La joie dans le devoir d’état

Comment garder la joie au milieu du devoir d’état ? Nous pouvons trouver des éléments de réponse dans le Traité de la joie chrétienne du Père Antoine de Lombez.

 En voici quelques extraits :

« On exige souvent trop de soi-même : on s’efforce ; on s’impose des devoirs arbitraires, et on les remplit avec une excessive rigidité. On est quelquefois excédé ; n’importe, on veut achever sa tâche. De là l’accablement et la tristesse, l’humeur et le dépit. Vous avez souvent entendu dire de certaines dévotes, qu’elles sont plus inquiètes que les gens du monde. Vous les trouverez plus sages, plus réservées, plus équitables, plus sobres, plus retenues, plus appliquées à leurs devoirs que ne le sont les femmes du monde : leur aigreur, à certains moments, ne vient que des scrupules ou de l’excès de leur application (….).

On s’efforce et on est abattu ; on aime le travail, on s’y livre avec excès ; on souffre quelque besoin ou quelque douleur qu’on veut supporter sans se donner les secours et les soulagements qui se présentent. Si c’était par une véritable inspiration de la grâce, à la bonne heure, Dieu nous conserverait la joie au milieu de la peine. Mais souvent la propre volonté est satisfaite, et la joie est perdue. Le prophète-roi conservait ses forces pour servir Dieu ; et nous devrions à son imitation conserver toujours la liberté de notre âme, pour nous élever à Dieu, et la force de notre corps, pour travailler à son service.

Variez vos occupations, faites succéder la prière au travail, et la lecture à la prière. C’était la maxime des anciens solitaires et c’était ce qui les mettait en état de rester toute leur vie dans de vastes déserts. Tout, hors le devoir rigoureux, doit céder à la liberté intérieure, à la paix et à la joie. 

Chaque exercice de piété en particulier est louable, mais tous réunis nous accableraient sans nous sanctifier. Tous les aliments sont bons ; mais l’excès est nuisible. Le bon régime est d’en prendre toujours moins qu’on en pourrait digérer, et la bonne conduite en matière de pratique arbitraire, est de s’en imposer toujours moins qu’on en pourrait remplir, ou du moins de les laisser sans scrupule dès qu’on s’en trouve fatigué. De cette manière on les fait sans dégoût, on les reprend sans répugnance, on les remplit beaucoup mieux, et un air de contentement nous accompagne partout. Là où est l’esprit de Dieu, là règne la liberté et la joie, et là où est l’esclavage, là domine la tristesse. Surtout il faut s’abstenir des austérités excessives, qui en détruisant la santé nous font perdre la joie et le goût même des saints exercices. Si vous vous apercevez, dit saint Anselme, que l’austérité de votre vie intéresse votre santé, modérez-la ; car il vaut mieux faire quelque chose avec la joie que donne la bonne santé, que d’être obligé de tout abandonner, ou que de s’acquitter mal, quand le tempérament sera ruiné, de ce que vous faites toujours bien quand vous le faites avec joie.

 

Les gloires de Marie

Il est de nombreux auteurs qui ont célébré les gloires de Marie et la joie de l’avoir pour Mère. Le Cardinal Joseph Mindszenty nous en cite quelques-unes dans son livre : La Mère, miroir de Dieu :

« Il est consolant de pouvoir dire que Marie prie pour nous : « Deux blanches mains jointes dans une prière pour moi ! Les lèvres de la Mère la plus belle, la plus pure disent une prière pour moi ! Ce cœur sans péché bat pour moi ! »

Tous, nous connaissons la main secourable de Marie. Placée dans le monde de la grâce et de l’amour, elle sait, mieux que chacun de nous, ce qu’une âme pèse devant Dieu. Ce qu’elle a dit à Sainte Bernadette est aussi vrai pour nous : « Le bonheur que je te donnerai n’est pas de cette terre. »

Dans la foi catholique, Marie n’est pas simplement une parure belle mais inutile ; elle n’est pas seulement la matérialisation du mot de Goethe : « L’éternel féminin nous attire. » C’est à elle que le christianisme doit sa force et son élan victorieux. Marie fait partie intégrante du christianisme au même titre que le Christ : on ne peut séparer la Mère de l’Enfant.

 

Honorer Marie, c’est dire avec le grand missionnaire saint Léonard : « Ma santé, ma raison, ma foi, c’est à vous, Marie, que je les dois. Ma pensée, ma volonté, mes sentiments, tout cela je le dois à votre secours. De tout mon cœur, de toute mon âme, je ne peux que répéter : Marie est mon secours. Et si j’obtiens mon salut éternel, je le devrai encore à Celle qui est maîtresse de moi-même. »

 

Lorsque nous vénérons Marie, nous remplissons le vœu le plus cher de l’Eglise, nous suivons l’exemple des saints ; nous ne faisons qu’un avec le sens, avec la pensée du monde catholique pour qui, après Dieu, Marie est tout.

En vérité, si l’on a célébré Marie, si on l’aime, si on la supplie, si les peuples et les siècles lui rendent hommage, ce n’est pas pour Jésus une offense, mais une joie ; pour nous, c’est une promotion. Quel bonheur, pour nous catholiques, d’avoir dans la Vierge Marie une Mère ! Célébrons-la sans fin de ce que Dieu a fait en elle de grandes choses ! »

 

Que m’arrivera-t-il aujourd’hui, ô mon Dieu ?

Comme le dit le Père Poppe : « Une âme offerte ne peut jamais perdre son calme ni se départir de sa paix ; toujours elle doit aimer la volonté de Dieu, quand tous les plans et les espoirs s’écrouleraient. »

C’est ce que manifestent les grandes figures de saints de notre Histoire, et particulièrement, celle de Madame Elisabeth, sœur du roi Louis XVI, qui a été guillotinée à 30 ans place de la Concorde (Place Louis XV sous l’Ancien Régime, puis place de la Révolution), le 10 mai 1794. Quasiment à la fin de la période de la Terreur (27 juillet 1794), alors qu’elle avait vu, jour après jour, périr tous ses êtres chers, et avait subi l’angoisse de ce long martyr psychologique et les affres de deux années d’emprisonnement.

De l’avis de beaucoup de ses contemporains, elle est morte en odeur de sainteté. Ainsi, son médecin qui l’a croisée alors qu’elle était en route vers l’échafaud, dit en rentrant à son épouse. « Je viens de rencontrer un ange allant à l’échafaud ». Madame de Genlis mentionna l’odeur de rose qui se répandit place de la Concorde après son exécution.

Aujourd’hui encore, la quantité de vocations sacerdotales sur la paroisse saint Symphorien, nettement supérieure aux autres paroisses, est attribuée aux grâces envoyées par Madame Elisabeth sur son « village », aujourd’hui quartier de Versailles.

La prière de cette grande âme, entièrement offerte à Dieu, illustre parfaitement l’universalité de cet état d’abandon qui procure, en toutes circonstances, la paix intérieure :

« Que m’arrivera-t-il aujourd’hui, ô mon Dieu, je l’ignore. Tout ce que je sais, c’est qu’il ne m’arrivera rien que Vous ne l’ayez prévu de toute éternité. Cela me suffit, ô mon Dieu, pour être tranquille. J’adore vos Desseins éternels, je m’y soumets de tout mon cœur. Je veux tout, j’accepte tout, je Vous fais un sacrifice de tout ; j’unis ce sacrifice à Celui de votre cher Fils, mon Sauveur, Vous demandant, par son Sacré-Cœur et par ses Mérites infinis, la patience dans mes maux et la parfaite soumission qui Vous est due pour tout ce que Vous voudrez et permettrez. Ainsi soit-il. »

 

Distrait de Dieu

Il est très intéressant de relire quelques passages du bulletin paroissial du Curé de Domqueur, Monsieur l’abbé Philippe Sulmont, prêtre de la campagne picarde1 qui dès l’année 1972, et pendant près de 40 ans, écrivit tous les mois ses réactions face à l’évolution de l’Eglise et de la société. On s’aperçoit qu’avec sa verve pittoresque, il traite les mêmes sujets que ceux que nous connaissons encore de nos jours. C’est une lecture revigorante et tonique, dont je vous livre un extrait qui vous fera sans doute sourire.

 

Mai 1975 

Il n’y a peut-être pas aujourd’hui beaucoup plus d’athées véritables qu’il y en avait jadis, mais le nombre est énorme des gens « distraits de Dieu » (Tresmontant). Les « distractions » sont innombrables. Les manières d’occuper ses loisirs sont infiniment variées sur terre et sous terre, au bord de l’eau, sur l’eau et sous l’eau, sur la neige et sur la glace, dans les airs et sur la lune.

Il est loin le temps où l’Evangile n’avait à signaler comme distraction dommageable à la religion que le fait d’avoir acheté trois bœufs ou le fait de se marier.

Le grain de la Parole de Dieu a aujourd’hui neuf chances sur dix de tomber au milieu des broussailles touffues : forêts de skis, de drapeaux olympiques et de bien d’autres choses…

L’esprit de renoncement, de sacrifice, la modération des plaisirs…, la vertu de tempérance en un mot devient d’urgente nécessité si l’on veut que la pensée de Dieu trouve encore une petite place et qu’une vraie joie vienne illuminer ces occupations et tous ces plaisirs qui, sans Dieu, seront bien vite sentis comme creux et sans but.

 Etonnamment d’actualité, ne trouvez-vous pas ?

 

1Bernard GOULEY, Un curé picard en campagne, Fayard, 1978

 

Le Véritable Ami

Voici, résumé par le Bienheureux Claude de la Colombière, le modèle de l’Amitié humaine, magnifié ici dans l’Amitié divine : une très haute idée de l’Amitié….

« Jésus, Vous êtes le seul et le véritable AMI.

Vous prenez part à mes maux, vous vous en chargez, vous avez le secret de me les tourner en bien. Vous m’écoutez avec bonté lorsque je vous raconte mes afflictions et vous ne manquez jamais de les adoucir.

Je vous trouve toujours et en tout lieu ; vous ne vous éloignez jamais et, si je suis obligé de changer de demeure, je ne manque pas de vous trouver où je vais.

Vous ne vous ennuyez jamais de m’entendre ; vous ne vous lassez jamais de me faire du bien. Je suis assuré d’être aimé si je vous aime. Vous n’avez que faire de mes biens, et vous ne vous appauvrissez point en me communiquant les vôtres.

Quelque misérable que je sois, un plus noble, un plus bel esprit, un plus saint même ne m’enlèvera point votre amitié ; et la mort, qui nous arrache à tous les autres amis, me doit réunir avec vous. Toutes les disgrâces de l’âge ou de la fortune ne peuvent vous détacher de moi ; au contraire je ne jouirai jamais de vous plus pleinement, vous ne serez jamais plus proche que lorsque tout me sera le plus contraire.

Vous souffrez mes défauts avec une patience admirable : mes infidélités mêmes, mes ingratitudes ne vous blessent point tellement que vous ne soyez toujours prêt à revenir si je le veux. O Jésus, accordez-moi de le vouloir, afin que je sois tout à vous, pour le temps et pour l’éternité. »

 

Rien ne sert « à rien »

L’historien catholique qui se prend à réfléchir en essayant de comprendre l’économie du Bon Dieu à travers l’Histoire, peut être pris de vertige !

Tout d’abord, l’idée que toute action de l’Histoire de l’Homme a des conséquences innombrables au point de vue politique, économique, spirituel, sur des millions de vies, laisse perplexe !

Si tel chef d’Etat n’avait pas réagi ainsi, le cours de l’Histoire en aurait été changé.

Si telle décision avait été prise, cette guerre aurait été évitée.

Si l’ascension de tel tyran avait été freinée, combien de vies auraient été sauvées…

Cela a d’ailleurs été le thème de maintes dystopies plus ou moins réussies. En effet, avec notre intelligence humaine très limitée, nous ne mesurons qu’après coup, quelles catastrophes auraient pu être évitées, quel apostolat aurait pu être réalisé, quel bien aurait pu être fait.  Quel dommage ! 

Notre vertige est d’autant plus grand quand on réalise que le Bon Dieu a permis cela, qu’Il n’est pas intervenu, que le Mal n’a pas été endigué, comme nous l’aurions souhaité.

C’est le mystère de la grande économie du Salut, et nous sommes tout à fait incapables de le concevoir, mais Dieu, dans sa toute-puissance, a tout entièrement organisé : nous savons, par les vertus de Foi et d’Espérance, que la volonté divine a permis que tout se passe ainsi, que si le scandale de la Croix paraît se renouveler fréquemment par le triomphe apparent des malfaisants sur cette terre, cependant Dieu vaincra le monde !

Tout compte pour le bonheur éternel de l’Homme, et c’est grâce à la souffrance des bons et aux mérites de la Croix que le triomphe du Bien est assuré.

C’est cela qui fait la fierté et la stabilité de nos convictions !

Nous savons en tant que catholiques que tout concourt à la victoire du Bien, que cette victoire nous a été promise par notre Créateur et parachevée par Lui sur la croix, et que rien ne sert « à rien ».

 

Ne nous décourageons pas !

Certains d’entre nous, plus lucides que la majorité, pourraient se décourager devant l’état de déliquescence de notre civilisation chrétienne occidentale. De ce fait, une certaine langueur les atteint, qui les freine dans leur action ou dans le développement de leurs talents personnels.

William J. Slattery, loin de leur donner raison, leur énonce des raisons d’espérer1 :

« Plutôt que de considérer l’Eglise comme quelque chose d’ancien, avec la tentation de se dire que sa jeunesse et sa maturité créative sont derrière elle, nous prenons conscience qu’elle n’est peut-être pas encore sortie de l’enfance. 

Il y a une chose que nous savons avec certitude : l’Eglise du Christ divinement constituée porte en elle une sagesse et une énergie dotées d’une éternelle jeunesse. Ni la persécution, ni les chefs incapables ou corrompus, ni les catastrophes de l’Histoire ne parviendront jamais à la dévitaliser. « La Chrétienté a subi un certain nombre de bouleversements dont le christianisme est mort chaque fois, écrivait Chesterton. Il est mort et s’est relevé de chacune de ses morts, car son Dieu sait comment on sort du tombeau ». Sa vitalité, si manifeste dans son passage des catacombes aux cathédrales du premier millénaire, la rend pleinement apte à mener une autre lutte herculéenne pour faire naître une nouvelle civilisation chrétienne. Nécessairement nouvelle – abandonnons les illusions – parce que la « civilisation occidentale » d’aujourd’hui, devenue culture globale dominante, s’empresse de se débarrasser de tous les symboles chrétiens publics, éliminant la morale chrétienne de ses institutions, de ses programmes éducatifs et de sa conscience médicale ; elle aura bientôt achevé de détruire jusqu’à l’esprit chrétien qui seul consolidait ses fondations. L’Occident s’est tragiquement condamné lui-même, et il n’apparaît pas qu’il soit récupérable.

La nouvelle civilisation chrétienne peut commencer n’importe où. Peut-être même, une fois de plus, en Occident, en Amérique et en Europe. Car cette société en décomposition compte des hommes et des femmes au cœur ardent, entièrement convaincus que Jésus-Christ est le Seigneur de toutes les dimensions de la vie ; des minorités créatives qui œuvrent à faire renaître de ses cendres le phénix des idéaux sociaux-chrétiens ; qui, encore aujourd’hui, jour après jour, prient, étudient, parlent et agissent pour construire sur la vérité une culture de vie et un ordre de liberté centrés sur le Christ. (…)

La tâche de bâtir une civilisation chrétienne peut paraître décourageante, mais nous pouvons agir en nous rappelant comment elle a été construite la première fois : sous l’impulsion de la conviction que Jésus-Christ est le seul sauveur de l’humanité, qu’il n’y a que dans la foi catholique que l’homme peut trouver la plénitude de la vérité ; qu’il ne peut y avoir de paix avec la dictature du relativisme ; que ni le syncrétisme ni le faux œcuménisme ne sont envisageables ; que l’amour du catholicisme pour Dieu, pour chaque homme et pour chaque femme en fait une religion ouverte sur le monde qui propose « l’antique vérité » à tous, avec ardeur et intelligence ; et que chacun de nous a un rôle à jouer.

Car une civilisation est construite ou détruite non pas par des réalités sans nom, mais par la force des actions cumulées d’individus qui changent les choses parce qu’ils font usage de leur créativité, de leur liberté avec le soutien de la grâce sanctifiante. Avant toute révolution sociale, il faut une révolution intérieure. C’est dans l’âme que l’histoire est faite, dans ce sanctuaire secret où toute la puissance des hommes politiques, des législateurs, des militaires et des médias des régimes totalitaires est toujours réduite à néant. Et ce sanctuaire est la raison d’être du catholicisme : c’est dans la mesure où il y pénètre avec les vérités divines, la sanctifiant avec la vie surnaturelle et la guidant vers l’union avec Dieu dans le Corps Mystique du Christ qu’il devient l’irremplaçable bâtisseur d’une civilisation véritablement chrétienne.

Dans cette mission la plus urgente, la plus cruciale – car qu’y a-t-il de plus urgent, de plus crucial que le salut éternel ou la damnation ? – le catholique devra défier les forces d’un monde hostile au Christ et être défié par elles. (…)

Dans le feu de la guerre spirituelle, son cœur sera renforcé par le souvenir de la longue lignée de catholiques héroïques et créatifs qui l’ont précédé et lui ont ouvert la voie. Mais il y aura plus que le souvenir : il y aura la présence mystique. »

 

Maison de famille

Depuis la plus haute Antiquité, la notion de famille s’est ancrée dans un territoire, qui limitait l’influence de la familia romaine, du clan mérovingien ou de la demeure médiévale. Mais cette famille avait souvent un sens beaucoup plus large que le nôtre car elle regroupait les familiers, les domestiques, les paysans ou les ouvriers, tous ceux qui fréquentaient la maisonnée et la zone géographique sous son influence.

Il ne nous reste pas grand-chose de cette interaction avec une terre, un village, ou une région. L’appartenance à une famille se limite à nos proches, et nombreux sont les jeunes qui connaissent à peine leurs grands-parents, ou les frères et sœurs de leurs parents. C’est une notion très moderne qui va de pair avec la dislocation de la cellule familiale, qui n’est plus le noyau dur de la société contemporaine, le solide fondement de l’ordre chrétien. Cela crée des individus sans base, sans racine, exportables dans n’importe quel pays, sans fidélité ou attachement à la terre de leurs ancêtres, sans atome crochu avec ceux de leur sang.

Pour lutter contre cette tendance lourde de conséquences, il est nécessaire de « revenir à la terre », d’avoir un lieu d’ancrage quelque part en province, de stabiliser les siens autour d’un lieu où ils puissent venir se retrouver, se ressourcer, se reposer, reprendre leur souffle, être chez eux. C’est la raison d’être de la « Maison de Famille », qui est le lieu où l’on maintient l’esprit de famille, où l’on s’entraide, où l’on sait que toutes les générations trouveront leur réconfort, où l’on cultive la confiance et la générosité.

Rares sont encore les maisons de famille qui subsistent à travers les siècles et restent dans la même lignée au fil du temps, mais elles sont souvent le témoignage matériel de la pérennité de cette institution et de la grâce divine du mariage, de la force du clan familial chrétien qui a perduré tout au long de ces générations.

 

Saint Michel et saints de France

Le culte de saint Michel s’est répandu dans toute l’Europe à partir du Ve siècle et des apparitions du grand Archange au Mont Gargan, dans les Pouilles, en Italie. En France, c’est son apparition à saint Aubert, en 708, qui fut à l’origine de la première basilique du Mont-Saint-Michel, qui devint un des lieux les plus fréquentés par les pèlerins du Moyen-Age. Les « Miquelots », pèlerins de toute l’Europe, venaient vénérer le guerrier invincible et le défenseur de la Chrétienté, après être passés par bien des lieux de dévotion consacrés à tous ces saints dont notre pays foisonne.

 Ecoutons plutôt ce qu’en dit l’historienne Régine Pernoud1 :

« Ils sont partout. Ils surgissent à tout instant, à chaque croisée de chemin, à chaque tournant de route, et pour nous, qui contemplons le spectacle de la distance de notre XXe siècle, à chaque tournant de page.

De qui s’agit-il ? Des saints. Aux temps féodaux et même dès la période franque au Ve siècle, impossible de faire un pas, de visiter un monument, d’ouvrir un manuscrit sans les rencontrer. En rangs de plus en plus serrés à mesure qu’on avance au cours des âges. Durant les deux siècles médiévaux encore, leur nombre s’accroît bon an mal an. Pour le médiéviste, c’est simple routine. Mais qui finit par faire question : pourquoi, comment tant de saints et de saintes ? Ils donnent leurs noms aux personnes, et plus encore aux églises, aux monastères et de même aux localités, villes et hameaux. Pas un édifice religieux ou civil qui n’évoque, sculpté ou peint, tel ou tel saint ou sainte ; leur histoire alimente l’iconographie, guide le pinceau du fresquiste, le ciseau du tailleur de pierre, l’outil du maître verrier, et aussi la plume du copiste. Tous les modes d’expression sont bons pour rappeler leur mémoire : arts plastiques, poésie, théâtre. On se transmet le récit de leur passion, on va vénérer leurs reliques ; et pour abriter celles-ci, on conçoit tout un mobilier éblouissant : chasses d’argent et d’or, réhaussées d’émaux et de pierres précieuses. Rien n’est trop beau pour eux. […]

Au début du XIIe siècle, les saints ont littéralement envahi le territoire. […] Le plus souvent, les villes de France sont désignées par leur sanctuaire principal : pour le pèlerin, la ville ne vaut que par le saint ».

Ces sanctuaires existent toujours, du moins pour ceux qui ont traversé les guerres de religion et la Révolution. Nous pouvons encore les visiter et les honorer. Leur force protectrice et bienveillante est toujours présente. Toutes ces reliques n’attendent que notre vénération pour vivifier à nouveau la foi de notre pays. Alors, n’hésitons pas, du Mont-Saint-Michel à saint Gilles du Gard, de saint Hilaire de Poitiers à saint Martin de Tours, de saint Eutrope de Saintes à saint Hugues de Cluny (…) à reprendre ces routes ancestrales dont nous sommes fiers, et à demander aux saints leur intercession.

Comme dit le cantique : « Saints de France à qui notre histoire doit ses jours de plus belle gloire, dans le malheur et le danger, vous saurez bien nous protéger… »

 

1 Les Saints au Moyen-Age, Plon, 1985.

 

Couples fondateurs

Il est de nombreux exemples dans l’histoire des hommes, qu’elle soit politique, artistique ou religieuse, où nous trouvons des « couples-fondateurs », assemblés pour le succès de telle cause ou pour la création de telle institution.

Beaucoup de grands hommes ont leur inspiratrice secrète, telle Madame de Maintenon pour Louis XIV, ou leur muse créatrice, telle Cassandre pour Ronsard, qu’ils le reconnaissent ou non. Et l’influence féminine, si elle n’agit pas directement, sait susciter les plus belles destinées, comme les plus féroces batailles. Nous ne pouvons citer ici toutes les muses artistiques des grands peintres, mais les livres d’histoire de l’art sont remplis de portraits féminins évocateurs de l’inspiration créatrice des égéries de tous les siècles.

De même, les plus grands destins féminins, ont souvent été soutenus par les œuvres d’hommes de qualité, citons seulement l’œuvre de réforme du Carmel de sainte Thérèse d’Avila, docteur de l’Eglise, qui a été prolongée et confortée par saint Jean de la Croix.

On retrouve également ces binômes dans les œuvres conjointes de saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal, de saint Vincent de Paul et sainte Louise de Marillac, de saint Pierre Fourier et de la bienheureuse Alix Le Clerc. Comme si la sainteté de l’un, et son rayonnement, trouvaient écho et leur plein épanouissement dans une œuvre féminine jumelle.

De la même façon que l’homme et la femme sont complémentaires dans la parentalité, nombre de grandes réalisations humaines ont eu besoin pour leur engendrement de « parents spirituels », d’un homme et d’une femme qui ont mis leurs compétences en commun pour œuvrer de concert à l’expansion du bien. C’est, somme toute, une autre façon d’obéir au précepte de la Genèse, donné par le Créateur à Adam et Eve en commun : « Croissez et multipliez ! »