Il n’arrive pas à prononcer le mot « pardon » !  

« C’est plus fort que lui, mon mari est tout à fait incapable de me dire « pardon », ce mot ne peut franchir ses lèvres, il est trop orgueilleux et je veux arriver à le lui faire dire… C’est trop facile de toujours s’en sortir sans s’excuser ! »

Chère amie, ce n’est pas en vous énervant ainsi que vous obtiendrez ce que vous attendez si impatiemment. Vous savez comme il faut de la patience et de la douceur pour obtenir le progrès d’une âme ! Ce genre de défaut est plus particulièrement masculin, mais combien de femmes ont également à s’en corriger !

Il vous faut d’abord comprendre quelle éducation a reçu votre époux, car il est bien certain que si on lui avait appris enfant à demander pardon, la chose aurait été plus facile et naturelle par la suite. Si l’on n’a pas été exigeant sur ce point avec lui, vous avez raison de penser que cela est un tort. Vis-à-vis de vous bien sûr, et de tout prochain quel qu’il soit, mais cela peut surtout être grave dans sa vie spirituelle, dans la contrition qu’il doit avoir vis-à-vis de Dieu dans le sacrement de Pénitence.

La contrition est le regret d’avoir offensé Dieu. Il faut avoir ce grand regret pour obtenir le pardon de Dieu, devant le prêtre au confessionnal, si l’on veut que Dieu nous pardonne ces offenses que nous Lui avons faites. C’est par cette contrition que Dieu, de la main du prêtre, lavera notre âme des péchés avoués avec regret. Il est donc très important de donner l’habitude de demander « pardon » aux jeunes enfants. C’est peut-être la première chose à expliquer à l’époux qui peine à faire ce pas. Ensuite, il est normal d’avoir cette charité entre époux.

Si, par exemple, votre mari vous offre un joli bouquet de fleurs pour se faire pardonner, on peut considérer alors qu’il y a une vraie contrition, et même une volonté de réparation. Vous ne pouvez pas être indifférente à ce moyen « en acte » de demander pardon. Cela vaut peut-être même beaucoup plus que le « pardon » instantané et assez automatique prononcé par un mari qui se débarrasse d’une formalité sans aucun regret d’avoir peiné son épouse !

Comment aider à dire « pardon » ?

Vous avez compris que le plus important est la contrition. Si vous voyez votre mari tout malheureux de vous avoir fait de la peine, ou contrariée, c’est déjà beaucoup ! Vous avez un rôle à jouer pour l’aider à exprimer ce regret, et cela ne se fera sûrement pas par la force ou l’humiliation. Donnez-lui déjà l’exemple de vos « pardons » sincères et aimables si cela vous est plus facile qu’à lui. D’ailleurs, dans la plupart des peines ou querelles en ménage, les torts sont partagés. Demandez-lui donc pardon la première pour l’aider à suivre votre démarche. Il vous enviera, vous admirera d’y arriver si facilement, et cela le motivera davantage à y parvenir. Ensuite essayez donc un peu d’humour affectueux, une petite taquinerie qui le fera céder, un petit geste tendre qui l’encouragera… Ou bien encore attendez d’être le soir sur l’oreiller, dans la pénombre si cela lui est plus facile d’arriver ainsi à vous le prononcer.

Et votre mari attend-il, lui aussi, quelque chose de vous que vous n’avez pas encore fait ? Un petit effort de caractère, de comportement, un service matériel ? Voilà encore un bon moyen de l’encourager : « J’ai fait ce que tu attendais de moi, veux-tu bien aussi me faire plaisir en me demandant pardon ? »

Le plus important est d’abord le regret, viendra ensuite le mot « pardon » (et non pas l’expression « je m’excuse » qui ne veut rien dire. Comment pourrait-on s’excuser soi-même ?!).

Dans le mariage, comme dans la foi chrétienne, aimer et se pardonner ne vont pas l’un sans l’autre. Le pardon est un baume curatif pour l’âme de votre époux comme pour la vôtre, petite épouse triomphante alors d’avoir fait céder une fière pudeur masculine qui vous rendait malheureux autant l’un que l’autre !

Vous verrez ensuite comme, les années passant, mieux vous vous aimerez et plus il vous sera facile de vous dire du fond du cœur « pardonne-moi ! » 

Sophie de Lédinghen

 

 

Confiance mutuelle et discrétion  

Certains époux sont parfois capables de s’infliger de très profondes blessures dans l’intimité de leur mariage. Mais il est également vrai que l’on ne peut mesurer l’immensité de la joie et de la paix qu’ils peuvent se donner l’un à l’autre dans un mariage fondé sur une confiance absolue et sur une totale intimité de cœur et d’âme.

Comme toutes les grandes choses de notre vie, le mariage revêt une forme certaine d’héroïsme lorsque l’on s’oublie pour l’autre. Plus on devient proche, mieux l’on se confie, en toute quiétude et avec simplicité, sans penser au jugement de l’autre sur nous : nous pouvons tout nous dire, nous nous comprenons et nous soutenons en toutes circonstances. Il semble que cela fasse partie d’un pacte d’amour que de garder précieusement en notre âme les secrets que nous nous confions, et c’est ainsi que nous pourrons ensemble, mieux résoudre les difficultés qui surviendront dans notre mariage. Ces secrets seraient « désacralisés » s’ils étaient partagés avec d’autres. Ne serait-ce pas alors une trahison de la confiance ? Que dire, par ailleurs, d’un mariage sans confiance, où l’on ne se dit que des banalités et dans lequel les époux ne se partageraient que le lit et le compte en banque, mais non le tréfond de leur âme ? Quelle horrible solitude !

Grandeur des époux qui se respectent et se confient de façon habituelle, prenant conseil ou soutien l’un auprès de l’autre, dans la certitude de ne jamais être « trahi » ! Voyez la Vierge Marie et son époux Joseph, quelle discrétion, quelle simple humilité ! « Pas de charité sans le respect d’autrui qui se traduit par les égards que nous lui rendons » (Père Chevrot). Après Cana, Marie n’intervient qu’une fois, pour s’effacer ensuite jusqu’à l’heure terrible de la Croix où elle revient auprès de son Jésus qui va mourir. Quant à saint Joseph, l’Évangile signale sa présence chaque fois que l’Enfant et sa Mère ont besoin de ses services. Ensuite, il n’est plus question de lui.

L’humilité ne consiste pas à se cacher pour ne rien faire, mais à ne pas s’admirer quand on a fait le plus et le mieux possible. À ne pas se raconter et monopoliser la parole dans les conversations, ce qui est souvent source de débordements que l’on regrette bien souvent quand on réalise soudain qu’on en a dit plus que nécessaire.  Ce qui se traduit généralement par de la médisance ou un manque de réserve, d’autant plus regrettable lorsque le sujet portait sur son époux ou sur sa femme ! Si l’on veut réussir un travail, il ne faut avoir en vue que ce travail, sans chercher les applaudissements. Si l’on veut parler utilement, il faut songer uniquement à ce qu’on dit, sans « amuser la galerie ». Et si l’on veut garder la précieuse confiance de son époux, on se gardera bien de la trahir en se laissant aller à des bavardages inutiles et qui ne regardent que l’intimité de son ménage.

Si l’époux chrétien ne s’admire pas lui-même, en revanche il reconnaît ce que les autres font de bien, et en particulier son conjoint. Il voit ce qu’ils font de mieux que lui-même. « Que chacun d’entre vous, dit saint Paul, estime en toute humilité que les autres lui sont supérieurs ». Il ne s’agit pas de fermer les yeux sur nos propres qualités, nous savons bien qu’en distribuant des talents à chaque homme, Dieu ne nous a pas oubliés ! Cherchons toujours à reconnaître les qualités des autres et effaçons-nous loyalement devant leur supériorité.

Puisque notre époux a comme nous, des mérites et des droits, pourquoi exigerions-nous qu’il se plie toujours à toutes nos volontés ? À notre tour, sachons accepter ses désirs ou ses préférences. Il y a des situations où le chef de famille doit imposer sa décision sous peine de trahir son devoir d’état, mais il ne s’agit là ni de son opinion, ni de son goût personnel, même si souvent les deux peuvent correspondre. En d’autres circonstances la bonne entente sera toujours mieux assurée lorsque chacun se proposera de faire plaisir à l’autre.

Il serait injuste que l’épouse, la maman, fût seule à s’effacer. Tous doivent l’imiter et contribuer au bien-être de la famille. Les foyers malheureux sont ceux que régissent les affreuses lois du « chacun pour soi » et du « moi d’abord ». Le Christ a enseigné le règne d’un amour qui implique l’oubli de soi. On trouve son bonheur à rendre les autres heureux. Les époux sont toujours d’accord lorsque, avant d’exprimer un désir, le mari et la femme, chacun de son côté, s’interroge intérieurement : « Que préfère-t-elle ? » « Que souhaiterait-il ? » C’est à qui voudra contenter l’autre.

Dans une famille où tout le monde s’efforce de s’effacer, nul n’est sacrifié. On n’a plus besoin de penser à soi, les autres y pensent avant nous. Nul n’est oublié lorsque chacun s’oublie pour les autres !

Alors « vidons-nous » de nous-même, de tout ce tumulte qui tourne autour de notre pauvre petite personne qui, finalement, n’intéresse personne d’autre que nous. Et dans le vide qui se fait soudain, laissons entrer dans nos âmes la paix du bon Dieu qui, elle seule, unira d’une solide confiance mutuelle nos deux âmes d’époux. Si cela n’est pas le paradis sur terre, cela ressemble déjà à un bon avant-goût du Ciel !

 

Sophie de Lédinghen

 

Inspiré des « Petites vertus du foyer » (Georges Chevrot), Collection du Laurier.

 

C’est la rentrée!

Eh oui, après de bonnes vacances ensoleillées pendant lesquelles nous aurons changé d’air et pu nous détendre en famille, nous voici de retour à la maison, prêts à reprendre le cours normal de notre petite vie déjà bien organisée…

Le cours normal ? Non, n’en reprenons pas le cours « normal », comme s’il ne s’était rien passé pendant ces semaines de repos ! Ne poursuivons pas le cours de notre vie en la reprenant exactement là où on l’avait laissée ! Nous revenons fortifiés de bon air et de saines activités, le moral au beau fixe après avoir vu tant de belles choses et passé de si précieux moments réunis en plusieurs générations… Ne sentons-nous pas cet allant qui nous motive, nous donne envie d’aller plus loin, d’être meilleurs dans ce que nous entreprendrons ? Et si nous décidions de nous améliorer ? de gommer ces petits défauts qui rendraient la vie de notre époux encore plus agréable ? De bannir quelques mauvaises habitudes qui, sournoisement, se sont confortablement installées dans notre quotidien ? Et si on en parlait à deux pour décider vraiment et précisément tout ce que nous aimerions améliorer durant cette nouvelle année qui commence ?

Voici une idée: organisons un dîner en tête à tête, là, dès les premiers jours après notre retour ! Cela peut se faire aussi bien à la maison qu’à l’extérieur, mais que ce soit agréable, un peu intime et hors de l’ordinaire !

Avant toute chose, nous devons être bien d’accord, tous les deux, de ce que nous voulons que soit notre foyer : aussi saint que possible, uni, équilibré, dans la volonté du bon Dieu. Nous sommes également prêts à fournir les efforts nécessaires pour progresser vers ce but commun. Et il est normal que cela coûte de se réformer !

Préparons donc cela chacun de notre côté en notant sur une feuille :

Ce qui doit changer (vie spirituelle, habitudes de notre vie familiale, amélioration matérielle, horaires…)

Commençons par le plus douloureux, car il est bien étonnant de voir combien, pour chacun de nous, toucher à notre téléphone portable est un sujet sensible ! Et nous savons bien, au fond de nous-mêmes, que nous l’utilisons trop souvent de façon désordonnée, compulsive et boulimique ! Quelles que soient nos habitudes, il y a des règles intransigeantes à nous imposer, la première étant que cet outil-là ne doit pas entrer dans le salon, ni même franchir le seuil de notre chambre matrimoniale. Cet endroit est un peu le «Saint des saints» de la maison, il ne regarde que notre intimité d’époux et « le monde » n’a pas à y pénétrer. Décidons donc de laisser nos téléphones à l’extérieur de ces pièces, l’entrée de la maison étant l’endroit idéal pour ne pas avoir la tentation de le sortir à tout prétexte (dont celui de ces fameuses notifications à bannir, et qui vous alertent de la moindre nouvelle tirée de la rubrique des faits divers les plus croustillants !). Et imposons-nous de ne le consulter que trois fois par jour, ce qui devrait largement suffire dans une journée normale (chacun adaptera, bien sûr, cette fréquence en fonctions de ses besoins professionnels ou des circonstances). On en coupera le son pour limiter les tentations.             >>> >>> Puisque le téléphone ne sera plus dans notre poche, voilà qui nous motivera à décider de reprendre la lecture de vrais livres, mieux écrits et plus complets que les « brèves » lues à la va vite sur nos petits écrans. Il y a tant de bons livres qui pourraient nous aider à progresser en stimulant notre âme, notre réflexion, intelligence, mémoire, et il est d’ailleurs surprenant de constater soudain que cette lecture-là est bien plus reposante et enrichissante que « l’autre ».

Peut-être que les vacances en famille ont aussi permis de prendre quelques bonnes habitudes de prières ou de chapelet en commun qui n’étaient pas encore bien acquises. Décidons de les maintenir. Et pourquoi pas essayer d’aller une ou plusieurs fois à la messe en semaine ? Ou bien de faire, ensemble ou non, une retraite spirituelle dans l’année ?

Ce qu’on aimerait que l’autre améliore (petits travers de caractère, manies dans le quotidien matériel, efforts sur tel ou tel point…)

Cela regarde chacun d’entre nous, et en général nous ne manquons pas d’idées à suggérer à notre conjoint dans ce domaine ! Il va de soi que chacun fera preuve de patience et d’indulgence. L’épouse ne pourra pas demander à son mari fumeur de ne plus fumer sur le champ… Il en est de même pour bien des choses à corriger. Pour cela, il faut vraiment définir à deux et avec précision le progrès à faire: « Je ne fume plus que trois cigarettes par jour au lieu de cinq et toi tu ne téléphones plus à ta mère après que je suis rentré…»

Les résolutions d’activités, d’engagements de services à l’extérieur… Vie sociale

Il est normal que des époux rayonnent sur l’extérieur, nous avons tous à donner de nous-mêmes pour soutenir une œuvre, aider notre prochain, partager notre expérience personnelle, c’est un devoir de charité, et civique. Bien sûr, il faut un peu se pousser à sortir pour des réunions après une longue journée de travail, mais bien souvent, on y fait de formidables rencontres qui, elles aussi, nous apportent beaucoup ! Quelle communauté religieuse n’a pas besoin d’aide ? Quelle association n’accepterait pas de renforcer ses rangs ? Il y a encore les kermesses, les chorales, les visites aux malades ou aux personnes âgées…

Que ce dîner soit comme un nouveau départ. Après avoir pris soin de noter toutes nos résolutions pour l’année, et discuté librement, mis à plat quelques petites déceptions ou attentes, on se sentira un peu plus « neufs » pour repartir! Parfois même on réalisera, par ces bons échanges d’impressions, que l’autre était à cent lieues de ce que l’on s’imaginait bêtement dans son coin, et tout ira mieux ! Le mariage a ceci de rassurant que nous sommes à deux pour avancer, mais aussi pour nous soutenir : aussitôt que l’un trébuche, l’autre est plus fort à ses côtés pour le relever en une merveilleuse expression de notre amour mutuel.

Alors, très bonne rentrée !

Sophie de Lédinghen

 

 

La sagesse d’Anne  

La porte d’entrée claque enfin ! François est de retour chez lui, et son pas lourd laisse entendre à son épouse que l’humeur n’est pas des meilleures, ce soir… Anne soupire « Enfin ! Voilà maintenant quelques heures que je maintiens au chaud, comme je peux, ce dîner qui commence sérieusement à dessécher ! »

– Bonsoir, Chéri ! Dure journée, n’est-ce pas ?!

– Bonsoir !

A voir la mine renfrognée de son mari, Anne se retient de plaisanter, comme elle le fait bien souvent pour le dérider, d’une petite phrase enjouée comme : « Pardonnez-moi, Monsieur, êtes-vous bien mon mari ? Car, lui, est habituellement aimable et reconnaissant quand il me retrouve le soir… ». Mais elle sent bien que ce soir, cela ne servirait qu’à l’agacer.

Son mari, toujours muet, s’installe à table après un bénédicité rapide. Anne l’observe et a bien envie de lui dire « Moi aussi j’ai eu une journée longue et difficile, j’ai porté à bout de bras la maison et les enfants, tout est en ordre et accueillant avec un dîner encore chaud voilà ma récompense ? » mais elle se mord la langue, cela ne ferait qu’ajouter de l’huile sur le feu !

Il est clair que François, harassé par une dure journée, n’a pas été capable de retrouver son calme en revenant à la maison si tard. Il n’est pas sous son meilleur jour, c’est le moins que l’on puisse dire. Anne se dit alors que le mieux à faire est de dîner, que cela le détendrait, et qu’elle pourrait prendre des nouvelles de sa journée plus tard.

– Figure-toi que j’ai rencontré Marguerite aujourd’hui, lance t-elle gentiment, elle a pu me donner des nouvelles de son père si malade…

– Et comment va-t-il ?

– Les analyses sont très rassurantes, ils ont bon espoir de guérison…

« Victoire ! se dit Anne, au fond d’elle-même, la glace est rompue et le volcan n’a pas explosé ! », et la conversation se poursuit agréablement jusqu’à ce que les deux époux soient assez détendus pour prendre tranquillement, l’un et l’autre, des nouvelles de leur journée.

Pauvre Anne ! Elle qui attendait impatiemment le retour de son mari pour se reposer un peu sur lui, après une journée si bien remplie à courir de-ci pour l’un des enfants, de-là pour un autre, ponctuelle et souriante malgré les petits imprévus immanquables dans un quotidien de mère de famille. Non seulement François rentre bien plus tard que d’habitude, mais il fait mauvaise figure et se montre très tendu, comme si elle avait à « payer » ce qui ne s’était pas bien passé pour lui au bureau !

La voilà déçue, mais compréhensive, cherchant tout de suite à se rendre agréable à son mari fatigué et la tête encore dans ses soucis de travail. Une épouse ne se rend pas toujours bien compte du fossé qui existe entre le monde du travail de son mari et sa vie de famille. Les réunions qui s’enchaînent, les combats personnels, les contrats perdus de façon inattendue… Comme disait un prêtre de ma connaissance : « Mesdames, dites-vous bien que pour vos maris, c’est tous les jours la guerre au travail ! ». Bien sûr, l’époux >>> >>> doit faire tout ce qu’il peut pour laisser ses soucis professionnels à la porte de sa maison, mais parfois, il rentre avec le secret espoir d’être réconforté, sans vraiment reconnaître qu’il en a besoin… Se montrant grognon, en gardant l’idée que l’être aimé aura cette douce intuition qui lui permettra de comprendre qu’il a besoin d’affection alors qu’il agit comme si c’était la dernière chose qu’il voulait ! Voilà pourquoi réagir par des propos acerbes ne ferait qu’aggraver les choses.

L’épouse a compris qu’il fallait apaiser son mari, c’est l’heure de dîner, dînons ! Rien de tel pour refaire quelques forces et se changer les idées en parlant d’autre chose. Vous remarquerez qu’Anne ne vide pas son sac de la journée en énumérant tout ce qui s’est passé plus ou moins bien, non, elle donne une bonne nouvelle, et une nouvelle qui vient de l’extérieur du foyer pour distraire agréablement l’attention de son époux qui se montre reconnaissant de la douceur habile de sa femme en lui répondant gentiment. Anne sait que dans ce genre de situation délicate, il est dangereux de penser à soi-même et aux reproches qu’il aurait été si facile de lancer au nez de son mari en lui détaillant sa journée à elle, et lui faire ainsi la leçon.

Elle doit à tout prix aider son mari à aller mieux, elle s’oublie pour lui, sachant qu’ensuite, il sera possible de discuter de leur journée avec moins de passion.

Bien des discussions malheureuses s’engagent parce qu’on n’a pas su adapter son attitude à la circonstance. Le simple bon sens nous dit par exemple, qu’il n’est pas sage de discuter de problèmes épineux l’estomac vide, dans les moments de grande fatigue ou de mauvaise humeur. Que les époux apprennent à discerner le comportement à adopter en face de chaque situation : faut-il s’affronter ou se réconforter, et quand le faire… C’est d’abord en se réformant soi-même que l’on obtient un changement dans l’attitude de l’autre.   

Sophie de Lédinghen

 

 

La puissance de l’exemple  

Rien n’échappe à nos enfants, notre conduite, nos paroles, le ton même de notre voix, et tout petits déjà, ils nous imitent plus ou moins consciemment. Nous sommes de véritables références pour eux : « Papa a dit », « Maman a fait » ; et dans la mesure où nous voulons de bons enfants, ne sont-ils pas notre premier encouragement à la perfection ? Or, pour être de bons et saints parents, nous devons d’abord être de bons et saints époux.

 

  Pour nous y aider, nous avons nous-mêmes besoin de modèles à suivre, d’exemples de saints époux à observer. Il est fort probable que vous en ayez tous dans votre entourage, et cela est bien rassurant de voir leur bonne entente, leur affection mutuelle, leur rayonnement qui laisse entendre que cela a l’air tout simple, ou du moins réalisable ! 

 

  Voici trois grands et beaux modèles : les époux Louis et Zélie Martin, les époux René et Gabrielle Lefebvre, et les époux Luigi et Maria Beltrame Quattrocci. Ces trois ménages ont en commun d’avoir été très unis, d’avoir fondé un foyer profondément catholique, et d’avoir plusieurs vocations religieuses parmi leurs enfants puisque les Martin ont eu cinq carmélites sur cinq enfants, les Lefebvre deux prêtres et trois religieuses sur huit enfants, les Beltrame un prêtre, un moine bénédictin et deux religieuses sur quatre enfants. On pourrait penser que ces foyers devaient être de vrais petits couvents, des endroits tristes et ennuyeux. Bien au contraire, voyons ensemble ce qu’il s’y passait…

Une famille stable et unie

  C’est l’amour des parents qui créé l’atmosphère du foyer, et c’est cette atmosphère qui, dès les premières minutes de sa vie, pénètre l’enfant et compose son âme. Par la façon dont ils s’aiment et dont ils vivent, les parents enseignent ce qu’est aimer, ce qu’est le mariage. Pour un enfant, les images de l’enfance toutes centrées sur le père et la mère laissent des marques indélébiles : modèle ou cauchemar. Les souvenirs laissés par un père ou une mère qui s’aimaient noblement éclairent à jamais la conscience. La clé de l’énigme, c’est de s’aimer en chrétiens. La charité est l’âme du foyer. « La communauté ainsi fondée se trouve spiritualisée dans son essence. La sainteté, loin de dessécher l’amour, en fait une création continue, un chef d’œuvre de compréhension mutuelle, de dévouement désintéressé, de don total dans l’oubli de soi. Leur vie à deux n’est pas un égoïsme dans le mariage, mais une ascension collective dans et par le mariage. Ainsi réalisèrent ils en plénitude le plan du Créateur1. »

  Un foyer où règne le respect, où l’amour se prouve davantage qu’il ne se déclare, où la générosité entretient la gaieté, où la prière en commun nourrit les âmes et scelle l’union, est un foyer éducateur par son seul rythme, par son simple style de vie. Rien ne remplace cette péda- >>> >>> -gogie du bonheur, cette paix profonde qui récompense les vraies tendresses et qui rend supportables les peines et les souffrances.

  « Un tel amour ignore l’inquiétude et la susceptibilité. Il n’est ni ombrageux ni jaloux. C’est une force paisible, faite de confiance et de sécurité. Le mari laisse à la femme le ministère de l’intérieur, c’est-à-dire totale liberté dans l’agencement de la maison et la conduite du ménage. […] L’épouse pourvoit à tout amoureusement1. »

  La vie de prière est régulière et quasi diffuse, elle imprègne les âmes des enfants sans que l’on en parle à tout moment car ils comprennent bien que Dieu est partout et en toutes choses, qu’il les aime et les protège, mais veut des preuves d’amour en retour. Aimer, c’est se donner, et c’est aussi se vaincre pour plaire à celui que l’on aime, son conjoint, ou le bon Dieu.  Dans ces trois familles on peut dire que « les parents avaient l’âme religieuse, éloignant de leurs enfants les mauvaises influences, orientant leur piété et les disposant à vouloir, en tout, ce que Dieu veut, enfin les stimulant au sacrifice des âmes façonnées à dire « oui » au devoir1. »

  En toutes choses, ces parents-là montrent l’exemple, au travail comme dans les loisirs familiaux, dans le sacrifice comme dans les exercices de piété. « Nous avons passé quelques années de vie paisible en famille avec de bons parents chrétiens, profondément chrétiens. […] tous les matins mes parents s’y rendaient (à l’église) de bonne heure pour communier, et assister à la Messe quand ils le pouvaient2. »

 

Une affection équilibrée

  Deux aspects sont à relever dans cette éducation muette qu’est l’exemple des époux de ces trois familles : une affection et une entente mutuelles qui ont un grand retentissement sur l’équilibre de leurs enfants. « Je suis toujours très heureuse avec lui, il me rend la vie bien douce. C’est un saint homme que mon mari, j’en désire un pareil à toutes les femmes1. »

  Entre eux, ces ménages entretiennent une admiration mutuelle très épanouissante pour leurs enfants qui y puisent un réconfort propice à leur équilibre naturel autant que spirituel. « Entre eux, jamais le moindre nuage, tant est parfaite l’unité de vues. M. Martin exerce l’autorité à la façon d’un patriarche dont le caractère même impose le respect et la soumission […] Quant aux enfants, elles se sentaient enveloppées d’une affection tendre et ferme, accompagnée d’authentiques égards1 ».

 

  La désunion dans la famille met l’enfant en insécurité. Le ton de la discorde l’effraie, lui qui a un besoin profond d’unité se sent menacé. L’hésitation s’installe en lui : « Est-ce de ma faute ? ». Les parents doivent se persuader de l’influence de leur comportement sur celui de leurs enfants. Les foyers désunis, orageux, les foyers où manque une véritable union des âmes et des cœurs provoquent chez leurs enfants des conflits psychologiques. Ils établissent en eux l’insécurité et les poussent sans s’en rendre compte à chercher dans un monde factice l’épanouissement dont ils ont besoin. Personne n’est à l’abri de quelques tensions en ménage, mais que cela se fasse en dehors des enfants, et avec une volonté commune d’apaiser au plus vite et charitablement ses différends.

 

  Le foyer dans lequel les deux époux vivent de leur foi en toutes choses, pour leur amour et leur sanctification mutuels, seront récompensés dans l’éducation de leurs enfants qui deviendront leur couronne au ciel. On ne peut rien sans Dieu. Une vie religieuse profonde, les vertus théologales sont plus précieuses à l’éducateur que des compétences et des sécurités trop humaines. Par notre simple exemple, enseignons donc à nos enfants comment aimer, comment le grand et beau « oui » d’un jour peut durer toute la vie. Et puissent-ils à leur tour, prononcer un « oui » ferme et généreux devant Dieu, quel que soit le choix de leur état de vie.   

Sophie de Lédinghen

1 L’histoire de la famille Martin, Père Stéphane-Joseph Piat

2 La petite histoire de ma longue histoire, Mgr Marcel Lefebvre

 

Scènes de ménage

« Si, si… ça va ! »

           « Chérie, et si on profitait de ce rayon de soleil, pour aller faire un tour en forêt ? » « Maintenant ?! » « Oui, plus tard il ne fera plus aussi bon, et on ne sait pas s’il fera beau demain… » « Oh non ! se dit Laurence, moi qui viens juste d’installer ma machine à coudre ! Bon, il va falloir équiper les enfants : bottes, anorak et tout ce qu’il faut pour emmitoufler le petit monde en plein hiver, sortir la poussette, attraper le goûter… » « Quoi, ça ne va pas ? » interroge Jean du fond de l’appartement. « Si, si … ça va ! » répond-elle un peu contrariée. Et en un clin d’œil voilà toute la famille embarquée et ceinturée dans la voiture familiale. Gentiment Jean fait un sourire à sa femme et lui attrape la main. Il sait, lui qui la connaît si bien, l’effort qu’il vient de lui demander !

  Pour comprendre ce petit aparté, il faut vous dire à quel point ces deux-là ont des tempéraments complémentaires. Jean, un grand bilieux, vit dans le futur, et a trois idées à la fois qu’il mène de front en permanence. Incapable de tenir en place, il fait preuve d’un esprit d’adaptation incroyablement rapide pour passer d’une activité à l’autre ! Voilà qui bouscule parfois un peu trop son épouse très organisée dans ses horaires, et dans tout ce qu’elle fait avec douceur et efficacité. Vous l’avez compris, Laurence a horreur des imprévus ! La régularité, ses repères quotidiens la rassurent et la reposent dans son train de maison bien chargé.

  Le calme de Laurence fait un bon contrepoids à l’agitation de son mari, et lui-même rend service à sa femme en la sortant de son petit « règlement » millimétré ! Ils rient parfois ensemble, tout surpris par leurs réactions si différentes face aux événements. Mais surtout ils ont appris à se comprendre et à se ménager. Jean sait que sa femme a besoin de se conditionner aux événements qui sortent de l’ordinaire, et, la plupart du temps, fait l’effort d’anticiper ses propositions. Quant à Laurence, elle ne refuse pas en bloc tout ce que son mari demande, mais accepte régulièrement en tâchant de ne pas se montrer contrariée.

  Entre époux les causes de désaccords nous paraissent parfois infinies. Ce qui fait plaisir à l’un peut sembler à l’autre ennuyeux, parfois même déplaisant. Cela fait partie du grand « drame » du mariage : la nécessité constante de mourir à soi-même pour l’amour de l’être aimé. En adoptant une attitude aimante, on arrive souvent à découvrir dans ce qui nous ennuie, le goût que l’autre peut y trouver. En cas d’échec, il n’y a guère d’autre solution que le sacrifice, ce qui, à première vue, ne semble pas très attrayant. Mais il est étrange de constater combien ces sacrifices, en apparence insignifiants, peuvent finalement apporter de joies inattendues et entretenir l’amour entre deux êtres. « Dieu aime celui qui donne avec joie » nous dit saint Paul. Apprenons donc à nous faire mutuellement cadeau de nombreux et fréquents sacrifices personnels pour la joie de l’autre, mais aussi pour l’encourager à faire de même, donnant ainsi à notre famille un esprit plus élevé, plus noble. La sainteté n’est pas d’être parfaits, mais de tendre à la perfection dans chaque petite chose avec un réel effort de progrès de l’âme.

 

Toute une histoire !

  Les invités viennent enfin de partir et Patrick aide son épouse à ranger la cuisine transformée en un beau souk marocain ! Ils discutent agréablement de la soirée tout en s’affairant, quand soudain Patrick entreprend de modifier le rangement du tiroir à couverts… « Mais enfin, qu’est-ce qu’il te prend ? Ça allait très bien comme c’était ! » « Mais non, ce n’était pas logique du tout ! » « Ce n’est pas la logique de Monsieur, alors Monsieur range comme il faut ! » « Ben oui, les couteaux à droite, et les fourchettes à gauche ! Normal ! » « Est-ce que je m’occupe du rangement de tes outils, moi ?! » « Mais enfin, tu ne vas pas en faire toute une histoire !!! »

  Même dans le mariage, nous avons la fâcheuse tendance à considérer que c’est « notre manière de faire » qui est la meilleure. Face au défi d’un changement, notre première réaction est souvent de penser « ça me regarde » ou « laisse-moi tranquille ». Même pour des choses insignifiantes, il nous est difficile de changer pour le mieux parce que l’ouverture au changement implique un combat contre notre propre volonté. Nous voudrions être de grands amants, mais c’est notre propre volonté que nous aimons le mieux ! Nous aimons Dieu (jusqu’à un certain point), nous aimons notre époux (jusqu’à un certain point). Mais, comme l’a fait remarquer Kierkegaard, « notre amour le plus cher est habituellement, et demeure, notre propre volonté ».

  Deux choses peuvent nous amener à changer : la force surnaturelle du renoncement à notre volonté propre qui provient de la progressive soumission de notre volonté à celle du Christ (et par laquelle nous apprenons à nous céder les uns aux autres), et notre amour mutuel. L’amour peut faire fondre le cœur le plus froid, le rendre fluide et malléable. Quelle libération de notre emprisonnement intérieur que de pouvoir, par amour de Dieu ou de l’époux, agir contre nos propres désirs ! Que les épouses un peu autoritaires, et rebelles à leur devoir de soumission envers leur époux, l’entendent aussi, l’amour rend douce la mort à la volonté propre, bien que cette douceur ne puisse être ressentie qu’après une longue lutte. Courageusement, répétons souvent avec saint Paul « Je puis tout avec Celui qui me fortifie ».

L’amour mutuel est un don qui doit être nourri et protégé chaque jour de notre vie commune. Les difficultés sont normales et surgissent en raison de nos imperfections humaines. C’est donc d’abord en avançant personnellement, et avec un grand désir, sur le chemin de la perfection que nous apprendrons à sanctifier notre vie d’époux en luttant contre nos défauts, les excès de notre tempérament. Peu à peu notre âme fortifiée prendra le dessus et saura apaiser une mauvaise humeur, désamorcer une colère, adoucir une rancœur ou une impatience, au profit d’une paix intérieure, d’un respect mutuel et d’une confiance grandissante.

 

  Notre mariage sera béni, récompensé de nos multiples combats, parce que nous aurons tous deux eu conscience de bien des dangers que nous aurons combattus pour un amour profond, reposant lui-même dans l’amour de Dieu, dans les bons comme dans les mauvais moments, et dans lesquels nous aurons eu la ferme volonté commune de sortir vainqueurs.             

Sophie de Lédinghen

 

Bientôt la retraite… !

           Certains la voient venir avec appréhension… Quand d’autres l’attendent avec grande impatience : comment allons-nous la vivre, allons-nous supporter de nous retrouver à deux tous les jours, c’est la dernière partie de notre vie, à quoi allons-nous nous occuper ?

 

           Bien souvent l’épouse a pris des habitudes d’organisation de sa maison ainsi que la direction, plus ou moins autoritaire de son petit monde : elle règne en maîtresse sur son domaine ! Tandis que son mari, chargé de responsabilités professionnelles souvent plus lourdes en fin de carrière, et dirigeant, la plupart du temps ses équipes autant que des réunions quotidiennes, va soudainement se retrouver « vissé » à la maison et quelque peu désœuvré ! Ainsi faudra-t-il que les deux époux, du jour au lendemain, cohabitent toute la sainte journée sous le toit familial !

La vie nous a déjà souvent demandé une nouvelle organisation : notre mariage, la venue progressive des enfants, les mutations professionnelles, les déménagements… La grâce aidant, nous y avons toujours fait face ! Nous saurons bien encore faire front à cette étape-là, surtout si le bon Dieu nous a permis d’être encore à deux pour la franchir !

 

  Avec l’allongement de la durée de vie, des retraités d’environ 65 ans sont, aujourd’hui, encore pleins d’énergie et peuvent entreprendre quantités de projets. Si les époux sont restés bien unis toute leur vie dans leurs activités, leurs conversations, en pratiquant des dévouements communs, leur nouvelle vie de retraités devrait se faire bien naturellement car ils ont déjà travaillé cette union totale toute leur vie, se sacrifiant pour le bon plaisir de l’autre, guettant une petite joie à lui offrir…un simple regard suffisant parfois à savoir ce que l’on pense ou souhaiterait.

 

  Malheureusement, trop souvent, la vie peut avoir séparé les époux (trop de place laissée à la vie professionnelle, les épreuves familiales, les divergences dans l’éducation des enfants, un certain égoïsme favorisé par un matérialisme outrancier ou un confort financier…) et on a pris des habitudes de solitude, on ne se parle plus, on ne fait plus aucun effort pour l’autre. La retraite vient à point pour aider à se retrouver en sortant de soi-même !

 

  Le cap est délicat, il s’agit de vraiment décider ensemble de se retrouver pour ces 25 années peut-être encore ensemble ! Un nouvel équilibre à deux est indispensable, il s’adapte à chaque ménage. A ce dernier de saisir cette occasion de se redonner une chance pour le bien supérieur de toute sa famille, comme une sorte de « bouquet final » et pour le virage final de leur mariage.

 

  Les enfants sont partis, et cela a été douloureux, surtout pour l’épouse qui s’est soudain sentie plus désœuvrée et inutile, particulièrement à cet âge sensible de l’évolution de son horloge biologique, et souvent de la perte de ses propres parents. Son mari ne s’en est pas vraiment rendu compte, lui aussi a eu « ses deuils », quitter son travail, ses responsabilités peut entraîner une déprime qui mène à la tristesse, à la maladie, un sentiment de rejet de la société. Il peut être difficile de se remettre en cause pour une nouvelle organisation où chacun des époux trouve sa place pour un équilibre à deux. C’est le moment de tout réinventer pour se retrouver, car vieillir ensemble n’a rien à voir avec une solitude à deux !

 

  Le pivot, encore et toujours, est la prière ensemble. C’est un bon moyen pour se retrouver, fortifier son mariage devant Dieu, se rassurer, faire le signe de Croix ensemble, parler à Dieu d’une seule voix. Prendre enfin le temps d’aller plus souvent à la messe tous les deux, de faire une lecture ou une retraite spirituelle ensemble…Voilà assurément le meilleur moyen de prendre un virage solide pour les années à venir !

 

  La vie professionnelle, le lourd quotidien d’une grande maisonnée ont pris beaucoup de place dans la vie active des époux. Remettons à présent notre ménage, notre famille au premier plan ! Nos enfants, la jeunesse autour de nous, a besoin d’exemples généreux, dynamiques et heureux ! Donnons-nous encore ensemble à une juste cause (petits-enfants, bénévolat…), profitons de notre relative forme physique (même si on souffle un peu plus fort qu’avant dans la montée !) pour aller contempler de beaux paysages à l’occasion de promenades, de pèlerinages qui raviveront nos élans du cœur tout en entretenant notre bonne santé ! Offrons à notre entourage notre joie d’être au service des autres…

 

 

Et ménageons-nous aussi quelques espaces de liberté pour chacun afin de ne pas nous étouffer l’un l’autre par une omniprésence mutuelle. Après toutes ces années à la maison, l’épouse est heureuse de se donner un peu à l’extérieur, de retrouver quelques amies avec qui bavarder… Et le mari reprend doucement possession de son jardin, de son atelier ou de son garage qu’il range de fond en comble, comme un professionnel avec cahier de charge, échéances et objectifs ! Besoin de « retour au nid », de protection domestique… (L’épouse saura aussi faire sortir un peu le casanier, en le taquinant pour désamorcer sa mauvaise foi ou humeur… Il en sera finalement content !)

 

  Dans le mariage, rien n’est jamais acquis, c’est chaque jour qu’il faut entretenir cette attention l’un pour l’autre, ce don de soi, cette sanctification mutuelle. À l’âge de la retraite, les passions se sont apaisées, les rugosités du caractère adoucies, on est plus patient, souple… Est venue la sagesse ! On sait mieux se reposer dans le bon Dieu, prendre le temps des choses, rire ensemble, se parler : les souvenirs, les épreuves, les pardons, les « mercis »… Tout ce qu’on n’a pas encore pu se dire. C’est le moment d’un nouvel épanouissement de notre mariage, plus vrai, plus simple : cette joie d’être à deux, cette complémentarité qui nous rassure dans un esprit de bienveillance, de délicatesse, avec même davantage de tendresse : d’un seul cœur, d’une seule âme, comme le Christ aime son Église !

                    Sophie de Lédinghen

 

Marie, modèle parfait des époux

           Lorsque les saints nous voient pratiquer les vertus qu’ils ont pratiquées eux-mêmes, ils sont portés davantage à prier pour nous. Si donc nous voulons nous assurer de leur part une protection plus sûre et plus abondante, efforçons-nous d’imiter leurs vertus.

 

           Celui qui aime, s’il n’est pas semblable à la personne aimée, cherche à le devenir. « Ô vous donc, nous dit saint Jérôme, qui aimez et honorez Marie, sachez-le bien, c’est en vous efforçant de l’imiter que vous l’aimerez vraiment, et le plus bel hommage que vous puissiez lui offrir, c’est l’imitation de ses vertus. » Marie est la reine des saints ; elle veut que notre âme s’applique à l’imiter. Autrement elle ne pourrait, comme elle le voudrait, enrichir des grâces du ciel une âme dont la conduite est opposée à la sienne : « Mes enfants, nous dit-elle, écoutez-moi : bienheureux ceux qui marchent sur mes pas » (Prov., VIII, 32)

En l’appelant « pleine de grâce » les évangélistes nous font assez entendre qu’elle eut toutes les vertus, et toutes à un degré héroïque. La bienheureuse Vierge Marie a excellé dans toutes les vertus à la fois, et elle s’offre à nous comme le parfait modèle de toutes les vertus. Essayons d’en observer quelques-unes, et de voir comment nous pouvons les mettre en application dans notre vie d’époux.

 

Humilité de Marie

  « L’humilité est le fondement et la gardienne des vertus » (Saint Bernard), sans humilité, en effet, aucune autre vertu ne peut exister, et combien fut grande l’humilité de Marie, première et plus excellente imitatrice de son divin Fils. « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur » nous dit-Il. C’est par cette vertu qu’elle mérita d’être exaltée au-dessus de toutes les créatures.

Le premier acte de l’humilité de cœur, c’est d’avoir une basse opinion de soi-même. Marie ne se préféra jamais à personne. Non pas qu’elle se crût une pécheresse, car l’humilité est vérité et Marie savait bien qu’elle n’avait jamais offensé Dieu. Un cœur humble sait reconnaître les faveurs de Dieu afin de s’en humilier davantage. Plus elle se voyait comblée de grâces, plus elle s’humiliait, se rappelant que tout en elle était de Dieu. C’est encore un acte d’humilité de repousser les compliments, les louanges et de les rapporter à Dieu qui a eu la bonté de se servir de nous comme instrument de sa volonté. C’est aussi le propre des humbles d’aimer servir les autres, comme le fit Marie en s’empressant d’aller aider sa cousine Elisabeth pendant trois mois. Les personnes humbles prennent également soin de se tenir à l’écart, comme l’a fait Marie au Cénacle en se tenant en retrait des apôtres. Enfin, l’humilité fait aimer le mépris, et Marie n’a pas craint de paraître sur le Calvaire, devant tous, pour partager le déshonneur de son Fils ; elle n’avait d’autre pensée que de plaire seulement à son Fils !

« Viens, ma fille, dit un jour la Sainte Vierge Marie à sainte Brigitte, et cache-toi sous mon manteau ; ce manteau, c’est mon humilité […] Un manteau ne réchauffe pas si on ne le porte pas ; ainsi, pour tirer avantage de mon humilité, il faut qu’on la porte, non seulement dans ses pensées, mais encore dans ses œuvres. Par conséquent, ma fille, revêts-toi de mon humilité. »

 

Charité de Marie envers le prochain

  « Que celui qui aime Dieu, aime aussi son frère. » Il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais personne qui surpasse Marie en amour pour Dieu ; de même il n’y aura jamais personne qui la surpasse en charité envers le prochain. Le Christ qui est la charité même, a rempli sa sainte Mère d’une immense charité envers tous ceux qui recourent à elle. Pendant sa vie sur la terre, elle était si débordante de charité qu’elle secourait les nécessiteux sans en être sollicitée. C’est ce qu’elle fit aux noces de Cana, et en se rendant en toute hâte chez sa cousine Elisabeth, mais la preuve la plus grande qu’elle nous a donnée de sa charité, ce fut d’offrir son Fils à la mort pour notre salut.

  Sommes-nous capables, nous-mêmes, de tant aimer Dieu que nous pourrions nous donner sans compter à notre prochain, qu’il soit pauvre, malade, connu ou inconnu, proche ou lointain, au détriment de notre petit emploi du temps bien réglé ? Irions-nous jusqu’à offrir à Dieu, de tout notre cœur, un de nos enfants, notre époux s’Il nous demandait le sacrifice de leur vie ? Ou même s’Il voulait en prendre un à son service dans les ordres ou au couvent ? Il est certain que la charité dont nous aurons usé envers Dieu et le prochain sera la mesure dont Notre Seigneur et Notre Dame useront envers nous.

 

Chasteté de Marie

  Depuis que les sens, par suite du péché d’Adam, sont en état de révolte contre la raison, la chasteté est pour les hommes la vertu la plus difficile. Dieu nous a donné en Marie le plus parfait modèle de chasteté. La première qui, sans le conseil et l’exemple de personne, a offert sa virginité au Seigneur. « Comme le lys entre les épines, ainsi est celle que j’aime entre les filles de Sion. » « La beauté de Marie animait tous ceux qui la contemplaient à l’amour et à la pratique de la vertu » dit saint Thomas. Et saint Jérôme pense que si saint Joseph demeura vierge, il le dut à la compagnie de Marie. Si l’on ne prend Marie pour modèle et protectrice, rares sont les victoires sur ce vice, car on ne prend pas les moyens de triompher (le jeûne, la fuite des occasions, la prière). La bienheureuse Vierge révéla elle-même à sainte Elisabeth de Hongrie qu’elle n’eut aucune vertu sans beaucoup de travail et sans une oraison continuelle. Marie qui est toute pure aime la pureté, aussi ne peut-elle souffrir les impudiques. Réfugions-nous dans la pensée de Notre-Dame en choisissant notre « garde-robe », si je pense être correcte pour moi-même, le suis-je également pour les autres lorsque je marche, me penche ou m’assois ?

 

Patience de Marie

  On appelle cette terre « vallée de larmes » parce qu’elle est un lieu de mérite. Nous y sommes placés pour souffrir, afin de mériter, par la patience, le bonheur du Ciel. Marie est le modèle de toutes les vertus, mais particulièrement de celle de la patience. Sa vie ne fut qu’un constant exercice de patience. La compassion qu’elle éprouva des souffrances du Sauveur, dès l’instant où elle devint sa mère, suffit de faire de Marie une martyre de patience : « la Mère crucifiée du divin Crucifié ». Sa présence sur le Calvaire nous fait assez comprendre combien grande et sublime fut la patience de la Sainte Vierge. C’est par les mérites de sa patience qu’elle devint notre mère, en nous enfantant à la vie de la grâce. Efforçons-nous donc à imiter la patience de Marie, c’est elle qui fait les saints en nous faisant supporter en paix les croix qui nous viennent directement de Dieu, comme la maladie, la pauvreté, et celles qui nous viennent des hommes : les injures, les persécutions… Quel trésor nous vaudra dans le ciel toute peine supportée pour Dieu !

 

  On pourrait encore parler infiniment de bien d’autres vertus de Marie : sa Foi, sa pauvreté, son obéissance, son espérance… Disons avec saint Ambroise que « la vie de Marie fut si parfaite, qu’elle renferme à elle seule la règle de toutes les vies. Que la vie de Marie soit donc devant nos yeux comme un tableau où resplendit la perfection de la vertu. Elle nous offre l’exemple à suivre en toute notre conduite. Nous y apprendrons ce que nous devons corriger, ce que nous devons faire, ce à quoi il faut nous attacher1.    

                    Sophie de Lédinghen

 

1 « Les gloires de Marie » de saint Alphonse de Liguori.

 

Un avant goût de paradis au foyer

                      Il arrive que l’on ait des soucis si préoccupants que l’humeur générale des habitants du foyer s’en ressente ! Habituellement cela est passager et les quelques nuages laissent place au soleil aussitôt que l’on a surmonté le désagrément. Seulement, il existe aussi des personnes qui entretiennent une humeur morose en famille, qui ne voient que les inconvénients aux événements et se lamentent constamment, quoi qu’il arrive !

« Et voilà, il pleut, c’est toujours comme ça quand j’ai davantage de lessive à faire sécher ! C’est vraiment pénible ! », puis, « Et voilà, il fait beaucoup trop chaud avec ce soleil, il va falloir encore arroser le jardin ! Je n’avais pas du tout prévu ça ! »

Cela devient si pesant qu’il arrive, à la longue, que cela puisse avoir une mauvaise répercussion sur la santé physique, voire mentale, des membres de la maisonnée. En attendant, les enfants prennent l’habitude de grogner pour tout, le mari rentre de plus en plus tard le soir pour fuir cette ambiance qui devient si lourde. Le désordre s’installe, les époux se disputent, les enfants font de même…plus rien ne va jamais puisqu’il en a été décidé ainsi !

  Sursum corda ! Luttons contre ce mauvais penchant si telle est notre nature, élevons notre cœur vers le bon Dieu qui n’est que lumière, joie et paix ! Regardons le ciel se refléter dans la flaque d’eau au lieu de se contenter d’y voir la boue qui y traîne au fond ! La seule pensée que Dieu est toujours là pour nous, dans notre âme de baptisé, devrait nous rendre le sourire et la joie au cœur ! Cette joie est un don de Dieu, il faut non seulement la vouloir et la demander, mais aussi travailler à l’établir en nous. Elle nous apportera la paix, la bonne conscience de ceux qui obéissent à Dieu dans ses commandements, qui font leur devoir d’état pour lui plaire et le servir dans chacun de leurs travaux. Il faut de la volonté pour trouver cette joie, cela se travaille car Dieu nous a créés libres, il ne nous impose pas de l’aimer, libre à nous de le suivre ou non. Tout va ensuite tellement mieux car alors Dieu voit le règne de la raison sur nos sens et répond à nos efforts par la communication de ses biens et de ses faveurs. Elles nous font ainsi goûter quelque chose de la paix céleste qui nous rend semblables à Lui, doux et humbles de cœur. Nous n’en connaîtrons la plénitude que dans la Jérusalem céleste, mais on peut, dès ici-bas, en obtenir quelque avant-goût.

Vous voulez garder cette paix de l’âme ? cette joie pure et simple ? Tournez-vous vers votre Créateur, apprenez à l’aimer davantage par des lectures profondes qui n’ont pas besoin d’être ardues ou difficiles. Vous verrez comme cette soif de Dieu grandira, et comme votre âme se dilatera progressivement dans un plus grand amour pour Lui. Habituez-vous à vivre en sa sainte présence quoi que vous fassiez.

Peu à peu vous vous surprendrez à entretenir dans vos pensées et vos actions les vertus chrétiennes, à la maison d’abord, entre époux…ce qui n’est pas vraiment difficile quand on s’aime, mais en faire l’effort entretient les habitudes : la patience, la douceur, la simplicité, la tempérance de la langue… Cette langue si prompte à rouspéter, se plaindre, exagérer, colporter, murmurer… ! Oh le murmure ! Qui ne murmure pas de temps à autre… et même souvent ?! « Il a encore arraché sa poche de veste ! », « Elle n’a toujours pas aspiré sous le lit ! », « Et qui doit, une fois de plus, descendre la poubelle ?! »

 

  Peut-être que cette véritable histoire d’un prêtre exorciste vous aidera à ne plus murmurer, car le murmure ne vient pas de Dieu et assombrit l’âme :

 Pour chasser le démon d’un possédé, l’exorciste procède par étapes précises afin de reconnaître s’il s’agit vraiment du démon avec prudence, car l’exercice est vraiment dangereux pour qui approche le diable. Après différentes questions très progressives, le prêtre en vient à parler de la Sainte Vierge dont le démon a tant horreur. Un jour, alors que l’exorciste vient de prononcer le nom de Marie, le possédé se met soudain à hurler : « Ah non, ne me parlez pas de celle-là ! Ne m’en parlez pas ! … Devant la Croix, elle n’a même pas murmuré !!! Vous m’entendez ? Même pas murmuré !!! » Oui, Notre Dame si pure, si vertueuse, cette Mater Dolorosa au cœur sept fois transpercé d’un glaive de douleur… n’a pas prononcé un son, elle ne s’est pas abaissée au moindre murmure. Elle a tout accepté et offert sans un seul mot. Réfléchissons à ce silence de Marie, le cœur pourtant insoutenablement broyé.

Vous verrez comme l’on reste plus digne et dans l’offrande lorsque l’on ne murmure plus. On croit que murmurer soulage, mais c’est d’arrêter de murmurer qui apaise !

 

  Peu à peu ce plus grand amour de Dieu, ce travail des vertus chrétiennes, cette joie de l’âme, nous deviennent comme une deuxième nature. Et l’on se sent si « riche de Dieu » qu’on voudrait le donner aux âmes partout autour de nous ! Cet élan nous pousse à rayonner notre foi, à être apôtre !

« Un apôtre, c’est un calice plein de Jésus, et débordant sur les âmes » explique-t-on aux enfants de la Croisade Eucharistique. Tout est dit !

 

  Que nos âmes soient donc débordantes de cet amour de Dieu qui nous pousse joyeusement à Le donner par l’exemple, l’attitude extérieure, le sourire, le regard mais aussi par une parole bienveillante, réconfortante, encourageante. Chers époux, vous ne vous sanctifierez mutuellement, vous ne donnerez de bons fruits que dans une vraie joie chrétienne débordant sur toutes les âmes de votre foyer, puis hors de chez vous. « Dieu le veult ! »

               S de Lédinghen

 

Foyers sans enfants

           En abordant ce sujet si douloureux et sensible, nous tenons vivement à nous adresser à ceux de nos lecteurs qui pourraient s’être cru oubliés jusqu’ici, mais que nous ne voulons laisser sans consolation ni soutien dans leurs lourdes peines. Si toutefois une phrase ou une autre manquait de délicatesse, nous les prions du fond du cœur de bien vouloir excuser une maladresse aussi redoutée qu’involontaire de notre part. Qu’ils sachent que nous les portons affectueusement, eux et leurs chagrins, dans notre prière quotidienne.

 

  C’est d’abord avec un dépit enfantin, puis avec sérieux, avec inquiétude, avec angoisse, enfin avec désespoir que, de mois en mois, la jeune femme voit son espoir déçu.

Il faut supporter la pitié des uns, l’inconscient égoïsme des autres, le mépris des bien-pensants mal élevés qui vous prêtent de mauvaises intentions… Mais surtout le cœur se brise à la pensée de ne jamais tenir dans ses bras un tout-petit en se disant « il est à nous ! » ; à la pensée de ne jamais voir un enfant se jeter dans nos bras en appelant « Maman ! ».

On se dit qu’il y a tant de familles où l’on ne veut pas d’enfants, où l’on s’occupe mal d’eux, où ils sont malheureux ! On ressent le sentiment profond d’un désordre, d’une mauvaise répartition…

 

  L’enfant, nous le sentons bien, est le fruit vivant de l’amour des époux, nous-mêmes revivant ! Quelle souffrance de ne pas pouvoir offrir à celui ou celle que l’on aime le fruit d’un amour mutuel, le descendant, l’héritier. Car pour l’homme plus que pour la femme, la peine se double d’une humiliation : sa grande dignité est de devenir chef d’une nouvelle lignée. Sa femme s’afflige de voir son mari frustré de cette dignité (peut-être par « sa faute » à elle), qu’il ne connaisse jamais le plus grand de tous les sentiments humains : la paternité ! L’Église, dans sa liturgie, nous présente les enfants comme une bénédiction. Alors un doute s’installe dans la pensée des époux. Dieu les aurait-il voulus ailleurs ? Ont-ils manqué de générosité pour suivre un autre appel ? Ah oui, que de serrements de cœur, de désespoir dans cette simple phrase : « Nous n’aurons pas d’enfant ! »

  Alors, quelle solution ? S’enfoncer de plus en plus dans la tristesse ? Devenir jaloux, envieux, ne plus supporter la vue des joies familiales ? Souffrir d’un complexe d’infériorité et ne plus voir ni parents, ni amis ? se durcir le cœur ? s’installer dans l’égoïsme ? Parfois le ménage se désunit, s’exaspère de cette solitude à deux, de ces forces inemployées…

 

  Ce n’est que lentement, après avoir bien refusé son épreuve, que l’âme chrétienne se relève et découvre qu’au pied de sa croix, le fruit surnaturel a mûri et qu’il y a autre chose de beaucoup plus grand dans sa vie. Il apparaît alors combien son attitude négative de laissé pour compte et de vie gâchée était fausse, et que dans la pensée de Dieu, cette épreuve constituait un appel, une vocation. Et l’on comprend que dans ce monde athée qui ne reconnaît plus sa souveraineté, l’on doit témoigner que Dieu est le maître.

« Lui qui dispose, dans sa création, les ombres et les lumières, les grandes étendues stériles à côté des plaines fécondes, a mis, près des foyers peuplés, des foyers déserts, où l’homme et la femme, agenouillés devant lui, le reconnaissent comme Maître de la vie, digne d’une même adoration pour le don ou le refus qu’il nous fait de sa fécondité […] Peu importe l’ordre de mission que chacun reçoit : la seule chose essentielle, au jour de notre Annonciation, est d’être dans l’attitude de la Vierge et de prononcer le Fiat total et plein d’amour. »

Cette adhésion de l’âme est féconde, ce foyer béni par Dieu au jour de notre mariage, privé de cette fécondité visible que sont les enfants, connaîtra, par le sacrifice accepté, une fécondité spirituelle, et donnera par son Fiat le Christ aux âmes. Cela se fera à la condition de garder sans raideur ni durcissement le cœur paternel et maternel que Dieu nous a donné, et le porter aux autres.

 

  L’Église, la Société, les pères et mères de famille ont bien besoin des « foyers sans enfant » ! Il faut soutenir le ministère des prêtres en se dévouant dans les différents services proposés dans une paroisse, défendre le règne du Christ dans la cité en s’engageant, s’instruisant, s’opposant à tout ce qui lui est contraire. Il faut permettre au jeune ménage chargé d’enfants de souffler un peu, aux foyers amis de trouver chez eux un peu de chaleur à la lumière d’une conversation. Ces « foyers sans enfant », s’ils en ont la force, seront particulièrement au service des enfants. Ceux de la famille que l’on confie pour leur santé ou leur travail et dont ils deviennent un peu le père et la mère pendant quelques jours. Ceux des amis que l’on emmènera en vacances et qui transformeront la maison en ruche bourdonnante, dans une saine atmosphère familiale où chacun prend ses habitudes.

 

  Bien sûr, ces enfants d’occasion vont et viennent, toujours repris par leurs parents, et l’on se retrouve de nouveau seuls, au coin du feu, dans la maison vide, la main dans la main, et avec émotion, on sent que le seul don humain qui nous soit totalement fait, c’est nous-mêmes, l’un pour l’autre. Car pour que l’épreuve ne brise pas cet amour mutuel, il aura fallu approfondir, plus que d’autres, notre intimité, garder l’ardeur de notre tendresse, chercher à notre foyer des raisons et des buts solides. Pour la plupart le ciment de l’amour est l’enfant ; le ciment, pour les époux sans enfant, est leur épreuve commune, leurs échanges de tous ordres facilités par une vie plus calme, leurs essais de dépassement, leur rayonnement à l’extérieur de chez eux dans le service et le don d’eux-mêmes.

 

  Par l’absence d’enfant au foyer, le Bon Dieu demande une plus grande vie de prière, et peut-être même, quel courage alors, priera-t-on pour soutenir les familles ayant de nombreux enfants. Prière aussi pour rester plus souvent près de Lui et de pouvoir enfin lui dire avec l’Apôtre : « Je me réjouis maintenant de mes souffrances pour vous, et ce qui manque à la Passion du Christ, je l’achève dans ma chair pour son corps qui est l’Église ».

S. de Lédinghen