L’éveil au beau

Nous transcrivons ici quelques extraits d’une conférence donnée par Marie de Corsac

« Je crois que les œuvres vivent. Elles nous communiquent leur vie et elles reçoivent leur vie de nous. Ce sont des âmes silencieuses.»

« L’Amour est présent au cœur de toute Beauté.»                                                                                                      

Dominique Ponnau                                                                                                                                                                     (Historien de l’art, Directeur honoraire de l’Ecole du Louvre)

  Les plus anciennes images conservées en ce monde proviennent des grottes ornées de la Préhistoire. Le décor de la grotte Chauvet en Ardèche (découverte en 1994), révèle la maîtrise exceptionnelle des artistes de jadis. La main de l’homme paléolithique est sûre, entraînée, inspirée. Son sujet est l’animal en course qu’il admire. L’esprit ayant composé ces vastes créations est imprégné de beauté, de respect, de religiosité et d’émerveillements. Depuis toujours, l’homme sait regarder longuement la nature. Il sait que l’œuvre est porteuse d’éternité. Et pendant des siècles, cet art va se répéter, se transmettre. L’art est indissociable de la vie humaine, il a joué un rôle essentiel dans le développement de notre humanité, c’est pourquoi il est essentiel d’éduquer au Beau le tout-petit car son âme enrichie se dispose ainsi à de justes enthousiasmes. « Enthousiasme » c’est : « avoir Dieu en soi ».

L’éveil au beau dès le plus jeune âge

Le Beau imprègne la mémoire la plus tendre, il laisse des impressions fortes, inoubliables, heureuses. Il est un socle pour l’avenir. Il se ressent, il s’apprend. Une chose est sûre : il n’y a pas une minute à perdre ! Une promenade dans la forêt, l’admiration pour de vieux murs, un bel objet sont aussi formateurs qu’une œuvre d’art. Lorsque j’étais enfant, Maman me disait : « Regarde comme c’est beau » ! Créant une sorte d’électrochoc dans ma mémoire !

Pourquoi une chambre d’enfant n’aurait-elle pas un tableau au mur plutôt qu’une cloison entièrement blanche ? Un paysage aux couleurs fraîches ? Une scène de Fra Angelico, une Annonciation ? Pensez à l’éveil de la curiosité du bébé, ensuite aux longues heures de l’hiver où les jeux deviennent intérieurs, ou bien pendant une courte maladie qui donne le temps de détailler les couleurs, les formes, le sujet, jusqu’à compter chaque berger dans une Nativité ! Le Beau s’inscrit dans la mémoire visuelle et dans l’âme par imprégnation.

Le don de l’observation chez l’enfant

Quelques exemples :

Un de nos petits élèves, de cinq ans, détaillant l’Adoration des bergers (peinte vers 1540) de l’artiste vénitien, Lorenzo Lotto (1483-1557) s’attardait devant les costumes, les animaux éparpillés, les attitudes des protagonistes. Il avait aimé l’image dès ses deux ans car « il y avait beaucoup de choses à regarder » ! L’image dense, lumineuse occupait et intriguait son esprit. Elle le faisait réfléchir ! Il voyait ! Pourquoi la Vierge est-elle agenouillée dans la mangeoire et non à côté de celle-ci ? Pourquoi Marie est-elle si grande ? Si elle se redressait, elle dépasserait la taille des bergers ! Que signifient la croix dans la fenêtre et la lumière montante du soleil en arrière plan ? Pourquoi le berceau est-il hérissé de pointes ? Pourquoi Jésus est-il allongé sur un linge blanc, étirant ses petits bras vers un agneau bouclé, comme la tête blonde du Christ ? …

Certaines réponses venaient logiquement, fusaient, à l’esprit du jeune observateur et du nôtre aussi ! Toutes ces interrogations sont extrêmement formatrices. On devine que Marie est protectrice et miséricordieuse. Si elle se levait, le pèlerin de cette vie pourrait trouver un refuge dans les plis de son manteau. Les pointes acérées de la litière de l’Enfant sont annonciatrices des souffrances de la couronne d’épines. Le linge blanc prophétise le linceul du Christ, sa mise au tombeau, sa résurrection. Il est la nappe de l’autel recevant l’hostie. L’agneau est celui du divin sacrifice et Jésus est identifié à lui par cette continuité du motif de la toison dorée et bouclée… Il existe une logique dans la disposition des images: découvrir cette cohérence est une façon de nourrir nos capacités d’abstraction, d’analyse et de communication. L’image peut guider le raisonnement puis livrer une sagesse, un enseignement.

Ne pas sous-estimer la force des images

Les livres illustrés destinés à la jeunesse sont de bien inégale qualité : autant qu’au texte, il faut être attentif à la poésie de l’image : elle est parlante. Comment ne pas oublier les belles narrations des albums du Père Castor heureusement réédités. Regardez les moindres détails de l’intérieur de la maison de Poule Rousse ! Le portrait du coq sur le mur du salon ! Il faut qu’un enfant apprenne à voir, stimule sa curiosité. Le pittoresque attire le regard et se retient.

Les enlumineurs du Moyen-âge peignaient une scène drolatique dans les marges des manuscrits afin que le pittoresque permette la mémorisation du texte lui faisant face. C’était un principe ancien appliqué aux chapiteaux romans historiés pour dénoncer un vice, un travers de l’homme : l’humour des sculptures rendait abordable, attrayante, non douloureuse la leçon. L’image est puissante, elle peut dire plus que les mots. Elle parle silencieusement. Pensons au chapiteau de la dispute du musée Sainte Croix de Poitiers. L’Eglise du temps essayait d’attendrir les mœurs, promouvait l’influence pacificatrice de la femme.

Oser visiter des musées

Une petite écolière de sept ou huit ans écoutait intensément mon explication du saint Joseph charpentier de Georges de La Tour. A quoi pouvait-elle penser avec tant d’application ? Sa réponse fut la suivante, d’une maturité et d’une vérité étonnantes : « je regarde pour apprendre, je veux apprendre pour comprendre, je veux comprendre pour toujours retenir »… Aussi l’adulte ne doit-il pas rester trop évasif pour combler l’attente de l’enfant ! Et souvent nous découvrons en même temps qu’eux ! Tous les détails ont un sens. On ne sait que répondre ? Eh bien, regardons et posons des questions devant l’œuvre, décrivons-la doucement à voix haute. Le musée donne l’œuvre hors contexte, la privant de sa fonction initiale. Il faut imaginer le tableau ailleurs, environné d’une autre ambiance, de respect, de foi. Essayons de nous transporter dans son univers d’origine, au XVIIème siècle, dans une chapelle privée où l’on célébrait l’office ou dans le couvent des Carmes déchaussés de Metz dont il semble provenir.

  La scène est un nocturne pour justement encourager à la méditation. L’Enfant du tableau vient de parler au vieux Joseph. Est-ce Jésus qui apprend-là simplement le métier dans l’atelier de l’artisan ? Pourquoi tant de lumière sur son visage plutôt que sur celui de l’ancien ? Le sens se découvre progressivement sous la forme d’une enquête. Pensons à la très riche symbolique de la lumière : elle est vérité, elle est enseignement, elle se propage. La bougie allumée est l’image de la vie. La flamme répand sa chaleur et illumine. Entre les mains du Christ enfant, n’y a-t-il pas la prémonition de sa prochaine mission sur terre ? Mais elle est encore cachée. L’ardeur du feu indique un cœur brûlant d’Amour prêt à se donner et à rayonner. L’image est un catéchisme. La flamme est encore la divinité du Christ, non encore manifestée. Elle filtre entre ses doigts.

Et pourquoi saint Joseph appuie t-il sur une tarière, prête à percer le bois de la poutre ? Les peintres aiment révéler les buts de l’Incarnation par des objets habilement disséminés dans leur composition. Le Christ est venu sauver les hommes par le Sacrifice de la croix : et l’on comprend que ce pan de bois est une préfiguration de la Crucifixion. Mais, pour le moment l’avenir est suggéré, il est entre les mains de Dieu. Georges de La Tour rend le passage du temps par la proximité entre les deux âges : la lisse jeunesse de l’Enfant, la vieillesse rugueuse de l’homme, dont la peau ridée, tannée est marquée par les ans. Le XVIIème siècle aimait rappeler à l’homme que la vie passait vite et qu’il devait envisager son salut. Crânes, bougies, sabliers, fleurs et papillons étaient des avertissements pour qu’il considère sa fragilité… Le tableau nous dit aussi que nous devons être concernés par ce message, le rendre présent, le réactualiser.

L’art a un rôle dans l’éducation de l’homme. Il encourage, il stimule le travail, l’obéissance, le silence, la piété, l’espérance. L’art joue un rôle essentiel dans ce que nous sommes. Saint Joseph charpentier reflète le monde intérieur de l’homme et sert de modèle à celui qui veut grandir.

La conclusion, tirons-là d’une réflexion d’un garçon de 6e

L’année dernière, avant Noël, afin de compléter la culture d’une classe de 30 élèves dans un collège de quartier, le cours porta sur les représentations de Nativités dans l’œuvre de Fra Angelico (1400-1455). Par le biais des questions, il fallait faire progresser la curiosité et le raisonnement des enfants. Pourquoi le moine dominicain osait-il, dans sa Nativité du couvent San Marco, poser Jésus nu, sur un sol dont la couleur évoquait nettement la froidure ?… Aucune mère ne commettrait une telle imprudence. C’est pourquoi le moine veut que nous découvrions les multiples raisons de ce parti pris. Le sens progresse par le jeu des analogies et des comparaisons. Il faut savoir s’étonner.

  Les réponses suivantes furent avancées par les écoliers dont beaucoup étaient ignorants de la religion chrétienne. Premièrement, le Christ est venu au monde pour souffrir. Deuxièmement, il vivra dans la pauvreté, le « dénuement ». La troisième raison fut annoncée par un petit baptisé : « si l’Enfant est nu, c’est que le peintre veut que nous voyions Dieu incarné et vraiment homme. Il a le vrai corps d’un petit bébé ».               

Tout cela était juste et nous allions nous arrêter à ces réponses quand une main se leva. « L’Enfant est nu comme Adam l’était au paradis avant la faute. Sa nudité indique la pureté, la parfaite innocence de Jésus » (le Nouvel Adam).                                                                                                                                                                                                                                     

Je n’avais jamais lu cette raison. D’où venait ce collégien ? Je l’ignore. Il avait appris dans sa famille à aimer Jésus, à regarder et à réfléchir… Il avait compris plus que les autres.

«…Et vous, leur dit-il, qui dites-vous que je suis? Simon Pierre répondit : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Jésus, reprenant la parole, lui dit : Tu es heureux, Simon, fils de Jonas; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais c’est mon Père qui est dans les cieux…. »1                   

Marie de Corsac, conférencière

 

Bibliographie

Dominique Ponnau, La Beauté comme sacerdoce, 2004

Georges Didi-Huberman, Fra Angelico, Dissemblance et figuration, 2009

Sophie de Gourcy, Apprendre à voir la Nativité, Desclée de Brouwer, 2016

Régine Pernoud, La Femme au temps des cathédrales, 1980

 

Le goût

La beauté s’exprime dans bien des aspects de notre environnement quotidien, et elle est étroitement liée à la notion de goût. Mais qu’est-ce que le goût et avoir du goût ?

Diderot, paradoxalement, en avait déjà saisi les aspects principaux quand il disait :

« Qu’est-ce donc que le goût ? Une facilité acquise par des expériences réitérées, à saisir le vrai ou le bon, avec la circonstance qui le rend beau, et d’en être promptement et vivement touché. »

Le goût est donc une formation des sens vers tout ce qui est beau, et vrai et bien, que l’on doit pratiquer de façon répétitive, afin que le goût s’imprègne dans toutes les fibres de notre être et qu’il finisse par nous faire discerner rapidement ce qui est objectivement beau.

Dans la vie quotidienne, comment éduquer des enfants à avoir du goût ?

Nous pouvons nous efforcer d’éliminer tout ce qui pourrait jurer, ou être considéré de mauvais goût, tant dans notre décor familier, que dans notre tenue vestimentaire, ou dans les spectacles que nous regardons ou les musiques que nous écoutons.

C’est ainsi qu’en vivant dans une maison où tout respire l’harmonie, nous formons au jour le jour, et modelons l’aspiration qui porte nos jeunes enfants vers le Beau. Il faut également leur dire clairement que certains accords de sons, ou de couleurs, certaines représentations ou façons de se tenir, sont objectivement laids, et qu’ils puissent petit à petit exprimer eux-mêmes leurs préférences ou leurs détestations esthétiques.

Nous pourrons ainsi les guider dans cet apprentissage du beau, en leur expliquant, quand ils seront plus grands, quel bonheur on peut trouver dans l’harmonie des sens et de la raison. Cette imprégnation dès leur enfance leur servira de référence toute leur vie durant et, devenus adultes, ils auront un goût sûr et formé, vers le Beau, le Vrai, le Bien.

 

Itinéraire de nos joies

Nous sommes faits pour la béatitude du Ciel où nous vivrons dans une joie parfaite que nul ne pourra nous dérober. Sur cette terre, l’homme est en quête de ce bonheur. Malheureusement, que d’erreurs et d’égarements dans cette recherche. Cherchons à exprimer un itinéraire de la joie, en commençant par les plus petites d’entre elles que Notre-Seigneur n’a pas dédaignées (I) pour grimper peu à peu vers les plus élevées qui nous mettent en relation avec ce qui est beau (II). Que cette progression nous aide à rendre grâce (III).

I- Les signes corporels des états spirituels

Notre divin Sauveur, dans son infinie bénignité, nous a montré qu’Il ne méprisait pas les réjouissances sensibles auxquelles se livrent naturellement les hommes. Non seulement Il a voulu se rendre aux noces de Cana mais c’est là qu’Il a accompli son premier miracle. Et ce miracle fut de changer l’eau en un vin si excellent qu’il provoque la stupeur du maître du festin et la joie de tous les convives. Était-il manière plus exquise de nous manifester la légitimité de ces joies dont nous entourons nos grands événements ? D’une manière encore plus frappante, loin de repousser Marie-Madeleine qui répand sur lui son flacon de parfum d’un coût exorbitant, Il la défend avec vigueur et reproche à ses apôtres de la contrister : « c’est une bonne action qu’elle a faite à mon égard »1. C’est à son juste prix qu’Il a apprécié la traduction de l’élan d’amour de sa pénitente en l’offrande de ce nard très précieux. Comment s’en offusquerait-Il, Lui, qui en créant les hommes corps et âme, a ainsi voulu qu’ils expriment par des signes corporels les sentiments qu’ils éprouvent ?

Que personne ne recherche en ces comportements de Notre-Seigneur quelque opposition que ce soit avec la sainte quarantaine de son jeûne absolu ou avec sa vie toute pénitente ! Bien au contraire, c’est toujours la même et invariable traduction par le corps d’une orientation de l’âme qui en donne l’explication. C’est en effet parce que le Christ est venu comme l’expiateur universel qu’Il se livre à ces macérations terribles. L’année liturgique répercute ces pratiques diverses de joie ou de pénitence à travers ses fêtes nombreuses ou ses jours et ses temps d’austérité. Les fidèles savent qu’il est aussi recommandable de fêter Noël ou Pâques par l’agrément qu’on donne à ces journées que d’accepter généreusement les humbles renoncements de l’Avent ou du Carême.

Dans tous les cas, il faut avoir l’intelligence de ces gestes et de ces usages qui sont au service des réalités spirituelles élevées qu’ils signifient et les éducateurs doivent avoir le souci de la communiquer aux enfants dont ils ont la charge. Les réjouissances ne doivent, par exemple, pas se transformer en des fêtes gastronomiques où les corps seront repus tandis que les âmes appesanties par la matière seront incapables du moindre élan vers Dieu. Tous doivent finalement apprendre à vivre dans cette harmonie de l’âme et du corps où l’âme inspire au corps les inclinations qui la reflètent et où le corps favorise l’élan de l’âme vers les choses d’en-haut.

II – La découverte de ce qui est beau 

Si nous avons cru utile de rappeler comment Notre-Seigneur montra dans son existence sa condescendance envers ces joies que les hommes reçoivent des trois sens inférieurs que sont le toucher, l’odorat et le goût, ne nous étonnons pas qu’il nous convie à des joies qui, étant plus hautes, nous apporteront un bonheur plus grand. Et c’est en effet en vue du bonheur parfait que Dieu nous a créés.

Quelles sont ces joies plus élevées ? Ce sont tout d’abord celles qui nous arrivent de nos deux sens externes supérieurs : l’ouïe et la vue. Comme le remarque saint Thomas, ils se distinguent des trois autres en ce qu’ils entretiennent un rapport avec ce qui est beau. A la suite de nos sensations tactiles, gustatives ou olfactives, nous ne nous écrions jamais qu’elles nous ont mises en contact avec ce qui est beau ou avec ce qui est laid. Mais ces mots nous viennent spontanément à la suite de certaines impressions visuelles ou auditives.

Ce n’est toutefois encore qu’une étape dans la découverte de la beauté. Car le jugement sur la beauté appartient à l’intelligence. Elle seule est apte à connaître au sens plein et véritable de ce terme. Elle seule évaluera si sont bien présentes dans la chose ces trois conditions qui sont nécessaires à sa beauté : son intégrité ou sa perfection, sa proportion ou sa consonnance, son éclat ou sa clarté.

Mesurons le chemin parcouru, depuis les joies légitimes des trois sens inférieurs, en passant par celles des deux sens supérieurs pour maintenant parvenir à ce bonheur d’une intelligence éduquée, capable de savourer la qualité des chefs d’œuvre de la nature et de l’art et d’en distinguer les nuances et les subtilités.

Notre itinéraire est cependant loin d’être achevé. La beauté se comprend aussi selon un sens analogique. Nous admirons la beauté et la noblesse des héros et des saints. Nous apprenons à reconnaître la supériorité surnaturelle des vertus et des comportements chrétiens. Et rien ne nous paraît plus élevé que l’Evangile, la vie et la doctrine de notre doux Sauveur. Comment alors ne pas aspirer à ces splendeurs du Ciel et à ce bonheur parfait où, avec les anges et les saints, nous verrons Dieu face à face ?

Comme les parents et les éducateurs doivent avoir conscience de cette éducation à la beauté qui procurera à leurs enfants ces délectations toujours plus élevées ! Qu’ils gardent à l’esprit cette pensée d’Aristote : « Personne ne peut vivre sans délectation. C’est pourquoi celui qui est privé des délectations spirituelles, passe aux charnelles. »

III – De quelques joies en guise d’illustration

– Heureux les enfants initiés par leur mère à ces petits embellissements de leur maison, de l’oratoire familial ou de la table commune que l’on réussit avec des riens ;

– Heureux sont-ils quand ils entendent la voix maternelle chanter les belles chansons de la religion et des terroirs ;

– Heureux sont-ils si leur père les réveille au cours d’une nuit d’été pour aller voir les étoiles ou surprendre le soleil à son lever ;

– Heureux les parents qui ont vu leurs enfants la bouche bée et les yeux brillants devant l’infinité des flots de la mer ou la clarté du firmament ;

– Heureux les élèves dont les maîtres se battent pour que leur salle de classe, en plus de demeurer propre et bien rangée, soit riante et jolie ;

– Heureux les maîtres qui auront distingué sur le visage de leurs élèves la joie de travailler dans une telle salle ;

– Heureuses les patries charnelles dans lesquelles les maisons de Dieu et celles des hommes se fondent si harmonieusement dans la variété des paysages qu’on peine à distinguer la main de Dieu de celle de l’homme.

– Et heureux les peuples qui habitent dans ces lieux où se conjuguent si bien ces beautés du divin Artisan et de l’humain artisanat ;

– Heureux les prêtres qui donnent de leur temps et de leur dévouement pour la splendeur de leurs autels et de leurs cérémonies et qui font prier leur peuple sur de la beauté ;

– Heureux les enfants tôt formés au grand œuvre de la liturgie, au ballet sacré exécuté en l’honneur de Dieu et de son Christ ;

– Bienheureux surtout les enfants des hommes rachetés par le Sang de Jésus-Christ, appelés à vivre pour toujours à contempler les éternelles beautés du Ciel et de la Sainte Trinité.

Pour toute beauté et pour votre beauté,

nous vous rendons grâce, Seigneur.

R.P. Joseph

 

L’éveil au beau

Chers amis,

           Comme l’Eglise est attentive à tous en proposant chaque année à ses fidèles, l’occasion de se préparer par ce temps de l’Avent à cette grande fête de la Nativitél ! Qui peut traduire l’émerveillement, de cette nuit si merveilleuse, renouvelé tout au long des siècles ! Nous sommes bien loin de ces noëls païens qui tentent désespérément de réjouir des cœurs blasés par l’abondance et le luxe… Ce n’est pas la console ou le jeu dernier cri qui emplit le cœur du catholique et son absence sous le sapin ne jettera même pas une ombre sur le sourire de nos enfants ! Voilà la vraie liberté des enfants de Dieu ! Notre joie se situe bien plus haut : elle est dans le cœur de L’Enfant-Jésus et de Notre-Dame en ce jour où ils nous offrent le plus beau des cadeaux : leur amour !

Mais afin que cette joie nous soit révélée, il nous faut redevenir des petits enfants, il nous faut garder et cultiver cette capacité d’émerveillement qui est au fond de chacun de nous et que nul ne pourra ôter ! Chaque jour, entretenons cette faculté d’admiration, ne laissons pas nos cœurs s’étouffer sous un fatras de mauvaises nouvelles, de murs noirs, de chansons obscènes et d’informations délétères… Fermons les fenêtres de nos écrans, éteignons les notifications qui, sans relâche, viennent nous couper la parole pour nous informer de multiples « fake news » et profitons de cette faculté qu’a l’homme de s’émerveiller, pour toujours nous rapprocher davantage de notre créateur !

Comment ne pas s’être éblouis devant les beautés de la nature qui nous sont offertes chaque jour ! En effet pour qui sait bien le chercher, il ne se passe pas une journée, même par temps de brouillard ou de pluie, sans que nous soit offert un beau cadeau du ciel pour nous donner l’occasion de louer le créateur !

Mais savons-nous encore nous émerveiller ? Savons-nous prendre le temps de contempler, d’« apprendre à voir » 1?

Ce numéro nous aidera à retrouver « l’œil contemplatif », à comprendre l’importance de l’harmonie, à acquérir ce « savoir » qui n’est pas réservé aux générations précédentes et qui non seulement donnera une petite touche de joie à notre quotidien mais surtout nous attirera insensiblement mais de manière irréversible vers Dieu car le beau mène irrésistiblement vers le bien, vers la beauté même : Dieu !

Des articles de fond ravivent cette soif de nous émerveiller, mais nous avons aussi voulu joindre les applications très pratiques de Marie de Corsac, talentueuse conférencière, qui nous fait partager sa science et sa joie de transmettre comment découvrir et faire apprécier le beau !

Que ce temps de l’Avent prépare nos yeux, nos cœurs et nos âmes à accueillir dans un émerveillement, toujours renouvelé, l’Enfant-Dieu dans sa crèche !

 

Marie du Tertre

 

Juste une minute…

 

Je me souviens encore : j’avais quatre ans. Maman m’emmenait parfois faire un tour au magasin près de l’église. Elle me prenait par la main et me disait : « Entrons ! Juste une minute !»

Et puis quand j’ai commencé à aller à l’école, c’était toujours elle qui m’emmenait ; mais avant, nous montions les marches de l’église : « Entrons ! Juste une minute !»

Et puis, maintenant, je suis grand : onze ans ! Alors je vais seul à l’école, mais Maman me dit toujours : « Quand tu passes devant l’église, n’oublie jamais de faire une petite visite au bon Dieu pour lui parler de ton travail, de tes leçons, de tout… : juste une minute !»

Alors, quelquefois, je cours sur le chemin de l’école, ou bien je rencontre de vieux amis… et je m’arrête ! Mais je réussis toujours à avoir assez de temps pour entrer à l’église, tout suant, tout soufflant… Juste une minute !

Mais parfois, je vois un grand gars qui ricane…alors je deviens un peu hésitant ! Je passe devant la porte de l’église… mais il me semble entendre une voix qui me dit : « Alors ? Tu ne rentres pas aujourd’hui… Juste une minute !»

Il y a en moi des choses mauvaises et bonnes que personne ne connaît, que personne ne devine, sauf Notre Seigneur ! Et je suis content qu’Il le sache et qu’Il m’aide, lorsque je viens lui rendre une visite… « Juste une minute !»

Je sais bien ce qui arrive lorsque les gens meurent, mais ça ne m’inquiète pas, et voici pourquoi : lorsque Notre-Seigneur jugera mon âme, Il se souviendra de toutes les fois où je suis venu m’agenouiller devant Lui, « juste une minute !»

 

D’après un poème néo-zélandais

 

Pour ceux qui ne peuvent pas trouver le sommeil

 

La souffrance d’un esprit fatigué incapable de se régénérer par un sommeil réparateur égale n’importe quelle douleur physique. Comme les heures passent lentement pour ceux que l’insomnie épuise ! Le Seigneur notre Dieu ne dort jamais et veille toujours sur vous. Il est tout près de vous si vous vous tournez vers Lui avec confiance en oubliant les soucis et les tracas de la journée.

Prière : Saint Joseph, protecteur de la Sainte Famille, dont le sommeil fut si souvent interrompu pour l’œuvre de Dieu, intercédez pour moi dans ma détresse. Aidez-moi ainsi que tous ceux qui ont besoin de calme, de paix et d’un sommeil reposant pour que nous puissions nous réveiller l’esprit et le corps revigorés, et servir votre Fils avec reconnaissance.

 

A la découverte de métiers d’art :le tapissier en sièges

Chers lecteurs, découvrons maintenant le métier de tapissier en sièges, sachant qu’il existe d’autres aspects de cette profession comme la restauration de matelas de laine et de sommiers, la décoration : pose de tissus tendus, confection de rideaux.

Nous verrons la technique de restauration traditionnelle des sièges, sans mousse en respectant l’époque du siège.

 

Comme nous l’avions vu dans l’histoire des meubles (cf. numéros précédents), c’est sous Louis XIII que la technique du siège avec garniture apparaît, puisqu’auparavant, de simples coussins (dits carreaux) étaient posés sur le siège de bois.

 

A cette époque, du crin était emballé dans une toile de lin, fixée avec des clous et recouvertes ensuite de tapisserie ou cuir. Aucune couture pour fixer le crin qui avait donc tendance à bouger, et la garniture à se déformer.

 

Fin XVIIème et courant XVIIIème, la technique se développe pour fixer le crin aux sangles et le façonner avec diverses coutures, jusqu’à arriver sous l’Empire et la Restauration à des garnitures très structurées. Le capitonnage émerge dès 1838 et atteint son apogée sous le Second Empire.

A partir des années 1930, les garnitures en mousse apparaissent et se développent dans les années 1950, ce sont des blocs préformés dans la forme voulue et là, il n’y a plus aucun vrai travail pour le tapissier, mais hélas, elles sont de plus en plus fréquentes.

 

On trouve les premiers ressorts sous le règne de Louis XVI, puisque l’on retrouve dans les commandes du mobilier de Versailles, des sièges dits « à élastiques », mais avec le bouleversement de la Révolution, il faudra attendre la Restauration pour que la technique se perfectionne et se répande, avec des fauteuils conçus pour cela. Il faut, effectivement, un assemblage solide pour résister à la déformation que le jeu des ressorts fait subir au bois.

 

C’est pourquoi un bon tapissier ne mettra jamais de ressorts sur des sièges d’époque antérieurs à la Restauration car il sait que cela force le siège, comme les ébénistes de qualité le savent, quand ils doivent les réparer.

De même, les garnitures toutes faites en mousse ne vont pas avoir la même durée qu’une garniture traditionnelle en crin : 10 à 15 ans au lieu de 50  ans. En effet, pour un siège qui sert souvent, la mousse va se déformer et >>>    >>> se mettre en poussière peu à peu, tandis que le crin, imputrescible, va durer indéfiniment et pourra être réutilisé lorsque le siège sera refait.

 

Le crin utilisé le plus souvent est le crin végétal : soit « herbe à éléphant », soit fibre de coco, et le crin animal, qui est maintenant plus souvent du crin de vache que de cheval comme c’était le cas autrefois.

 

Comme pour tous les métiers d’art, le tapissier doit avoir une connaissance de l’histoire de l’art, du goût pour conseiller son client sur le tissu tout en sachant être à son écoute, beaucoup de force dans les bras et les mains et bien sûr une adresse manuelle.

Il utilise divers outils spécifiques, comme pour tous les métiers d’art que nous verrons au fur et à mesure des étapes.

Un C.A.P valide la formation, qui peut aussi être attestée par la validation des acquis au bout de plusieurs années de pratique du métier.

 

Il travaille en lien avec un ébéniste capable de réparer des sièges car le bois est souvent abîmé et le tapissier ne peut travailler que sur un siège solide notamment au moment du sanglage (la première étape) où les tractions sont très fortes.

Si le siège est en bois doré, il peut aussi être en rapport avec un doreur qui interviendra, pour des reprises éventuelles, juste avant la mise définitive en tissu. En effet, il serait dommage qu’un coup de marteau malencontreux, en cours de route, ne vienne abîmer la dorure…

Nous verrons donc les divers étapes dans le prochain numéro. 

  Jeanne de Thuringe

 

La Fin de la Chrétienté

Par Chantal Delsol(suite et fin)

Vous pouvez retrouver la première partie de l’analyse du livre de Chantal Delsol dans le précédent numéro (FA 34) ou sur notre site : http://foyers-ardents.org/category/actualite-litteraire-et-juridique/

 L’inversion ontologique

L’inversion normative décrite dans le précédent numéro de Foyers Ardents repose sur une inversion ontologique. Chaque civilisation se construit sur des principes fondamentaux qui vont inspirer les lois et les mœurs, et s’enracine dans des croyances. Lorsque celles-ci s’effacent, les lois et les mœurs peuvent se maintenir pendant quelque temps par la force de l’habitude mais elles vont s’effondrer faute de légitimité.    

Une première inversion ontologique eut lieu à l’origine du judaïsme lorsque Moïse fit passer le peuple juif du polythéisme au monothéisme. Cela eut pour effet de distinguer Dieu du monde et par conséquent d’établir un monde séparé de Dieu. Le cosmothéisme se trouvait ainsi condamné mais n’a jamais complètement disparu de la scène occidentale. Il va inspirer des courants d’idées animés par Spinoza, la franc-maçonnerie, Freud etc.  Le paganisme cosmique répond aux préoccupations du courant écologique radical qui, en magnifiant la terre, donne la priorité à l’espace sur le temps.  L’homme va se sentir chez lui sur terre alors que le monothéisme le pousse à aspirer vers l’autre monde. Nietzsche reprochait aux chrétiens d’être étrangers à ce monde. L’homme post-moderne veut vivre dans un monde autosuffisant qui abolit les distinctions entre le ciel et la terre, la foi et la raison, le vrai et le faux.    

L’écologie s’apparente à une religion, à une croyance. Même si les questions écologiques peuvent être scientifiquement démontrées, elles vont donner lieu à des convictions qui prennent la forme de certitudes irrationnelles qui sont en réalité des croyances nanties de toutes les manifestations apparentes de la religion. L’écologie est devenue un dogme consensuel qui ne peut être remis en cause. Au-delà de la légitime protection de l’environnement, la pensée écologique développe une véritable philosophie de la vie, la nature devient l’objet d’un culte, la terre-mère devient une déesse païenne et le pape François va parler de « notre mère la Terre ».    

Les chrétiens pensent que l’effacement du monothéisme va entraîner la disparition de toute morale. Pourtant, dans les temps anciens, ce n’étaient pas les religions qui engendraient les morales, celles-ci étaient produites par la société. Avec le judéochristianisme, la morale vient de Dieu. Aujourd’hui, elle vient de l’Etat. La nouvelle morale s’inspire de l’Evangile tout en le dénaturant. La modernité va revenir à l’agnosticisme des anciens sur les origines et les finalités existentielles de l’homme et du monde pour promouvoir une morale évolutive, débarrassée de toute transcendance, basée sur l’espoir d’une vie meilleure sur terre qui tend à devenir un absolu. Elle remplace la religion par une morale et fait de cette morale une religion. 

 

Que va devenir l’Eglise sans la Chrétienté ?

Les réactions de l’institution ecclésiale sont diverses mais les plus courantes sont la résignation et la renonciation. Le personnel de l’Eglise est atteint par les maladies de l’époque que sont la mauvaise conscience et la honte du passé. Cela se traduit par un ralliement aux courants de pensée qui combattent le Christianisme, d’où la connivence hier avec le marxisme, aujourd’hui avec l’écologie. Les catholiques qui promeuvent l’ancien ordre des choses sont laissés de côté. Il s’agit d’un rejet de soi qui d’après Chantal Delsol illustre l’inadaptation de l’Eglise au monde présent. Réduits à la situation de témoins impuissants, les chrétiens sont voués à devenir les soldats d’une cause perdue.  Les combats sociétaux comme celui mené contre l’avortement ne peuvent aboutir sans une conversion des peuples au christianisme et à la conviction de la dignité intrinsèque de chaque embryon. La croyance et l’adhésion aux principes précèdent le vote des lois. A vue humaine, il n’y a pas de renaissance possible de la Chrétienté.  

La fin de la Chrétienté n’est-elle pas une chance pour l’Eglise ? D’après notre auteur, ce qu’elle appelle la mainmise de l’Eglise sur la civilisation n’était pas bonne et était exclusivement la marque des époques fondées sur la conquête. L’institutionnalisation tue le message, le Christianisme doit se contenter d’une influence indirecte, celle des « sans pouvoirs ». Les catholiques doivent jouer un rôle de témoins muets, voire d’agents secrets de Dieu. Etre minoritaire conduit à défendre un catholicisme plus exigeant. Renoncer à la chrétienté n’est pas un exercice douloureux puisque l’histoire nous enseigne la disparition des sociétés où l’Evangile inspire le gouvernement des Etats. 

Au-delà de cette vision très protestante de la religion qui devient une affaire personnelle et presque désincarnée, la thèse défendue par l’auteur, dans ce livre très intéressant à lire et fort bien documenté, bute sur une contradiction et semble se satisfaire d’un échec assuré. Une contradiction car s’il est exact que les combats sociétaux requièrent une conversion des peuples, une conversion des institutions n’en est pas moins nécessaire. Les deux devraient aller de pair et cela n’est pas compatible avec la théorie de l’enfouissement, promue après le concile Vatican II, que Mme Delsol reprend à son compte. Un échec assuré aussi car si, à vue humaine, la déchristianisation peut sembler inéluctable, l’auteur manque singulièrement d’esprit surnaturel et d’espérance. Raisonner de façon purement humaine sur des réalités métaphysiques s’avère un exercice périlleux. L’ouvrage traduit un manque de confiance en la Providence : « J’ai vaincu le monde » (Jn XVI, 33) a dit Notre-Seigneur. J’ai vaincu, cela veut dire que c’est déjà fait.         

          

Thierry de la Rollandière

 

L’école  

Chère Bertille,

Je te remercie pout ta lettre et les nouvelles que tu me donnes. Tu me dis que ta petite sœur, qui rentre en troisième, est un peu révoltée et ne comprend pas pourquoi il est nécessaire d’aller dans une école si loin de la maison pour y apprendre le latin et le grec, alors qu’elle pourrait aller au collège à pied et étudier des matières plus « utiles », l’informatique, l’anglais… Par cette lettre, je vais essayer de te donner quelques arguments pour que tu puisses l’aider à passer ce cap.

L’objectif des écoles chrétiennes libres est bien plus élevé que celui de l’école laïque. Il dépasse de loin le côté pratique et utile. Ces écoles, loin de vouloir former des femmes qui vont pouvoir produire pour la société, ont bien en vue que la femme est une créature du Bon Dieu, douée d’une intelligence et d’une volonté et qui doit atteindre un idéal. Une fois l’intelligence éclairée et illuminée par la Vérité, et la volonté orientée vers le Bien, la jeune femme sera en mesure de poser des actes libres.

Quel est cet idéal ? « Il est le modèle vers lequel nous levons les yeux, le but auquel nous aspirons. Nous en avons l’expression dans l’Evangile, sous la forme d’un commandement : « Soyez parfaits comme votre Père est parfait » […]. Notre Seigneur Jésus-Christ, avec l’idéal de sainteté, nous donne – et lui seul – les moyens de le réaliser.»1

Les écoles catholiques permettent de connaître cet idéal par leur enseignement. Alors que l’école laïque fait tout pour éliminer Dieu et l’ignorer, les enseignants catholiques orientent et éclairent leurs leçons à la lumière de la Foi. Le Bon Dieu est présent dans les cours de doctrine, dans la vie de prière qui règne dans l’école mais aussi dans les cours profanes où tout est orienté vers la Vérité.

La jeune fille est amenée à avoir un rôle important dans la société, notamment par la maternité naturelle ou spirituelle. C’est elle qui va former et éduquer de nouvelles générations, c’est elle qui va être l’âme de son foyer, qui va en donner l’esprit. Les œuvres de littérature étudiées en classe >>>       >>> vont lui permettre de développer son sens critique « car il ne suffit pas de montrer l’idéal, il faut aussi le défendre contre les attaques, et savoir discerner le véritable idéal d’un ersatz, frelaté, voire empoisonné.»1 Petit à petit elle va apprendre à discerner à travers les différents personnages de littérature, Antigone de Sophocle et d’Anouilh, Blanche de la Force dans le dialogue des Carmélites de Bernanos, Jeanne d’Arc de Péguy, Phèdre de Racine, quel est l’idéal de vie chrétienne, comment elle peut l’atteindre, quelle est la place des passions et comment en tirer meilleur profit. « Oui, nous disent ces héroïnes, réelles ou légendaires : oui, l’idéal est possible : il est possible de vivre dans la fidélité et l’honneur, la pureté et le sens du sacrifice.»1

 

Ta petite sœur, ma chère Bertille, est à un âge où l’on s’enthousiasme pour un grand idéal, elle a une énergie telle qu’elle veut transformer le monde. Elle en a la capacité comme fille de l’Eglise : « Nous savons ce que nous voulons : fils de la Sainte Eglise et nourris par des siècles de civilisations chrétiennes, nous voulons vivre de l’Eglise et travailler à l’édification d’une cité chrétienne – d’une cité qui soit fidèle à l’Eglise et qui se développe sous l’empire des valeurs désintéressées d’honneur, de vérité, de liberté, de justice et de beautéune cité qui, avec sa technicité elle-même, soit une fleur vivante de la sagesse chrétienne et non pas une construction artificielle de la technique sans âme, » écrit le Père Calmel dans « Ecole chrétienne renouvelée ». Voilà cet idéal auquel nous tendons tous. « Et pour cela, continue-t-il, nous prenons le parti des auteurs, … nous prenons le parti de la philosophie thomiste, et avant cette classe décisive, nous prenons le parti du français, et des langues modernes ou anciennes ; les langues étant étudiées dans un sens de culture plus encore que d’utilité.»1

 

  Voici ma chère Bertille, l’école où est ta petite sœur lui permet de s’enthousiasmer et d’œuvrer pour l’Eglise en accomplissant sa vocation de jeune fille catholique.

Je t’embrasse,

Anne 

1 Extrait de la Conférence donnée par les Dominicaines enseignantes de Fanjeaux lors du Congrès des familles du MCF à la Martinerie le 9 juillet 2022 sur le thème « Quel idéal pour nos jeunes ? »