux parents des livres pour leurs enfants sans avoir à mettre des milles et des cents dans les achats de livres ; en effet, ceux-ci ne sont souvent lus qu’une fois (peut-être une fois par enfant et encore…) et coûtent cher. Je voulais « investir » pour les autres. Aussi, je voulais donner la possibilité à ces parents de venir me demander l’avis sur un livre ou voir si je pouvais le leur prêter avant de l’acheter.

Dans la réalité, j’ai actuellement plutôt un public d’adultes. Cela convient aussi car les personnes moins religieuses trouvent dans ma bibliothèque de quoi se divertir sainement à travers les ouvrages que je propose. « Petit à petit, l’oiseau fait son nid » comme on dit. On peut commencer avec un bon roman avant d’aller vers les témoignages puis la vie d’un saint pour en arriver à des ouvrages religieux et donc à des réflexions d’ordre plus moral et spirituel.

 FA : Vous proposez des livres bien sûr ; mais aussi d’autres produits attractifs ?

LB : En effet, Ma Biblio Catho est non seulement bibliothèque mais médiathèque et ludothèque. Je propose donc aussi des jeux de société comme les jeux de Loupio ou La Rose des Saints, ainsi que des CD de musique classique ou chants religieux, quelques bons DVD (pièces de théâtre, vraies vies édifiantes et aussi de bons films), des CD avec des histoires pour enfants à mettre dans la voiture quand on part en vacances, et autres divertissements tout à fait sains.

Je propose, une fois par mois, une matinée de découverte de jeux de société.

FA : Quels sont vos critères de choix pour les ouvrages que vous proposez ?

LB : Mes critères sont les références que je peux avoir d’abord par ma maman, puis des conseils de prêtres. J’ai aussi une amie religieuse qui m’a suggéré toute une liste d’excellents ouvrages. Les comités de lecture sont évidemment sources d’inspiration. Quoi qu’il arrive, je me fais mes propres opinions des ouvrages en les lisant tous avant de les proposer.

Parce que j’ai certaines convictions que je sais défendre par des arguments construits, je ne propose pas d’ouvrages de Fantastique ou Science-Fiction moderne. Et, concernant la politique, je n’ai que quelques ouvrages sur les fondements.

FA : Combien de livres avez-vous en stock ? Et comment vous les procurez-vous ?

LB : Je n’ai qu’une petite structure d’environ 600 ouvrages, pour l’instant. Et ils ne sont pas tous exposés car j’ai une étagère qui bouge régulièrement (période de Noël / période de la semaine sainte / proposition de revues, etc…). Beaucoup de livres sont des ouvrages qui appartiennent à ma famille et que je prête. J’achète beaucoup d’occasion (recherches ciblées) et j’ai de bons plans que je garde pour moi… Les quelques livres neufs achetés sur facture appartiennent à l’association Ma Biblio Catho. On m’a aussi donné plusieurs ouvrages pour la bibliothèque associative. Je propose un avoir pour les personnes qui donnent et / ou qui prêtent des livres à l’association, ce qui permet d’avoir aussi une bibliothèque non figée.

 FA : Dans le concret, combien de temps cela vous prend-il par semaine ?

LB : Au lancement, je passais beaucoup de temps pour chercher de bons livres d’occasion. C’était surtout du temps passé sur des sites internet divers et variés. Tout ce temps n’est pas compté. Aujourd’hui, ma bibliothèque n’est ouverte qu’un après-midi par semaine en plus d’un samedi par mois. C’est un temps que je réserve donc de manière exclusive à la Bibliothèque. Au début, je prenais sur ce temps pour référencer tous les ouvrages. Désormais, je le prends aussi pour couvrir les nouveaux arrivages. Je ne laisse pas un livre sortir sans qu’il soit recouvert.

 FA : Quelle est la principale difficulté rencontrée ?

LB : Mon point faible est ma base de données. Dieu merci, j’ai récemment fait la connaissance d’une jeune bibliothécaire qui m’aide à réparer cette lacune. En effet, ce n’est pas tant l’enregistrement de tous les ouvrages, qui est le plus compliqué, mais la gestion des entrées et sorties.

 FA : Quel accueil avez-vous rencontré dans votre village ?

LB : Quasiment tous nos voisins directs étaient présents pour la bénédiction de Ma Biblio Catho. Certains voisins sont mes plus fidèles clients. Au-delà, c’est mon manque de publicité qui a fait défaut. J’ai laissé faire le bouche à oreille car Ma Biblio Catho va déjà déménager…

 FA : Quels sont les moyens que vous avez mis en œuvre pour vous faire connaître ?

LB : Tout a commencé uniquement par mes connaissances. Certaines, de la région, ont parlé de moi et m’ont ramené du monde. J’ai aussi fait une sortie de la messe paroissiale de la petite ville la plus proche pour distribuer ma carte de visite. Après cela, j’avoue ne pas avoir beaucoup donné dans la publicité car j’ai une toute petite bibliothèque et je savais que nous n’allions pas demeurer dans la région très longtemps. En fait, notre présence dans la région n’aura pas duré deux ans, mais j’ai bien l’intention de déménager Ma Biblio Catho ! Un sondage a d’ailleurs déjà été lancé en Vendée pour connaître les attentes du public et mieux organiser mon installation.

 FA : Personnellement, pouvez-vous nous dire après cette première année d’ouverture ce que cette expérience vous a apporté ? Ses richesses ? Et éventuellement vos projets d’amélioration ?

LB : Honnêtement, j’ai été très déçue du manque d’intérêt d’un public que j’espérais viser. Nous habitons à dix minutes de Paray-le-Monial (Apparitions du Sacré-Cœur à sainte Marguerite Marie Alacoque). C’est donc une région assez croyante, j’espérais toucher toutes ces familles qui fréquentent l’école privée hors-contrat de Paray-le-Monial, mais j’ai appris à mes dépens plusieurs choses :

– Les jeunes que je pensais toucher ne lisent pas autant que les jeunes conservateurs ou traditionnalistes ; ou s’ils lisent, ce sont des ouvrages que l’on trouve partout. Autant dire que ce n’est pas ce que je vise comme public puisque mon idée est bien de proposer ce que l’on ne trouve dans aucune autre bibliothèque publique.

– Il est difficile de « faire bouger » les gens qui ont déjà leurs habitudes. Ils sont bien dans leur petite ville. Ils ont des librairies à quelques coups de pédales, pourquoi prendre la voiture pour fréquenter une petite bibliothèque ?

– La localisation n’aide pas, il faut le dire. Nous sommes non seulement excentrés, mais les gens n’aiment pas beaucoup avoir l’impression de rentrer chez nous (même si nous sommes dans une dépendance de la maison). Le public est réticent à aller chez les gens. Lorsque je déménagerai Ma Biblio Catho, j’ai l’intention de l’ouvrir dans un bourg, avec une vraie visibilité, avec pignon sur rue. La visibilité est essentielle si on veut que ça fonctionne. J’aurais été en centre-ville de Paray-le-Monial, je suis sûre que ça aurait mieux pris.

Malgré cette déception, j’ai réalisé que j’avais touché, de manière inattendue, des personnes plus mûres. L’apostolat aura été de courte durée mais c’est toujours cela qui a été semé. Cela me suffit pour me donner l’envie de continuer et de faire mieux.

 FA : Recommanderiez-vous à d’autres cette initiative ? Quelles qualités principales cela demande-t-il ?

LB : Je recommande, oui, bien sûr ! Pourquoi pas, même, en étant rattaché à l’association Ma Biblio Catho ? Pour les qualités, il faut avant tout aimer lire ! Que cela concerne le roman jusqu’à la morale, on doit être capable de répondre à toutes les questions (ou presque) qui sont susceptibles de nous être posées. Pour ma part, j’ai une expérience d’aide-documentaliste qui m’a aidé à monter tout cela mais il suffit d’avoir une grande qualité : l’organisation. Il faut aimer le contact social, évidemment ! Partager quelque chose que l’on aime doit être presque de l’ordre de la passion. La passion est bonne quand on se passionne pour les bonnes choses !

 FA : Un très grand merci, chère Laetitia, pour ce témoignage très intéressant qui va sans doute faire des émules ! Et bon courage pour le déménagement !

 

La famille

« C’est une œuvre formidable que de refaire tout un monde depuis ses fondations ; mais si l’on veut affronter cette entreprise avec des chances de succès, il est certain que le premier élément organique qui devra être fortifié sera toujours la famille, appelée constamment « la cellule fondamentale de la société ». Tout le corps sera ce qu’elle est ; et ils démontrent qu’ils l’ont bien compris ceux qui l’assaillent de tous côtés1. » En quelques années, on constate que même le vocabulaire a dû être modifié : on entend parler de « familles monoparentales, décomposées, recomposées, homoparentales », et autres mots barbares ou néologismes… Les expressions toutes simples et bien connues telles que : réunion de famille, maison de famille, fonder une famille prennent un petit air « vintage » qui font sourire certains mais qui irritent ceux qui sont convaincus qu’avoir trop d’enfants est nuisible pour la planète…

Faut-il croire que les heures de gloire de la famille sont définitivement dépassées ?

« La famille ne peut être abolie, écrivait Trotsky2, il faut la remplacer. »

La technique n’est pas nouvelle : sous apparence de bien, on nous présente des lois funestes mais qui, grâce à des évènements bien orchestrés, conquièrent les ignorants et les faibles par des arguments doucereux et font croire encore que c’est pour leur bien que l’Etat prend en charge nos enfants… N’y a-t-il pas des enfants maltraités, enlevés, à qui l’on n’apprend rien, enchaînés même ? Et grâce à des faits horribles mais rarissimes, nous allons nous soumettre à des techniques d’asservissement qui n’auront rien à envier au monde communiste du début du XXe siècle…

« La famille était jadis un temple, un Etat, un atelier. Elle a cessé de l’être. Elle est encore un hôtel mais elle perdra à son tour ce caractère. La famille n’est plus une école, à peine une nursery », écrivait-on déjà dans le Revue du Ministère français de l’Education Nationale en Octobre 1964. Mais nous y voilà ! Elle n’est plus maintenant qu’une nursery puisqu’on lui enlève ses enfants dès l’âge de 3 ans ! Le président Emmanuel Macron a même annoncé le 26 juin 2023 l’ouverture de l’école maternelle aux enfants de 2 ans dans les quartiers prioritaires, à partir de 2027. Que ce soit dans le domaine de la médecine où l’on a perdu l’habitude de demander aux parents ce qu’ils souhaitent pour leurs enfants, ou dans celui de la sexualité où l’on fait croire aux parents qu’ils n’ont pas les compétences pour savoir si leur enfant est un garçon ou une fille, tout laisse penser que ce monde est devenu fou. Et n’entend-on pas parler de projets toujours plus inquiétants ?

Et la famille dans tout cela ?

On le sait, seule la famille peut donner les racines de toutes les éducations : éducation de la responsabilité, de la justice, du respect, de la piété, de l’intelligence et de la volonté, du soutien mutuel, de la gratuité, le sens du passé, le souci du présent, la prévoyance de l’avenir, le sens du sacré, l’éducation du sacrifice, de la soumission à la Providence : tous ces éléments sont directement menacés par l’esprit de la société moderne qui ne cherche que la discontinuité, la primauté de l’intérêt matériel, le refus du passé et de toute hiérarchie morale, l’isolement social, l’instabilité  chronique et surtout la négation de Dieu.

La famille est le seul remède aux maladies du monde moderne parce qu’on y côtoie la vie, le mérite, le travail, l’amour, le pardon, le détachement, la souffrance et la mort et ces réalités resteront toujours les seules maîtresses d’éducation pour ceux qui savent les recevoir.

Mais comment faire en sorte de se mettre en condition pour hériter et transmettre ce qui, de tout temps, a construit la famille ?

Dieu ne nous demande pas l’impossible. Un temps viendra, et nul ne sait ni le jour ni l’heure, où Il manifestera sa puissance. En attendant, Il ne nous demande qu’une seule chose : faire notre devoir d’état, sans nous laisser annihiler par la crainte, sans nous laisser impressionner par le langage des sirènes et sans non plus nous laisser noyer comme la grenouille bien célèbre…

 

III. Pour une famille catholique !

Avant tout il nous faut être des hommes et des femmes instruits, habiles, résolus et tenaces, capables d’agir sans nous laisser décontenancer, sans nous décourager par une fausse impression d’isolement. « Car Dieu se sert de ce qu’il y a de petit et de faible ici-bas pour confondre ce qu’il y a de fort et de sage selon le siècle3. »

 

A) Transmettons une Foi vivante

Pour illustrer cette affirmation, je ne vous citerai que ces deux exemples qui se passent de commentaires, mais qui démontrent les conséquences de deux éducations radicalement différentes : l’une sans foi, la seconde fécondée par l’espérance :

– Un détenu de la prison du Mont-Saint-Michel, condamné aux travaux forcés, entendant sa sentence avec calme, s’écriait : « Je pardonne aux juges, leur sentence est juste. Je pardonne aux gendarmes, ils ont bien fait de m’arrêter. Mais il y a dans cette enceinte un homme à qui je ne pardonne pas ; cet homme, c’est mon père. Il m’a élevé sans religion. A cause de lui, je suis aujourd’hui condamné. »

– Le grenadier Louis Azéma, mort à 20 ans en 1914, avant le dernier assaut, écrivait : « Maman, si je suis tué, ne pleure pas : regarde au ciel. » Ou encore, après 5 jours d’agonie dans une tranchée : « Que Dieu me donne son ciel ! Je vous recommande mes parents ; dites-leur merci de m’avoir élevé chrétiennement…»

B) Aimons d’un amour chrétien et intelligent

L’éducation est une œuvre d’amour. Il ne suffit pas d’avoir une famille, il faut la bien élever, c’est-à-dire, la hisser vers le ciel, le vrai, le bien, le beau, au-dessus des passions naissantes, au-dessus de tous les périls qui nous environnent et nous attirent vers le bas. L’amour chrétien est un amour qui croit, qui agit et qui prie. La prière des parents est la cuirasse d’airain qui protège les enfants et la clef d’or qui leur ouvre le Paradis !

Il ne suffit pas, loin s’en faut, de donner de l’instruction et une situation : l’éducation est une formation profonde qui atteint l’être spirituel de l’enfant jusqu’à le vivifier dans ses racines et jusqu’à l’agrandir et le transfigurer dans ses cimes. L’amour intelligent met l’âme au-dessus du corps, préfère le fond à la forme et place la vertu au-dessus de la science. Cohérence, rectitude et énergie morale en sont les maîtres mots.

 C) Manifestons une autorité qui surveille et qui réprime

Qui aime bien, montre le bon exemple, commande, surveille, réprime, et au besoin châtie bien. Depuis le péché d’Adam et Eve, Satan se déchaîne pour tenter leurs malheureux enfants… Le XXIe siècle, qui met dans la poche et dans la chambre de chacun un outil, porteur des pires tentations, exige des parents fermeté et rigueur pour leurs enfants. La tenue exemplaire qu’ils montreront eux-mêmes à ce sujet sera la meilleure leçon. Lectures, revues, amitiés, relations, mais aussi occupations, jeux, musique, ordinateur et téléphone… : rien ne doit être laissé à l’abandon !

Si les parents abdiquent leur autorité (et si, pire encore, l’un des parents cède en cachette de son époux), s’ils ont pris pour de la bonté de leur part ce qui n’était qu’aveuglement, s’ils ont obéi à leur cœur plus qu’à leur conscience, alors qu’ils relisent la Sainte Ecriture : « Le fils qui n’est pas retenu devient un cheval indompté ; si vous faites un jeu de ses passions, vous grincerez des dents au dernier jour. »

Si nous voulons que la France chrétienne survive, il ne faut pas faiblir sur ces sujets capitaux ! A nous donc d’infuser cette vertu dans l’âme de ceux qui feront la France de demain !             

 D) Gouvernons avec sagesse

Si la famille nécessite une vie spirituelle, morale et religieuse, elle a aussi une vie extérieure, matérielle et sociale. C’est la Sagesse qui y mettra l’ordre. Elle quantifie et domine avec intelligence la part nécessaire au rang social, gère le reste avec prudence et sacrifie ce luxe inutile qui amollit les âmes, prépare une jeunesse impuissante, sans ressort, énervée, sans élan et sans avenir parce qu’il annihile la volonté et la force d’âme.

Le luxe endurcit les âmes car l’homme est prêt à tout lui sacrifier. On voit aujourd’hui pour quelques euros de plus – qui viendront assouvir des désirs dont le sacrifice aurait été vertueux-, de plus en plus de familles céder aux tentations actuelles du double salaire. Au père de famille d’examiner en sa conscience si cela est vraiment nécessaire et si aucune autre solution ne peut être envisagée (travail à domicile de la mère par exemple laissant une certaine souplesse). Mais dès qu’il est possible de sortir de cette situation, empressons-nous d’y mettre fin. Luttons collectivement contre ce moyen mis en place pour détruire la famille. En quittant le foyer familial pour exécuter un travail rémunéré, les mamans ajoutent une fatigue supplémentaire au remord qui les rongera de ne pas avoir été disponibles aux heures où tel enfant aurait eu besoin de vider son cœur, où tel autre nécessitait de trouver une présence à la maison pour éviter de mauvaises occupations, où un époux, las du combat quotidien, aurait eu besoin de réconfort. Epuisée par sa double journée, comment  la mère pourrait-elle trouver le moment de se remplir par un doux cœur à cœur avec Dieu pour répandre ensuite autour d’elle toutes les grâces reçues et la paix acquise ? Comment ne pas voir là – encore une fois sauf dans les situations exceptionnelles – un des moyens fondamentaux mis en place pour détruire la famille ?

La sagesse remet l’accessoire à sa place et revient à l’essentiel. C’est la belle simplicité qui modère et contient le superflu en ne conservant que ce qui est primordial. Il y va du retentissement sur le salut des âmes d’une, voire plusieurs générations, de l’honneur de la société familiale et de l’avenir même de la patrie.

Les inquiets rétorqueront qu’il n’y a rien de plus petit et de plus faible, socialement parlant, que la famille, et que celle-ci est déjà détruite. Qu’ils se détrompent : si l’ardeur dépensée aujourd’hui contre elle est si violente, c’est bien parce qu’elle est encore bien présente tellement ses racines sont profondes dans notre terre de France où tous nos ancêtres reposent ! Qu’y a-t-il de plus naturellement et surnaturellement ordonné au règne de la vérité ici-bas et donc au règne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ ? Et n’est-ce pas notre devoir de faire tout ce qui est en notre pouvoir – en premier lieu dans notre foyer – pour restaurer cette cellule, quelles que soient les fureurs du vent de l’Histoire ? La famille n’est-elle pas comme une petite pierre telle que celle dont se servit le tout jeune David ? Pierre toute divine qui suffit à abattre Goliath, le totalitaire ? Alors reprenons-nous, et, sous le regard de Dieu, examinons ce que nous pouvons améliorer pour la plus grande gloire de Dieu et le règne du Christ-Roi !

 

Inspiré du livre de Monseigneur Gibier, Famille

Saint Michel et la France

Le monde moderne, imbu de naturalisme et de subjectivisme, est plus que jamais déterminé à s’affranchir de la tutelle de Dieu et prétend construire seul sa destinée et son bonheur. Avant même que le temps n’existe, après la création des premiers esprits, alors que Satan et ses sbires cherchaient leur indépendance, saint Michel faisait déjà tonner son « Quis ut Deus ?1 ». Pas plus que Satan, le monde n’est à l’égal de Dieu. Et c’est justement pour le protéger du démon que Dieu envoie sur terre ses anges, en particulier l’archange saint Michel, le chef de l’armée céleste. Ces apparitions sont signes de grandes choses, car comme l’exprimait le pape saint Grégoire le Grand, « Saint Michel est envoyé chaque fois qu’il s’agit d’opérer une œuvre éclatante. » Or nous remarquons que nombreuses sont les manifestations de cet archange sur notre sol français, ce qui semble signifier l’importance que Dieu accorde à notre pays dans son plan divin.

L’archange Saint Michel

Les anges (du grec aggelos, messager) sont les premiers êtres créés. Saint Augustin attribue leur apparition à l’œuvre du premier jour : « Que la lumière soit.» Non pas que les anges soient la lumière, mais plutôt qu’ils participent à la lumière éternelle de Dieu2, et qu’ils soient les témoins de son action créatrice. Ils sont de purs esprits, c’est-à-dire qu’ils ne possèdent pas de corps ou de parties physiques. Ils sont ainsi doués de certaines capacités que ne peuvent avoir les êtres matériels, telle que l’incorruptibilité. Tous, comme les hommes, ils ont été créés par Dieu avec des différences, des particularités qui répondent à un rôle qu’Il leur a défini. Cela se traduit par une hiérarchie des esprits célestes en neuf ordres rangés dans trois triades. La première comprend les Séraphins, dont les trois principaux anges Michel, Raphaël et Gabriel, les Dominations et les Trônes. Ce sont les anges les plus proches de Dieu, les premiers serviteurs de Sa volonté. La deuxième triade comprend les Dominations, les Vertus et les Puissances. Enfin, la troisième comprend les Principautés, les Archanges et les Anges. Elle est l’intermédiaire entre le monde surnaturel et le monde naturel, entre Dieu et les hommes, et c’est parmi ses troupes que sont choisis les anges gardiens de chaque homme et de chaque société.                  

Parmi toute l’armée céleste, saint Michel occupe la première place, au plus proche de Dieu. Son opposition à Satan lui a en effet mérité cette place, alors que sa nature d’archange ne le prédisposait pas à être aussi élevé dans l’ordre céleste3. Saint Clément d’Alexandrie parle de lui en ces termes : « Le chef d’œuvre de la création angélique est l’archange Michel. C’est l’ange par excellence, l’ange du Seigneur, (…) le Grand Prince, le Vice-Roi de l’éternité. »  Il est le chef des anges, et le plus ardent adversaire du démon. De ce fait, il est tout naturel qu’il soit le plus zélé défenseur des hommes, dont il assure la protection sous les ordres de la Sainte Vierge, qu’il précède ou accompagne lors de ses visites sur terre. Gardien des hommes, il est aussi gardien du Paradis. Non pas que le Paradis doive être protégé d’une invasion quelconque, mais plutôt qu’il siège avec Dieu au jugement particulier de chaque âme qui se présente devant la majesté divine lorsque son heure est venue. L’iconographie sacrée le présente souvent tenant d’une main la balance où se pèsent le bien et le mal faits durant la vie terrestre, et de l’autre l’épée qui se tient prête à repousser l’âme dans les tréfonds de l’enfer. Les manifestations de saint Michel sur terre revêtent une importance toute particulière, à l’instar de celles de Notre-Dame. Ses apparitions, annonciatrices d’une « œuvre éclatante4 », sont signes du grand combat qui oppose les forces du diable à celles de Dieu pour le sort des hommes. Et il est certainement révélateur que la France ait été témoin de nombreuses révélations de saint Michel, tant visibles qu’invisibles.

Saint Michel en France

C’est à Lyon que l’on retrouve la trace la plus ancienne du culte à saint Michel en France, dans une église érigée en 506 et dédiée au chœur des anges par la reine Carétène5. Disparue depuis, elle a  été remplacée dans le culte de l’archange par la basilique de Notre-Dame de Fourvière, où sa statue domine l’abside. On retrouve également saint Michel aux côtés de la Vierge Marie, dans son sanctuaire du Puy-en-Velay où elle apparut en 430. Une fresque peinte de plus de 5 m de haut sur 2 m de large, la plus grande de l’époque romane, le représente, la lance à la main, dans une chapelle du Xe siècle qui lui est dédiée, signe de la grande vénération du peuple franc pour cet ange protecteur. Mais c’est bien sûr au Mont-Saint-Michel que se trouve le plus grand sanctuaire du Prince des milices célestes. Le 16 octobre 708, il apparaît en songe à saint Aubert, évêque d’Avranches, pour lui ordonner de construire une église à son intention, sur le rocher dit du Mont Tombe. Il marque ainsi sa volonté de prendre sous sa protection la terre de France, protection qu’il assurera à plusieurs reprises, à commencer par la victoire de Poitiers sur l’Islam conquérant, vingt-quatre ans seulement après la fondation de son sanctuaire du Mont Tombe, en 732. Il apparaît dans la même période, en 709, sur le mont Châtillon, à une vingtaine de kilomètres de Domrémy où naîtra sainte Jeanne d’Arc, dans la commune qui porte aujourd’hui le nom de Saint-Mihel. Le Mont-Saint-Michel et l’abbaye de Saint Mihel vont voir affluer les pèlerins et se succéder les miracles attestant de la protection de l’archange.

Cette protection de saint Michel sur la France est reconnue et proclamée par divers souverains. Le premier, Charlemagne, décrète le 29 septembre comme fête officielle de saint Michel dans tout l’empire6. Il le nomme « Princeps Imperii Francorum », Prince et Patron de l’Empire des Gaules, et ajoute sur ses étendards l’inscription « Voici Michel, grand prince, il vient à mon aide ». Ses successeurs n’ont également cessé de rendre hommage à l’archange, notamment par de riches dons à son sanctuaire du Mont-Saint-Michel, permettant l’édification au XIIIe siècle de la Merveille, joyau français de l’architecture sacrée. Tous les rois de France, jusqu’à Louis XIV, s’y rendront en pèlerinage, pour placer leur couronne et le Royaume sous la protection de ce si puissant patron.

La plus éclatante preuve de la protection exercée par saint Michel sur le royaume de France est son rôle primordial dans l’épopée de sainte Jeanne d’Arc. En 1424, moins d’un an après une grand-messe célébrée en son honneur par le roi Charles VII7, saint Michel apparaît à Jeanne, afin de la préparer à accomplir la mission que Dieu lui a confiée. Nous connaissons cette histoire : accompagnée de l’archange, de sainte Catherine et de sainte Marguerite, Jeanne va mener la reconquête du royaume et le sauver de l’envahisseur anglais. Contre toute attente, les troupes françaises vont remporter victoire sur victoire, permettant le couronnement du roi à Reims, première étape du redressement de la France.

Pour conclure ce trop bref résumé de la relation entre saint Michel et notre pays, il nous faut ne serait-ce qu’aborder la raison de cette protection particulière. Ce ne peut en effet être un hasard que le chef des anges fasse le choix de protéger cette terre de France. Il a certes honoré plusieurs pays de ses apparitions (l’Italie avec le Mont Gargan, le monastère de Skellig Michael en Irlande), mais de tous, la France se distingue par le nombre et le retentissement de ses visites. Cela s’explique par la place qu’occupe cette nation dans le plan de Dieu : depuis le sacre de Clovis jusqu’à la Révolution, elle a été le glaive et le bouclier de la Sainte Eglise, sa « Fille aînée », et son monarque le « Lieutenant de Dieu sur Terre ». Il fallait bien, pour la protéger des ennemis de l’Eglise et la guider dans le droit chemin, la mettre sous le secours du plus ardent soldat de Dieu, de son champion. Tant qu’elle a été fidèle à sa destinée, saint Michel est venu l’aider et la tirer des plus grands dangers. Même lorsqu’elle a renié sa mission, il était toujours là pour l’empêcher de tomber plus bas, secondant l’action, ô combien salutaire de Marie, Reine des Anges, elle-même patronne principale de notre terre de France. Et il est encore présent à son chevet, la protégeant dans le secret des plans du diable et de ses sbires, restant tout prêt à la relever comme par le passé. Nous ne l’avons que trop oublié, aussi ne tardons pas à nous mettre de nouveau sous sa puissante protection, avec notre pays, afin qu’il nous protège et nous guide jusqu’au Ciel dont il est le gardien.

 

RJ

 

1 D’où il tire son nom, Michel, signifiant Qui est comme Dieu.

2 Cf St Augustin, in La Cité de Dieu.

3 La hiérarchie naturelle qui peut exister entre les êtres est remplacée, dans l’ordre surnaturel, par une hiérarchie de sainteté. Il en va ainsi de la Sainte Vierge : inférieure aux anges par sa nature humaine, elle leur est infiniment supérieure par son niveau de sainteté.

4 Saint Grégoire le Grand, ci-dessus.

5 435~506, épouse de Chilpéric.

6 En 813.

7 Le 11 octobre 1423, suite à un accident dont il a miraculeusement été préservé.

 

 

L’autorité de l’époux vis-à-vis de l’épouse

Comment comprendre l’injonction de saint Paul, entendue lors des messes de mariage : « Que les femmes soient soumises à leurs maris1 » ? En quel sens le mari est-il « le chef de la femme2 » ? Jusqu’où s’étend l’autorité de l’époux à l’égard de l’épouse ? Avançons pas à pas, en vue d’essayer d’apporter quelques éléments de réponse à ces questions.

 

  1. « Il n’est pas bon que l’homme soit seul, je lui ferai une aide semblable à lui3 Dieu donne à Adam une aide, une compagne qui lui est semblable en humanité et en dignité. Par conséquent, l’époux et l’épouse seront égaux en droits dans les choses qui sont propres à la personne et à la dignité humaine. S’étant engagés par le même contrat de mariage, ils seront encore égaux en droits et en devoirs à l’égard des choses qui découlent du pacte nuptial et qui sont impliquées par la vie conjugale. Par exemple, ils auront le même droit sur le corps du conjoint, et le même devoir général d’éducation des enfants.

 

  1. Égale en nature et semblable à l’homme, la femme n’est pourtant pas sa copie pure et simple. « Je lui ferai une aide qui soit semblable à lui » : ce ne serait pas assez aider le premier homme que de le répéter tel qu’il est ; il vaut mieux l’achever, en dotant sa compagne de certaines qualités qui ne se rencontraient pas suffisamment en sa personne : la sensibilité, la délicatesse, la grâce…

Ainsi, il y a égalité de nature, mais encore, du fait de la différenciation des sexes, mutuelle complémentarité.

 

  1. L’égalité de nature et la complémentarité n’empêchent pas qu’il y ait une hiérarchie et par conséquent une subordination entre les époux. Ceux-ci, égaux en humanité et en dignité, sont inégaux dans la société conjugale, en tant que celle-ci, comme toute société, exige, avec la distinction des fonctions, d’un côté l’exercice de l’autorité et de l’autre la soumission ct l’obéissance. C’est à l’homme que Dieu a conféré l’autorité au sein du foyer. « Ton mari dominera sur toi4. » Cette domination n’est pas en elle-même la conséquence du péché originel, car elle aurait existé même sans le péché (et elle existait de fait avant qu’Adam et Eve ne pêchent) ; ce qui est un fruit du péché >>> >>> originel, c’est le caractère pénible que pourra revêtir cette subordination.

La supériorité conférée à l’homme dans l’ordre du gouvernement familial est en accord avec les dons particuliers que Dieu lui a concédés. En effet, l’intelligence masculine a généralement (selon la nature) plus d’étendue, plus d’élévation, considérant plus facilement les choses dans leur principe ; ses jugements sont moins dépendants de la sensibilité. C’est donc d’abord à l’homme que reviendra par nature la mission du gouvernement dans la cellule familiale. La femme devra, quant à elle, obéissance à son mari. Voici ce que dit Léon XIII à ce sujet, dans l’encyclique Arcanum : « L’homme est le chef de la famille et la tête de la femme ; celle-ci cependant, parce qu’elle est la chair de sa chair et l’os de ses os, doit se soumettre et obéir à son mari, non comme une esclave, mais comme une compagne, afin que l’obéissance qu’elle lui rend ne soit ni sans dignité ni sans honneur. »

 

  1. Jusqu’où s‘étend l’autorité de l’époux sur l’épouse ? A-t-il directement autorité sur elle, ou bien son autorité n’est-elle en quelque sorte qu’indirecte, par l’intermédiaire de la famille dont il est le chef ?

La famille est la première des sociétés ; et cette société existe dès lors qu’elle est formée par l’union légitime de l’homme et de la femme, quand bien même il n’y aurait pas encore d’enfants issus de cette union. Le mari, chef de la société familiale, est donc, selon l’ordre divin, le chef de la femme ; il détient une autorité directe et réelle sur son épouse : « Le mari est le chef de la femme, comme le Christ est le chef de l’Eglise.5»  « Le chef de la femme (mariée), c’est l’homme (l’époux)6.» C’est ainsi que ces deux égaux sur le plan naturel sont inégaux sur le plan social (dans la société domestique). La femme pourra bien être plus riche en dons de la nature ou de la grâce (et être, sous ce rapport, supérieure à l’homme), elle n’en restera pas moins inférieure sous l’angle de la hiérarchie familiale, étant soumise au gouvernement du mari.

L’homme a donc le devoir de commander. « Maris, vous avez été investis de l’autorité. Dans vos foyers, chacun de vous est le chef, avec tous ses devoirs et toutes les responsabilités que comporte ce titre. N’hésitez donc point à exercer cette autorité ; ne vous soustrayez point à ces devoirs, ne fuyez point ces responsabilités. La barre de la nef domestique a été confiée à vos mains : que l’indolence, l’insouciance, l’égoïsme et les passe-temps ne vous fassent pas abandonner ce poste7.»

 

  1. Il va sans dire que cette autorité n’est pas absolue et qu’elle a des limites. La première de ces limites est la loi de Dieu. Lorsque l’ordre donné va à l’encontre des commandements, il ne faut pas obéir, mais résister, et défendre, avec respect, calme et affection sans doute, mais encore avec une inébranlable fermeté les droits de Dieu.

L’autorité étant donnée par Dieu à l’homme pour le bien commun de la famille, ce dernier ne doit rien demander à son épouse qui aille contre ce bien. S’il est évident que telle décision va contre le bien commun, l’épouse est tenue de s’y opposer par tous les moyens moralement permis. Mais si, à la place de la certitude, il y a seulement un doute, l’épouse, ayant fait part à son mari de ses réserves et appréhensions, obéira tout de même, si l’époux n’a pas changé d’avis.

Puisqu’il s’agit d’une autorité sociale, le mari n’a pas à diriger son épouse au for interne (dans le domaine de sa conscience). Cette dernière, dans les domaines de sa vie intérieure et spirituelle, reste parfaitement maîtresse d’elle-même et n’a de compte à rendre qu’à Dieu. Elle pourra bien sûr s’ouvrir de son intérieur à son mari ; mais son époux pourra faire de même à son égard, et sur ce plan, ils sont parfaitement libres et égaux.

Pie XI résumera ce paragraphe : « Cette soumission n’abolit pas la liberté qui revient de plein droit à la femme, tant à raison de ses prérogatives comme personne humaine, qu’à raison de ses fonctions si nobles d’épouse, de mère et de compagne ; elle ne lui commande pas de se plier à tous les désirs de son mari, quels qu’ils soient, même à ceux qui pourraient être peu >>>         >>> conformes à la raison ou bien à la dignité de l’épouse… mais elle interdit cette licence exagérée qui néglige le bien de la famille, elle ne veut pas que, dans le corps moral qu’est la famille, le cœur soit séparé de la tête, au très grand détriment du corps entier8.

 

  1. L’épouse se souviendra donc qu’elle doit obéissance à son mari, et qu’en lui obéissant dans les choses légitimes, elle accomplit la volonté de Dieu : « Que les femmes soient soumises à leurs maris, comme au Seigneur » dont l’époux est dans la famille, l’intermédiaire et le représentant.

Quant à l’homme, il devra se rappeler, dans l’exercice de son autorité, qu’il s’adresse à une compagne et non à une servante. L’épouse lui est soumise, mais comme une aide, une conseillère et une amie. Avec quelle précaution, quelle douceur et quelle délicatesse devra-t-il commander ! Son autorité sera extrêmement humble, condescendante, désireuse de s’effacer au maximum pour ne laisser paraître que l’amour et la liberté. D’où les recommandations de saint Paul : « Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Eglise et s’est livré lui-même pour elle… Que chacun de vous aime sa femme comme soi-même. » Alors, transfigurés par l’amour, les ordres auront la douceur du conseil.

 

  1. La femme, soumise à son mari « comme au Seigneur », n’oubliera pas qu’elle est son aide, sa conseillère, et qu’elle ne doit pas être passive à l’égard de l’autorité de son mari. Elle a, vis-à-vis de son époux et de sa famille, un rôle actif à jouer. Sans parler des cas exceptionnels (car, en soi, il ne devrait pas en être ainsi), quoique fréquents (car en fait, cela arrive souvent), ou c’est la femme qui possède les qualités masculines du gouvernement et doit les exercer, en cas de défaillance du mari, pour le bien commun de la famille, l’épouse apporte dans le foyer les richesses du cœur et du dévouement, les intuitions ct les finesses qui sont le fruit de sa grande sensibilité. Ainsi, elle « affine » l’homme, lui communique l’esprit de douceur et de patience et se fait en toutes choses son conseil et son soutien. Cette influence, la femme l’exerce avant tout par l’amour. C’est pourquoi elle est en vérité le cœur du foyer dont la tête est l’époux : « Si le mari est la tête, la femme est le cœur, et, comme le premier possède la primauté du gouvernement, celle-ci peut et doit revendiquer comme sienne la primauté de l’amour. »

 

  1. La maîtresse vertu de l’épouse, c’est l’obéissance surnaturelle. Cela signifie que l’épouse fait son salut principalement en obéissant à son époux. Bien entendu, l’épouse chrétienne a d’autres obligations que celle-là ; mais c’est l’obéissance qui donne son mérite surnaturel à sa vie d’épouse. Rien de ce qui la détourne de cette obéissance ne sera fécond devant Dieu. Mais si elle obéit surnaturellement, par amour et comme au représentant du Christ, alors elle progresse incomparablement mieux que si elle faisait tout autre chose selon son jugement propre.

Il y a dans l’attitude de soumission chrétienne de l’épouse un profond acte de foi en la Providence qui mène à bien son dessein surnaturel avec des instruments limités et déficients. Il ne s’agit donc pas d’abord d’estimer les qualités humaines de son mari, son intelligence ou sa prudence ; non, il s’agit d’avoir confiance dans le Christ, dans le Christ qui saura, malgré toutes les déficiences humaines de l’époux, rattraper les choses si l’épouse obéit. C’est dans cet acte de foi et d’espérance, renouvelé quotidiennement, que l’épouse trouvera le secret de sa sainteté.

 

Alors, épouses, « élevez vos cœurs ! Ne vous contentez pas d’accepter et presque de subir l’autorité de votre époux à qui Dieu vous a soumises par les dispositions de la nature et de la grâce. Dans votre sincère soumission, vous devez aimer l’autorité de votre mari, l’aimer avec l’amour respectueux que vous portez à l’autorité même de Notre-Seigneur, de qui descend tout pouvoir de chef10. »

R.P. Cassien-Marie

1 Eph. 5, 22

2 id. 23

3 Gen. 2, 18

4 Gen. 3,16

5 Eph. 5, 23

6 I Cor. 11, 2

7 Pie XII, 10 septembre l94l

8 Encyclique : Casti Connubii (31 décembre 1930)

9 S. S. Pie XII

10 Pie XII, 10 septembre 1941

 

Au pays des contes à l’envers

Il était une fois un pays où l’on écrivait les contes à l’endroit. Dans ce pays-ci, le méchant loup, qui dévorait les agneaux, était chassé. L’ours, qui menaçait les troupeaux, était tué. Et puis un jour, des gens qui pensaient, assis dans leur bureau, bureau qui se trouvait dans un immeuble, immeuble situé au cœur d’une grande ville, ces gens-là se dirent : « Il est mauvais de chasser les loups, les lynx et les ours. Ils étaient dans notre pays bien avant nous. Ils ont donc le droit, bien plus que nous, d’occuper notre sol. D’ailleurs, nous préférons penser que tout être vivant étant égal à l’homme, c’est à l’homme de s’adapter. » Leur esprit se mit à fumer et, forts de leur idée révolutionnaire qui allait rétablir un ordre pour eux perdu, ces ronds de cuir écrivirent des lois, donnèrent des ordres pour que, à leur avis, la nature pût reprendre ses droits.

Les loups arrivèrent par l’Italie, dit-on. Quant aux ours, on les fit venir de Slovénie pour les réintroduire dans les Pyrénées. L’idée était merveilleuse. Ces ours de moyenne montagne furent lâchés sur les sommets. Il leur fut naturel de descendre vers des lieux plus cléments, habités par l’homme. Les Pyrénéens réagirent. Comment ? s’écria-t-on en haut lieu. L’homme menaçait la liberté de l’ours ? C’était indécent ! Inacceptable ! C’est pourquoi, depuis ce jour, dans ce pays, on commença à écrire les contes à l’envers.

Le loup arriva dans la forêt des Maures. Il s’y trouva bien, le territoire était vaste, le climat agréable ; les cours d’eau, c’est regrettable, étaient parfois réduits en été, à un filet mais il y avait des troupeaux. De beaux troupeaux de brebis et d’agneaux bien tendres. Ces brebis, nommées « museau rouge » en provençal, ne portent pas de cornes. C’est encore mieux, pensaient les novateurs, parce qu’un coup de corne de brebis, cela fait mal. Mais c’est moins bien pour se défendre. Notre loup rencontra une louve et fonda une meute. C’étaient les fantômes de la nuit. Ils avançaient sans bruit, comme en dansant sur leurs hautes pattes. De belles bêtes fourrées de gris et blanc. Crocs pointus, regard luisant, ils n’avaient qu’un seul défaut : il leur fallait manger. Comme la grand-mère du petit chaperon rouge n’était pas là, ils aimaient bien croquer un agneau. Ils n’avaient pas l’habitude de faire des méchouis. Non, les loups avaient des goûts simples, ils attaquaient, mordaient au cou et la victime, en quelques instants, se trouvait pantelante dans leur gueule.

Ils attaqueront nos enfants ! criaient les bonnes gens.

Mais les bonnes gens n’avaient pas de pouvoir, ils étaient relégués, mis de côté. Comment ? Se réclamer du bon sens ? Quel mauvais goût, quel manque de discernement ! N’avaient-ils donc pas lu dans les derniers avis que le pays avait changé de nom ? Un poète avait même rimaillé une nouvelle charte affichée sur les murs de chaque mairie. Ce ne fut pas suffisant pour faire changer les mentalités. On exigea donc que cette charte figure en bonne place dans chaque foyer. Ce texte, d’une valeur littéraire discutable, avait cependant l’avantage d’être clair. En voici quelques extraits :

Cet édit, vous le pensez bien, causa un brave trouble aux bonnes gens. Cependant, leur bon sens étant à toute épreuve, ils trouvèrent un moyen d’obéir sans céder. Le tableau, tenu par un clou vacillant, se trouva affiché la tête en bas sur le mur extérieur des maisons, où bientôt la pluie, le soleil et le vent en firent disparaître le texte.

Pendant ce temps, les loups progressaient. Les bergers imaginèrent de mêler les chiens élevés en même temps que les agneaux, à leurs troupeaux. Ces pauvres patous avaient beau veiller, aboyer, lutter, les meutes faisaient des ravages épisodiques. Ce n’était pas grave, les citadins haut placés pensaient qu’en donnant de l’argent aux bergers, le problème se tasserait. Mais les bergers manifestaient leur colère : « Nous n’élevons pas des brebis et des agneaux pour nourrir les loups ! Quelle colère, quel dégoût ! »

Seulement la forêt des Maures ne suffit bientôt plus à la nouvelle population canine. Elle émigra même dans les villes.

Il en fut de même dans les Pyrénées. Les gens de Paris avaient décidé de faire de cette région de montagne une sorte de réserve touristique. Les chemins de randonnée étaient entretenus, les troupeaux paissaient l’été, laissés plus ou moins à eux-mêmes ; les bergers étaient devenus des salariés qui bénéficiaient de leurs jours de congé obligatoires. Bref, les mentalités avaient bien changé. Seuls demeuraient quelques irréductibles qui se permirent, à leur tour, d’afficher leur charte sur les murs des maisons.

Dans ce pays des contes à l’envers, on vit bientôt des loups siéger dans les mairies et des ours enseigner dans les universités. Les sangliers piétinaient les jardins, les cerfs broutaient sur les chemins.

Les habitants ne pouvaient plus sortir et ne se faisaient plus entendre. Ils eurent alors recours aux bonnes vieilles méthodes, celles qui avaient été le guide de leurs grands-parents. Les églises étant habituellement fermées, peu desservies, ils s’en procurèrent les clefs et entrèrent en procession. Ils dépoussiérèrent les bancs, les allées, les statues. Les dames lavèrent les nappes et fleurirent les autels. Ils allumèrent des cierges, et, à défaut de présence réelle, ils se mirent à invoquer la Sainte Vierge et tous les saints. Mais la Sainte Vierge leur dit : « Comment ? Vous priez la mère et oubliez le Fils ? Comment ? Vous avez oublié que Jésus a confié les clés du royaume des Cieux à saint Pierre ? L’église est la maison de Dieu, allez chercher ses serviteurs, allez chercher les chefs du troupeau des fidèles. »

– Ah ! Pauvres de nous ! Comment allons-nous faire ? Bonne mère, les prêtres ont quitté leur soutane, certains sont allés hurler avec les loups, d’autres ont tout abandonné, perdus dans la forêt de leurs doutes.

– C’est vrai, leur répondit Marie. Mais si vous cherchez bien, vous trouverez les fidèles serviteurs de mon Fils. Ce ne sont pas ceux qui font le plus de bruit. Ils n’officient pas forcément dans de grandes et belles églises. Ils sont peut-être perdus au fond des bois ou au cœur des villes. Ils ont peut-être été rejetés comme la mer abandonne sur le rivage les restes d’un navire. « Cherchez et vous trouverez » a dit mon Fils.

Les Gaulois aiment discuter, disait déjà Jules César. Les Français n’en ont pas perdu l’habitude. Déjà de bonnes personnes ouvraient la bouche pour demander : « Mais à quoi les reconnaîtrons-nous ? » Alors la Sainte Vierge leva simplement les sourcils et tous comprirent : la conversation était terminée. Chacun fit un grand signe de croix. On souffla sur les cierges et sur les bougies. Et, dans toute la France, on sortit des églises. La nuit était tombée. Le ciel était d’un bleu profond et d’innombrables étoiles scintillaient. Tous entendirent au fond de leur cœur la même voix qui leur disait : « Levate capita vestra ! » et chacun obéit. Et cela suffit. Quand les bonnes gens reprirent leur chemin, une étoile brillait sur leur front. C’était la même étoile que celle qui brillait sur le front de saint Dominique, en plus petit, en plus discret. C’était une étoile légère comme la flamme des bougies, aussi claire, aussi belle, aussi fragile aussi. Il fallait certes la protéger des vents adverses mais elle avait la particularité de se fortifier dans la prière et les combats – car chaque prière est un combat et leur combat était une prière. Et ces nouveaux Chouans, ces chefs étoilés partirent à la recherche de leurs pasteurs. Ils ouvraient tout grand les yeux et c’était délicieux, rafraîchissant, d’avoir retrouvé son cœur d’enfant. Les faux bergers étaient tout ternes, les bons bergers avaient cette flamme au fond d’eux-mêmes. Et l’on recommença à prêcher. Et l’on recommença à prier. Les missions furent remises à l’honneur. Le peuple reprenait confiance, le peuple faisait un soulèvement silencieux. C’était une pluie d’étoiles.

Pour les chefs du pays des contes à l’envers, c’était insupportable. Il fallait que tout cela cesse. Ils organisèrent une véritable rencontre, un événement exceptionnel. De la Provence aux Pyrénées, des Alpes au Massif Central, des Vosges aux Ardennes et des Ardennes à la Bretagne, une journée de l’Egalité fut annoncée, prévue et minutieusement préparée. Pour ce jour mémorable, on choisit la date du 14 juillet, dite Fête Nationale. Tous les loups et les ours furent conviés, tous les personnages importants du pays furent réunis. Aucune étoile, hélas, ne brillait sur leur front. Le discours du président commença ainsi : « Si nous nous trouvons aujourd’hui ici, mes chers amis… »

Dès ces premiers mots, les loups grognèrent et les ours aussi. « Mes chers amis ! pensèrent-ils – car ces animaux-là pensaient – mais nous ne sommes pas et n’avons jamais été les amis de l’homme ! »

Cependant le président continuait : « Si nous sommes réunis, c’est pour témoigner aujourd’hui de l’égalité du loup et de l’homme, de l’ours et de l’homme et du loup et de l’ours. »

Le pauvre homme ne put dire un mot de plus.

Toutes les femmes se levèrent indignées : « Encore une fois, on ne parle pas de nous ! Nous sommes tenues pour rien, nous sommes rabaissées, invisibles, inexistantes !  »

Les loups et les ours n’ayant jamais tissé aucun lien d’amitié ni entre eux, ni avec personne, se rebellèrent en même temps.

Ce fut un fameux bouleversement, les animaux sauvages se livrèrent à un combat féroce, personne ne fut épargné, ni bête, ni être humain, sauf les plus intelligents qui partirent en courant. Ils courent et courent encore comme on l’écrit dans les contes de nos grand-mères.

Et c’est ainsi que notre pays put se remettre au travail pour remettre les choses et les contes à l’endroit, pas à pas, à pas d’amour, sous le regard de Dieu.

 

Sophie Oustallet