Ecoute…

 Chère Bertille,

           Félicitations pour ce stage que tu as pu avoir sur Angers ! Dans ta dernière lettre, tu me racontes que tu as pu trouver un petit logement bien situé entre ton lieu de travail et la chapelle, mais que tu te sens un peu seule car tous les étudiants sont rentrés dans leur famille pour les vacances et que tu ne connais personne dans cette grande ville.

  La solitude, cela fait partie de notre vie lorsque nous sommes célibataires. Tu ne t’en es peut-être pas encore rendu vraiment compte car depuis que tu as commencé tes études en septembre, tu as été bien occupée et les activités se sont succédées : travaux de groupe avec les étudiants de la faculté, révisions des cours, réunions de jeunes, répétitions de chorale, petites soirées entre amies…Tu vivais donc au rythme rapide de la vie actuelle sans avoir le temps, ou sans prendre le temps de ralentir.

  Maintenant, les examens sont passés, il n’y a plus de révisions, plus de réunions de jeunes, plus de répétitions de chorale, simplement ton stage. Tu découvres alors ce qu’est la solitude, le fait de rentrer seule chez soi, de ne pas pouvoir raconter sa journée à une amie, de ne pas préparer le repas pour d’autres. Chère Bertille, je reconnais que cet état peut sembler rempli d’amertume, mais si tu sais en tirer tout son profit, il est d’une très grande richesse !

  Ces moments où tu te trouves seule sont des moments de silence ; lorsque tu rentres chez toi, il n’y a pas de bruit, tout est calme. Assieds-toi et écoute le silence… Ecoute comme il est beau et comme il apaise… Il apaise car c’est à ce moment que le Bon Dieu peut parler à notre âme. Non pas que le Bon Dieu ne nous parle qu’à ce moment-là, Il cherche sans cesse à se communiquer à nous, mais c’est dans le silence que nous sommes capables d’entendre et d’écouter le Bon Dieu. Le silence nous permet le retour sur nous-mêmes et l’union de notre âme au Bon Dieu. C’est ainsi que nous en venons à la prière et à l’oraison qui est justement l’union à Dieu. Ce temps de prière dans la solitude est primordial car il nous recentre vers l’essentiel et nous prépare à ce que le Bon Dieu veut pour nous. En nous penchant sur l’Evangile, nous voyons que Notre Seigneur nous en a donné l’exemple : « Se dérobant à la foule, Jésus se retira sur une montagne pour prier. Il passa toute la nuit à s’entretenir avec Dieu. Quand il fit jour, il appela ses Disciples, et choisit parmi eux, ceux que lui-même voulut, et ils vinrent à lui1». Rien de grand ne peut se faire dans le bruit et l’agitation, mais au contraire, les grandes choses se préparent dans la solitude, le silence et la prière.

Ce moment de solitude est aussi propice à la lecture. Tu as maintenant le temps de te plonger dans les livres que tu as mis de côté ces mois derniers. Il y a tant de sujets passionnants qui méritent d’être approfondis !

Tu peux prendre la biographie de tel personnage qui s’est illustré dans la crise de l’Eglise, dans l’histoire de notre pays ou de ta région, un roman d’Henri Bordeaux, René Bazin ou Henri Vincenot qui nous replonge dans la vie quotidienne de nos ancêtres et nous remet face aux grandes questions existentielles. Prends le temps de lire ma chère Bertille, c’est une vraie nourriture pour notre intelligence. Cela participe à la formation de notre conscience, nous donne une ouverture d’esprit qui permet à notre intelligence de découvrir les richesses qui nous entourent, tant au niveau des qualités humaines que des beautés de la nature. La lecture nous ramène à Dieu, car nous voyons combien tout est beau et harmonieux tant que l’ordre divin est respecté, et combien tout devient chaos et horreur quand on s’en détourne.

  Enfin, chère Bertille, ce temps de solitude est aussi le bon moment pour penser à toutes ces personnes qui sont seules tous les jours et qui souffrent. Cette solitude ne doit pas être source d’égoïsme et de repli sur soi pour se morfondre dans sa tristesse. Non, bien au contraire, il doit être rempli d’une joie intérieure animée par le feu de la Charité. C’est l’occasion, par exemple, de prendre des nouvelles de ta grand-mère qui vit seule dans sa grande maison depuis quelques années, tu peux lui téléphoner ou lui écrire une belle lettre, ou de ton amie qui avait des soucis et dont tu n’as plus beaucoup de nouvelles. Tu peux aussi te remettre à la couture et confectionner de jolis objets pour tes petites nièces. Je suis sûre que tu débordes d’idées pour faire plaisir autour de toi !

  Cet état n’en reste pas moins difficile à supporter, car il n’est pas naturel à l’homme. En effet, nous sommes faits pour vivre en société. Mais c’est justement l’occasion d’offrir en sacrifice cette difficulté et de s’habituer à aimer ces temps de calme et de silence.

  Ma chère Bertille, voilà ce que je voulais te transmettre sur la solitude. Tu vois que finalement c’est un état très riche et qui donne du fruit. Ne gaspille pas ce temps mais mets-le à profit. Pour cela, n’hésite pas à recevoir souvent les sacrements, tu es tout près de la chapelle et tes horaires de stage te le permettent. La Sainte Messe transformera tes journées et les remplira du feu de la Charité !

  Je te souhaite un très bon stage,

Je t’embrasse,

Anne

1 Si tu savais le don de Dieu : le Saint Evangile de Notre Seigneur

 

« Il n’est pas bon que l’homme soit seul »

Cette phrase de la Genèse semble nous mettre en garde contre la solitude, or, durant notre passage à l’âge d’homme, cette solitude au moins temporaire est inévitable.

En effet, durant nos études, il nous faut quitter le foyer familial pour partir étudier loin, parfois à l’étranger, dans une ville inconnue et se retrouver quelquefois terriblement seul.

 

Plusieurs écueils nous guettent alors, que ce soit l’oisiveté qui est la mère de tous les vices, le repli sur soi qui nous fait fuir les autres par confort et timidité et nous fait tomber rapidement dans l’égoïsme, ou le divertissement stérile avec tous les moyens de distraction numériques qui nous font « passer le temps ».

Faut-il pour autant fuir toute sorte de solitude et dès la sortie de l’école, voire avant, se mettre en quête de l’âme sœur qui saura nous extraire de cette dangereuse solitude en partageant notre existence ? N’est-ce pas l’ordre de la nature, n’est-ce pas la chose la plus urgente que nous ayons à faire ? D’ailleurs si nous n’avons pas de « copine », nous passons pour des anormaux, voire des invertis.

La Providence a ses desseins et chaque cas est particulier ; étant donné que ce qui suit relève de la psychologie, il ne s’agit pas d’une science exacte, mais d’une tendance générale.

Nous pouvons cependant dire que la solitude est une étape structurante dans la vie d’un homme. En effet, au cours de son enfance puis de son adolescence, le jeune garçon aura naturellement tendance à orienter ses bonnes actions afin de faire plaisir à sa mère puis, petit à petit, à en faire sa confidente. Les relations se distendant naturellement avec l’âge, nous avons la tentation de rechercher une oreille féminine attentive pour remplacer maman, et c’est la « petite amie » qui survient pour consoler, écouter et conseiller le jeune homme à peine formé qui dans quelques années, si tout se déroule au mieux, pourra devenir son mari. Et notre jeune homme devenu grand et père de famille aura eu tendance à passer psychologiquement de sa mère à sa femme sans transition. Aura t-il eu le temps de grandir par lui-même, de se forger de belles et profondes amitiés masculines, de donner une direction propre à sa vie ? Si ce n’est pas le cas, alors il lui sera plus difficile d’être véritablement le chef de famille pour sa femme qui, en réponse, le considèrera inconsciemment comme son premier enfant. Elle qui a besoin d’un homme solide et stable sur lequel elle doit pouvoir s’appuyer, et dont elle a naturellement rêvé.

Alors cher ami, si tu es encore « seul », profite de ces quelques années de « solitude » émotionnelle, plus ou moins nombreuses, non pour te divertir en attendant que ces mauvaises années passent, mais saisis-les véritablement comme une grâce, une opportunité pour grandir que ce soit spirituellement, intellectuellement ou émotionnellement. Ce temps qui t’est donné maintenant, tu ne l’auras plus quand il s’agira d’élever une famille. Cultive-le en lisant, en discutant avec ta famille et tes amis, en réfléchissant pour te former un jugement et une intelligence propre qui te serviront durant toute ta vie d’homme. Passe de bons moments avec tes amis, va à la rencontre de nouvelles personnes et cherche le diamant caché en elles. Toutes ont quelque chose à t’apporter. Tu développeras ainsi ton intelligence relationnelle. Sois bon dans tes études et dans ton métier, cela te donnera confiance en toi et te fortifiera. Prie et dévoue-toi pour des causes qui en valent la peine, cela te rendra généreux.

Bref, aie pour objectif d’être vraiment un homme autonome, capable de vivre seul avant de t’occuper inutilement l’esprit avec celle que tu as croisée lors de la dernière soirée et qui t’a jeté ce beau regard profond qui t’a fait penser « c’est sûr que c’est celle-là qui de tout temps a été désignée pour être ma femme ».  Le moment venu, quand tu auras acquis de haute lutte ton indépendance émotionnelle, tu pourras choisir sous le regard de Dieu celle que tu aimeras de tout ton cœur et qui sera la mère de tes enfants.

Si tu es déjà fiancé, alors continue à voir tes amis, à réfléchir par toi-même, à te cultiver et à développer ta personnalité pour être véritablement l’homme fort et libre sur lequel sait pouvoir compter ta fiancée.

Antoine

 

 

Un héroïsme méconnu

Il existe certaines âmes que nous côtoyons parfois tous les jours, sans mesurer leurs difficultés et auxquelles, le temps passant, plus personne ne fait attention.

Ce sont les célibataires, hommes ou femmes, dans nos familles, chez nos amis, nos collègues de travail, ou enseignants de nos enfants.

Vivre seul, en vrai catholique, dans ce monde si égoïste et jouisseur, avec des couples éphémères qui se forment et se déforment, requiert une forme d’héroïsme qu’il est bon de reconnaître, pour l’accompagner et le soulager.

 

Le temps a passé, sans amener l’âme sœur, ou pas encore, et la solitude s’installe. Seul pour prendre les décisions du quotidien, seul pour son repas du soir après la journée de travail, trop souvent pris « à la va-vite » car pour qui cuisiner ?

Seul à ne pas annoncer la bonne nouvelle de fiançailles, et dans un groupe, contempler le bonheur des autres, le cœur un peu lourd.

Seul à faire des projets qui n’impliquent que soi, ne pas avoir donné vie pour transmettre le meilleur de son âme ni être soutenu plus tard.

Seul, lorsque les parents ne sont plus, sans le toit familial où il faisait bon se retrouver.

Alors, garder le sourire demande un héroïsme insoupçonné.

 

Ils sont souvent considérés comme ayant peut-être tels défauts qui puissent expliquer cette solitude, ou au contraire trop d’assurance pour les filles, qui font « peur » aux garçons.

Trop difficiles, trop ceci, trop cela, ou pas assez ceci, pas assez cela…

La réalité est à la fois plus simple et plus complexe, et le mariage n’est pas une prime à la beauté ni à l’esprit. Certains ont préféré douloureusement ne pas transiger sur la foi ou les qualités humaines essentielles dans un projet d’union, bien conscients de la grandeur du mariage. Il ne s’agit pas de multiplier les commentaires, mais de voir en chacun, un être humain, un pauvre en affection, qui sera heureux que vous l’invitiez à votre table pour recevoir de lui, et lui donner.

Vous appendrez à découvrir cet héroïsme caché.

 

Vivre seul avec droiture demande une grande vie intérieure et un équilibre social fait de moments partagés, d’amitiés vraies, de centres d’intérêts exploités, pour ne pas combler le vide avec internet et les réseaux sociaux. Ceux-ci ne sont que superficialité exploitant d’un côté l’égocentrisme inhérent à chacun : « je me raconte et me mets au centre », et de l’autre la curiosité. Ils donnent l’impression d’être environnés d’une foule d’amis qui ne seront jamais là dans les difficultés, n’étant en réalité que des relations…

Quelle force d’âme faut-il pour rester serein sans recourir à ces artifices, elle ne se trouve qu’avec une vie sacramentelle régulière ; aussi se rapprocher d’un lieu de messe sûr et vivant est bien important. Faisons donc attention à sa sortie, à saluer tout le monde, surtout ceux qui sont seuls en nous intéressant à eux, en priorité.

Se savoir oublié sans rien montrer, demande un héroïsme méconnu.

 

Le célibat rend disponible pour assister ceux de sa famille qui en ont besoin, les parents âgés notamment, les neveux en quête de confidences, les amis qui savent qu’ils ne dérangent pas un rythme familial, les œuvres de piété et d’apostolat. Sa vocation particulière est dans ce don, ainsi que dans un regard détaché sur les enfants.  

Comme tout don, il est source de joie profonde, mais ne doit pas être « exploité » par ceux qui voudraient réduire le célibat aux services familiaux ou paroissiaux.

La difficulté vient aussi d’un état que les prêtres passent bien souvent sous silence, en sermon ou conférences, contrairement à la vocation religieuse ou au mariage.

Il a aussi ses dangers : se plaindre trop souvent, devenir égoïste, difficile à vivre avec ses petites manies non contrées, avoir la critique vive, se mêler de ce qui ne le concerne pas, croyant ainsi être utile, ou avoir du mal à rentrer dans le rythme familial commun.

Se sentir incompris en gardant bonté d’âme, demande un héroïsme méconnu.

 

Sans le savoir, nous pouvons être responsables d’une grave chute, d’un affadissement de la foi, d’une dépression parce que nous n’avons pas été attentifs à cette solitude. Par confort, par facilité, nous préférons aller vers ceux qui nous ressemblent, sans faire l’effort de sortir de nous-mêmes. Parfois il nous faut supporter tel défaut irritant, exacerbé par la solitude, source pour nous de patience et occasion de charité.

A l’inverse, nous ne savons pas quels dévouements cachés, quelles prières silencieuses sont les leurs, ni ce que nous leur devons. Tout cela est inconnu, et nous sera montré plus tard, dans l’éternité.

Alors nous mesurerons et louerons cet héroïsme caché, récompensé.

 

Jeanne de Thuringe

 

 

Au hasard des chemins

Après quinze allers-retours entre ma chambre et mon salon, dix regards en quinze minutes sur l’écran de mon téléphone pour être sûr de ne pas me perdre, cinq cigarettes et deux verres de whisky « pour la route », on ne sait jamais, un détour par la cuisine peut être très demandeur en énergie, me voici enfin arrivé à destination, le cœur en fête, je vais retrouver un ami.

Au diable me criez-vous, tu n’as donc pas respecté le confinement ! Rassurez-vous, nous nous saluons de loin. Je le retrouve à chaque fois que je passe dans mon couloir et il arrive toujours en même temps que moi, ami fidèle, il me sourit dès que je lui souris, toujours aimable, le regard clair, nous avons beaucoup de similitudes.

La conversation démarre instantanément.

– Regarde-toi, cette mine défaite, mal rasé, décoiffé, qu’est-ce qu’il t’arrive ?

– Tu ne t’imagines pas, me voici prisonnier de ma chambre, confiné, loin de ma famille, plus d’amis à rencontrer, plus de voyages, plus de sport et même plus de travail, ma liberté s’est envolée !

– En effet, c’est un coup dur, toi qui as toujours vécu et grandi dans l’aisance, la technologie et les moyens de distraction multiples et à volonté, tout-tout-de-suite et à portée de main. Te rends-tu compte que tu fais partie de la génération la plus gâtée matériellement de l’histoire de l’humanité ? Regarde le condensé de puissance que t’offre ton téléphone, en quelques clics, tu peux avoir accès au savoir immense engrangé par les générations précédentes et par tes pairs, tu peux acheter une voiture, visiter une maison, programmer tes prochaines vacances, faire tes courses, contacter tes amis, découvrir d’autres pays, d’autres langues et même travailler, sans quitter ton fauteuil ! Cela ne te suffit-il pas, ou as-tu aussi perdu ton téléphone ?

– Non heureusement il est avec moi !

– Alors que te manque-t-il ?

– Tu ne comprends donc pas : notre liberté s’est envolée ! Pour la première fois de mon existence, des éléments extérieurs sont assez graves pour faire voler en éclat non seulement mon organisation personnelle, mais aussi celle de toute la société. Tout a été chamboulé, les rendez-vous les plus coûteux ont été reportés, les entreprises ont fermé, des gens sont au chômage. On apprend que des centaines de personnes décèdent tous les jours à cause de ce petit virus un peu partout dans le monde. Des milliers de milliards de dollars sont mobilisés pour tenter de ralentir la crise économique… Je ne pensais pas cela possible !

– Que cela nous arrive à nous, les hommes des sociétés les plus développées de l’histoire de l’humanité comme tu dis. Nous qui étions assurés et réassurés contre tous les risques imaginables, alors que les progrès de la médecine et de la technologie nous faisaient déjà miroiter un Homme immortel. Nos sociétés dans lesquelles la mort avait quasiment disparu du paysage. Voilà que tout s’écroule en trois jours !

– Oui l’Homme pensait s’être enfin rendu parfaitement maître de la nature et de son destin qu’il avait progressivement pris en mains, l’ayant ôté de celles de Dieu qui ne lui servait d’ailleurs plus à rien et qu’il avait décidé d’oublier progressivement.

– Et nous prenons conscience peu à peu que nous ne sommes pas les dieux que nous pensions être, qu’il peut arriver quelque chose à nos sociétés, à notre confort, que nous n’ayons prévu et que tout cela peut s’effondrer d’un claquement de doigts tel un château de cartes.

– C’est un formidable coup de semonce, une alerte envoyée par Dieu, sonnerait-il la fin de la récréation pour les apprentis sorciers que nous sommes ?

– Es-tu prêt toi à vivre ainsi privé d’une part de ta liberté, des biens matériels, voire de ton téléphone ? Ou vas-tu devenir fou ?

– Non, mais comment veux-tu être prêt ?

– Je pense déjà que cela doit nous faire prendre conscience de l’ampleur des richesses matérielles dans lesquelles nous vivons et d’apprendre à être capables de nous en passer pendant quelque temps. En effet, à nous, comme à la société entière, elles sont comme un énorme poids attaché à notre âme qui nous empêche de nous élever spirituellement en occupant sans cesse notre esprit.

Ensuite, prenons de la hauteur par rapport aux petits malheurs qui nous arrivent et exerçons notre grandeur d’âme. Comme disait P. Claudel, « La jeunesse n’est pas le temps des plaisirs mais celui de l’héroïsme ». Soyons conscients de notre bonheur d’enfants de Dieu et cherchons à le partager et à améliorer celui de notre entourage par la joie communicative. Que peut-il nous arriver de grave si ce n’est de perdre notre âme ? Alors confions-là à la Sainte Vierge, elle saura nous guider.

N’ayant rien de mieux à ajouter aux paroles inspirées de mon ami, la conversation prit fin.

Je remerciais alors mon miroir d’avoir convié cet ami et nous nous séparâmes partant tous deux dans la même direction. Pour ma part, je repris mon long voyage à destination de mon canapé pour méditer tout cela … Quant à lui, je ne sais où il s’en est allé.

Charles

 

Le coeur d’une jeune fille française

 Chère Bertille,

           Je sais l’amour que tu as pour ton pays la France. Dans notre société qui tend à se mondialiser, qui veut faire perdre les particularités de chaque nation et du coup les valeurs propres de sa population, il faut tendre encore plus à être de vraies jeunes filles françaises.

Ce qui nous caractérise toutes les deux, c’est notre jeunesse. Si l’on regarde les grandes saintes jeunes filles françaises : sainte Geneviève, sainte Jeanne d’Arc, sainte Odile, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, elles avaient toutes une grande dévotion en Notre-Dame. Notre-Dame a modelé notre pays, la France, par ses multiples apparitions et toujours elle est apparue comme une jeune femme : Lourdes, la Salette, la Rue du Bac, Pontmain…. Par-là elle nous encourage à garder notre esprit de jeunesse. Oui la jeunesse est un état d’esprit et non une période délimitée par l’âge. La vraie jeunesse est d’ordre spirituel. Sous le regard de Dieu nous ne vieillissons pas. Regarde le prêtre, quel que soit son âge, il monte à l’autel de Dieu qui réjouit sa jeunesse : « Introïbo ad altare Dei, ad Deum qui laetificat juventutem meam ».

Si nous voulons rester jeunes, il faut être spirituelles. La jeunesse que tu fréquentes est blasée, triste. Elle a perdu tout sens et tout but à la vie. Pose lui la question : pourquoi vis-tu ? On te répondra : pour gagner de l’argent, pour le plaisir. Quel Idéal ! Un rien peut détruire l’idéal qu’elle essaye de construire chaque jour et qui la rend encore plus triste. Notre Idéal, il faut le placer en Dieu, là est notre trésor. C’est lui qui nous maintiendra jeunes. Le mot « Idéal » est synonyme de vocation, réaliser le plan de Dieu qu’Il a pour chacune d’entre nous.

Pour se construire, la jeunesse a besoin de modèles, c’est pourquoi les mamans prennent soin de raconter aux enfants les beaux exemples de ceux qui se sont dépassés pour Dieu, tels les Saints. Et la lecture de telles vies est toujours enthousiasmante. Le plus bel exemple que la jeune fille peut avoir, est la contemplation et l’admiration de la Sainte Vierge. “Qu’elle se mette à l’école de Marie, qu’elle la regarde, qu’elle la contemple, qu’elle entre en Elle, dans son Cœur, et qu’elle se laisse transformer. Marie a porté Jésus dans son sein. C’est là qu’il a été formé, et c’est là que nous devons retourner pour nous laisser former, pour que le Christ grandisse en nous1.”

A l’image de la Vierge, la jeunesse doit être pure et vraie. Le monde sait qu’en s’attaquant à la pureté, il détruit la jeunesse. Alors il faut construire un rempart encore plus solide. L’être pur n’a pas besoin de se cacher, de se dissimuler, ou de mentir. Les jeunes d’aujourd’hui sont “masqués”. Ils cachent ce qu’ils sont par leur apparence.

Ma chère Bertille, si tu veux construire quelque chose de solide, il faut t’asseoir sur des bases qui ne soient pas superficielles mais profondes. En étant chaque jour là où tu dois être tu seras heureuse.

On peut aussi admirer la disponibilité de la Sainte Vierge, dès sa jeunesse. A 16 ans elle accepte de devenir la mère de Dieu. Quelle responsabilité. Elle n’a pas peur, car elle sait être dans le plan de Dieu. Comme sainte Thérèse : « l’unique chemin, c’est l’abandon du petit enfant qui s’endort sans crainte dans les bras de son père ».

Du fait que nous soyons jeunes filles françaises, nous devons aussi remplir notre rôle. La France est fille aînée de l’Eglise. Elle doit cette place au nombre de saints qu’elle a enfantés, qu’elle a nourris et qu’elle a donnés au monde. Elle le doit aussi à son esprit missionnaire. Quel rayonnement la France a eu sur le monde : Elle possédait plus de la moitié des missionnaires du monde entier. La jeune fille a sa place dans cette œuvre. Sainte Thérèse a bien été nommée patronne des missions du fond de son Carmel. Alors continuons, à notre humble place, de rayonner, soyons missionnaires dans notre pays, afin qu’il retrouve sa Foi d’autrefois et le rayonnement qu’il avait.

Ma chère Bertille, je te souhaite de cultiver cet esprit de jeunesse chrétienne française. Je termine cette lettre par ces mots du futur Pape Pie XII lors de l’inauguration de la Basilique de sainte Thérèse de Lisieux, afin qu’ils t’encouragent chaque jour: « Quand je pense au passé de la France, à sa mission, à ses devoirs présents, au rôle qu’elle peut, qu’elle doit jouer dans l’avenir, en un mot, à la vocation de la France… comme je voudrais crier à tous les fils et filles de France : Soyez fidèles à votre traditionnelle vocation ! Jamais heure n’a été plus grave pour vous en imposer les devoirs, jamais heure n’a été plus belle pour y répondre. Ne laissez passer l’heure, ne laissez pas s’étioler des dons que Dieu a adaptés à la mission qu’il vous confie ; ne les gaspillez pas, ne les profanez pas au service de quelque autre idéal trompeur, inconsistant ou moins noble et moins digne de vous ! »

Anne

1 Le sacerdoce du Cœur, Jo Croissant p.140

 

 

 

La noblesse d’âme

Ayant eu la grâce de croiser des femmes à la noblesse d’âme si rare et si belle, sœurs admirables dans le monde ou le cloître, je voudrais t’en dire la beauté.

           Noblesse d’âme : deux sœurs, issues d’une illustre famille de France, étaient la simplicité même. Leur humilité était d’autant plus remarquable, que leur nom était grand. Le secret résidait en une éducation où Dieu était premier, Sa Volonté recherchée naturellement, pour tout guider. L’intime compréhension de l’exemple comme vocation, sans affectation.

  Noblesse d’âme n’était pas s’enorgueillir d’une histoire glorieuse au service du royaume, mais tenir leur place d’épouse et de mère, ouvrant leur porte au solitaire. Trouver normal que celui-ci ne puisse leur rendre le bien offert, mais lui proposer, à son tour de donner généreusement aux autres ce qu’il avait reçu.

  Noblesse d’âme de ne pas rendre le mal pour le mal quand cela arrivait, mais au contraire, de continuer à faire le bien prévu, gardant son cœur bien haut pour dominer ses passions.

Ne pas se montrer mesquines ou rancunières quand d’autres étaient injustes ou indélicates, et ne pas s’étonner d’être traitées parfois sans égards. Accepter de ne pas être comprises et parfois soupçonnées à tort, sans vouloir se justifier ou s’expliquer. Ne pas chercher à se faire justice soi-même, et savoir obéir sans comprendre, avec docilité, à l’autorité, en tout ce qui n’est pas péché.

Reconnaître ses fautes sans dissimuler ni prétexter et en accepter paisiblement les conséquences sans les rejeter sur les autres. Demander pardon et repartir le cœur léger pour continuer à aimer.

  Noblesse d’âme de ne pas penser tout savoir, mais donner son temps et ses talents joyeusement au service du bien commun, avec générosité et simplicité. S’efforcer de faire de son mieux, à sa place, et acquérir les compétences nécessaires, sans jamais se mettre en avant.

Ne chercher nul avantage, même de façon détournée, mais se renoncer paisiblement.

  Rester digne au milieu de l’affolement et au besoin sacrifier sa vie comme la duchesse d’Alençon dans le feu du bazar de la Charité.

  Noblesse d’âme de la moniale, attentive aux grands comme aux petits, au sourire toujours présent, sans jamais montrer ni son ennui, ni le temps donné sur sa charge. Ne pas faire sentir ce qui avait été reçu par l’éducation ou la grâce, que l’on découvrait au hasard, avec l’admiration profonde de cette humilité. Taire et pardonner le mal, digne au milieu des vicissitudes et des attaques. S’oublier sans cesse, sans le montrer.

           Noblesse d’âme de ne pas se laisser envahir par la réaction première, inhérente à notre nature blessée, mais offrir un visage serein qui puise sa force d’un regard levé vers le Ciel, car voyant La Main Divine dans tout événement.

Prier et mériter pour ceux qui nous blessent, sans s’étonner de leur fragilité, comme de la nôtre et repartir après avoir pardonné, sans dépit, sans amertume, sur le chemin.

  Noblesse d’âme, qui ne se découvrira pleinement qu’au Ciel. Combien d’actes apparemment insignifiants, se montreront alors parés de cette belle vertu. Que Notre Seigneur nous la donne et la fasse grandir en nous, à son Image et à celle de sa Mère.

 

Jeanne de Thuringe

 

 

 

La fidélité, l’engagement

Chère Bertille,

          Je te remercie pour ta dernière lettre où tu me fais part de ta difficulté à rencontrer d’autres jeunes filles qui soient fidèles au choix de vie qu’elles semblent pourtant avoir fait.

          Je suis bien consciente, chère Bertille, que c’est un problème que nous rencontrons de plus en plus autour de nous. Je vais essayer de te donner quelques pistes de réflexion concernant la fidélité que nous devons toujours pratiquer : examinons d’abord la signification du mot fidélité, puis comment Dieu Lui-même est fidèle et doit être notre modèle, enfin nous verrons la manière d’être fidèle dans notre vie quotidienne.

  Lorsque l’on prend un engagement, il y a une notion de fidélité à la parole donnée. Le mot fidélité vient du latin fides : la Foi, c’est la force dans la Foi. Cela veut dire que la Fidélité doit être ancrée dans la Foi, mais c’est aussi la confiance, la fidélité, la parole donnée.

Nous pouvons ainsi prendre un peu de hauteur et considérer les choses par rapport à Dieu. Le Bon Dieu est l’être qui ne manque jamais, Il est le premier à être fidèle, nous le voyons dans Son amour pour nous. Il nous est tellement fidèle qu’Il nous a envoyé son propre Fils bien que nous nous soyons détournés de Lui, bien que nous ayons été infidèles. C’est par Dieu et grâce à Dieu que nous pouvons rester fidèles, et cela se manifeste par notre confiance en Dieu.

  Mais à quoi devons-nous être fidèles ? Tout d’abord, nous devons être fidèles à la grâce de notre baptême. Notre parrain et notre marraine ont pris cet engagement pour nous le jour où nous sommes rentrés dans l’Eglise. Mais le jour de la Communion Solennelle, chère Bertille, c’est chacun de nous qui a renouvelé en pleine conscience cet engagement de renoncer à Satan et de s’attacher pour toujours à Jésus-Christ. Et tu sais bien que si l’on compte seulement sur nos propres forces, il n’est pas évident de rester fidèle à cette grâce du baptême. Cette fidélité au Bon Dieu se traduit par tous les actes de la vie quotidienne, et là j’en viens à la fidélité dans le devoir d’état. C’est dans la persévérance au jour le jour, à bien faire nos tâches quotidiennes par amour pour le Bon Dieu que nous renforcerons notre engagement pris auprès de Lui.

  Qu’est-ce que la fidélité dans le devoir d’état ? Eh bien, c’est considérer que tous les actes de notre journée, même les plus minimes, sont grands aux yeux du Bon Dieu s’ils sont faits avec amour : ce peut être en s’appliquant à faire la vaisselle, en privilégiant un moment calme et silencieux, après avoir coupé le téléphone portable, pour étudier les cours, ou encore en faisant le ménage de la chambre.

Cette fidélité dans les petites choses va te préparer à la fidélité dans les grandes choses, car dans une société on a besoin d’élites qui s’engagent, donnent l’exemple et cherchent à élever les autres ! Il faut être prête à répondre à ce que le Bon Dieu veut pour nous, ce peut être des responsabilités auprès d’enfants, dans l’organisation d’un pèlerinage ou que sais-je…, et cela n’est possible que si l’on a déjà pris l’habitude d’être fidèle dans les petites choses.

  Cette habitude prise au jour le jour te permettra par ailleurs de faire les bons choix dans la vie quoi qu’il en coûte : le choix de rester fidèle à la Tradition de l’Eglise, même si les autres membres de la famille ne te suivent pas, le choix de t’habiller en chrétienne que ce soit à la faculté ou à la maison, le choix de fréquenter de bons amis qui t’apporteront du bien et qui te tireront vers le haut.

  Et c’est là qu’il est bon de s’engager dans des œuvres, des mouvements de jeunesse, ou autre. Nous ne sommes pas faits pour vivre seuls. Nous avons le devoir de rayonner et de transmettre ce que nous avons reçu. L’engagement dans ces œuvres est un excellent moyen d’apostolat, et cet engagement pris auprès des hommes n’est que le reflet de l’engagement que nous avons pris auprès de Dieu en choisissant d’être chrétiens. Tu n’as pas le temps ? Tu n’es pas la hauteur ? Mais qui est toujours à la hauteur d’une responsabilité ? Dans tout engagement pris, le Bon Dieu donne la grâce d’état, il ne faut pas avoir peur, mais au contraire une grande confiance. Plus nous aurons conscience de notre faiblesse, plus nous aurons confiance en la force du Bon Dieu, plus nous rayonnerons dans ces œuvres où nous nous sommes engagés. Il n’y aura alors plus de problème de temps, chaque action trouvera naturellement sa place dans la journée.

  Ces premiers engagements qui sont parfois temporaires préparent à des engagements définitifs que sont le mariage ou la vie religieuse. Eh oui, à un moment donné, il te faudra suivre la vocation que le Bon Dieu t’a préparée et t’y engager de tout ton cœur et avec amour !

  Voilà chère Bertille, quelques réflexions sur la fidélité à la parole donnée et l’engagement afin qu’elles puissent t’aider tout au long de ce Carême, temps fertile aux résolutions pour la conduite de la vie.

  Bien amicalement,                       

  Anne

Ma mère, apprenez-moi

 O Marie, ma Mère, je vous prie chaque jour et pourtant je vois ma faiblesse. La jeune fille ou la femme que je suis est bien loin de celle que je voudrais être, de celle que vous fûtes. Enseignez-moi votre cohérente simplicité et apprenez-moi à me mettre dans vos pas. Que je puisse Le servir ici-bas et que ceux qui me rencontrent puissent ainsi, à travers moi, avoir une idée de la beauté et de la bonté de Dieu.

 Mon enfant, ma fille, il est important de vouloir n’être rien et de tout attendre de Dieu. Laisse-toi faire, et pour cela, laisse Lui la première place. Aie le cœur rempli de Lui comme tu as le cœur rempli de ton fiancé ou de ton époux. Cherche à Lui plaire comme tu veux plaire à celui que tu aimes et lorsque tu as un doute dans la décision à prendre, tourne-toi vers moi, je te réponds toujours.

C’est ainsi que l’ange Gabriel m’a trouvée et que mon Fiat fut si simple.

Merci ma Mère, montrez-moi et apprenez-moi.

  Mon enfant, ma fille, dans le choix d’un axe de vie, d’une activité, d’une détente, d’une rencontre demande-toi ce qui Lui ferait plaisir et Lui ferait honneur, comme tu voudrais faire honneur à celui que tu aimes. Même dans le silence de ta chambre le matin, après avoir offert ta journée, pour choisir tes vêtements et te préparer, ne L’oublie pas. Avec mon aide, en pensant à moi, tu sauras bien vite ce qui me plaît ou ce que je mettrais si j’étais à ta place.

Merci ma Mère, montrez-moi et apprenez-moi.

Mon enfant, ma fille, sache Le louer dans toutes ses œuvres, sois toi-même une louange à Celui qui nous a tout donné. Lorsque tu as une réponse ou une démarche délicate à faire, ne te précipite pas mais demande-toi ce que j’aurais fait à ta place, je t’éclaire toujours. Que ton cœur soit joyeux et bon envers tous, car miséricordieux. Pleure avec ceux qui pleurent, réjouis-toi avec ceux qui se réjouissent. Donne sans te lasser, cours au-devant des besoins que tu auras devinés. Apporte aux autres la paix et la beauté de Dieu sans les juger mais en les aimant.

C’est ainsi que je partis voir ma cousine Elisabeth et que j’ai pu aussi consoler Zacharie par ma douce présence.

Merci ma Mère, montrez-moi et apprenez-moi.

Mon enfant, ma fille, lorsque le renoncement frappe à ta porte, que la gêne ou les événements viennent contrarier tes projets ou te mettent dans l’incertitude, garde le cœur confiant et paisible en Celui qui peut tout. Ne t’agite pas, ne t’inquiète pas. Il sait ce qu’Il fait, pourquoi et comment. Continue de ton mieux à accomplir ta tâche quotidienne et laisse sa Providence agir. Sois forte au milieu de ceux qui doutent.

C’est ainsi que nous fîmes Joseph et moi lancés sur les routes pour la naissance à Bethléem de mon tout-petit ou sur la  route de l’exil en Egypte. De fait, rien ne nous a manqué.

     Merci ma Mère, montrez-moi et apprenez-moi.

          Mon enfant, ma fille, quand il faut te plier à une règle ou une demande qui ne te plaît guère, que tu juges inopportune, ou que tu ne comprends pas, je suis là pour t’aider à l’accepter avec bonne humeur et humilité. Tu mets ainsi, sans t’en douter, des fleurs à ta couronne et tu apprends à te renoncer. Les fruits en seront toujours beaux.

  C’est ainsi que nous allâmes au Temple offrir au Père son propre Fils et accomplir ma purification alors que je suis l’Immaculée. 

  Merci ma Mère, montrez-moi et apprenez-moi.

   Mon enfant, ma fille, lorsque les noirs nuages s’accumulent, que le monde se montre à toi comme un ennemi implacable et sournois, pense à moi. Je suis l’Etoile du Matin. Tu peux avoir le sentiment que Dieu a disparu de ta vie ou ne s’intéresse plus aux hommes avec le déferlement de lois iniques et de haine contre l’Eglise. Mais cela n’est pas vrai, c’est quand Il semble caché qu’Il œuvre en profondeur et quand Il disparaît apparemment, qu’Il se fait tout enseignant et attend notre amour sans faille.

  C’est ainsi que nous le retrouvâmes au Temple après l’avoir cherché dans l’angoisse, tandis qu’Il était aux affaires de son Père.

  Merci ma Mère de m’avoir montré et appris.

                    Jeanne de Thuringe

 

 

 

 

La Croix

Chère Bertille,

 Dans ta dernière lettre, tu me fais part de toutes les souffrances que tu peux avoir. Et ce n’est que le début d’une vie de femme. Pour t’aider à bien comprendre la souffrance, je te fais part aujourd’hui d’un texte que j’ai lu récemment et qui m’a rappelé les confidences que tu m’avais faites.

« Jeune, et pourtant si douloureuse déjà, te voici, à ton tour aux prises avec la souffrance humaine. Par la porte et par les fenêtres, sournoise ou en bourrasque, elle est entrée chez toi ; elle s’y est installée, locataire indiscrète et tenace.

  Tu souffres dans ton âme soucieuse, dans ton cœur meurtri, dans ton corps malade ! Tu souffres par les choses, par les gens, par la vie, par toi-même. Il y a tant de manières de souffrir et tant de raisons pour lesquelles on souffre !… Inutile de détailler. Pour le moment, ce qui importe, c’est ta souffrance à toi, très personnelle, qu’on devine ou non, mais que tu expérimentes avec une étrange acuité.

  Devant elle, aux prises avec elle, qu’es-tu ? Que penses-tu ? Comment réagis-tu ? Fais-tu de la résignation ? de l’amertume ? de la révolte ? de l’amour ? du blasphème ? de la mélancolie ? du doute ? du désespoir ? Tout est possible. Autant de souffrances, autant d’attitudes devant la souffrance. Seulement certaines attitudes sont mauvaises, laides, malfaisantes ; certaines autres sont bienfaisantes, glorieuses et belles.

  Quoi qu’il en soit, écoute !

  Dieu domine ce problème et l’éclaire. Avant de penser à ta souffrance ou pendant que tu y penses, nomme Dieu. Sans Lui rien ne vaut et ne signifie, la souffrance peut-être encore moins du reste. Dieu est, et tu souffres. Ce sont là les deux données : la première, donnée de la foi ; la deuxième, donnée de ton expérience.

  Dieu est. Oui Il est…. Et toi, tu souffres… Que veut-il donc ce Dieu qui t’aime et que tu aimes et qui te fait ou te laisse souffrir ?

 Peut-être veut-Il que tu expies. Car tu as péché. En quelle proportion, ta conscience peut te le dire. Où il y a péché, il doit y avoir expiation proportionnée. La souffrance acceptée paie pour la jouissance recherchée. Si ce n’est pas en ce monde, ce sera en l’autre. Mais ce sera. Mieux vaut que ce soit en celui-ci parce que l’expiation volontaire devient méritoire. Aussi toute chrétienne vraie, qui connaît ses fautes, et connaît en même temps le devoir d’expiation, se souvient, dès qu’elle est douloureuse, qu’elle fut coupable. Généreusement, elle consent à boire à la coupe amère pour se punir d’avoir bu à la coupe délicieuse.

 Peut-être veut-il que tu répares. Car il se peut que tu aies plus de souffrance à porter que de péchés commis. Alors tes peines signifient autre chose qu’une expiation toute personnelle….. Mais d’autres ont péché qui s’en moquent, ne se soucient nullement d’expier, méconnaissent leur dette de châtiment et ajoutent à leur faute celle de ne pas réparer. Dieu pense à toi pour cette dure et sainte besogne. Il t’associe à Jésus-Christ. Qu’est ce, pour une part, la Rédemption, sinon la substitution volontaire de l’Innocent aux coupables si bien que sur sa chair déchirée le Fils immaculé expie la multitude volupté des hommes ? Il y a là un  mystère profond. Seules les âmes profondes aussi, sont en mesure d’y comprendre quelque chose. Mais quand elles ont compris, par une grâce de choix, leur souffrance s’éclaire splendidement. Quelle émouvante majesté chez elles ! Quelle révélation de leur intime valeur !

Tantôt c’est la maman qui répare pour sa fille ; tantôt c’est la jeune fille qui répare pour ses parents ; tantôt c’est l’amie qui répare pour son amie ; tantôt c’est la chrétienne qui répare pour n’importe quel pécheur inconnu ; tantôt c’est la jeune apôtre qui répare pour les âmes qu’elle aime et voudrait sauver….. Tous les saints, sans exception, subirent ce traitement de faveur. Dieu agit avec toi comme avec eux.

 Peut-être veut-Il t’attacher à Lui. Comprends sa méthode. Les âmes qu’Il aime, celles auxquelles, plus qu’à d’autres, Il tient, Il les tire à Lui ; Il fait tout pour les rapprocher de Lui et réaliser avec elles une spéciale intimité. Or souvent, ici, quel est l’obstacle ? Un amour, une passion, un quelqu’un ou quelque chose qui vous charme et vous asservit, vous absorbe et vous immobilise, et appuyant sur vous de tout son poids vous empêche, ailes étendues, de vous élever à Dieu.

Dieu te tendait amoureusement la main et toi, c’est d’un geste si languissant que tu lui offres la tienne ! Et  même la lui offres-tu ? Il faut l’épreuve qui passe, déchire, secoue, renverse et libère. Tu sens que tout t’échappe. Et c’est vrai, tout t’échappe…. Mais Dieu arrive.

Peut-être veut-Il te former. Dieu, dit l’Evangile, est un vigneron qui taille sa vigne pour qu’elle produise : et la fait pleurer pour qu’elle rende… Dieu, dit le poète est un sculpteur qui cogne dans le marbre à grands coups de marteau pour que, parmi les éclats de pierre tombés à ses pieds, la statue se dresse, expressive et vivante… Par la souffrance, la vigne est fécondée ; par la souffrance, le marbre devient chef d’œuvre. Le vigneron est cruel et doit l’être ; l’artiste est dur et doit l’être. L’art détruit pour construire ; il supprime pour achever ; il corrige pour embellir.

Dieu se fait un idéal de toi et tend, si tu ne refuses pas, à le réaliser en toi. S’il te laissait tranquille, ce serait l’aveu du peu de valeur qu’il te reconnaît, la proclamation officielle de ton inaptitude à devenir de la beauté. Ton goût du repos peut y trouver son compte : mais, pour toi, quel échec ! En définitive, quelle vie manquée !

Depuis que les hommes sont des hommes et que parmi eux naissent des saints, nulle méthode n’a réussi sauf la méthode coûteuse de la formation par la souffrance…. Vertus à acquérir, défauts à corriger, vices à tuer, ressources à développer, tout demande effort. Et tout effort fatigue.

Le bon sens te dit «Tant qu’à faire de souffrir, souffre avec profit ». Le sens chrétien te dit « Aie confiance dans le procédé de Dieu ». Les deux te disent : « sache souffrir, et en souffrant, sache grandir ».

 Voilà ma chère Bertille ce beau texte sur la souffrance dont je voulais te faire part. Médite ces mots et accepte généreusement les souffrances que le Bon Dieu t’enverra.

Je suis de tout cœur avec toi.

Bien chaleureusement

                               Maïwenn

 

Avis de tempête!

          Gros nuages noirs à l’horizon, la surface sombre de l’eau se ride et les vagues s’ourlent d’un liseré argenté qui court de plus en plus rapidement, grossit et gronde jusqu’à devenir semblable au bouillonnement d’un torrent, le vent s’est levé et fait claquer les cordages, le bateau gîte et la mer se creuse, la pluie arrive : Avis de tempête accrochez-vous !

Telle pourrait être la description imagée des quelques heures qui précèdent l’annonce d’une rude épreuve dans notre vie, perte d’un proche, déchirement familial, rupture amoureuse, découverte d’une maladie, tous nous avons déjà ou nous aurons à traverser les tempêtes de la vie que le ciel nous envoie pour nous sanctifier.

Mais toute tempête est dangereuse et peut être meurtrière. Les repères habituels disparaissent du paysage familier, nous sommes parfois désorientés. Des vagues de douleur trop importantes nous font perdre pied et nous donnent l’impression de couler littéralement, les dégâts psychologiques peuvent parfois être graves et il peut y avoir de la casse. Tout un pan de nos convictions peut céder sous la charge, quand ce n’est pas une remise en question totale de ce à quoi nous croyons …

Très gros temps ! A l’aide !

Il est parfois inévitable de boire la tasse, mais il faut tenter de ne pas couler et de reprendre la route une fois l’orage passé.

Dans la mesure du possible, essayons de garder quelques repères en levant les yeux vers le ciel et en implorant l’Etoile de la mer qui se laisse toucher par nos supplications ; même si un sentiment de dégoût et d’inutile peut nous envahir. Le Bon Dieu permet les épreuves mais il envoie toujours les grâces pour les surmonter. Tout l’enjeu est de les utiliser pour réussir à sortir grandi et meilleur de l’épreuve.

Ensuite, il faut évacuer l’eau de la cale en parlant à nos proches, non pas pour qu’ils nous apportent la solution, ils ne l’ont pas, mais pour ne pas exploser en gardant tout pour nous. N’ayez jamais peur de déranger un vrai ami avec vos souffrances, ne seriez-vous pas heureux de soulager un des vôtres en l’écoutant ? Ils sont comme les sauveteurs en mer et vous jettent une bouée, saisissez-la ! Evacuez aussi en faisant du sport, ou en pratiquant vos loisirs préférés, ne restez pas prostré et replié sur vous-même.

Dans la tourmente, lorsque le bateau prend l’eau de toutes parts, commençons par lâcher du lest et réparer les brèches psychologiques avant de changer le cap de nos vies. Nous risquons dans l’agitation de nous tromper, de prendre des mauvaises orientations, voire de couler définitivement. Le mieux est d’attendre : la tempête se calme toujours même si cela peut être très long, et Dieu ne nous éprouve pas au-dessus de nos forces.

Une fois passée la tourmente, et revenu le calme, il est temps de ramasser les débris, et de se reconstruire doucement. Les épreuves nous permettent souvent de relativiser et de remettre les choses en perspective, de savoir ce qui compte vraiment dans notre vie, d’écarter les futilités. Il est temps alors de faire le point, de tirer les enseignements de ce qui nous est arrivé. Il y aura toujours des questions auxquelles nous ne pourrons pas répondre : pourquoi ? Ne perdons pas de temps à les chercher. Attachons-nous plutôt à consolider nos faiblesses qui sont apparues pendant l’épreuve, car celle-ci agit souvent comme un révélateur. Faisons les ajustements de cap, de priorité et de direction qui s’imposent si nous nous sommes aperçus, grâce à la tempête, que nous faisions fausse route. Mais pas de précipitation, et surtout écoutons les conseils de ceux qui nous entourent et qui nous connaissent bien. Et prions le Saint-Esprit qu’il nous éclaire sur ce qu’il a voulu nous faire comprendre au travers de cette épreuve. Alors courage, vous n’êtes pas seul dans cette galère et après la pluie le beau temps !

Charles