Car tu es poussière

A la sueur de ton visage tu mangeras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes au sol, car c’est de lui que tu as été pris ; car tu es poussière et tu retourneras à la poussière.

Ces mots, adressés à Adam à l’aube des temps, s’appliquent à tous les hommes. Dieu a créé le monde, la nature, les plantes, les animaux pour deux raisons, émerveiller et nourrir les hommes. Mais la nature, jadis docile, a été rendue capricieuse depuis le premier péché. C’est à force de travail que les hommes peuvent tirer leur subsistance. Ce travail, voulu par Dieu, comme châtiment mais aussi comme occasion de sanctification par l’effort, doit correspondre au plan de Dieu.

Peu à peu, à travers les siècles, l’homme a appris à dompter le sauvage. Il a sélectionné les plantes nourricières, semant d’année en année les grains les plus gros, faisant évoluer les céréales et les fruitiers jusqu’aux variétés généreuses que nous connaissons aujourd’hui. De même, il a apprivoisé l’animal pour mille usages, traction, lait, viande, etc. Par l’expérience, à l’écoute du réel et des lois qui régissent le vivant, à force de travail, les générations qui nous ont précédés nous ont laissé un immense trésor : mille techniques agricoles, mille et mille variétés de plantes et d’animaux. L’homme a appris à dompter la nature, au moins celle qui l’entourait. Puis, en plus de la science des paysans, s’est ajoutée celle des médecins, des géologues, des biologistes, des physiciens, des astronomes, etc. Il est fascinant de voir combien de grands noms dans l’histoire des sciences sont des clercs. Cette science réaliste, ordonnée, a été l’apanage du monde chrétien. Pendant longtemps, l’homme a fait progresser la connaissance, dans le même esprit que celui d’Adam : connaître la nature pour en tirer les ressources nécessaires à la vie prospère de l’homme aujourd’hui et de ses fils demain, la dominer pour prévenir ses caprices, sans la détruire, en préservant l’avenir. La nature, don du Créateur, au service de l’homme, et reine des créatures ici-bas. C’est d’abord cela « l’écologie chrétienne ».

C’est ensuite la contemplation de l’œuvre de Dieu. La nature regorge de tant de merveilles ! Les découvrir, les observer, les connaître, c’est se mettre à l’école du Bon Dieu. Dieu a déversé tant de beauté et apporte tant de soin à des êtres sans âme ! Alors, que ne ferait-Il pas pour nous qui sommes appelés à la béatitude éternelle ?

Malheureusement, « l’écologie chrétienne » a disparu. Elle a été remplacée par deux idées folles, devenues des idoles : Gaïa (ou la Pachamama) d’un côté, Mammon de l’autre. La déesse Terre et le dieu Argent.

Dans un monde sans Dieu, on en vient à adorer l’argile, le bois des forêts ou les eaux gelées, les bébés phoques ou les ours polaires. Une nouvelle religion singe la vraie religion. La planète Terre et sa merveilleuse biosphère sont divinisées. Les hommes doivent ordonner leur vie à son service. La nouvelle religion a son nouveau péché originel : nous avons profané la déesse en polluant et en émettant du CO2. Nous héritons de ce péché quoi que nous fassions. Gaïa s’apprête à se venger en jetant sur les hommes ses ouragans tueurs, ses vagues vengeresses et ses sécheresses apocalyptiques. Le seul salut est que l’homme sacrifie à la déesse, jusque dans les plus petits gestes du quotidien, afin de contenir le climat. Niant le vrai Dieu, la nouvelle religion déifie la matière et y soumet l’homme. Une totale inversion de l’ordre voulu par Dieu. Cela est particulièrement visible dans les mouvements « anti-spécistes » qui mettent l’être humain sur le même pied d’égalité qu’un âne, un moineau, un rat ou encore un cochon. Voire qui considèrent même l’homme en-dessous de l’animal, car l’homme est coupable du péché originel (réchauffement climatique) et de ses péchés personnels (guerres, élevage, alimentation carnée, etc.). Cette fausse religion, comme toutes les autres, détourne les hommes d’abord de Dieu, mais même des choses naturelles et de bon sens. Comment être tout simplement joyeux quand mêmes les enfants sont tourmentés par la peur de l’apocalypse ? La Triste Nouvelle assénée >>> >>> sans relâche par les prêtres de l’écologie tue l’espérance : jamais les suicides et les dépressions n’ont autant touché nos concitoyens.

A côté de Gaïa, nous trouvons Mammon, le dieu argent. En son nom, la domination de la nature perd sa composante « conservatrice » pour ne rechercher que le profit immédiat. Peu importe si on détruit une ressource sans lui laisser la moindre chance de se renouveler : le temps qu’elle s’épuise, le siècle aura vécu. Certes, les générations suivantes devront se débrouiller, en attendant, la génération actuelle peut tout brûler. Ainsi, il faut toujours plus de rendement à l’hectare, quitte à saccager les sols à coups de produits phytosanitaires et de rotations toujours plus agressives. Ainsi, il faut trafiquer le corps humain, vendre tout un tas de produits, sans regarder les conséquences à 10, 20 ou même 30 ans. Ainsi, il faut ouvrir le sous-sol pour en extraire dans ses plaies béantes toujours plus de minerais et de pétrole, quitte à relâcher les déchets et la pollution dans les rivières et les mers, sans se soucier des conséquences. L’adepte de Mammon est le grand pollueur et le grand apprenti sorcier ; c’est le transhumaniste qui veut jouer au Créateur. Dans sa mémoire résonne encore le mensonge du serpent : « Vous serez comme des dieux. » Sa science n’est plus une science à l’écoute des lois de la nature, elle est une science qui veut dominer et singer la Création. Pour toujours plus d’argent, ils ouvrent de nouveaux marchés toujours plus au cœur de l’intimité de l’homme : marché de la grossesse avec la GPA, marché de l’avortement et de la pilule, marché de la mort par l’euthanasie et le suicide assisté, marché de l’orgueil demain en promettant la vie éternelle par un transhumanisme toujours plus fou.

« Vous serez comme des dieux » dans l’esprit des uns, « sacrifions aux idoles » dans l’esprit des autres. Nous sommes si loin des mots qu’Adam entendit de la bouche de Dieu : « car tu es poussière et tu retourneras à la poussière. »

Car tu es poussière… Il fut une époque où des hommes du monde et de l’Eglise disposaient dans leur bureau un crâne, réel ou en peinture, dans le but de ne jamais oublier la finitude de la condition humaine. Memento mori… Souviens-toi que tu vas mourir, « car tu es poussière ». Pour être de bons chrétiens, nous devons avoir dans un coin de la tête notre memento mori. Ainsi, nous ne cesserons d’oublier que nous sommes de passage sur terre, que notre vraie patrie est le Ciel, que ce qui nous entoure est don de Dieu pour nous aider à aller vers le Ciel, que ce don vivant dans la nature ne nous appartient pas et doit être transmis à nos enfants, qui eux-mêmes, en auront besoin pour aller au Ciel. Le bon chrétien n’est ni un faux-dieu gavé de technologie, à la recherche incessante de richesses et de pouvoir et se languissant après la vie éternelle, ni un animal ou un esclave devant adorer une nouvelle déesse faite de bois et d’argile pour en éviter le châtiment. Non, le bon chrétien est un homme, une femme, un Enfant de Dieu, libéré par la grâce, héritier de l’héritage du Christ au Paradis, de passage ici-bas, car dans son esprit résonne la vérité : « tu es poussière et tu retourneras à la poussière. »

 

 Louis d’Henriques

 

Les joyeux petits apôtres

Le vieil homme attendait devant la porte. A travers la vitre, il observait la petite route qui montait jusqu’à chez lui. Il guettait la venue de l’assistante de vie. Pour le moment, seuls quelques moineaux piaillaient sur le goudron, sautillant dans la lumière du soleil et secouant leurs plumes dans la poussière. Enfin, une voiture arriva et une jeune femme en descendit. Elle salua le vieil homme, comme d’habitude. « Comment va votre femme ce matin ? » « Pas mieux qu’hier. » « Je monte m’occuper d’elle.» L’homme remercia par un sourire. Puis il enfila son manteau et sortit. L’air frais de ce mois de mars le revigora.

Il aimait ses petites promenades. Les visites de l’assistante de vie lui offraient quelques instants précieux où il pouvait laisser le chevet de sa femme malade pour couper le bois, biner le potager, ou simplement flâner sur les chemins entre les collines qui l’avaient vu grandir. Parfois, il croisait les enfants des voisins d’en face. Ils étaient joyeux et le saluaient gaiement. Souvent, ils lui proposaient leur aide, pour ramasser les haricots ou désherber. Le vieil homme savait qu’ils étaient chrétiens. Il les avait vus parfois prier le chapelet sur le chemin, et puis les enfants ne s’en cachaient pas. En fait, ils en étaient fiers. Ils parlaient de Jésus, parfois ils chantaient des cantiques, spontanément, dans leurs jeux. Pas comme une prière, plus comme un rire, juste parce que leur joie avait besoin d’éclater dans l’air. Le vieil homme se demandait si leur joie de vivre et leur simplicité ne jaillissaient finalement pas de cette foi, qu’il avait connue lorsque jadis il gambadait sur les mêmes chemins, en culotte courte. C’était il y a 70 ans. Depuis, il avait oublié le Bon Dieu. Sa femme mourrait doucement, tourmentée par la maladie, ne lui laissant aucune liberté. Il était impossible de la laisser seule. Puis le temps l’emporterait lui-aussi, comme il emporte tout le monde dans la mort. En attendant, le potager poussait et les joyeux enfants apportaient la gaieté, et peut-être un peu plus. Un jour, avec leurs parents, ils lui amèneraient le prêtre. Ils lui en avaient parlé une fois. L’idée faisait peu à peu son chemin. Cela lui apportait de la joie. Alors il marchait sur le chemin, les mains dans les poches de son manteau, les yeux rieurs dans la lumière du soleil.

Le Bon Dieu a un plan. Il pourrait convertir les âmes, les amener à Lui seul, sans notre aide. Mais Il veut que nous soyons les outils de sa Providence pour aller chercher les âmes qui se détournent de Lui. Oh certes, Il n’attend pas que nous montions sur une estrade improvisée au milieu de la place du village un jour de marché pour prêcher. Ni que nous fassions la morale à tout va, pointant du doigt le péché du voisin et le menaçant de l’enfer. Non, Dieu veut tout simplement rayonner à travers nous. Une âme sainte, une âme fervente et remplie de Dieu n’a pas besoin >>>          >>> de faire de beaux discours et d’aller dans des endroits extraordinaires pour ouvrir les âmes au Sauveur. Elle doit simplement être tellement pleine de la grâce de Dieu que celle-ci déborde et ruisselle autour d’elle, faisant éclore des fleurs sur les talus des chemins qu’elle emprunte. Là où Dieu l’a placée, auprès des gens qu’elle croise.

Pour cela, il nous faut d’abord nous remplir de Dieu. Là, nul besoin de conseils, nous savons ce qu’il faut faire : prier, communier, se sacrifier, dire le chapelet, etc. Nous l’avons si souvent entendu ! Qui peut croire que le monde puisse devenir meilleur et les cœurs se convertir sans Dieu ? Sans la prière, nul apostolat ne peut exister. Puis il faut éveiller notre regard aux autres. Si nous ne voyons pas ceux qui sont autour de nous, comment pouvons-nous permettre à Dieu de les toucher à travers nous ? Cela est primordial. Nous sommes chrétiens, cela se voit sur notre figure, sur nos vêtements, dans nos actes. Les gens le savent. Alors si nous les ignorons, si nous ne les saluons pas, si aucun merci ou sourire ne passe nos lèvres, que vont-ils penser ? Ils se diront que les chrétiens sont des menteurs, qu’ils prônent la charité mais qu’ils ne la vivent pas. Enfin, le dernier petit conseil serait de ne pas changer notre discours en fonction d’une situation ou d’un interlocuteur. Là encore ce serait un mensonge. On a vu des gens tenir des discours forts en couleur dans un contexte, puis noyer leur conviction dans un autre. Ainsi, rebelles, nous avons pu invoquer notre sacro-sainte liberté pour refuser de mettre le masque à la messe le dimanche, même si on nous l’a demandé pour ne pas risquer la fermeture du lieu de culte. Puis, malgré peut-être un air furibond derrière l’infâme tissu, nous avons mis notre masque pour faire le plein de nourriture au supermarché. Il était facile de jouer au grand résistant dans un lieu, plus difficile dans l’autre. De même, nous avons parfois beaucoup « Dieu » à la bouche, chez nous, ou sur le parvis en sortant de la messe, mais nous tremblons à l’idée de parler de Dieu ou du prêtre à un collègue de travail, un voisin ou une personne rencontrée sur notre chemin. Et pourtant… Et pourtant peut-être que la vraie force et le vrai courage sont justement de rester des témoins en tout lieu et en tout temps. Sans tonitruer, accuser, excommunier, vilipender, Dieu réserve ce rôle à ses prélats et à certains de ses saints. Non, à la manière du témoin tranquille, de celui qui aime Dieu dans les plus petites choses et dans chaque personne croisée sur son chemin. Sans ostentation mais sans respect humain. Sans accusation ni jugement, mais avec vérité et conseil. Sans sentimentalisme mais avec la véritable charité, cherchant uniquement le salut éternel du prochain. 

Enfin, n’ayons pas peur du sacré. Souvent, quand nous parlons de Dieu, nous convoquons à notre secours la science, l’histoire, la philosophie. Cela est bon ! Mais nous oublions parfois le mystère et le sacré. Pourtant, c’est bien cela que les gens recherchent avant tout. N’oublions pas de parler des myriades d’anges qui entourent le trône de Dieu, de l’Immaculée Conception et de l’Incarnation, de la Résurrection qui aveugla et terrorisa les soldats romains, de l’amour de Dieu qui veut aimer personnellement chaque âme. Oh, certes, le miracle du soleil de Fatima, le Saint Suaire inexplicable par la science, l’histoire des premiers chrétiens, toutes ces choses sont des signes que Dieu est là. Mais le plus important n’est-il pas que Dieu nous a aimés au point de se faire chair ? Qu’il a voulu habiter parmi nous dans le seul but de mourir pour nous sauver ? Et me sauver moi en particulier ?

Peut-être pouvons-nous regarder comment font les enfants entre eux. Souvent, ils parlent aux autres de « leur Jésus », parfois gauchement, parfois en disant des bêtises, mais toujours avec une grande foi toute simple et aimante.

Le vieux monsieur pensait au prêtre, à Jésus. Un jour, il ouvrirait son cœur. La clé ? C’était la gaieté des petits enfants, ces joyeux petits apôtres.

 Louis d’Henriques

 

Aux jours de la moisson  

La pluie abreuve enfin la terre. En quelques jours, après les ondées de novembre, la peau dure des champs s’adoucit et se couvre d’un duvet vert tendre. Le blé est là, déjà là. Depuis plusieurs semaines, les paysans scrutaient le ciel. Parfois, des nuages traversaient l’azur, mais aucun ne daignait pleurer sur les semences enfouies dans les sillons. Après la sécheresse de l’été, si la pluie n’arrivait pas, le grain ne pourrait germer, l’hiver achèverait de le tuer, enseveli avant d’avoir pu éclore.

Puis, fin novembre, les lourdes nuées venues de l’océan ont déferlé sur les plaines et les collines, déversant leurs ondes. Les hauts sommets s’emmitouflent dans leurs manteaux de neige. Les lacs se remplissent, sur la rive chante le ressac. La terre se désaltère et boit tout ce qu’elle peut. Le grain germe, le blé est là. L’inquiétude du paysan s’envole, l’hiver peut arriver désormais. Peu importe, le printemps est déjà là, endormi, prêt à exploser dès que la lumière reviendra.

Car le paysan sait que l’eau fait germer, que la lumière nourrit et fait croître la plante. Il croit fermement que les jours vont commencer à rallonger après Noël. Le paysan a confiance, le blé va pousser. Alors il peut bien abandonner la semence à la terre pour l’hiver. Elle portera du fruit. Confiance et abandon. Oh, il ne peut pas tout contrôler, ni le gel, ni la sécheresse, ni les colères tempétueuses du ciel. Mais il sait que le grain germe et que l’eau et la lumière mèneront la jeune pousse jusqu’à la moisson. Cela a toujours été ainsi. Pourquoi en serait-il autrement demain ? La terre est capricieuse et rudoie ses serviteurs, mais elle ne trahit jamais, elle tient ses promesses.

Si la création tient ses promesses, combien plus le Créateur ! Un jour, un enfant fut surpris d’apprendre la mort d’une personne dont il demandait la guérison tous les jours à la prière du soir. « Pourquoi Dieu ne nous a-t-Il pas exaucés ? ». Notre Seigneur n’a-t-Il pas dit « Demandez, et vous recevrez. Frappez, et l’on vous ouvrira » ? Mais ce que nous voulons, Dieu le veut-Il aussi ?

Oui, si nous demandons à Dieu de nous donner les grâces nécessaires à notre sanctification, Il nous exaucera. C’est certain ! Oh, certes, nous avons beaucoup d’idées sur comment nous devons et voulons aller au Ciel. Mais Dieu a un autre plan que nous. Nous oublions trop souvent que Dieu sait mieux que nous ce qui sert notre sanctification et sa gloire. Dieu nous aime plus que tout ; tout ce qu’Il nous donne, tout ce qu’Il permet, les joies comme les épreuves, tout ce qu’Il fait n’a qu’une seule fin : nous ouvrir les portes du Ciel et nous amener à la sainteté. Cela, nous le savons. Souvenons-nous, nous trouverons dans notre mémoire le souvenir de grâces spéciales que Dieu nous a données. Et si nous regardons honnêtement notre vie, ne voyons-nous pas les myriades de grâces qui parsèment nos jours ici-bas ? Sacrements, enseignements, entourage, toute la création dont nous usons. Nous ne pouvons douter de l’amour de Dieu pour nous !

Alors, pourquoi parfois l’oublions-nous ? Pourquoi nous révoltons-nous parfois quand une grâce que nous avons demandée ne nous est pas accordée ? Nous savons si peu de choses, notre vision est obscurcie par la petitesse de notre nature et par nos attaches et nos desseins trop souvent limités à la vie d’ici-bas. Nous prions pour une maison, pour un emploi, pour une guérison, et nous avons raison, car ces choses terrestres peuvent être utiles à notre sanctification. Mais peut-être, parfois, oublions-nous de demander à Dieu une simple chose : L’aimer toujours plus et devenir un saint. Tout le reste ne sert que cette seule finalité.

Dieu veut nous donner le salut, Dieu veut nous inonder de sa charité. Si nous le demandons, Il nous exaucera. C’est le sens du « Demandez, et vous recevrez ». Le reste, ce ne sont que les moyens que Dieu nous donne pour atteindre ce but, selon un plan dont Lui seul connaît le déroulement. Ainsi, parce que nous avons la certitude que Dieu nous aime et nous guide vers le Ciel, nous devons avoir confiance et nous abandonner dans ses vues. Peu importe si telle ou telle prière n’est pas exaucée, c’est que notre demande n’était pas dans le plan d’amour de Dieu. Ainsi, à l’enfant qui se pose des questions, il faut lui dire que certains guériront par nos prières. D’autres non. Dieu seul sait pourquoi ! Nous, nous savons que c’est pour notre sanctification, celle du malade et celle de toute l’Eglise.

Comme le paysan qui confie la moisson nouvelle au sillon, alors que les ténèbres enveloppent la terre, nous savons que rien n’ira comme nous avons prévu – qui peut commander au ciel ? Mais nous savons que Dieu sera là tout au long de notre passage sur terre, comme l’eau et la lumière font pousser le blé. Le paysan travaille la terre, l’ensemence et la laboure, l’arrose de sa sueur, cela est son devoir. Le reste est dans les mains de Dieu. Nous, nous devons œuvrer à notre salut, ordonner notre vie dans ce but avec tout ce que cela implique tant matériellement que spirituellement. Le reste est dans les mains de Dieu. A la fin, quand la lumière aura repris ses droits, la moisson adviendra. Alors, haut les cœurs !

Le Sauveur naquit au cœur de la nuit du solstice, c’est-à-dire quand les jours commencent à rallonger, annonçant le triomphe de la lumière aux jours de la moisson. Cela, nous le savons, alors vivons le !

 

Louis d’Henriques

 

Le Paradis

Tôt ou tard, les parents sont confrontés aux grandes questions de leurs enfants. Parmi elles, une survient souvent : « Papa, c’est quoi le Ciel ? ». Tâche difficile que d’expliquer à de petites intelligences ce que nous-mêmes avons tant de mal à comprendre.

 

Dans sa tête, l’enfant imagine un immense amphithéâtre. Les premières places sont occupées par la Sainte Vierge, saint Joseph, les Apôtres, saint Jean-Baptiste, son saint patron. Ils sont assis, une grande auréole brillant au-dessus du chef, portant dans leur mains les instruments de leur martyr ou symbolisant leur glorification. L’enfant est heureux d’avoir un petit strapontin dans les tribunes les plus simples. Et puis, sur une grande scène qu’il imagine pleine de lumière, entourées de myriades d’anges aux ailes immaculées, le Bon Dieu trône. Difficile de se le représenter. Heureusement, il connaît mieux Jésus. Alors, il le voit avec sa croix, ses plaies, sa couronne de gloire. Il lui sourit.

Ça a l’air bien. Puis, l’enfant fronce les sourcils et pose la question fatidique : « mais on ne va pas s’ennuyer si ça ne finit jamais ? On va rester assis comme ça tout le temps ? ». Déjà, rester assis pendant une heure de catéchisme à l’école avant la récréation est un calvaire, alors une éternité ? Cela laisse songeur.

Et pourtant… On raconte parfois l’histoire d’un moine qui s’interrogeait sur ce qu’était le Paradis. Un jour, après l’office, traversant le cloître, il aperçoit un immense rapace planant dans le ciel. L’oiseau majestueux vole, dessinant sur les nuées de longues boucles apaisées. Le moine contemple l’oiseau. Pendant ce qui lui semble un instant, le temps s’arrête. Soudain, l’oiseau disparaît. Reprenant ses esprits, le moine redescend sur terre. Mais les visages lui sont étrangers. Il y a toujours des moines, mais il n’en reconnaît pas un seul. Il questionne ses frères inconnus, et comprend que deux siècles avaient passées en un instant.

 

Alors, qu’est-ce que le Paradis ? Que répondre à l’enfant qui nous questionne ? Comment lui donner envie de tout donner, à chaque seconde de sa vie, pour y être un jour ? Comment lui donner envie d’être au premier rang et pas sur un petit strapontin au fond ?

Le Vrai, le Bon, le Beau.

 

D’abord la Vérité. Les yeux de l’enfant pétillent de joie quand nous lui révélons quelque chose de vrai, quand nous lui expliquons une vérité qu’il ignorait jusque-là. Il se sent changé et grandi. Au Paradis, il connaîtra Dieu autant que la nature humaine le permet. De façon inimaginable certes, mais déjà sur terre, il goûte à la joie de connaître. Les choses de la terre, mais plus encore, les choses du Ciel. Tous, un jour, nous avons >>> >>> soudainement compris une vérité du catéchisme que nous connaissions auparavant sans vraiment la connaître. Quel don cela fut ! Petit aperçu des torrents de vérités qui nous abreuveront au Paradis.

 

Puis la Bonté. Qui n’a jamais surpris une fois son fils ou sa fille offrir un petit sacrifice de carême, mais cette fois, sans le dire à papa ou maman ? Un petit cadeau offert à Dieu seul, dans le secret de l’âme. Un acte bon et gratuit. L’enfant goûte alors au délice de la Charité. Comme il se sent heureux d’avoir donné ! Au Paradis, il se donnera tout entier à Dieu, à chaque instant, don totalement pur. Dieu, en retour, se donnera à l’âme aimée, dans une relation de charité qu’aucun cœur humain ne peut sonder. Le petit sacrifice offert en secret donne un avant-goût de ce que sera le Paradis.

 

Enfin vient la Beauté. Elle couronne la vérité et l’amour. Certains enfants y sont plus sensibles que d’autres. L’un remarquera aussitôt le feu du ciel au couchant, les couleurs vives d’un papillon ou encore l’éclat de lune tranchant les ténèbres la nuit. D’autres devront être guidés pour contempler. Mais tous, nous devrions apprendre à s’émerveiller et l’apprendre à nos enfants. En effet, pour véritablement comprendre ce que sera le Paradis, il peut être bon de savoir contempler les perfections de la Création d’abord. Elles entraînent à contempler ensuite les perfections de la Foi qui sont les prémices de celles du Paradis. L’enfant qui sait s’émerveiller comprendra mieux la promesse du Paradis. Alors il voudra y aller vite. Comme il pousse ses frères et sœurs pour mieux voir le lièvre qui détale au bout du champ, il se fera violence pour ne pas juste avoir un petit strapontin, mais s’asseoir peut-être à côté de son saint patron, au plus près de Dieu.

 

Alors, à la question de l’enfant « Papa, c’est comment le Ciel avec le Bon Dieu ? » Il faut répondre : « rappelle-toi la joie que tu as quand tu découvres et comprends quelque chose de vrai. Souviens-toi du bonheur que tu as quand tu aimes et te sais aimé, quand tu donnes et offres un petit bout de toi-même. Enfin, remémore-toi quand tu as vu la plus belle chose de ta vie, quel émerveillement cela fut. Réunis tout cela à la fois, et multiplie-le à l’infini du Bon Dieu, alors tu imagineras mieux le Paradis. Le Paradis c’est tout cela en même temps, plus fort que tout ce que tu peux imaginer et sans que jamais cela ne s’arrête. Veux-tu y aller ? »

Il est important que nos enfants aient un profond désir d’aller au Paradis, que cela ne soit pas juste une vague idée, non, mais un vrai but dans la vie. Ainsi, ils emprunteront plus facilement le « chemin du Ciel » fait de croix et de renoncements.

Ce désir peut naître et se nourrir de l’éveil au Beau, la Beauté étant tout simplement le reflet de Dieu. En contemplant la beauté des petites choses que le Bon Dieu glisse autour de nous, nous pouvons apprendre à mieux contempler la crèche et la croix, le baptême et le martyr, la pénitence et la vertu.

« Alors mon fils, veux-tu aller au Paradis ? »

« Oh oui, je le veux, tout devant ! »

 

Louis d’Henriques

 

Petites réflexions sur l’école  

Les grandes vacances d’été sont un temps long, propice à préparer la rentrée. Les repas en famille, les emplois du temps allégés, les longues discussions le soir quand la chaleur se fait plus douce, les retrouvailles avec les cousins et les grands-parents, tous ces moments sont des temps précieux où nous pouvons regarder notre vie, sortir la tête de l’eau et apercevoir l’horizon au loin. Ce sont aussi des temps où nous pouvons contempler ce qui nous entoure, nous nourrir des multiples enseignements que la Providence glisse dans notre vie quotidienne et que souvent nous ne voyons pas quand nous courrons après les obligations de l’année scolaire qui rythment nos journées sans répit.

Aujourd’hui c’est la rentrée. Le quotidien revient avec ses nouveaux impératifs, comme chaque année en septembre. Alors, avant de replonger et affronter les courants, prenons quelques minutes pour replacer la fin au dessus de nos actions. Que faisons-nous ? Mais surtout pourquoi ? 

L’école est un lieu où nos enfants vont recevoir un enseignement. Le but est de former la nature humaine blessée par le péché originel. Nos premiers parents avaient la science infuse et l’amitié avec Dieu en naissant. Mais, depuis le premier péché, nous devons acquérir le peu de science que les siècles ont accumulé et nous devons apprendre à connaître Dieu par le catéchisme et l’éveil spirituel. Là est le premier but de l’école, qui vient en complément de l’éducation que nous recevons de nos parents. L’école apporte ce que la famille ne peut apporter. Mais le but est le même. L’enfant est comme un verre vide, sec et creux, seule l’eau de la connaissance peut le remplir. Connaissance de Dieu, de la Création et de ses lois, de la culture de nos pères. Cela doit nous conduire à être docile face au maître, accepter notre ignorance afin de recevoir l’enseignement. L’élève qui croit tout savoir est un enfant arrogant, demain, il sera un adulte sot. Aussi, que les enfants se rappellent leur ignorance, de là viendra l’envie d’apprendre. Que les parents veillent à ce que leurs enfants soient dociles à la maison, afin de l’être aussi à l’école. Ceci est la première réflexion.

L’eau vive de la connaissance que les maîtres enseignent, ce sont nos parents, nos aïeux, les générations passées qui l’ont puisée. Aristote, saint Thomas d’Aquin, saint Augustin, Mendel, Newton, Pythagore, derrière chacun de ces noms qui parsèment les manuels scolaires se trouve un homme qui est venu ajouter sa pierre à l’édifice de la connaissance humaine, l’un ne pouvant avancer sans son prédécesseur. Et nous au milieu ? Souvent, nous peinons à acquérir ce que nos anciens ont inventé. Car finalement la nature humaine reste la même. Nous ne sommes pas plus intelligents que nos anciens avec nos téléphones et nos ordinateurs. Peut-être même sommes-nous plus bêtes, ayant des encyclopédies en deux clics dans nos poches mais pas grand chose dans nos caboches. Cela doit nous conduire à plus d’humilité. De cette humilité découle la confiance en nos maîtres et l’obéissance à nos éducateurs. Que les parents travaillent cette humilité, malgré les grands débats en famille ou sur internet, les avis tranchés et la multitude d’inepties que nous ingérons, nous sommes des nains juchés sur les épaules de ceux qui nous précédent. Voire des sots abrutis par l’instantanéité et la sentimentalité de notre époque. Que les enfants apprennent à se mettre à l’écoute de leurs aînés, afin de continuer jusqu’à la mort à s’émerveiller. Voilà la deuxième réflexion.

 

Enfin, notre époque moderne a inversé les valeurs. Nous savons cela et en constatons les dégâts partout autour de nous : sous-culture bon marché et vulgaire, débats politiques et sorties littéraires souvent médiocres quand ce n’est pas sordide ou scandaleux (causant de nombreux péchés), collègues de travail ne sachant plus ni écrire, ni exprimer une idée, et de plus en plus anti-culture, wokisme et culture de mort. Mais sommes-nous si certains de ne pas être nous aussi infectés par l’air ambiant ? Après tout, nous respirons, nous aussi, ce même air vicié. Notamment, ne sommes-nous pas parfois influencés par les idées modernes : individualisme et négation du péché ? Nos enfants, malgré leur jolies petites bouilles, sont blessés par le péché. Comme nous, ils seront paresseux, orgueilleux, menteurs ou insolents, ou tout cela à la fois. Comme nous, ils feront la foire en classe, rechigneront à l’effort, mépriseront leur professeur ou répondront à l’abbé, ou tout cela à la fois. Depuis quelques années, les enfants hyper-actifs, surdoués, incompris ou inadaptés au système pullulent. Mais, il n’y aurait plus de cancres ? De paresseux ? D’orgueilleux et de menteurs ? Ne tombons pas dans le panneau. Si certain cas sont avérés et si les parents font bien de veiller à cela, n’oublions pas que nos enfants sont de jeunes pousses qui ont besoin de tuteur droit et contraignant pour pousser vers le Ciel, sans quoi ils ramperont sur le sol ou casseront au premier coup de vent. Voilà la troisième réflexion.

En cette période de rentrée, gardons ces petites réflexions à l’esprit. Le bon élève est celui qui, docile et humble, se met à l’écoute de ses maîtres pour grandir vers le Ciel, celui qui travaille à corriger ses défauts avec l’aide de ses éducateurs, celui qui travaille au mieux de ce qu’il a comme talent pour accomplir la volonté de Dieu et un jour parfaire la Création par son métier. Le mauvais élève est celui qui méprise l’enseignement donné, refuse de se corriger et ménage son petit confort. Et nous-mêmes, parents ou adultes ? Sommes-nous de bons élèves ? L’école ne cesse jamais. Dieu place sans cesse des maîtres sur notre route : nos abbés, nos anciens dont les écrits doivent s’aligner dans nos bibliothèques, la Création qui nous entoure et que Dieu nous donne pour nous émerveiller et nous initier à la contemplation et à la connaissance de ses perfections. Sommes-nous humbles et dociles envers ces maîtres ? Sommes-nous de bons élèves ? Méditons cela tandis que les dernières journées d’été meurent avec septembre.

 

Louis d’Henriques

 

 

 

 

 

 

 

En Vous, je mets ma confiance  

Ô maître du Ciel, je vous donne ma faiblesse.

Dieu incarné a revêtu la faiblesse de notre nature. Les langes de la crèche qui emmaillotaient Jésus sont le symbole de la nature humaine avec laquelle la Très Sainte Vierge Marie a revêtu le Dieu Vivant. Merveilleuse livrée de chair, qui a rendu Dieu passible, qui a rendu possible la Victime Parfaite. Nature faible, nature passible, nature mortelle, nature immolée sur la Croix, nature glorieuse !

La gloire de Dieu jaillit dans la faiblesse de l’homme transcendée par la grâce !

Jadis, on me conta l’histoire d’un vieux moine qui cherchait à offrir à Dieu le plus beau des cadeaux. Son esprit fourmillait d’idées : une plus grande abbatiale ? Un nouvel hymne de sa composition d’une beauté à saisir même les pierres de l’édifice ? Les pénitences les plus dures ? Cilice, jeûne, discipline ? Les oraisons les plus pieuses ? Oui, tant de beaux cadeaux ! Alors, il les offrit à Dieu, le cœur léger. Dieu serait content, c’était certain.

Cependant, un jour de Noël, lors d’une oraison, Jésus lui apparut, Jésus enfant. Il devait avoir cinq ou six ans. Le moine fut saisi, Jésus était resplendissant de grâce et de beauté. L’Enfant lui demanda : « C’est mon anniversaire aujourd’hui. Veux-tu m’offrir un cadeau ? » « Oh oui », répondit le moine enthousiaste, qui lui proposa aussitôt tous ses mérites : des milliers de prières offertes, des pénitences accumulées par des années de vie monastique, des messes célébrées avec ferveur, tout, absolument tout, « je vous donne tout cela, ô mon Dieu ». Mais l’Enfant répondit « tout cela est déjà à moi. Ces mérites, c’est l’œuvre de ma grâce ». Le moine fut embarrassé. Il proposa alors sa bonté, sa douceur, sa joie, toutes ses vertus ciselées par des années de vie religieuse. « Mais tout cela m’appartient déjà, ce sont les fruits de ma grâce. N’as-tu donc rien à m’offrir ? ». Le pieux moine resta tout déconfit. Que pouvait-il offrir ? Ah, si ! « Ô mon Dieu, je vous offre ma vie toute entière, mes peines, mes souffrances passées. Puis donnez- moi la maladie et la souffrance, je vous offrirai alors toutes ces nouvelles peines, toutes ces larmes, ma vie toute entière, je vous la donne ô mon Dieu ». « Mais je suis ton Créateur, ta vie toute entière est déjà mienne, avec son lot de souffrances et de peines », murmura Jésus.

Le moine fondit en larme. N’avait-il donc rien à offrir à l’Enfant Dieu ? « Ô mon Jésus, alors, que puis-je vous offrir que nous n’ayez pas déjà ? ». Jésus lui sourit : « Ce que je veux, c’est ta faiblesse. N’ai-je pas revêtu les péchés du monde pour mourir sur la Croix et faire éclater la Gloire de mon Père ? Ce que je veux que tu me donnes, c’est le poids de tes péchés passés, pour les expier sur la Croix, c’est ta faiblesse, pour en faire l’écrin de ma Gloire ».

La confiance naît du repos en Dieu.

Dieu sait mieux que nous qui nous sommes, Il connaît nos faiblesses et nos péchés. Pourtant, Il nous aime, d’un amour infaillible. On pourrait même dire qu’il aime notre faiblesse, car si nous la Lui donnons, alors sa grâce sera féconde et sa gloire jaillira comme la lumière du jour fend les ténèbres. Comme cela est réconfortant ! Aussi, n’ayons pas peur, mais au contraire, embrassons la vie chrétienne avec confiance. Je suis paresseux ? Si je donne ma paresse à Dieu, entre ses mains elle deviendra courage et vigueur. Je suis orgueilleux ? Dieu fera jaillir l’humilité. Je suis impatient et colérique ? Dieu me rendra doux. La seule chose que Dieu nous demande, c’est de Lui donner nos faiblesses pour marcher à sa suite, embrasser nos petites croix, accomplir chaque jour de petits pas vers Lui, nous relever quand nous tomberons et reprendre le bâton de marche. C’est Lui qui agit en nous. La seule chose que nous pouvons faire avec nos seules petites possibilités, c’est pécher. Mais avec Dieu qui agit en nous, nous devenons des saints. Dieu veut que nous nous déchargions de notre faiblesse sur Lui, comme il endossa notre nature humaine et nos péchés, pour qu’ensuite, vidés de nous, nous soyons remplis de Lui. 

La confiance construit l’homme. Elle le bonifie et le fortifie. Elle le rend meilleur. Cela est valable dans les fiançailles. Oui, le fiancé va offrir à sa fiancée sa force, son idéal, son éducation, ses talents, son humour, tout ce que Dieu a déposé de bon en lui et qu’il a fait fructifier. Mais il doit aussi offrir à sa fiancée ses défauts : son orgueil, sa vantardise, sa paresse, son égoïsme. Car sa fiancée est l’instrument que Dieu a voulu pour le sanctifier. Elle sera le doigt de Dieu dans sa vie, avec elle à ses côtés, il apprendra l’humilité, la générosité, le courage et la persévérance. Comme le saint moine donna à Dieu sa faiblesse, le fiancé doit donner ses faiblesses à sa fiancée, avec confiance, car à travers elle, c’est à Dieu qu’il se confie, elle sera l’instrument de sa sanctification.

De même, que le fiancé apprenne à connaître les faiblesses de celle qui sera sa femme. Qu’il découvre son respect humain, son impatience, son irascibilité, sa paresse car il sera l’instrument de Dieu pour les corriger, pour faire jaillir du sein de la faiblesse de sa femme la gloire de Dieu qui resplendit dans le cœur héroïque des mères de famille catholiques.

 

De la confiance naît l’engagement.

Ceux qui cherchent le fiancé parfait ou la fiancée parfaite se voilent la face. Sont-ils parfaits eux-mêmes ? Dieu a-t-Il cherché leur perfection ? Non, Il a d’abord cherché leurs faiblesses. Les fiancés qui se font confiance, qui se livrent l’un à l’autre leurs qualités mais aussi leurs faiblesses, s’engagent en vérité ; pour eux, sous leurs pas, Dieu ouvre le chemin de la sainteté !

Louis d’Henriques

 

Jésus ne lui répondit rien  

Entendant que Jésus est Galiléen, Pilate envoie Jésus chez Hérode, pensant ainsi se défaire d’une situation qui l’embarrasse. Pilate, prisonnier de l’opinion de la foule, hésite à condamner le Juste. Alors il saisit l’aubaine : Hérode tranchera. Le faible se défausse sur le roi mondain.

 

           Hérode voit là une aubaine, un beau divertissement pour lui et les flatteurs qui l’entourent. Jésus pourrait faire un miracle ? Un prodige ? Quelque chose de sensationnel ? Le monde cherche sans cesse le spectacle, mais passe à côté de ce qui est vraiment, du beau, du bon, du vrai.

Mais Jésus ne lui répondit rien.

 

  Jésus parle à Judas, à ses juges qui le bafouent, aux soldats du temple qui le giflent et lui crachent au visage. Il parle à Pilate. Il adresse une parole de charité aux filles de Jérusalem. Aux égarés par faiblesse, par peur, par ignorance, il apporte la vérité, une lumière. Il implore même le pardon à ses bourreaux lorsqu’il s’écrie sur la Croix : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ».

Mais à Hérode, Jésus ne répondit rien.

 

  A toutes ces paroles, s’ajoutent les regards. Imaginons-nous le regard de Jésus ? On dit que le regard est une fenêtre sur l’âme. Souvent, dans des yeux, nous percevons en effet l’insondable, l’immatériel, l’âme ! Voilà pourquoi nous sommes transpercés par le regard de la Vierge Marie, mère de douleur, son fils mort descendu de la croix dans les bras. Qui peut soutenir un tel regard sans honte et profonde componction pour ses péchés ? Voilà pourquoi le regard de Jésus retourna le cœur de saint Pierre qui venait de le trahir. Pierre se retira et pleura amèrement. Merveilleux don des larmes suscité par un regard de Jésus. Mais avec Hérode, Jésus garde les yeux baissés. Pas un mot, pas un geste, pas un regard.

 

  De dépit, Hérode affuble Jésus de la robe des fous. Les moqueries fusent, les railleries. Dieu outragé par la volupté, par la sensualité, par la recherche effrénée du plaisir des mondains. Dieu ne leur adresse pas un regard, pas un geste, pas une parole. Car les âmes enchaînées dans les plaisirs du monde ne peuvent la recevoir. Terrible sentence ! Pas un mot de Dieu. Des cœurs tellement fermés à la grâce que Dieu ne donne plus la grâce. Comme c’est terrifiant ! Pourtant Hérode était heureux que Jésus vînt chez lui. Peut-être était-il sincèrement attiré par ses prodiges. Mais, il ne voyait que l’homme, il ne voyait que le spectacle, que le sensible chez Jésus. Il ne recherchait pas la vérité, la vraie sagesse, la croix que Jésus demande de porter pour le suivre, le vrai amour fondé sur la volonté. Il ne voulait pas voir Dieu. Comme parfois, nous recherchons trop à sentir Dieu, à sentir sa paix, sa joie, à le voir nous obtenir moult bien matériels. Mais à côté, nous rechignons à méditer, à nous sacrifier, à travailler la terre de notre âme pour que la grâce y donne du fruit. Puis, nous nous étonnons que Dieu reste sourd à nos prières. >>> >>> Jésus ne lui répondit rien.

  Pour savoir parler à Dieu et obtenir la grâce de son regard et de sa parole, il faut fuir le palais d’Hérode. Fuir le monde et ses sirènes, fuir la sagesse du monde qui est folie pour Dieu.

 

  Pères de famille, n’oublions pas que nous sommes responsables de l’âme de nos enfants, même l’été ! Prenons-nous le temps de veiller sur l’organisation des vacances de chacun d’entre eux ? Vers quoi nous tournons-nous ? Les saines détentes en famille ? Les camps scouts ? Les grandes virées en montagne ou dans nos campagnes ? Les visites de nos trésors architecturaux ? Les veillées aux étoiles ou les affûts au gibier dans les bois ? Les lectures saines sous le soleil de midi ? Les longs cafés ou apéros à parler avec ses adolescents de leur avenir ? Ou plus simplement la vie simple en famille autour des grands-parents ou des amis ?

Ou projetons-nous d’emmener notre famille dans les lieux où le monde danse dans la débauche comme Salomé à la cour d’Hérode ? Méfions-nous des plages fréquentées où le péché s’étale à tous les vents. Méfions-nous des grandes fêtes mondaines où, très vite, le soir, le péché ruisselle, par les mots, les tenues, l’alcool et les danses sensuelles. Méfions-nous des lieux et des évènements où le monde a son emprise, car son emprise pourrait s’étendre sur nos cœurs. Nous avons le devoir de fuir tous ces lieux où, honnêtement, aujourd’hui, un chrétien n’a plus sa place. Comme dans le palais d’Hérode, Dieu y sera silencieux. Pas un geste, pas un mot, pas un regard de Dieu, car Dieu ne peut donner sa grâce à des cœurs qui n’en veulent pas. Cela est terrifiant !

  Méditons-cela. Demandons à Dieu la grâce qu’Il nous regarde comme il regarda Pierre après le chant du coq.

Louis d’Henriques

 

Jésus ne lui répondit rien  

Entendant que Jésus est Galiléen, Pilate envoie Jésus chez Hérode, pensant ainsi se défaire d’une situation qui l’embarrasse. Pilate, prisonnier de l’opinion de la foule, hésite à condamner le Juste. Alors il saisit l’aubaine : Hérode tranchera. Le faible se défausse sur le roi mondain.

           Hérode voit là une aubaine, un beau divertissement pour lui et les flatteurs qui l’entourent. Jésus pourrait faire un miracle ? Un prodige ? Quelque chose de sensationnel ? Le monde cherche sans cesse le spectacle, mais passe à côté de ce qui est vraiment, du beau, du bon, du vrai.

Mais Jésus ne lui répondit rien.

  Jésus parle à Judas, à ses juges qui le bafouent, aux soldats du temple qui le giflent et lui crachent au visage. Il parle à Pilate. Il adresse une parole de charité aux filles de Jérusalem. Aux égarés par faiblesse, par peur, par ignorance, il apporte la vérité, une lumière. Il implore même le pardon à ses bourreaux lorsqu’il s’écrie sur la Croix : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ».

Mais à Hérode, Jésus ne répondit rien.

 

  A toutes ces paroles, s’ajoutent les regards. Imaginons-nous le regard de Jésus ? On dit que le regard est une fenêtre sur l’âme. Souvent, dans des yeux, nous percevons en effet l’insondable, l’immatériel, l’âme ! Voilà pourquoi nous sommes transpercés par le regard de la Vierge Marie, mère de douleur, son fils mort descendu de la croix dans les bras. Qui peut soutenir un tel regard sans honte et profonde componction pour ses péchés ? Voilà pourquoi le regard de Jésus retourna le cœur de saint Pierre qui venait de le trahir. Pierre se retira et pleura amèrement. Merveilleux don des larmes suscité par un regard de Jésus. Mais avec Hérode, Jésus garde les yeux baissés. Pas un mot, pas un geste, pas un regard.

 

  De dépit, Hérode affuble Jésus de la robe des fous. Les moqueries fusent, les railleries. Dieu outragé par la volupté, par la sensualité, par la recherche effrénée du plaisir des mondains. Dieu ne leur adresse pas un regard, pas un geste, pas une parole. Car les âmes enchaînées dans les plaisirs du monde ne peuvent la recevoir. Terrible sentence ! Pas un mot de Dieu. Des cœurs tellement fermés à la grâce que Dieu ne donne plus la grâce. Comme c’est terrifiant ! Pourtant Hérode était heureux que Jésus vînt chez lui. Peut-être était-il sincèrement attiré par ses prodiges. Mais, il ne voyait que l’homme, il ne voyait que le spectacle, que le sensible chez Jésus. Il ne recherchait pas la vérité, la vraie sagesse, la croix que Jésus demande de porter pour le suivre, le vrai amour fondé sur la volonté. Il ne voulait pas voir Dieu. Comme parfois, nous recherchons trop à sentir Dieu, à sentir sa paix, sa joie, à le voir nous obtenir moult bien matériels. Mais à côté, nous rechignons à méditer, à nous sacrifier, à travailler la terre de notre âme pour que la grâce y donne du fruit. Puis, nous nous étonnons que Dieu reste sourd à nos prières. >>> >>> Jésus ne lui répondit rien.

  Pour savoir parler à Dieu et obtenir la grâce de son regard et de sa parole, il faut fuir le palais d’Hérode. Fuir le monde et ses sirènes, fuir la sagesse du monde qui est folie pour Dieu.

 

  Pères de famille, n’oublions pas que nous sommes responsables de l’âme de nos enfants, même l’été ! Prenons-nous le temps de veiller sur l’organisation des vacances de chacun d’entre eux ? Vers quoi nous tournons-nous ? Les saines détentes en famille ? Les camps scouts ? Les grandes virées en montagne ou dans nos campagnes ? Les visites de nos trésors architecturaux ? Les veillées aux étoiles ou les affûts au gibier dans les bois ? Les lectures saines sous le soleil de midi ? Les longs cafés ou apéros à parler avec ses adolescents de leur avenir ? Ou plus simplement la vie simple en famille autour des grands-parents ou des amis ?

Ou projetons-nous d’emmener notre famille dans les lieux où le monde danse dans la débauche comme Salomé à la cour d’Hérode ? Méfions-nous des plages fréquentées où le péché s’étale à tous les vents. Méfions-nous des grandes fêtes mondaines où, très vite, le soir, le péché ruisselle, par les mots, les tenues, l’alcool et les danses sensuelles. Méfions-nous des lieux et des évènements où le monde a son emprise, car son emprise pourrait s’étendre sur nos cœurs. Nous avons le devoir de fuir tous ces lieux où, honnêtement, aujourd’hui, un chrétien n’a plus sa place. Comme dans le palais d’Hérode, Dieu y sera silencieux. Pas un geste, pas un mot, pas un regard de Dieu, car Dieu ne peut donner sa grâce à des cœurs qui n’en veulent pas. Cela est terrifiant !

  Méditons-cela. Demandons à Dieu la grâce qu’Il nous regarde comme il regarda Pierre après le chant du coq.

Louis d’Henriques

 

Etre ou paraître

           Il fait nuit. Il fait froid. Il doit être entre deux et trois heures du matin. Dans la ville, les rues sont désertes, ou presque. On croise quelques fêtards avinés, rentrant de soirée. Sur les façades, quelques rares fenêtres restent éclairées de flashs colorés, un écran de télévision passe un film devant des spectateurs avachis. Les lampadaires éclairent des rues tristes et sales. La ville, sans les atours du jour, paraît ce qu’elle est : sans cœur, sans vie, sans joie. Sous un pont, un misérable lutte contre le vent glacial, recroquevillé sous une couverture rendue rigide par la crasse. Quelques voitures passent, un boulanger parti faire chauffer les fours, une infirmière ou un ouvrier de nuit, allant prendre son poste ou retournant chez lui profiter d’un repos mérité. Le monde s’est éteint. La ville moderne n’a pas d’âme. Oh, il y a bien dans son cœur historique une vieille église, de hautes murailles, une tour altière, un ancien palais aux façades classiques. De vieux immeubles s’alignent avec grâce dans l’obscurité, certains ayant encore dans un coin une alcôve contenant une antique statue de la Vierge. Mais l’âme du pays s’en est allée. La ville paraît vivante, mais elle est comme un sépulcre blanchi. Elle a gardé la forme de la chrétienté, mais son âme est morte, tuée par le péché.

  Dans la campagne, la cloche sonne. Les étoiles brillent dans le ciel. Une brume traîne sur le pays. Dans les cellules, les moines se lèvent sans bruit. Ils revêtent leur bure, puis doucement descendent à la chapelle. En entrant, tous se signent. La voûte murmure, c’est le bruit des pas étouffés sur les dalles ; les stalles se remplissent. Soudain, une voix brise le temps et réchauffe la pierre : « Domine, labia mea aperies ». Les matines commencent.

  Notre monde est un monde du paraître. Sans cesse, ses enfants, réduits à l’état d’individus, cherchent la gloriole des hommes et la pompe de Satan. Ils se gavent d’un flot ininterrompu d’actualités, si vif, si volumineux que le débit ne permet pas la plus petite réflexion. Ils postent sur les réseaux sociaux, tous les jours, partout, sur n’importe quoi. Sans aucune pudeur, on dévoile à la terre entière son intimité, un baiser avec son conjoint, un sourire de son enfant, le contenu de son assiette ou même encore ses petites émotions pleines de bons sentiments à faire pleurer dans les chaumières. On pleurniche sur le sort des forêts sud-américaines, on s’indigne sur l’infortune des affamés par les guerres du monde, on proteste contre le sort réservé aux minorités, mais on ne voit pas le réel, on ne veut pas voir le mendiant sous sa porte, le voisin qui vit enfermé dans une solitude pire que la plus obscure prison, son concitoyen qui fait face à la ruine ou à la détresse. Même au travail, de plus en plus, il faut paraître. Faire semblant. Se montrer. Avec ses masques, ceux en tissu qui cachent le visage, ceux invisibles qui cachent tout son être pour paraître, pour se donner une image et une contenance. Jouer des coudes quitte à écraser un collègue, mentir, pour se mettre en avant. Dans ce jeu sans merci, tout devient mauvais théâtre, rôles de pacotille, bal des illusions mal dansé.

  Au fond de l’abbatiale, le silence enveloppe les moines. Pas un bruit. On entend presque la pierre respirer, doucement, portée par la terre, sous le regard du Ciel. Un moine en surplis rentre doucement, suivi d’un moine en chasuble. Génuflexion. Signe de croix. Un murmure, imperceptible, la messe commence.

  Le monde, lui, continue sa course. On s’agite mais on n’agit plus. On gesticule mais on ne maintient plus. On pleurniche mais on ne pleure plus. On ricane mais on ne rit plus. On s’abrutit de musiques insanes mais on ne chante plus. On consomme de plus en plus mais on ne donne plus à l’indigent. On accumule les amis sur internet mais on ne salue plus le passant de chair croisé dans la rue. On invective mais on ne débat plus. On condamne mais on ne pardonne plus. On palabre et on se pavane mais on ne parle plus. On prêche la tolérance et la différence, mais on ne sait plus écouter son prochain. On fait du yoga mais on ne médite plus. On consulte le psychologue mais on évite le prêtre. On étale sa vie à tous les vents mais on ne se confesse plus. On se crée des idoles mais on ne prie plus. On ment aux autres et à soi-même, on paraît mais on n’est plus.

  Le cantique à la Vierge s’achève, en un dernier soupir. Les religieuses sont agenouillées, le visage dans les mains. La nuit a saisi la terre. Le temps semble arrêté. Une prière silencieuse monte vers le Ciel et satisfait le Cœur divin. Les religieux et les prêtres tiennent le monde dans leurs prières. Ils ne paraissent pas, ils sont en Dieu. Ils se cachent dans le cloître, et pourtant, ils vivent plus véritablement que tous les hommes.

  L’air du temps souffle partout. Même les catholiques se bercent à ses illusions, s’accommodent de ses mensonges. Faisons le point sur notre vie : quelle utilisation faisons-nous des réseaux sociaux ? Ne sommes-nous pas en train de nous pavaner ? De jouer un mauvais rôle ? Pompes de Satan. Sommes-nous apôtres ? Ou taisons-nous la Vérité par convenance, par peur, parce qu’au travail, ce n’est pas le lieu ? Avons-nous oublié que chacun de nos collègues a coûté le sang du Christ ? Combien de temps passons-nous à regarder la télévision, des films ou des séries ? Ce temps si précieux qui s’égrène dans les mains de Dieu, ce temps qui coule inexorablement jusqu’à la mort ! Et combien de temps passons-nous à prier ? Où sont nos méditations et nos lectures spirituelles ? Quand nous manifestons et prions publiquement, prions-nous vraiment ou nous agitons-nous, plus inquiets de l’impact politique et médiatique de notre action que cherchant à toucher le cœur de Dieu ? Voyons-nous notre vie comme Dieu la voit ou comme les hommes la voient ? Voulons-nous paraître auprès des hommes ou être et demeurer en Dieu ?

 

  Méditons cela, à l’approche du Carême, qui pourra être l’occasion de faire le ménage, de couper un fil qui nous retient de devenir un saint. N’oublions pas, sans la prière, mais aussi sans la pénitence, nous ne pourrons nous approcher de Celui qui Est.

  Dans le froid de l’hiver, allongé sur son lit, tenaillé par l’agonie, un saint moine rend son âme à son Créateur. Oh, il n’y aura pas d’article de presse, de marche blanche bougie à la main, point de déclaration larmoyante et fausse, point de pleurnicheurs pour s’émouvoir sur les réseaux sociaux, rien de tout cela. Mais il y a les trompettes des anges qui proclament son entrée dans le sein de Dieu pour l’éternité. Qui les entend ? 

 

Louis d’Henriques

 

Le Dieu mendiant

           Triste novembre s’en est allé. Ce long mois qui apporte avec lui la nuit et le froid, le voilà enfin parti. C’est lui qui nous plonge dans l’hiver, lui qui tue le jour à petit feu et fait régner les ténèbres. Lui qui emporte la joie de l’été et des jours ensoleillés dans la tombe. Triste novembre…

           Et pourtant … si on y regarde mieux, novembre est l’aboutissement de toute l’année avant un nouveau cycle. L’aboutissement en effet. On ramasse les derniers fruits du verger. Les châtaigniers laissent choir les châtaignes, les arbres sèment la semence de l’avenir. Le geai chapardeur enfouit les glands sous les feuilles mortes. Le paysan laboure et sème le blé nouveau qui attendra au creux des sillons les jours nouveaux, tandis que la nuit étend son règne, rien ne semblant pouvoir l’arrêter. Tout semble terne. Et soudain, au détour d’un chemin, surgit un arbre flamboyant : ses feuilles sont revêtues de pourpre, d’or et d’ambre. Quoi ? Alors que la mort est en train de lui donner son ultime baiser, le voilà qui s’habille de sa plus belle livrée ? Et il n’est pas le seul ! Le long du ruisseau, les hauts peupliers processionnent tels des rois couronnés d’or, les chênes rutilants s’embrasent, les hêtres se prosternent dans leurs robes ambrées, les charmes s’illuminent, et les érables revêtent le soleil lui-même, comme s’ils capturaient sa lumière dans leurs feuillesaa agonisantes. Voilà que les arbres s’habillent pour mourir ! Les bourrasques de novembre emportent pourtant leurs feuilles avec elles, les jetant au sol, ne laissant bientôt que les branches nues. Nues ? Vraiment ? Le cycle se termine, mais les bourgeons sont déjà là, portant en leur sein la promesse que la lumière reviendra.

  Dans un cimetière, une famille meurtrie se penche une dernière fois sur le trou béant où repose un frère, un père, un fils. Les cœurs saignent. Tandis que le soir tombe sur la terre, les chants supplient, les dernières prières implorent, les flots de larmes ravagent les visages. Du fond de l’abîme j’ai crié vers toi Seigneur. Ecoute ma prière, sauve-moi de mes ennemis, sans toi, je suis perdu. Que la lumière qui ne s’éteint pas luise sur nos morts. Les arbres s’habillent pour mourir ! Et les hommes ? Les arbres sont de Dieu. Ils ont porté leurs bourgeons dans la nuit froide de l’hiver, espérant contre toute espérance, portés par les antiques prophéties, dans l’attente du Messie. Puis ils ont fleuri au printemps pour honorer sa mort et clamer sa Résurrection. Enfin, ils ont porté du fruit après la Pentecôte, les fruits du Saint-Esprit qui sanctifie les âmes. Enfin, ils ont semé et se sont habillés pour le jugement dernier à l’automne. Et les hommes ? Que font-ils ?

  Beaucoup se ruent dans les magasins, d’autres désespèrent face à leur monde qui devient fou, de dose en dose, de variant en variant. D’autres vouent toutes leurs forces au péché, ceux qui tuent les enfants dans le sein de leur mère, ceux qui adorent les idoles et les démons, ceux qui s’enivrent de la luxure et du plaisir. La nuit vient, elle semble tout emporter. Quelques hommes pourtant vont prier pour leurs morts, ouvrir les portes du Purgatoire pour remplir le Ciel, faire que Dieu soit glorifié. Enfin décembre. La nuit avance. Et pourtant, au solstice, le jour cessera de reculer, peu à peu, il va reprendre ses droits sur la nuit. Bientôt, Il sera là. Douce espérance.

  Dans le cœur des maisons où l’on aime Dieu, on fait la crèche. Les enfants s’en donnent à cœur joie. Mousse, terre, herbes, cailloux, sable, santons, petits chemins et petites rivières… Peu à peu un paysage apparaît. Au milieu, une simple étable, un peu de paille, un bœuf et un âne. La mère de Dieu est là, accompagnée de saint Joseph. La mangeoire est vide. Tout semble figé, prêt de s’animer d’un seul coup… La crèche s’animera à Noël. Enfin l’Avent ! Les prophéties de l’Ancien Testament nous l’ont promis. Depuis plus de 4000 ans… Les arbres flamboyants de l’automne aussi l’ont annoncé. Il va venir. Il va venir vaincre les ténèbres et le péché, apporter le salut et la lumière. La crèche incarne cette promesse. Joie de décembre !

Il va venir… Que va-t-Il trouver ?

  Avons-nous préparé nos âmes comme les arbres ont préparé leur mort ? Se vider de tout pour laisser la place aux bourgeons, aux fleurs, aux fruits de la sainteté ? Il faut se dépouiller pour renaître. Mourir au monde pour accueillir le Dieu chassé de la ville et de ses hôtelleries, pour recevoir le Dieu réfugié dans une étable. Cet enfant est si petit. Quoi ? Dieu si faible ?

 

  Dieu emmailloté, revêtu de la nature humaine, l’un de nous. Dieu aurait pu sauver les hommes comme nous donnons l’aumône : d’un geste condescendant, donner une pièce à l’indigent. Mais Il n’a pas voulu nous donner l’aumône. Il a voulu être vendu pour 30 malheureux deniers. Il a voulu venir parmi nous, se faire plus souffrant, plus faible, plus misérable que nous. Dieu humilié sur la croix, nu, meurtri, moqué, insulté, couvert de crachas et de plaies innombrables. Dieu vient mendier notre amour. C’est cela qu’il veut ce petit enfant dans la crèche, c’est cela que signifient ses langes qui lui enserrent les bras et les jambes, c’est cela qu’annonce la Création toute entière. C’est cela qu’a refusé l’orgueil de Satan.

  Alors, qu’allons-nous faire ? Dieu vient, Il vient mendier notre Charité, comme il mendia le manteau de saint Martin. Dépouillons-nous de tout pour Lui, donnons-Lui tout ce que nous avons : notre santé, nos richesses, notre vie, notre honneur même. Il en fera ce qu’Il voudra. Il prendra ce qu’Il veut, comme Il veut, quand Il veut. Tout Lui appartient. N’a-t-Il pas tout donné ? Absolument tout ?

  Décembre, le jour reprend ses droits. A Pâques, il vaincra ! A la Pentecôte, sanctifié, nous porterons de bons fruits. Puis reviendra novembre, joyeux novembre. Nous nous habillerons pour mourir, au crépuscule de notre vie. Et Dieu viendra moissonner, nous emporter au Ciel, là où luit la lumière qui ne s’éteint jamais.

Novembre, l’aboutissement de tout. Décembre, le commencement de tout.

Louis d’Henriques