Sois apôtre!

Être chrétien, c’est être apôtre. Tout baptisé est appelé à travailler dans la « vigne » du Seigneur, à propager la doctrine et l’amour du divin Sauveur parmi les hommes car sa dignité de fils de Dieu l’oriente vers les autres, et l’associe en quelque sorte au sacerdoce du Christ. « Par la grâce de son baptême, le chrétien est appelé à sanctifier les autres, à défendre et à annoncer partout le message de la vérité révélée.» (Pie XI)

En règle générale, ce n’est pas à vingt-cinq ou trente ans qu’on se fait une âme d’apôtre. Combien de saints montrent à quel point des cœurs de huit ou dix ans peuvent s’enflammer au contact de ces vérités lumineuses et ardentes que nous appelons la solidarité des âmes, la communion des saints, la valeur impétratoire de la prière, la puissance réparatrice du sacrifice…! Il n’est pas difficile d’enseigner progressivement à l’enfant sa belle mission d’apôtre de Jésus-Christ.

Apôtre en union avec le Cœur de Marie :

Reine des apôtres, c’est elle qui obtient aux petits comme aux grands apôtres un apostolat fécond et béni. Si les apôtres ont converti des âmes par millions, c’est que Marie priait pour eux et, par-là, travaillait avec eux. Le grand apôtre missionnaire saint François-Xavier affirmait que tant qu’il n’avait pas parlé de Marie aux infidèles et tant qu’ils ne l’avaient pas priée, leur cœur restait fermé à la grâce : sans Marie, pas de conquêtes !

Apôtre par la prière :

La prière est le fondement de tout apostolat, la clé d’or qui ouvre tous les trésors divins que sont les grâces données à ceux qui prient. « Il faut toujours prier et ne jamais cesser » nous dit Notre-Seigneur dans son Évangile. C’est ce que font les « bons apôtres » qui prient sans cesse et transforment ainsi leur travail en prière. Prière dont Dieu se sert pour sauver des âmes. Que le petit apôtre prie beaucoup, pour les pécheurs, les païens, les agonisants, pour que Dieu les sauve !

Apôtre par la parole : 

Quand nous aimons beaucoup quelqu’un, nous ne pouvons nous empêcher d’en parler. Si le petit apôtre aime beaucoup Jésus-Hostie, tout simplement et tout naturellement il parlera de Lui et saura Le faire connaître et aimer. Don Bosco enfant attirait ainsi les enfants du voisinage par quelques tours de prestidigitation et acrobaties savantes… Et une fois le public assemblé autour de lui, il déclamait avec charme le dernier sermon de monsieur le curé, les exhortant tous à venir à l’église le dimanche !

Apôtre par l’exemple :

« Conseille le méchant par la beauté de tes actes » dit un proverbe arabe. On ne peut pas toujours faire de beaux discours, surtout quand on est jeune ! Mais on doit toujours et partout prêcher par de beaux exemples. Pour cela nous devons nous perfectionner, consolider nos qualités, avoir l’esprit de zèle, de sacrifice, nous montrer obéissants à nos supérieurs, aimables avec nos camarades, fidèles à nos engagements, porter partout à la maison, à l’école, à l’église, l’idée qu’un bon chrétien doit faire mieux que les autres s’il veut les entraîner à sa suite.

Apôtre par le sacrifice :

C’est sur le Calvaire que Jésus a fini d’acheter le salut du monde, et ceux qui lui gagnent le plus d’âmes sont ceux qui savent souffrir ou se faire souffrir. Souffrance du corps : merci mon Dieu puisque je peux ainsi vous donner des âmes ! Souffrance du cœur : on est méchant pour moi, on me fait de la peine, merci mon Jésus, puisque là je vous ressemble davantage et peux vous acheter des âmes. Les souffrances de l’apôtre en effet, toujours unies à celles de Jésus, sont une mine inépuisable de sanctification personnelle, et de mérites où Dieu puise pour convertir les âmes. Surtout faisons souffrir en nous ce qu’il y a de mauvais, nos défauts : notre orgueil en nous humiliant, notre égoïsme en nous oubliant pour les autres, notre paresse en travaillant avec application. Ah, quels bons sacrifices !

Apôtre par la Messe :

De tous les apostolats, c’est le plus fécond, parce qu’il s’appuie directement sur Jésus. Par la Messe tout apôtre peut glorifier Dieu à l’infini, être utile à toute l’Église : est-il un apostolat comparable à celui-là ? La messe entendue avec ferveur a donné à Dieu, par Jésus, tout l’honneur possible, et obtenu des grâces de contrition pour les pécheurs, de conversion pour les mourants, de délivrance ou de soulagement pour les âmes du Purgatoire, des grâces pour soi-même, pour sa famille, pour les prêtres, pour le Pape : que ne peut-on obtenir à la Messe ! Il faut la mettre autant que l’on peut dans notre vie.

Ma petite expérience de maman ne saurait que recommander très vivement la pratique de la Croisade Eucharistique, école de sanctification dans laquelle l’enfant, guidé par un petit bulletin mensuel, s’engage peu à peu dans une habitude de prière, d’offrande, de sacrifices, de bonnes communions et d’apostolat. Dans certains prieurés, des prêtres, frères ou religieuses animent des groupes de cette croisade où « le grand Sauveur veut beaucoup de petits sauveurs pour l’aider » à la conversion des âmes. L’âme des petits est en effet bien souvent plus conquérante et généreuse que celle des adultes ! L’expérience de ce mouvement, que j’ai eu la grâce de pratiquer quelques années dans une merveilleuse petite école, m’a maintes fois montré combien les enfants, par leur pureté d’âme, étaient zélés au point d’avoir une foi bien plus grande que la mienne. Ils croyaient si fermement que Jésus les exaucerait dans certaines intentions de prières qui leur tenaient à cœur, qu’on les voyait se surpasser dans la ferveur de leurs prières autant que dans le poids de leurs sacrifices ou la quantité de leurs communions, au point que, contre toute attente, des miracles ont plusieurs fois été arrachés au Ciel !

               

Sophie de Lédinghen

 

Secrétariat de la Croisade Eucharistique

Abbaye Saint Michel, 7 allée du château, 36290 Saint-Michel-en-Brenne

(T 02 54 38 14 38)

 

 

Quelle éducation dans le trouble et l’adversité ?  

Qu’il y ait actuellement un formidable chahut sur la terre, c’est indéniable ! Nous assistons de façon très claire à une destruction volontaire de ce que Dieu a ordonné si sagement pour notre sanctification, et le travail au salut de nos âmes sur cette terre : gender, wokisme, laïcité, féminisme… Tout est mis à l’envers et l’on voudrait nous faire croire que le monde s’est trompé depuis son origine. Où donc cela s’arrêtera-t-il ?! Comment aider nos enfants à vivre dans cette décadence sans s’y habituer ? Pouvons-nous leur épargner de grands troubles tant sur le plan moral que physique ou psychologique, et surtout spirituel ? Comment lutter tout en vivant « normalement » en famille et dans la société ?

Le plan de Dieu

Nous nous prenons alors à rêver que le bon Dieu, épuisé de trop de patience, remette enfin un grand coup d’ordre à tout cela en faisant éclater sa colère divine sur tous ceux qui l’ont déjà trop insulté ! Mais ce n’est pas ce qu’a prévu le bon Dieu qui préfère se servir des âmes qui lui sont fidèles pour rétablir son règne sur le monde. Il veut faire appel à leurs volontés, leurs sacrifices et aussi toute leur confiance traduite en une foi indéfectible pour ainsi purifier tant d’outrages.

Mais voyez-vous, nous sommes un peu à l’image de Marie-Madeleine qui, au matin de la Résurrection, voulait voir Notre-Seigneur en habit de gloire et non pas en un vil habit de jardinier ! Elle le reconnut enfin lorsqu’Il lui dit « Marie ! ». C’est Notre-Seigneur en habit de jardinier que nous rencontrons tous les jours çà et là, discret, mais bien parmi nous. Et ne croyez pas qu’Il nous dise « Marie, Marie ! », non. Avant que nous le voyions en gloire, « Il veut planter dedans notre jardin beaucoup de fleurs petites et basses, mais à son gré1 », c’est pourquoi Il est ainsi vêtu.

Il veut que nous lui donnions des preuves d’amour, de confiance, de fidélité, et que nous combattions. Aussi nous éprouve-t-Il déjà habituellement dans toute vie. Avant nous, Il a lui-même travaillé de ses mains, souffert les moqueries, les injustices, le trouble de l’âme, la tristesse, les souffrances physiques et la mort. Toutes ses peines faisaient partie de ce qu’Il devait souffrir pour le péché. Ses faiblesses volontaires faisaient partie du remède qu’Il devait apporter aux nôtres, et de l’exemple qu’Il devait nous donner pour les supporter et les vaincre. « Il fallait qu’il y eût en lui des infirmités, des détresses, des désolations auxquelles nous pussions nous unir pour porter les nôtres2 ».

Les âmes troublées n’ont donc qu’à s’unir aux troubles, aux infirmités, aux délaissements de Jésus, pour, par ce moyen, trouver leur soutien dans l’union intime de Jésus à son divin Père, et contribuer au rachat des péchés du monde.

Ne nous laissons donc pas gagner par le trouble, l’inquiétude, l’impatience. Combien sont pris de panique et transforment leur vie en une révolte apeurée, désespérée, aussi nuisible pour eux que pour leur entourage ! Au fond de cette peur qui perd ou rapetisse tant d’âmes, ne trouverait-on pas un manque de confiance en Dieu ? « Je le délivrerai parce qu’il a mis en moi sa confiance. Je le protègerai parce qu’il a connu mon nom3 » Cette confiance chrétienne supprime toute angoisse qui ronge vainement, enlève ce trop-plein d’activité fébrile qui encombre l’esprit. Elle abandonne à Dieu ce que le regard ne peut atteindre : l’avenir, et se contente d’être « dans une dépendance continuelle de Dieu, et dans une simple disposition à agréer ce qu’il voudra et ne voudra pas» comme le bon soldat qui gagne la bataille sans connaître le plan du général, mais simplement en remplissant bien son rôle.    

Voilà exactement la ligne de conduite de parents chrétiens :

Accomplir son devoir d’état quotidiennement et le mieux possible, et y entraîner sa famille sans souci des peines du lendemain, et pour lesquelles le bon Dieu enverra ses grâces demain !

Garder un climat paisible et joyeux à la maison, dans une sainte simplicité. Sans pour autant être naïf ou imprévoyant, mais sans regarder à ces dangers que l’on voit de loin et qui peuvent d’ailleurs se résoudre d’eux-mêmes, le temps passant !

La prière en famille est incontournable pour fortifier les âmes au pied du crucifix. Les intentions sont nombreuses et il est bon que les enfants entendent prier pour les ennemis de l’Église, les mauvaises lois, mais aussi pour rendre grâce lorsque l’on a été exaucé car lorsque notre demande correspond exactement à la volonté de Dieu, « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel » elle a vraiment chance d’être exaucée. Que nos enfants sachent la grandeur et la puissance de Dieu.

Plus que jamais le choix d’une école catholique avec des enseignements respectant la doctrine de l’Église est primordial pour l’âme et l’intelligence de nos enfants. C’est un moyen indiscutable pour les fortifier autant que les protéger.

Ne pas inquiéter les plus jeunes en leur faisant état d’actualité sombre et décourageante qui ne les regarde pas, mais en se montrant combatifs et pleins d’espérance en continuant à être généreux, serviables, ouverts sur l’extérieur. Si l’on veut que nos enfants soient forts et courageux plus tard, n’entretenons pas autour d’eux un climat de peur qui les ferait vivre repliés sur eux-mêmes sans rayonnement chrétien. Nos enfants doivent se sentir à l’aise dans le monde dans lequel le bon Dieu les a fait naître. Ils doivent être forts d’une éducation équilibrée, conquérante, fuyant tout ce qui abîmerait leur âme, mais heureux de travailler à la gloire de Dieu dans la prière et le sacrifice ! Un enfant auquel on fait sans arrêt part des dangers, et que l’on met en garde à tout va contre l’éventuelle malice de son entourage verra le mal partout et ne s’appuiera pas sur les grâces des sacrements. Ce n’est pas ce que la Providence attend de lui.

Il a besoin d’amis qui lui ressemblent, et même de faire l’effort de bien s’entendre avec tous, sans jugements téméraires notamment en classe. Il arrive que des camarades peu attirants se révèlent être de très bonne compagnie ! Entre catholiques, on se doit d’être solidaires face à tout ce qui rejette Dieu.

On aura de bonnes conversations avec nos plus grands enfants, les sensibilisant au sujet de la société, leur faisant part des défaites comme des victoires et démontrant combien la Providence veille à tout et se manifeste par de beaux encouragements. Parfois même on expliquera combien d’un mal peut souvent sortir un bien. N’hésitons pas à nous rendre en famille à des prières ou manifestations publiques, pour leur donner aussi ce sens-là du combat, même si cela peut coûter davantage à certains de nos enfants qu’à d’autres !

Soyons donc de ces âmes fidèles à Dieu et confiantes en sa grâce, sachant conserver le regard clair et endurer sans nous aigrir. Adoptons une certaine espérance, cette disposition de la vie à saisir les choses quotidiennes dans leur profondeur, en liaison avec le sens naturel que Dieu, qui est tout bonheur, amour, beauté, a donné au monde. Oui, l’espérance est possible de nos jours, son fondement est le don gratuit de la grâce de Dieu, et pour cela il ne nous demande qu’une chose, c’est d’être avec lui familièrement et intimement, sans aucune crainte, sans aucune exception.

Sophie de Lédinghen 

 

 

1 Saint François de Sales

2 Bossuet, méd. Évangéliques

3 Psaume XC

4 Père de Caussade

 

 

Le bon élève (2)  

Après avoir énuméré quelques conseils d’éducation pour une meilleure préparation des jeunes enfants à leur scolarité (tels qu’une bonne atmosphère familiale où règne une autorité aussi ferme qu’affectueuse, tout en laissant l’enfant développer un vrai sens de l’effort, de la curiosité et de la maîtrise de lui-même… Cf. FA n°34) parlons encore d’un grand atout à offrir à nos petits écoliers. Un cadeau simple et efficace, à la portée de tous les parents, et qui aidera bien plus leurs enfants que des années d’avance ou que de longues séances de cours du soir : le langage.

En effet, un enfant à qui l’on a parlé normalement, et non pas comme à un tout-petit (dodo, pan-pan, dada, lolo…) pendant ses trois premières années, et qui s’exprime correctement, apprendra plus vite à lire et comprendra mieux la maîtresse, étant familiarisé avec les mots. La famille est en effet responsable de la richesse ou de la pauvreté du langage de ses enfants. D’ailleurs une maîtresse d’école sait tout de suite, parmi ses élèves, ceux qui vivent dans une famille où l’on s’exprime ou non.

Comment s’y prendre ? Laisser parler l’enfant à table, en voiture (régulièrement et avec une relative modération), l’encourager à s’exprimer, surtout s’il est réservé, et décrire une scène à laquelle il a assisté aussi bien qu’une histoire qu’on lui a raconté ou qu’il a lue ; l’écouter sans trop lui couper la parole ou en le reprenant doucement si besoin. S’il pose une question, lui répondre clairement en employant des mots qu’il puisse comprendre. Si par exemple il demande ce que c’est qu’une contravention, ne lui répondez pas : « c’est une amende » ! Cela ne le satisferait pas beaucoup plus !

Plus les enfants grandiront, plus on aura soin de trouver des sujets de conversation intéressants, qui puissent éveiller leur curiosité ou leur jugement en leur élargissant l’horizon. Si l’on ne parle à table que d’argent, de nourriture ou de voiture, ils n’auront rien à dire lorsqu’ils auront une rédaction à faire. La vie quotidienne offre mille occasions de parler de sujets variés (saint du jour, jeux, bricolages, événements, sermon du dimanche, promenades…) qui enrichiront le langage et les connaissances des petites oreilles attentives !

Il y aurait encore bien des choses à dire pour aider les enfants à faire une meilleure scolarité… En deux mots je dirais : équilibre et bon sens, qu’il s’agisse du sommeil, de l’alimentation, du temps de travail comme celui des jeux. Un enfant a besoin d’espace, de bouger, de courir au bon air.

 

Les loisirs et activités culturelles 

C’est le temps dont on peut disposer sans manquer à ses devoirs, dit le dictionnaire. Que l’enfant qui rentre de l’école prenne un temps de détente après avoir fait ses devoirs, rien de plus normal. Qu’il ait quelques activités extérieures, sportives, musicales, amicales, bien sûr, surtout si la famille vit en appartement. La première des règles en matière de loisirs organisés, c’est : ni trop, ni trop peu. Certains parents se donnent >>> >>>  bonne conscience en inscrivant leurs enfants à une multitude d’activités, leur faisant passer des mercredis harassants, courant du cours de violon à celui de modelage en sortant de goûters d’anniversaire ! Et l’on observe des enfants saturés de divertissements, mais sans un moment de relâche permettant la réflexion ou l’imagination dans le calme de leur chambre ou d’un coin du jardin.

« Le jardin invite au rêve. Limité, clos de murs solides, petit domaine dont chaque coin a été mille fois visité, il suffit au jeu et au cœur. L’imagination émancipée, franchit l’enceinte et la cime des arbres, suivant dans son vol les oiseaux et les nuages. L’herbe haute se mue en jungle, les buissons paisibles en maquis, redoutable. Chaque arbre devient une forêt, le chat qui rôde se transforme en fauve… […] Formé à cette école, il y aura grande chance qu’à l’âge des premières ambitions, l’adolescent rêve son avenir ouvert et audacieux comme le voyage et l’aventure qu’il aura vécu […] Que d’explorateurs, de marins, de missionnaires, de créateurs d’empires ont ambitionné de réaliser sous d’autres étoiles leur rêve éclos parmi les fleurs du jardin familial ! » 1

Rien n’encourage mieux l’enfant à la perception du divin que la contemplation des merveilles que Dieu a créées pour les hommes. Les fleurs, les plantes, les arbres, cette splendeur qu’est le ciel immense avec ses belles étoiles si nombreuses et qui donnent à l’enfant une petite idée de l’infini, du mystère et du miracle. Celui qui a frémi et vibré devant la beauté des étoiles se laissera moins tenter, plus tard, par les feux follets que sont les plaisirs de la terre. Son âme aura goûté la beauté et la grandeur de Dieu à travers sa Création ! « Le beau est la splendeur du vrai » a si bien dit Platon.

 

Il faut éveiller cette contemplation du beau chez nos jeunes enfants, en douceur, d’abord avec des choses simples et remarquables de la vie quotidienne, en les rattachant au bon Dieu dans une action de grâce régulière. Les longues visites de musées ne sont pas à conseiller trop jeunes car les enfants, n’en percevant pas encore l’intérêt, pourraient s’en dégoûter. Commençons par la visite d’églises, de cathédrales aux beaux vitraux, en essayant de découvrir quels saints se cachent dans toutes les statues qui s’y trouvent, comment on les reconnaît par leurs attributs ou un détail qui rappelle leur vie, cela les passionnera ! Apprenons-leur à observer un tableau, une belle image que nous avons chez nous ou dans un beau livre d’art, à la décrire, et même à essayer de comprendre ce qu’a voulu nous montrer l’auteur… On peut agir de la même façon avec la musique, par exemple en écoutant les quatre saisons de Vivaldi : le ruisseau qui galope au printemps, la force de l’orage estival ou la chute légère des feuilles d’automne dans le vent, et l’on s’émerveillera d’entendre comme la musique aussi peut bien raconter les histoires !

« Dès le premier jour, courez avec l’enfant vers ce qui est beau et grand, dans le monde et les actions des hommes, leur langage, leurs chefs-d’œuvre, les grands personnages, les grands gestes, les grandes paroles. Si tout de suite le beau l’a touché, vous pouvez espérer que jamais il ne supportera le médiocre » (René Benjamin). Et j’ajouterais que son âme en éprouvera une plus grande soif de Dieu.

   

Sophie de Lédinghen 

1 Jean Rimaud, cité dans « l’art des art- Éduquer un enfant »

 

 

Le bon élève (1)

Qu’est-ce qu’un bon élève ? Est-ce l’écolier classé parmi les premiers ? Cette idée paraît bien étroite… Un bon élève est plutôt l’enfant qui s’accroche en classe parce qu’il a le goût de s’instruire. C’est un écolier épanoui qui retirera de ses années scolaires un profit décisif pour sa vie d’adulte. Tous les enfants ne sont pas faits pour être « premier de classe », il n’y a qu’un premier par classe ! Et si beaucoup peuvent être de très bons élèves, tous n’ont pas les mêmes capacités de compréhension, de mémoire, ni les mêmes centres d’intérêt, mais tous peuvent être épanouis en faisant le mieux qu’ils peuvent tout au long de leur scolarité.

 

C’est à la maison que se font les bons élèves

Les mauvais aussi. 90% des écoliers qui ont pris un bon départ restent bons élèves jusqu’au bout, car c’est pendant ses premières années que l’enfant apprend à apprendre, et cela commence à la maison. Les parents doivent se persuader qu’ils ont en main la clé de la réussite de leur enfant, c’est-à-dire de leur avenir, qu’il soit spirituel, familial, professionnel, relationnel…

Que faut-il donc donner à ses enfants pour qu’ils aillent bien, à l’école comme à la maison ? Nous en avons déjà parlé1, leur équilibre dépendra beaucoup de l’atmosphère familiale (paisible, ordonnée, bonne entente entre les parents…) et de l’affection. Une personne qui se sent aimée est plus forte pour réussir, à n’importe quel âge, car elle ne se sent pas seule. Pour l’enfant, l’affection est plus qu’une aide, c’est un besoin vital, surtout pendant les trois premières années de sa vie. Mais après, il ne devient pas tout d’un coup guidé par la seule raison. Pendant longtemps encore, le cœur va être au centre de ses préoccupations, de son développement intellectuel, affectif, social. Chez le tout jeune enfant, tout se passe comme si, tant que le cœur n’est pas satisfait, l’intelligence se bloquait. Cette domination du cœur sur l’intelligence est entière jusqu’à « l’âge de raison » (environ sept ans). Ensuite, lentement, l’intelligence acquiert plus d’indépendance vis-à-vis du cœur, surtout si l’enfant a des parents aimants, et qui savent l’exprimer en le corrigeant ou l’encourageant selon les circonstances. 

Après l’affection, le plus grand besoin des enfants est l’autorité. Savez-vous ce qu’on appelle aux États-Unis des « runaways » ? Ce sont des jeunes, entre 12 et 16 ans, qui fuient leur maison. C’est un fléau national, le drame de centaines de parents qui ont cru qu’on pouvait élever des enfants sans aucune contrainte, qu’il fallait céder à tous leurs caprices si l’on voulait éviter les « frustrations ». Alors, complètement abandonnés à eux-mêmes, ne trouvant personne pour les guider chez eux, les conseiller, les reprendre ou exiger, ces enfants se sont enfuis ! L’autorité des parents consiste à savoir ce qui est utile pour le bien de l’enfant, au physique comme au moral ; être décidé à imposer sa volonté lorsqu’elle est juste ; être ferme, ne pas céder aux supplications. Non seulement l’enfant accepte cette autorité, mais il la recherche si elle fait défaut.

Savez-vous pourquoi l’affection et l’autorité que vous donnez à votre enfant le rendent heureux ? Parce que cela lui donne un sentiment de sécurité dont il a grand besoin pour grandir !

 

Aider son enfant

Pour la majorité des parents, aider un enfant dans ses études, c’est lui faire recommencer à la maison la division ou l’analyse qu’il n’a pas comprise. Il y a une manière prévoyante et facile d’aider un enfant,  avant même qu’il aille à l’école : c’est d’encourager les qualités qu’il possède et qui lui seront utiles dans sa scolarité, et de reprendre sa nature désordonnée par le péché originel en éduquant par exemple son sens de l’effort, de la volonté, en développant aussi sa curiosité et la maîtrise de lui-même.

Il s’agit d’abord du désir que l’enfant a de grandir et de faire lui-même ce qu’il voit faire les autres. Cela le rend capable de grands efforts. Regardez votre petit, pour attraper un objet dans sa main, puis pour se tenir aux barreaux de son parc, faire entrer une perle dans une bouteille, il recommence dix fois, vingt fois avec persévérance. Autant de fois cela rate, autant de fois il recommence ! Personne ne le dérange car il ne dérange personne. Il est prêt à tous les efforts. C’est lorsqu’il veut faire les choses que l’on faisait pour lui que cela se gâte : manger, se déshabiller, ranger…car, évidemment il est maladroit, cela prend du temps, et maman est pressée ! Alors au lieu de laisser l’enfant faire tout seul, on le lui fait. Ou bien quand il tente à grand peine de monter une tour de cubes, on l’interrompt, sans égard pour son effort. Ou bien encore s’il veut aider à mettre le couvert, on refuse : « Tu es trop petit !». Ainsi on lui retire la joie de réussir, ainsi qu’une bonne occasion de prendre confiance en lui-même. Encouragez donc votre enfant dans ses tentatives de progrès au fur et à mesure qu’il grandit. A l’école, il aura sans cesse des efforts à faire. Il se trouvera sans cesse devant des tâches qui lui sembleront difficiles. Vous ne serez pas là pour les faire à sa place. Comment pourrez-vous lui dire « Fais donc un effort » si vous avez régulièrement découragé tout désir de progrès.

Par ailleurs l’enfant est curieux, c’est normal, il a tout à découvrir, tout à comprendre. Cette curiosité lui sera très utile à l’école. Avant la parole, il découvre ce qui l’entoure avec les yeux, puis avec les mains : il touche, déplace… C’est ainsi qu’il apprend à connaître. Puis, lorsqu’il sait parler, l’enfant exprime sa curiosité par des questions de plus en plus précises au fur et à mesure de l’évolution de son langage. C’est la période de l’inventaire où l’enfant veut mettre un nom sur chaque chose. Viennent ensuite les « pourquoi ? », il veut comprendre et savoir à quoi servent les choses et pourquoi on fait les actions. Il faut alors user de patience pour répondre avec des mots simples et adaptés à son âge, afin de satisfaire ce moyen d’apprendre. Refuser l’explication serait stériliser la curiosité de l’enfant. Et demain, à l’école, il pourrait devenir cet élève qui désespère parents et enseignants car il ne s’intéresserait à rien.

Il y a une autre qualité, qui, elle, n’est pas naturelle, et sur laquelle je voudrais attirer aussi l’attention car elle sera très utile à votre enfant en classe : la maîtrise de soi. Un bien grand mot pour un petit écolier qui en aura tant besoin pour ne pas interrompre la maîtresse dès qu’il aura une réflexion à faire, et gênera la classe. Ou encore qui prendra le ballon, même si ce n’est pas à son tour de jouer, et que ses camarades excluront. La maîtrise de soi suppose un contrôle, et de la parole et des gestes, sans lequel la vie en société n’est guère possible. Ce contrôle est particulièrement difficile pour l’enfant car celui-ci est essentiellement spontané et égocentrique, c’est-à-dire qu’il ramène tout à lui sans tenir compte de ceux qui l’entourent. Cette maîtrise de soi (que les adultes n’ont pas toujours !) s’apprend dès la petite enfance. Par exemple : l’enfant a le droit de parler à table, mais ne doit pas interrompre celui qui parle. On ne lui donnera pas toujours tout de suite ce qu’il souhaiterait en lui demandant d’attendre un peu. Il se contrôlera à l’occasion de certains jeux en famille, comme par exemple le Mistigri2 : s’il a le valet de pique, il doit se maîtriser pour ne pas le dire, et l’offrir négligemment à son voisin, etc. On lui apprendra à accepter un contretemps, ou bien encore à ne pas clamer sa déception s’il n’a pas la fève lorsque l’on tire les rois !

Les parents comprendront, bien sûr, que tous ces efforts seraient vains pour inculquer la maîtrise de soi à leurs enfants s’ils les voient eux-mêmes crier et se mettre sans cesse en colère : la maîtrise de soi s’apprend essentiellement par l’exemple. (À suivre…)     

Sophie de Lédinghen 

 

1 cf. FA n°29 Aimer son enfant ; n°30 Aimer vraiment son enfant ; n°31 Qui aime bien, châtie bien

2 Jeu du Mistigri : On retire du jeu 3 valets en ne gardant que le valet de pique. On distribue toutes les cartes entre les joueurs qui posent devant eux les paires qu’ils peuvent constituer. À tour de rôle, chaque joueur fait tirer une carte de son jeu à son voisin situé à sa gauche. Celui-ci pose deux cartes s’il a réussi à réaliser une paire. Le joueur qui reste à la fin avec le Mistigri est le perdant !

 

Notre enfant se fiance  

La plupart du temps, nous l’avons vu précédemment (cf FA n°32), l’engagement dans des fiançailles est le reflet de l’éducation reçue. Soit il se fait dans la droite ligne des principes inculqués, si l’éducation a été équilibrée, soit il se fait dans le rejet, si l’enfant a perçu (nature plus sensible ou fragile) ou souffert de déséquilibres (autorité, affection…). Par ailleurs, aucune famille n’est à l’abri d’un « coup de foudre » malheureux et irréfléchi chez l’un ou l’autre de ses enfants, ou d’un choix délibérément raisonné et opposé à celui des parents. Même après une éducation profondément chrétienne, et naturellement équilibrée, rien n’est jamais gagné d’avance ! Mais enfin, le plus souvent, nous pouvons appliquer l’adage « on juge un arbre à ses fruits ».

Que les parents se rassurent, s’ils ont élevé leurs enfants le mieux qu’ils ont pu, en leur donnant un bon exemple quotidien, le sens du service, du don de soi, d’un travail des vertus chrétiennes, de l’intelligence et de la volonté, cela restera « imprimé », que leurs enfants soient dociles ou rebelles, et quels que soient leurs choix de mariage !

Le père et la mère, après avoir suivi l’instinct de protection mis par Dieu dans leur cœur (celui de « parents-oiseaux »), prennent quelque recul lorsque leur enfant se prépare à s’engager dans des fiançailles, se détachent de cet amour lui-même, au moins en ce qu’il a de trop humain, et le subliment, à l’imitation de l’amour de Dieu pour sa créature : Il lui a donné la vie, Il l’a façonnée, mais Il lui a aussi fait don de la liberté, et Il a permis qu’elle fût faillible. Aussi là se joue le rôle des parents : avertir, éclairer, puis s’effacer, écouter, être là !

Souvenons-nous : lorsque nous avons attendu nos enfants, neuf mois durant, nous avons eu la certitude d’attendre le plus merveilleux bébé du monde… Nous l’avions idéalisé. Il en est de même pour le mariage de nos enfants : nous idéalisons celui ou celle qu’ils épouseront ! Son physique, sa situation professionnelle, ses qualités naturelles et spirituelles… Nous l’imaginons parfait ! Ne voulons-nous pas ce qu’il y a de meilleur pour eux ? Mais cet idéal vu de notre fenêtre de parents, n’est pas forcément ce qui convient le mieux à notre enfant. Bien souvent l’on est un peu surpris du choix qu’il a fait et, les années passant, nous constatons combien, souvent, ce choix lui convient.

Les parents doivent avoir un jugement de prudence, ils doivent d’abord considérer ce que vaut cet amour en tant qu’il doit unir deux êtres sur le plan physique, sur le plan humain, sur le plan chrétien. Quelle profondeur a leur amitié, leur attachement ? Sont-ils d’accord pour toutes les grandes options de la vie ? Ont-ils des points communs d’éducation, de religion, de style de vie, de centres d’intérêts ? Y a-t-il une difficulté d’âge, de santé, de famille, de nationalité, de ressources financières ? Chaque cas est particulier et demande une étude sérieuse. Les parents des deux jeunes gens se rencontreront pour mieux juger la situation, et en parler sans perdre de vue le bien supérieur de leurs enfants.

Apprendre à se connaître

À moins qu’il soit déjà une connaissance de la famille, c’est souvent en voyant vivre le futur conjoint que l’on apprend à le connaître. Il faudra recevoir régulièrement l’un et l’autre des fiancés dans les foyers de leurs parents respectifs. Au fur et à mesure de leurs passages ou séjours, ils se sentiront plus à l’aise, moins surveillés, pour se montrer eux-mêmes. Les parents observeront discrètement, et poseront quelques questions de façon naturelle. Les habitudes familiales demeureront inchangées pour que le nouveau venu découvre mieux sa future belle-famille. Le bonheur en famille, comme en ménage, dépend en partie du respect de cette distance sans familiarité entre les individus, et de la discrétion avec laquelle on la franchit. Pour en venir à se connaître vraiment, les deux jeunes fiancés commencent lentement  à se parler de tout et de rien, puis peu à peu d’eux-mêmes, pour en venir au-delà du domaine « public » et se connaître vraiment : non pas en se disant « ce qu’ils ont » ou « ce qu’ils font », mais « qu’ils sont ». De même les parents respecteront une certaine discrétion pour permettre à l’amitié, puis à l’affection de prendre le temps de grandir et d’atteindre sa maturité. Dans la nature la semence tombe sur le sol et germe lentement. Arrosée par les pluies, les pousses émergent timidement, grandissent sous les caresses du soleil pour se transformer finalement en fleurs et en fruits. En ne respectant pas ces stades naturels de croissance, on peut tuer une amitié naissante aussi facilement qu’on peut tuer un jeune plant.

Conseiller doucement son enfant

Une plus grande intimité se fait entre les parents et leur enfant fiancé, avec la mère surtout à qui on se confie et auprès de qui on se réjouit. Elle aussi, sans chercher à connaître ce qui ne regarde que les jeunes fiancés, continue à conseiller, élever, fortifier… L’amour humain est une « vocation » divine : il vient de Dieu, il va vers Dieu. Les parents encouragent leurs enfants à placer leur temps de fiançailles sous trois signes : Travail, Pureté, Charité.

Travail : pas question de considérer les fiançailles comme une « salle d’attente » qui maintient inactifs, ni comme « un boudoir » où l’on reste entre soi à apprendre à conjuguer le verbe aimer à tous les temps ! Ces deux attitudes rendraient stérile cette importante période de préparation au mariage. Le bon moyen est celui d’un travail de fondations solides pour bâtir ensuite un foyer consacré à Dieu : découverte des caractères, des défauts de l’autre, mais aussi des psychologies masculine et féminine si différentes. Travail pour accepter ces différences, les petites imperfections, et offrir le meilleur de soi en luttant contre ses propres défauts pour l’amour de l’autre. Pour cela chacun développera sa propre vie spirituelle, tout en s’habituant à une prière commune.

Pureté : l’exigence de pureté dans les fiançailles est un don par lequel on prépare une offrande totale de soi-même. Il est normal que cela se présente comme un combat sévère. La première condition est de lutter ensemble, la victoire ne sera efficace que si elle est commune, dans une confiance mutuelle qui ne fera que grandir jusqu’au sacrement. Ce qu’il faut c’est « l’esprit », sans se préoccuper de la frontière entre le « permis » et le « défendu ». Un esprit de sacrifice par lequel grandit l’amour parce que cet effort représente la volonté de protéger, de respecter l’autre, en combattant son propre égoïsme. La jeune fille saura se priver de la tendresse dont elle a soif en ne pensant plus à elle mais à son fiancé. Elle fera tous les sacrifices pour l’aider à grandir lui-même en pureté. Pour le jeune homme, ce qui est déterminant est de vouloir mériter son titre de chef, et donc d’agir comme tel. Manquer à la pureté, c’est trahir son rôle de chef et ne pas protéger ceux dont on a la charge.

Charité : pour être authentiquement chrétiennes, les fiançailles doivent aboutir simultanément à l’amour de Dieu et à l’amour du prochain. Ces efforts concrets sont à réaliser chacun dans sa famille, dans son métier, dans son entourage : délicatesses, services rendus, union des membres de la famille, responsabilité sociale ou paroissiale… Plus tard, jusque dans la vie commune, c’est dans ce sens qu’il faudra développer cette volonté d’aider les autres ensemble pour l’amour de Dieu. On observe souvent deux attitudes chez les fiancés, soit « ils ne sont pas à prendre avec des pincettes », désagréables à la maison, et tout tournés vers leur petit bonheur, soit ils sont rayonnants, détendus, et faisant effort sur eux-mêmes pour se montrer aimables et disponibles, parce qu’ils se préparent à leur vie future où il faudra lutter contre soi-même et se mettre au service des autres.

L’obsession du matériel

Dans toute vie, le temporel se mêle au spirituel, jusqu’à parfois même prendre le dessus dans nos pauvres esprits ! Dans la majorité des cas, ces occupations matérielles font barrière entre les fiancés : ils les dispersent, les opposent, les découragent ou les déçoivent. Et pourtant, ils sont un moyen de croître ensemble. La vie de leur foyer en sera imprégnée, tissée. Souvent, à la fin de leur retraite spirituelle de préparation au mariage, les fiancés s’écrient : « Merveilleuse retraite ! Avec tous nos soucis d’installation et de listes de mariage, nous n’avons pu penser à rien d’autre ! Enfin un peu de tranquillité pour « spiritualiser » notre préparation au mariage ! » Justement, Il ne s’agit pas de s’évader du réel, mais de le maîtriser. Dans la vie conjugale, il faudra maintenir ensemble un équilibre entre le matériel et le spirituel pour ne pas se perdre dans les tâches domestiques ou familiales. Et savoir y trouver une valeur spirituelle pour progresser encore et mieux, dans un esprit de générosité et d’abandon sans se laisser dominer.

Bien des parents considèreront le mariage de leurs enfants comme une perte, une forme de deuil : les voilà qui nous quittent, qui entrent dans une autre famille, ce ne sera plus jamais comme avant, nous ne serons plus « entre nous » ! Disons que le mariage est une sorte d’adieu à l’enfance qui rendait nos enfants dépendants de nous. Mais les avons-nous mis au monde pour nous les réserver ? Certes non ! Ils ont à leur tour leur vie à bâtir.

Nous les avons élevés, armés, fortifiés autant que cela nous a été possible et avec nos grâces d’époux et de parents. C’est à leur tour de transmettre le flambeau de la foi à la génération future. Nous savons que, même si nos fils « quitteront leur père et leur mère », et que nos filles « s’attacheront à leur mari », ils garderont à leurs parents leur affection et leur reconnaissance en retournant régulièrement auprès d’eux, y glanant quelques conseils ou encouragements… Nous savons bien, nous parents, que nos enfants restent bien présents tout au fond de nos cœurs, et que nous avons encore à travailler pour eux en égrenant quotidiennement nos chapelets. Mais pas seulement pour eux puisqu’ils ont enrichi notre famille de charmantes épouses et de gentils maris que nous avons placés tout près d’eux dans notre affection sans bornes !

     Sophie de Lédinghen 

 

Qu’aurions-nous dû faire ou leur dire?

Lors d’une récente conversation, un prêtre me confiait voir passer chaque jour dans sa paroisse des parents lui demandant, tout éplorés, ce qu’ils avaient raté avec leurs grands enfants pour en arriver là ! « C’est là le quotidien du prêtre en ce moment » insista-t-il.

           La réponse est pourtant toute simple : les parents doivent éduquer leurs enfants pour le ciel !

  L’éducation d’un enfant ne se limite pas à en faire un homme pour la cité temporelle : la vocation de l’homme ne s’arrête pas au temps que nous avons à passer sur cette terre. Après quelques années ici-bas, Dieu nous appelle tous à un bonheur sans fin, à Le contempler dans sa gloire. C’est là le véritable but de notre vie. C’est à cela que nous devons nous préparer pour nous-mêmes, c’est à cela que nous devons préparer nos enfants : leur vocation d’adorateurs pour l’éternité.

  C’est donc tout petit que commence cette éducation de l’âme chrétienne, et même avant la naissance… Au départ, le petit enfant, avant ou après sa naissance, ne fait qu’un avec sa maman. D’elle il reçoit tout, d’elle dépend toute sa croissance physique, toute sa vie affective. D’elle aussi, il reçoit l’alimentation spirituelle : la prière de sa maman, dont le tout petit s’imprègne, et qu’il absorbe tout comme le lait dont elle le nourrit.

  Il est donc juste de dire que l’avenir d’un enfant se joue dès le berceau. Tout ce que ses parents tentent de faire, du tout-petit un enfant sain et droit, de l’enfant un adolescent joyeux et pur, de l’adolescent un être généreux et vertueux, tout cela prépare les choix de sa vie future qu’il fera d’un cœur honnête devant le bon Dieu, que ce soit pour la vie religieuse, pour fonder une famille solide ou se donner autrement. Examinons comment, en travaillant à former l’âme, la volonté, le caractère et l’esprit de leur enfant, les parents le préparent à son futur état de vie.

 

  Avant toute chose, il doit être bien clair que des parents catholiques se sentent dépositaires de leurs enfants qui appartiennent d’abord à Dieu. Ils doivent accepter par avance tous les sacrifices pour les élever saintement, et supporter vaillamment la maladie, ou même la mort de l’un d’entre eux si la providence le voulait ainsi. De même accepteront-ils volontiers une vocation sacerdotale ou religieuse si cela se présentait. Il s’agit certes de sacrifices sur un plan humain, mais d’une voie royale pour conduire les âmes plus assurément au ciel !

 

Le sens de l’effort

  Les fondements d’une éducation morale seraient incomplets sans l’apprentissage de l’effort et du sacrifice. La vie humaine étant un combat, la victoire ne s’obtient pas sans effort, et pas davantage sans quelques renoncements… On rencontre des efforts à faire dans tous les domaines (physique, intellectuel, moral, spirituel), ils font partie de la vie. « Chaque fois que la facilité remplace l’effort personnel (…) en fait, on enchaîne l’enfant à l’adulte, on lui fait prendre goût à la dépendance, on l’habitue à voir les autres répondre à ses besoins1. » Le rôle éducateur des parents est d’accompagner progressivement l’enfant jusqu’à ce qu’il parvienne à son autonomie. L’enfance est l’âge du dépassement, il est donc facile de satisfaire la volonté de grandir de l’enfant en lui donnant le sens de l’effort.

  Avec l’effort, le sacrifice a toute sa place dans la vie chrétienne. Baptisés, rachetés par la mort et le sang de Notre-Seigneur, les enfants, tout autant que leurs parents, doivent passer par la croix et le sacrifice pour imiter Jésus. Tout petit, l’enfant prend Jésus pour modèle : il obéira « pour faire comme Jésus » depuis son enfance et jusqu’à la croix ; il fera plaisir aux autres, « pour faire plaisir à Jésus », c’est là que commence le vrai sens du sacrifice. Renoncer généreusement à sa petite volonté, aimer les autres, se dévouer pour eux… Toujours pour Jésus, cela change tout et encourage à tous les efforts, imprégnant >>> >>> peu à peu l’âme des nombreuses vertus chrétiennes qui feront ressembler de plus en plus à Jésus !

 

L’admiration

  Admirer, c’est aimer ! Pour aimer Dieu, il faut prendre le temps de le contempler dans sa création, toutes ces merveilles mises à la disposition des hommes et dont la beauté élève si naturellement les âmes. Avec l’admiration, naît la piété, le besoin de prier. Il faut fonder sur l’admiration l’éducation du cœur adolescent. Les élans d’un jeune cœur jaillissent dans tous les sens, impatients de toutes les découvertes, prêts à tous les enthousiasmes. A l’égoïsme un peu retors de la petite enfance succèdent la générosité, le désir de connaître, de servir. Ces élans éveillent une joie d’aimer qu’il faudra nourrir tout en la guidant, la canalisant sans se préoccuper du jour où elle se fixera sur une vie consacrée à Dieu, ou sur un être élu parmi les autres… C’est en famille que l’on ira visiter de beaux monuments, les œuvres des hommes, des cathédrales comme des petites églises romanes ; que l’on contemplera des sculptures ou des peintures somptueuses au hasard des déplacements ou lieux de vacances ; que l’on ira écouter chanter de beaux chœurs d’enfants ou jouer des symphonies magistrales. On visitera des couvents pour discuter des différents ordres, les comparer. Peut-être même que le père de famille et ses fils pourront rentrer dans la clôture pour mieux comprendre la vie des moines. On recevra aussi à la maison des familles qui ont le même idéal et que l’on admire ; ou encore on accueillera des prêtres à la table familiale, eux qui ont donné leur vie à Dieu en se mettant au service des âmes, et avec lesquels les enfants entreront en confiance pour discuter ou se confier. Et puis, on dirigera aussi les amitiés, les lectures, préférant celles qui stimulent et élèvent. La poésie, les hauts-faits, les dévouements prestigieux, les vies de saints, tout ce qui transforme l’admiration en désir d’imitation, en désir d’union ou en acte d’adoration quand elle s’élève jusqu’à Dieu.

Les parents n’ont pas à orienter les choix de vie de leurs enfants, mais ils ont à nourrir et préparer les âmes et les cœurs dans une sanctification constante. On lancera des sujets de conversations constructifs, formateurs, provoquant parfois, pourquoi pas, quelques débats animés ! Les religieux ou personnes détenant une autorité ne seront jamais critiqués, et l’on se forcera à voir le bon côté des gens dont on parle pour garder un grand respect de leur état. Dans la mesure où l’éducation aura été cohérente, avec une vie de prière familiale régulière, un choix d’écoles correspondant à leurs valeurs religieuses et éducatives, les enfants acquerront un équilibre naturel et surnaturel qui, plus tard, portera tout simplement le jeune homme ou la jeune fille à faire un choix de vie solide qui assurera le mieux le salut de son âme, et fera la joie de ses parents.

 

  « L’enfant, pris dans de nouveaux liens, confronté à de nouveaux devoirs, comprend brusquement par le dedans la vie et l’âme de ses parents. Une illumination intérieure éclaire d’un jour spirituel tout le passé, toute son enfance, tant de soins et tant de vertus que deux êtres ont dépensés pour faire de lui un homme.

  Heureux s’il peut alors s’abandonner au chant de la reconnaissance et si ceux à qui il doit tout sont encore là pour en savourer la douceur2. »         

Sophie de Lédinghen

 

 

1 Ivan Gobry, Les fondements de l’éducation, Téqui

2 Roger Pons   

 

Faire grandir son enfant

           Nos enfants, je ne vous l’apprends pas, sont ce que nous avons de plus cher sur cette terre. Que ne sommes-nous pas prêts à mettre en œuvre pour leur bien-être, leur satisfaction, leur joie de vivre ! Oui, nous voulons les voir souriants, ne manquant de rien, ne souffrant d’aucun tourment… Et souvent cela nous conduit à les détourner du vrai but de notre mission parentale, le bonheur du ciel. 

  En venant sur la terre, Notre-Seigneur est venu dire aux hommes qui était son Père dans le ciel, et leur montrer ce qu’il fallait faire sur la terre pour aller à Lui : le connaître, l’aimer et le servir par la prière, le devoir d’état, l’amour du prochain, le sacrifice… C’est donc la voie à suivre dans notre éducation.

  Nous observons, autour de nous, même dans les milieux catholiques, beaucoup de parents qui essaient de préserver leurs enfants de toute épreuve physique ou morale, de toute privation, de toute contrainte… Combien voyons-nous aujourd’hui d’enfants et d’adolescents incapables d’affronter l’adversité, de prendre sur eux pour l’accepter ou la combattre ; qui subissent les événements parce qu’on ne leur a pas appris à se dépasser en faisant preuve de caractère et de volonté.

  C’est tout petit que nous donnerons l’esprit de sacrifice et le sens de l’effort à notre enfant, en ne cédant pas à ses caprices, en ne le protégeant pas de tout. S’il tombe sans se faire mal, laissons-le se relever. Comment se relèvera-t-il plus tard, lorsque les épreuves de la vie se chargeront de le faire tomber, si on ne le lui a pas appris ? Comment trouvera t-il le courage d’affronter l’adversité ou d’encaisser un coup dur si on ne l’a pas laissé faire les choses « tout seul » (fermer les boutons de son manteau, ranger sa chambre, rendre service…) dès qu’il en a été capable ? Tout jeune, donnons des exigences à notre enfant qui doit savoir obéir tout de suite et sans grogner, prêter ses affaires, terminer ce qu’il a commencé, non seulement parce que Papa ou Maman l’a demandé mais aussi pour les faire de bon cœur… Et si Maman est contente, Jésus est content aussi !

  L’enfant et l’adolescent ont eux-mêmes à se priver, à faire l’effort, à supporter leur part de la vie. Si les parents veulent que leurs enfants soient forts face à la tentation, et courageux dans les combats de chaque jour, ils doivent être familiarisés avec l’effort. Comment se fortifieront-ils si leur mère se précipite auprès du professeur pour réparer une injustice de quelques demi-points au dernier devoir, ou pour expliquer (avec renfort de larmes parfois !) que la punition est beaucoup trop lourde ?! En plus de discréditer auprès de l’enfant ledit professeur auquel on aura donné tort, et dont on aura ainsi sapé l’autorité, le parent aura fait preuve de faiblesse auprès de son enfant. Comment voulez-vous que votre enfant grandisse et devienne responsable de ses actes si vous abaissez les barrières qui sont là justement pour l’aider à se construire ? Quel adulte voulez-vous vraiment que votre enfant soit demain ? Oui, il aura des croix à porter toute sa vie, il n’y a pas de ciel sans croix. Dieu lui-même a voulu cela pour son propre fils qu’il n’a pas épargné, loin de là !

« Mais je ne supporte pas de le voir souffrir ! » Alors, madame, aidez-le à porter ses croix au lieu de les lui porter. Les parents ne sont pas là pour empêcher leurs enfants de souffrir, mais pour aider, encourager et souffrir avec eux s’il le faut. Ce n’est pas la Sainte Vierge qui a été crucifiée à la place de son fils, et pourtant elle était là, debout au pied de la croix, silencieuse mais présente… Et elle priait en souffrant avec lui.

  C’est lorsque votre enfant sera encore petit que vous l’encouragerez et le consolerez doucement en lui demandant d’offrir sa peine, son sacrifice, la petite dispute, en donnant son cœur à Jésus dans une petite prière ou un baiser. Vous l’aiderez à reconnaître ses torts, ou trouverez quelques excuses à l’adversaire tout en lui disant que vous pouvez comprendre cette colère qu’il ne doit pourtant pas garder au fond de lui. Vous tempérerez sa nature rebelle avec tact ou même en le taquinant !

  Plus vous aurez fortifié le caractère et la volonté, mieux vos enfants traverseront et surmonteront leurs épreuves. Donnez-leur aussi le sens de la générosité, du don d’eux-mêmes, apprenez-leur à se détourner de leur petite personne pour se rendre utiles et agréables aux autres. Laissez-les prendre des initiatives, des responsabilités, et tant pis si le premier gâteau a un peu trop roussi dans le four, ils tireront les conséquences de leurs actes et se corrigeront d’eux-mêmes pour les fois suivantes, c’est comme cela qu’on devient humble et responsable !

  Plus tard, les chagrins seront plus grands, les blessures plus profondes, ainsi que les rancœurs. Les échecs auront de plus graves conséquences et certaines peines ne guériront peut-être jamais…Vous resterez consolateurs, écouterez avec patience. S’il y avait un conflit avec un professeur, un chef scout, l’autre parent, un prêtre ou toute personne détenant une autorité sur l’enfant, vous devez toujours soutenir l’autorité et ne pas prendre parti systématiquement pour votre enfant. Donnez des circonstances atténuantes pour minimiser les griefs, et prenez du recul afin d’aider l’enfant à accepter ce qui le peine ou le contrarie. Vous le connaissez suffisamment pour savoir, qu’il peut exagérer et aggraver les choses, mais si vous le voyez vraiment dans la révolte, il est possible que quelque injustice soit arrivée. Dans ce cas, on trouvera discrètement la personne concernée pour savoir ce qui s’est passé et, au besoin, s’entendre pour rectifier une parole ou une action inadaptée. Mais cela doit rester tout à fait exceptionnel, et sans que l’enfant en ait connaissance.

 Ce n’est pas parce que la colère ou le chagrin est passé que tout va bien… Il reste souvent encore un petits poids sur le cœur de notre enfant, une amertume, un regret, et cela peut être long avant de disparaître, et c’est vrai que cela est douloureux à notre cœur de père et de mère. Nous poursuivrons alors notre travail en soutenant de nos prières, à deux et dans le secret. Parfois, nous avons tout dit pour mettre en garde notre enfant qui s’égare (mauvaises influences, mauvais choix de vie, mauvaises occupations ou habitudes…), et rien ne change. Il faut encore se surpasser dans le sacrifice, et le déposer entre les bras de la Providence avec une confiance dont seuls des parents aimants sont capables, nous en serons toujours récompensés. Oui vraiment, une bonne éducation est aussi la sainteté des parents !

       

Sophie de Lédinghen

 

 

« Qui aime bien, châtie bien ! »

           Après quelques décennies où l’on n’a plus parlé ni du péché, ni du démon, ni de l’enfer, et où les psychologues ont largement dénoncé les traumatismes dus aux sanctions, voilà qu’aujourd’hui, ils découvrent que l’absence de sanctions, elle aussi, peut être traumatisante, et qu’elle pourrait bien être un facteur de délinquance, les enfants étant privés des repères dont ils auraient tant besoin !

 

  Nous élevons nos enfants pour les conduire vers leur vie éternelle. Notre rôle de parents est de leur montrer le chemin qui mène à Dieu tout en les écartant des obstacles qui les en détournent. Mais leur apprendre à faire le bien et à éviter le mal n’est pas si facile. Nous avons constamment à choisir entre deux voies : l’une douce et plus facile, sans contraintes et l’autre, à l’inverse, dans un effort constant contre le péché, ce qui suppose d’apprendre à réprimer ses mauvaises tendances pour s’en libérer.

  C’est dans ce choix que Dieu nous a créés libres, Il ne nous impose rien, mais nous donne sa grâce pour nous lancer sur la voie qui mène à Lui : celle qui sera faite d’efforts, de combats contre les défauts pour accéder à la vraie liberté. Tout ceci devra être entrepris très tôt, les mauvaises tendances existent, ne disparaîtront pas toutes seules, mais seulement sous l’effet de contraintes fermes, patientes et régulières.

  Voilà la raison d’être d’une bonne discipline, de règles claires et précises, de punitions justes, le tout destiné à contrecarrer, dès le jeune âge, l’inclination au mal qui vient du péché originel.

  Tout ce travail sera facilité si l’enfant sait que ses parents agissent pour son bien, et qu’il est heureux et confiant de se savoir aimé d’eux.

C’est aux parents de définir pour leurs enfants ce qui est « permis » et ce qui est « défendu » (avant 4 ans) ; puis, après 4 ans, ce qui est « bien » et ce qui est « mal ». Bien sûr, il faudra d’abord annoncer « le règlement » que les parents veilleront à appliquer. C’est là, qu’au besoin, on aura recours à des sanctions appropriées.

 

  La sanction est là pour amener l’enfant au bien. Si l’on veut qu’elle porte, elle doit être indiscutable : « ce qui est dit est dit, on ne revient pas dessus ». Ce point est fondamental en éducation et nécessite de ne pas parler à la légère et de réfléchir avant d’établir la règle à respecter, la sanction qui y correspond, tout en la dosant :

– en fonction de l’âge, de la maturité, des capacités d’un enfant.

– en fonction de la gravité objective du mal. Il est beaucoup moins grave de casser un vase de cristal par maladresse, qu’un verre de cuisine par colère !

On ne sévira pas de la même manière si l’enfant a menti ou désobéi gravement, ou s’il a simplement fait une tache sur sa chemise.

 

  Pour qu’une sanction soit bonne, surtout dans le cas d’une punition, elle doit être :

 

Effective :

  On avait annoncé une punition en cas de désobéissance, il faut maintenant passer à l’acte. C’est « automatique », papa ou maman l’avait dit. L’enfant, perpétuellement menacé de punitions qui n’arrivent jamais, n’en fera toujours qu’à sa tête. Sans parler d’une perte de confiance en ce que disent ses parents, et d’un manque de respect en leur parole s’ils ne la tiennent pas.

En revanche, celui qui sait à quoi il s’expose très certainement, trouvera un frein à sa désobéissance.

 

Juste :

  La punition doit :

– être conforme à la raison

– être proportionnée à ce qui a été fait

– tenir compte du degré de responsabilité de l’enfant (un tout petit peut faire une grosse bêtise, mais du fait de son jeune âge, il reste inconscient du mal qu’il a pu faire…)

 

  Il faut trouver le bon équilibre entre un excès de sévérité, et une attitude « laxiste » où on laisse tout passer… Attention aussi à faire la différence entre « erreur » et « faute » ; une faute doit être punie. Punir pour une simple erreur, ou une maladresse, serait une injustice.

Le but d’une sanction est d’amener l’enfant à vivre selon la « justice » (sainteté) : obéir dès qu’on l’appelle, dire la vérité, se maîtriser, retenir le mot méchant, etc. Il ne faut donc pas qu’il puisse croire que vous l’avez puni, non parce qu’il le méritait, mais parce que vous étiez en colère.

 

  Il est conforme à la justice que le tort soit réparé. Pour être réellement éducative, la punition doit donc avoir ce caractère de réparation.

– pour un vol : la restitution de l’objet

– pour un mensonge, la rectification de ce qui a été dit

– pour une dispute ou un mot méchant : la réconciliation

 

  S’il l’a vraiment méritée, l’enfant accepte très bien d’être grondé, il sait qu’il mérite une punition et peut comprendre que c’est pour son bien. Si cette réparation n’est pas faite, il ressentira inconsciemment comme un manque : il n’a pas eu les repères dont il a besoin et qu’il attend de ses parents. Ces règles sont aussi valables lorsqu’il s’agit d’une récompense : elle doit rester proportionnée à ce qui l’a mérité, ni trop, ni trop peu.

 

Calme :

  Si l’on punit un enfant sous l’effet de la colère, la punition devient excessive, disproportionnée : elle perd alors toute son efficacité ! Si nous punissons un enfant, c’est parce que nous l’aimons et que nous voulons son « vrai » bien. L’enfant doit le savoir, il ne s’y trompe pas. La punition portera d’autant plus qu’elle sera donnée en toute objectivité, calmement, « à froid ». Cela n’empêche pas d’avoir parfois à hausser le ton, mais que cela reste conscient, contrôlé.

 

Immédiate :

  L’enfant vit dans l’instant présent, il est donc nécessaire de ne pas laisser de délai entre le fait et la sanction. « Tu as désobéi, tu es puni » : on administre la sanction, c’est dans l’ordre, et après, c’est fini, on n’en parle plus. On essuie les larmes et on s’embrasse : l’enfant retrouve la paix d’une bonne conscience et son sens de la justice est satisfait !

 

  Dieu a créé l’homme par amour. Il l’a d’abord créé pour sa gloire, et pour le rendre heureux. C’est en Dieu, en lui seul qu’il faut chercher ce bonheur, en lui seul qu’on peut le trouver. Notre vocation, ce à quoi nous sommes appelés, nous et nos enfants, c’est la sainteté : nous devons la désirer et prendre les moyens pour y arriver. Voilà dans quel sens nous devons élever nos enfants, voilà l’exemple qu’ils doivent avoir devant eux pour pouvoir, à leur tour, avancer vers le bon Dieu.

Oui, donnons-leur une éducation fondée sur l’Amour !           

Sophie de Lédinghen

 

Inspiré de « Éduquer pour le bonheur. La formation morale de l’enfant » (Monique Berger)

 

Aimer vraiment son enfant

           Comme nous l’avons vu, les enfants sont des êtres sensibles qui communiquent par leurs émotions. Ils ont une capacité étonnante à reconnaître nos sentiments à travers notre conduite. Pour qu’ils se sentent heureux, équilibrés, confiants en eux même et en les autres, un enfant doit sentir qu’il est aimé de ses parents.

 

           Est-ce qu’aimer, c’est serrer sur son cœur et cajoler en disant des mots tendres ? Est-ce encore céder à toutes les demandes, offrir toutes les nouveautés pour qu’il soit toujours satisfait ? Est-ce conserver une certaine rigueur pour l’endurcir au mal et obtenir de lui le maximum de ce qu’il peut faire en toutes choses pour qu’il soit performant plus tard, ou même pour hâter sa sanctification ?

Notre enfant doit avant tout sentir que, pour lui-même, et parce qu’il est enfant de Dieu avant d’être à ses parents, ceux-ci sont prêts à beaucoup d’affection, d’abnégation, de sacrifices pour l’amour de lui. Les parents s’appuieront en partie sur l’utilisation de ce langage émotif de leur enfant pour l’aider à grandir, fortifier son caractère et sa volonté dans un équilibre affectif indispensable. Il y a pour cela plusieurs moyens « de communication affective » :

 

  • Nos regards:

  Les yeux d’un enfant commencent à fixer les objets entre deux et six semaines. Ce qui retient son attention, c’est le visage humain, et plus particulièrement le regard. Dès l’âge de deux mois, ses yeux cherchent d’autres yeux ; l’enfant y cherche ce dont il a besoin : remplir son réservoir émotionnel. Il est difficile de transmettre des émotions à quelqu’un qui ne regarde pas dans les yeux mais constamment ailleurs. N’avons-nous pas tendance à apprécier les gens capables de maintenir un contact visuel agréable avec nous ? Ce contact visuel sera même plus agréable encore lorsqu’il sera accompagné de mots gentils, de sourires. Notre simple regard est très puissant pour exprimer diverses émotions à nos enfants : un encouragement, une admiration, une mise en garde ou critique, une affection ou complicité…

Malheureusement certains parents n’utilisent le contact visuel que lorsque leur enfant leur donne satisfaction et les remplit de fierté. D’autres les regardent dans les yeux principalement quand ils leur parlent, et surtout négativement. Montrer notre affection à un enfant ne devrait pas être contrôlé par le fait que nous sommes satisfaits d’eux ou non.

Que ce soit pour le reprendre ou pour l’encourager, le regard donne à l’enfant des messages de soutien, d’affection continue. Bien souvent un simple regard en dit plus long qu’un grand discours. Laissons parler notre regard, il y trouvera toute la sécurité et la confiance dont il a besoin pour grandir.

 

  • Des gestes de contact physique:

  Ce moyen est très naturel à la mère qui caresse la joue de son tout-petit, le berce doucement contre elle pour le consoler ou l’endormir. Sans prendre constamment son enfant dans ses bras en le couvrant de baisers, il est normal de lui manifester notre amour de parent par des petits gestes comme simplement le prendre par la main, lui passer la main sur la tête. Dans certaines familles on ne s’embrasse pas le matin ou le soir, or ces petits gestes d’affection sont indispensables à l’équilibre de tout enfant. La petite croix que le père tracera doucement sur son front représentera beaucoup pour lui.

Tous ces gestes doivent être naturels et aisés, sans exagération. Un enfant qui grandit dans un foyer où ces moyens de communication sont employés, sera plus détendu avec lui-même et avec les autres. Il les abordera plus facilement et ne mettra pas mal à l’aise. Ces gestes ne sont pas davantage réservés aux filles : souvenez-vous de l’histoire de Vincent (FA n°29, Vincent, en manque affectif, inquiétait sa maman tant il l’étouffait de sa présence insistante). Un garçon comblé par des contacts physiques et émotifs venant en particulier de son père, s’identifie à lui et se sent plus masculin.

Et lorsque l’enfant grandit et que l’on ne peut plus le prendre par la main ou le « câliner » affectueusement, on adaptera nos gestes à son âge pour lui dire combien on l’aime : une simple bourrade sur l’épaule, une main qui ébouriffe les cheveux ou qui se pose en passant, l’air de rien pour préserver la pudeur des âges délicats. Même si nous sentons notre grand garçon un peu réticent, nous sommes toujours ses parents, et il attend toujours nos marques d’affection.

Chez les filles, ce besoin de contact physique, de tendresse, atteint son paroxysme vers l’âge de 11/12 ans, au moment où sa nature est un peu déstabilisée pour prendre un nouvel équilibre féminin. Elles aussi ont surtout besoin d’être rassurées par les regards et le contact de leur père. Si la jeune fille de 13/15 ans ne se sent pas vraiment aimée en ce qu’elle est devenue, elle sera instable, influençable aux pressions de ses camarades, surtout celles des garçons, et moins capables de conserver les valeurs de ses parents.

 

  • Une « attention concentrée »:

  Lorsqu’un enfant sent qu’il est tout seul avec son père ou sa mère ou qu’il l’a « tout à lui », et qu’en ce moment il est « la personne la plus importante au monde » pour son père ou sa mère, le but de l’attention concentrée est atteint ! Il ne s’agit pas d’une simple gentillesse à donner à son enfant si le temps le permet, c’est un besoin essentiel pour chaque enfant. La façon dont un enfant se perçoit et se sent accepté dans le monde sera déterminée par la façon dont ce besoin est satisfait. Il est merveilleux de voir son enfant heureux, en sécurité, serein, apprécié par ses amis… Mais croyez bien, amis parents, cela ne se fait pas automatiquement ; bien élever un enfant prend du temps : nous devons trouver du temps à passer seul avec chacun de nos enfants ! Il faut exercer des efforts extraordinaires pour voler du temps à des horaires chargés, mais les récompenses sont grandes ! Ce temps ne doit pas nécessairement être long et quotidien, il doit surtout être régulier. Ce sera plus facile pour la mère de s’arrêter entre deux occupations pour prendre chacun de ses enfants un quart d’heure ou 20 minutes dans la semaine en fonction de leurs activités ou au hasard des occasions. Le père (et j’insiste sur l’importance de son rôle affectif !) peut se réserver les week-end pour discuter ou faire une activité avec chacun tour à tour : on emmène l’un faire une course, on profite d’un petit bricolage entre hommes avec un second, on organise un jeu ou un apprentissage avec le plus jeune… Il y a bien des moyens de prendre tout à soi son enfant une fois par semaine et d’en profiter pour provoquer une conversation, s’intéresser à ce qu’il fait, ce qu’il aime, ce dont il rêve… Mais aussi ce qui le chagrine ou l’inquiète ! Il y a tant de bons moments à partager, de messages à faire passer, tant de choses à se dire pour encourager, conseiller en évitant soigneusement le ton du sermon… Et aussi tant de choses à écouter ! Votre enfant a besoin de vous parler, de savoir ce que vous pensez de lui, quoi que ce soit (approbation, reproche, déception, fierté…), mais toujours parce que vous l’aimez et que vous voulez son bien !

 

  On prendra un peu plus de temps avec les adolescents et les jeunes adultes, régulièrement. Peu importe si le téléphone sonne dans ces moments-là ! Et tant pis si le gratin prévu pour le dîner se métamorphose en rapide plat de nouilles ! L’important étant d’être tout l’un à l’autre. Ce n’est que dans ce contexte d’intimité et de détente que les parents développent cette relation spéciale et indélébile dont leur enfant a absolument besoin pour faire face aux réalités de la vie et prendre des engagements sans crainte. Combien voyons-nous aujourd’hui des jeunes fragiles, et même des adultes blessés qui se sentaient mal aimés, négligés étant enfants. Leurs parents les aimaient pourtant beaucoup, mais parce qu’ils ne le « sentaient » pas, ils ne le savaient pas !

 

Sophie de Lédinghen

 

La suite logique de ce sujet sera d’aborder celui de la discipline, car il y a une vraie relation entre aimer son enfant et la discipline. C’est ce que je vous propose pour la prochaine fois !…

 

Aimer son enfant, la pierre angulaire

           Dès la naissance, un enfant est extrêmement sensible aux émotions. Il n’a aucune connaissance ; sa façon de communiquer avec le monde se fait en fonction de ses sentiments : se sent-il rassuré, inquiet, rejeté… ? L’état émotif d’un enfant détermine ainsi sa perception du monde, de ses parents, de son foyer et de lui-même.

  S’il voit son monde qui le rejette, qui ne l’aime pas, qui ne s’occupe pas de lui, il deviendra angoissé. Cette angoisse pourra nuire à un développement normal de son langage, de son comportement, à sa capacité de communiquer et d’apprendre. C’est pourquoi, à travers ses attitudes, très rarement verbalement, et pour être rassuré, un enfant demande sans cesse à ses parents « M’aimez-vous ? »

  Si j’aime mon enfant pour ce qu’il est, lui, un enfant avec ses défauts d’enfants, quoi qu’il arrive et de façon inconditionnelle, la réponse à sa question sera « oui » et l’enfant grandira confiant, se sentant sécurisé.

Si je lui manifeste cette affection seulement lorsqu’il me satisfait ou me rend fière de lui, ou seulement si j’en ai envie, ou encore parce que je veux obtenir quelque chose de lui, une exigence, une attente, alors il ne sera pas certain de mes sentiments et se sentira incompétent car, pour lui, inutile de faire de son mieux, cela ne sera pas pris en compte, et il se trouvera dans un état d’anxiété, d’insécurité et de manque d’estime de lui.

  Étant donné qu’un enfant nous pose la question « M’aimez-vous ? » par sa conduite (un besoin de plus d’affection, ou plus de discipline, ou plus de compréhension…), nous lui donnerons réponse par notre conduite. C’est à travers elle que l’enfant voit si nous l’aimons. Nous transmettons à notre enfant notre amour par notre attitude à son égard, par ce que nous disons, par ce que nous faisons.

Il faut comprendre que l’enfant a un « réservoir émotionnel ». Les besoins émotifs de chaque enfant varient selon qu’ils sont « comblés » ou non (à travers l’affection, la discipline, la compréhension, etc…), et cela influence le reste de sa vie. D’abord comment il se sent : s’il est content, fâché, déprimé ou joyeux. Puis cela influencera sa conduite : désobéissant, pleurnicheur, guilleret, effacé, enjoué… Évidemment plus son réservoir sera plein, plus ses sentiments seront positifs et meilleure sera sa conduite. Il n’y a que nous, ses parents, qui pouvons garder ce réservoir plein !

  Voici un jeune Vincent de sept ans, troisième enfant d’une famille de huit. Depuis toujours, quoi qu’il soit également fonceur et intrépide, sa maman a remarqué qu’il a une sensibilité plutôt tactile. Mais voici que depuis quelque temps elle le trouve « collant », la suivant dans toutes les pièces de la maison, et la saoulant de ses histoires sans fin ! Le soir, il la serre dans ses bras à n’en plus la lâcher lorsqu’elle vient l’embrasser dans son lit, le matin il se met contre elle comme pour obtenir un câlin alors qu’elle est occupée avec le petit dernier… Bref, Vincent devient étouffant ! Un peu inquiète, sa maman se dit avec son mari que cet enfant a besoin d’être un peu « virilisé » ; elle devient alors un peu plus rude avec lui, l’envoyant gentiment jouer dans le jardin ou dans sa chambre dès qu’il arrive dans la pièce où elle se trouve. Mais cette attitude ne fait qu’augmenter les symptômes d’attachement à sa maman qui, ne sachant comment s’en sortir, finit par s’en ouvrir à un prêtre. « Madame ! Cet enfant est celui qui a le plus besoin de vous ! Gardez-le et occupez-le à ce que vous faites, surtout ne le rejetez pas ! » Ce que fit de bon cœur cette maman bien décidée à aider son Vincent. Si bien qu’au bout de quelques semaines de cuisine, de jardinage, de ménage en tandem avec son fidèle acolyte, elle se rendit compte que Vincent venait de moins en moins la retrouver et qu’il lui disait bonsoir avec beaucoup moins d’effusions physiques ! Vincent avait donc enfin rempli son réservoir !

  Ce n’est que lorsque son réservoir est plein qu’un enfant peut être véritablement heureux, atteindre son potentiel et réagir correctement à la discipline. Un enfant qui se sent aimé est capable de tous les efforts, tous les sacrifices, pour conserver cet amour. S’il en est ainsi dans sa vie naturelle, il en est bien sûr de même dans sa vie spirituelle. Un enfant comblé de l’amour de ses parents, comprend et entretient mieux dans son âme l’amour de son Père du Ciel.

S. de Lédinghen

 

La plupart des parents, et c’est heureux, aiment leurs enfants. Mais, bien souvent, les problèmes viennent de ce qu’ils ne savent pas, ou mal, communiquer leur amour à leurs enfants. C’est le sujet que nous aborderons dans le prochain numéro…