« Le meilleur poignard pour frapper l’Église, c’est la corruption »

           Ce propos est tiré d’une correspondance entre deux chefs de la Haute Vente italienne (lettre datée du 9 août 1838, tombée entre les mains du pape Grégoire XVI). Pour bien comprendre cette assertion, il faut citer tout le passage, où apparaît au grand jour la méthode choisie par la Franc-Maçonnerie pour en finir avec l’Église : « Le Catholicisme n’a pas plus peur d’un stylet bien acéré que les monarchies. Mais ces deux bases de l’ordre social peuvent crouler sous la corruption : ne nous lassons donc jamais de corrompre. Tertullien disait avec raison que le sang des martyrs enfantait des chrétiens. Il est décidé dans nos conseils que nous ne voulons plus de chrétiens ; ne faisons donc plus de martyrs : mais popularisons le vice dans les multitudes ; qu’elles le respirent par les cinq sens, qu’elles le boivent, qu’elles s’en saturent. Faites des cœurs vicieux et vous n’aurez plus de catholiques. C’est la corruption en grand que nous avons entreprise, [c’est elle] qui doit nous conduire un jour à mettre l’Église au tombeau. »

 

  Ce projet démoniaque est, à notre époque, déjà bien avancé. C’est à se demander si l’on peut tomber plus bas ! N’est-ce pas en effet le « carnaval » partout (selon l’étymologie, le mot signifie : « Chair, porte-toi bien ! ») : dans les rues et à l’école, sur internet et à la télévision, dans les lois et dans les mœurs ? Ce déluge d’impureté envahit tout et pénètre bien sûr, insensiblement peut-être, mais très réellement, dans nos maisons et nos foyers. Bon nombre de chrétiens préfèrent fermer les yeux pour ne pas l’admettre ; cependant le fait est là, et pour ne pas se laisser emporter par le mouvement général, il faut une vertu peu commune. « Puisse-t-il nous être donné à tous de comprendre, disait déjà à son époque le cardinal Pie, que les vertus ordinaires ne suffisent plus ni pour nous sauver, ni pour sauver les autres ! ». A quel gigantesque combat nous sommes appelés ! Ayons bien conscience que nous n’en sortirons victorieux que dans la mesure où nous aurons vaillamment combattu : « Le Royaume des Cieux souffre violence, et ce sont les violents qui le ravissent ! » (Matt 11,12). Rappelons donc brièvement les moyens à employer pour pouvoir remporter la victoire. D’abord, la fuite généreuse des occasions volontaires, car, selon le proverbe : « Celui qui aime le danger y périra. » Ensuite, une certaine ascèse de vie : rien, en effet, ne prépare mieux les chutes ni n’entretient mieux dans le vice que la mollesse et le laisser-aller. Enfin, la fréquentation des sacrements et la prière régulière, car, selon la parole de Notre Seigneur : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire ! » (Jean 15,5).

 

  Mais venons-en maintenant à un point plus particulier. S’il est vrai que la corruption peut employer différents moyens pour se répandre, un de ses principaux fers de lance est évidemment ce qu’il est convenu d’appeler : la mode. Celle-ci, en effet, a un impact public qui lui permet d’agir efficacement sur les mœurs générales, en bien comme en mal. C’est ce que soulignait Pie XII, lorsqu’il disait : « La société parle par le vêtement qu’elle porte. » Si donc les modes sont indécentes et scandaleuses, il est bien évident que les conséquences pour les mœurs sociales seront désastreuses. Aussi le même pape rappelle cette vérité, que beaucoup, même parmi les chrétiens, ne veulent pas voir : « Tant que la modestie chrétienne ne sera pas pratiquée, la société continuera à s’avilir. » Notre Dame de Fatima avait révélé déjà à la petite Jacinthe, comment la mode entraînerait les masses dans l’impureté. Celle-ci, après s’être entretenue avec la Reine du Ciel, disait : « Les péchés qui jettent le plus d’âmes en enfer sont les péchés d’impureté », et elle ajoutait tristement, comme pour en manifester la cause : « On lancera des modes qui offenseront beaucoup Notre Seigneur. » Quant à nous, une fois que nous aurons compris l’importance de la mode et de son impact, nous comprendrons aussi la résolution qu’il nous faut prendre à son égard, que l’Apôtre nous répète inlassablement depuis vingt siècles : « Ne vous conformez pas au monde ! » (Rom 12,2). Ce que Notre Dame exprime ainsi : « Les personnes qui servent Dieu ne doivent pas suivre les modes [sous-entendu : mondaines et indécentes].» En effet, si les chrétiens, qui sont censés être « le sel de la terre », font eux-mêmes le jeu du monde, qui donc empêchera la corruption de se répandre partout victorieusement ?

 

  Il importe que chacun d’entre nous, face à un tel assaut de l’enfer et de ses suppôts, réagisse fortement selon ce principe du combat spirituel : « Agere contra » (agir en sens inverse). Commençons d’abord par ouvrir notre cœur aux paroles du prêtre, lorsqu’il a le courage de nous rappeler à l’ordre sur ce point, car c’est là son devoir, comme l’explique le cardinal Pie : « Malheur à moi et à vous, prêtres de Jésus-Christ, si nous ne luttons pas d’exemple et de paroles contre l’envahissement des maximes et des vanités d’un monde ennemi de la croix de notre Maître ! » Et ensuite, tâchons de faire en sorte que notre habillement et notre tenue respirent toujours, non l’esprit du monde et des trois concupiscences, mais le plus authentique esprit chrétien. Et pour ne pas rester dans des généralités, je donnerai, d’abord aux hommes puis aux dames, quelques conseils propres à chacun.

 

  Messieurs, vous devez donner l’exemple à tous les membres de votre famille d’un habillement toujours digne, qui inspire le respect. Aujourd’hui, bon nombre de chrétiens se laissent aller à des tenues négligées et désinvoltes. Les vêtements de sport, ou vulgaires, sont portés presque continuellement, et on perd en particulier l’habitude de venir à l’église « endimanché ». Comment s’étonner, dès lors, de voir débarquer dans les sacristies, pour servir la messe, des enfants ou des jeunes gens en short, en T-shirt et en baskets ? Vous me direz : cela n’a pas de conséquences directes sur la moralité, du moins du point de vue de la pureté. C’est peut-être vite dit, étant donné que souvent, ces vêtements sont légers ou moulants, ce qui n’est pas forcément très édifiant pour l’entourage, surtout féminin. Mais, quoiqu’il en soit, ce qui est certain, c’est qu’il n’y a plus de respect de soi ni des autres dans ces attitudes désinvoltes ; or le respect, qui s’oppose à la familiarité et à la vulgarité, est un des remparts principaux de l’honnêteté et de la pureté des mœurs. La négligence et le laisser-aller ouvrent la porte à la corruption. Encore faut-il, pour résister à ces tendances, avoir la force de ne pas céder au respect humain, qui nous incite à faire comme tout le monde. Lorsque j’étais encore lycéen, il était de règle, les jours de sortie, de quitter l’école en uniforme, car on cherchait à nous inculquer une certaine éducation dans ce domaine, qui a, soulignons-le à nouveau, son importance. J’ai toujours été dégoûté de voir plusieurs de mes camarades s’enfermer dans les toilettes du train pour en ressortir avec des tenues… conformes au monde. Messieurs, donnez donc l’exemple à tous les membres de votre famille, et apprenez-leur à ne pas rougir d’être chrétiens dans un monde qui ne l’est plus, en usant, au besoin, de cette autorité que Dieu vous a confiée. Notre Seigneur n’a-t-Il pas dit : « Celui qui aura rougi de Moi devant les hommes, je rougirai de lui devant mon Père » (Mc 8, 38) ?

 

  Quant à vous, mesdames, il est bien évident que votre tenue a un impact beaucoup plus direct sur la moralité publique. Écoutez sur ce point, ce qu’écrivait le franc-maçon cité plus haut : « J’entendais dernièrement un de nos amis rire d’une manière philosophique de nos projets, et nous dire : pour abattre le Catholicisme, il faut commencer par supprimer la femme. Le mot est vrai, dans un sens ; mais puisque nous ne pouvons pas la supprimer, corrompons-la… ». Vous voyez combien les ennemis de l’Église ont bien compris ce que les papes ont répété à plusieurs reprises, à savoir, que c’est vous, surtout, qui êtes les gardiennes des mœurs chrétiennes : c’est là votre mission, et c’est là votre gloire. La prolifération des modes indécentes est voulue par la Franc-Maçonnerie de longue date, pour vous détourner de cet impérieux devoir. On peut lire dans un article de « La Vie Spirituelle », de juillet-août 1926 : « Si la mode a été corruptrice, c’est parce que la femme chrétienne, gardienne du foyer et de ses mœurs, était le rempart qui empêchait le mal de déborder et de chasser Dieu de la société. La mode a été faite corruptrice parce que les agents de démoralisation l’ont voulu ainsi, et, si humiliant que ce soit, il faut bien le reconnaître, la femme chrétienne de tous les pays du monde a été, dans ses écarts de la mode, le jouet et l’instrument de ceux qui avaient intérêt à la pervertir. » Puisqu’il est évident que l’on veut se servir de vous pour, sinon répandre, du moins laisser passer la corruption, je ne peux que vous inciter à faire tout l’inverse : par la pratique fidèle et constante d’une parfaite modestie, inspirez la pureté, prêchez les bonnes mœurs !

 

  Pour cela, commencez par connaître ce que l’Église réprouve. Voici les précisions que n’a pas dédaigné de donner la Sacrée Congrégation du Concile, le 23 août 1928 ; elles ont d’ailleurs été répétées par le cardinal Pompili, vicaire de Pie XI, en 1938, puis par les épiscopats de différents pays du monde : « On ne peut considérer comme étant décent un vêtement dont le décolletage dépasse la largeur de deux doigts au-dessous de la naissance du cou ; un vêtement dont les manches ne descendent pas au moins jusqu’aux coudes, et qui descend à peine au-dessous des genoux. Indécents sont également les vêtements d’étoffes transparentes [ou fendus, évidement !]. » Plus récemment, au début des années 2000, Mgr Fellay (FSSPX) rappelait avec bon sens que : « Ne peut certainement pas être appelée décente une robe qui ne couvre pas [entièrement] les genoux quand la personne est assise. » Remarquez que ces précisions soulignent les limites à ne pas franchir pour éviter les scandales, elles ne décrivent pas l’idéal de la modestie chrétienne ; et pourtant, force vous est de constater que les limites de la décence sont aujourd’hui allègrement franchies par de nombreuses chrétiennes, qui portent, même à l’église, des tenues bien légères. Si plusieurs n’osent pas adopter des vêtements franchement scandaleux, la grande majorité se contente manifestement de ce qu’on appelle la « jupe aux genoux », laquelle est impuissante à inspirer le respect et la vertu, et ne répond d’ailleurs pas, à y regarder de près, aux demandes et aux désirs de l’Église… N’oublions pas également que le pantalon ne convient pas aux femmes, comme le rappelaient, entre autres, les évêques du Canada, en 1946 : « Le port du pantalon sous le moindre prétexte, ou, ce qui est pire, dans le but de s’exhiber en public, n’est pas digne d’une vraie chrétienne. » Cela parce que, dans la majorité des cas, il ne voile pas les formes, mais aussi parce qu’il fait adopter par celles qui le porte des attitudes masculines qui vont à l’encontre de la nature et des qualités propres de la femme. Enfin, n’oublions pas de signaler que saint Paul demande aux chrétiennes, par humilité et respect, de ne pas paraître sans voile aux assemblées liturgiques ; c’est pourquoi l’Église leur prescrit, dans le Droit Canon, de ne pas pénétrer dans les lieux saints la tête découverte. Et ce précepte ne se présente pas comme étant facultatif.

 

  Connaître précisément ces différentes directives de l’Église enseignante n’est cependant pas suffisant. Il faut encore les aimer et avoir à cœur de les observer par amour pour Notre Seigneur. Lorsqu’une chrétienne en a saisi l’esprit, au-delà de la lettre, la modestie ne lui coûte plus, et sa parfaite tenue non seulement ne cause aucun scandale, mais elle répand la bonne odeur des vertus et prêche ainsi les bonnes mœurs. « La modestie, disait une sainte religieuse du début du XXème siècle, qu’est-ce donc ? C’est le parfum très suave de deux sublimes vertus qui, insensiblement, se répand dans les cœurs, les attire et les transforme. C’est l’odeur très douce de la pureté et de l’humilité. » (Mère Louise-Marguerite Claret de la Touche). Elle est, selon l’heureuse expression de Benoît XV, « le plus bel ornement de la femme chrétienne », car elle relève sa dignité et sa beauté, et lui permet de rayonner. Que l’on ne s’y trompe donc pas : quoi qu’en dise le monde, les femmes les plus modestes sont aussi, et de loin, les plus belles, parce qu’elles sont plus semblables à Notre Dame. Alors, mesdames, aimez la modestie, et faites-la aimer par vos filles dès leur plus tendre enfance, car une vertu n’est vraiment possédée que lorsqu’elle est aimée et pratiquée avec constance. Que la transmission fidèle de cette valeur chrétienne, qui n’est pas accessoire au dépôt de la foi (lequel inclut de façon nécessaire les bonnes mœurs), soit un des principaux objectifs de l’éducation de vos enfants, afin que l’on puisse graver à votre honneur sur votre tombe, comme sur celle d’un grand évêque (Mgr Lefebvre) : « Tradidi quod et accepi ! J’ai transmis ce que j’ai reçu (ou du moins, ce que j’aurais dû recevoir) !»

 

  Mais il est clair que ce « bon combat » vous demande, à vous plus encore qu’aux hommes, une force particulière, car vous êtes plus sensibles qu’eux aux regards et aux jugements que l’on porte sur vous, d’où la tendance au « conformisme » facile. Un jour que je prenais le train, des lycéennes d’une école catholique, dont l’habillement très modeste m’édifiait beaucoup, montèrent à bord. Mais quel ne fut pas mon étonnement de voir qu’elles avaient le même courage que mes camarades, dont je vous parlais plus haut : s’enfermant dans les toilettes, elles en ressortaient en pantalon ! C’est ici le lieu de citer ces fortes paroles du père Calmel : « On ne refera des chrétiennes et une France que si un certain nombre de filles sont farouches et acceptent de passer « pour imbéciles » en matière de costume [NB : C’est un véritable honneur que de passer pour imbéciles aux yeux des imbéciles]. Il faut avoir le courage de résister à la mode, à certains avantages pratiques, pour ne pas donner sa caution à un état d’esprit laïque, contre Dieu et contre sa loi inscrite en nos cœurs. Si les femmes chrétiennes, les jeunes filles chrétiennes ne sont pas les premières à porter témoignage de valeurs authentiquement chrétiennes, sur qui peut-on compter ? »

 

  Demandez donc, mesdames, à la très Sainte Vierge, victorieuse de toutes les batailles de Dieu, de vous communiquer sa force, cette vertu des martyrs, sans laquelle il vous sera impossible de remplir votre mission. « Qui trouvera une femme forte ? Son prix dépasse tous les trésors du monde ! » (Prov 31,10). Ne laissez pas les ennemis de la Religion profiter de votre faiblesse, car, comme le disait Saint Pie X « De nos jours, plus que jamais, la force des mauvais, c’est la lâcheté et la faiblesse des bons, et tout le nerf de Satan réside dans la mollesse des chrétiens ». Il faut du cran pour faire barrage à la corruption : « Mortifiez-vous dans votre habillement, disait l’abbé Edouard Poppe, ne soyez pas de ces demi-chrétiennes qui, tout en n’osant pas suivre la mode dans toutes ses audaces, la suivent malgré tout de loin ! Soyez courageuses, et habillez-vous décemment, chastement ! Allongez votre robe comme il convient, dussiez-vous être les seules de votre paroisse à le faire ! C’est de la mortification que viennent les forces secrètes, les consolations inattendues… Nous avons tous besoin de cela pour devenir bons, nous-mêmes, et pour rendre les autres meilleurs. »

   En guise de conclusion, mesdames et messieurs, je me permettrais de vous signaler deux moyens pour trouver la force de conserver un habillement et un comportement vraiment chrétiens malgré les pressions du monde. D’abord une piété profonde, non purement sentimentale, qui soit source d’un ardent amour de Notre Seigneur, qui trempe votre volonté et l’affermisse dans le bien de façon inébranlable. Ensuite, les pieuses associations, car évidemment l’union fait la force. J’en veux pour preuve ce témoignage d’une jeune tertiaire de saint François qui avouait que sans le soutien du Tiers-Ordre et de sa règle, qui prescrit la modestie de l’habillement, elle ferait comme toutes les autres. Serrons-nous donc les coudes dans cette lutte contre l’esprit du monde, et il n’y aura plus de brèche dans ce rempart que nous devons opposer au débordement de corruption dans lequel Satan voudrait noyer l’Église. La mode n’a rien d’irréversible : à nous, chrétiens, de la faire et non de la subir. Comme le disait sainte Jeanne d’Arc : « Combattons généreusement et Dieu donnera la victoire ».

 

RP Paul-Marie, capucin

 

 

  

 

Notre-Dame, les femmes et la chevalerie

           C’est sous l’inspiration du Saint-Esprit que la très sainte Vierge Marie a voué à Dieu sa virginité. Essayons de réaliser la portée de cet évènement inédit dans toute l’histoire de l’humanité. Dieu inspire à une jeune fille de prendre librement la décision d’un état de vie inconnu de l’antiquité et cette jeune fille lui consacre pour toujours sa virginité dans le secret de son cœur.

  Aujourd’hui, après deux millénaires de christianisme, nous pourrions considérer ce fait comme banal. Mais, il nous faut en réalité avoir conscience que Notre-Dame est une pionnière. Bien qu’il existe une grande diversité de la condition féminine chez les peuples de l’Antiquité, aucun n’admettait – et n’aurait pu comprendre – le choix qu’aurait fait une jeune fille de ne pas se marier. La question, d’ailleurs, ne se posait même pas. On ne peut opposer à cette règle universelle l’exemple des quatre ou six vestales de Rome. S’il est bien vrai que leur mystérieuse consécration virginale pour une fin religieuse exprime que l’âme de l’homme pressentait des affinités entre ce sacrifice de la maternité et l’adoration de Dieu, il faut aussi se rappeler que cette obligation leur était imposée et s’arrêtait lorsqu’elles atteignaient l’âge de quarante ans.

  Aussi, faut-il vraiment proclamer que le choix inspiré, mais libre, d’une jeune juive, de consacrer sa virginité, se dresse contre tous les canons des civilisations qui se sont jusque là succédées sur la terre et doit être salué comme l’aurore de temps nouveaux. Pour la première fois dans l’histoire du monde, une petite fille, sans s’embarrasser d’obtenir quelque autorisation humaine que ce soit, décide pour les plus hauts motifs spirituels qui existent, de se vouer à Dieu, corps et âme. C’est la religion de son Fils qu’elle a commencé de pratiquer avant même de l’avoir conçu.

En et par cette nouvelle Eve, la condition de la femme sur la terre subit un changement radical. Soumise à l’homme dans le mariage, elle est son égale devant Dieu, appelée tout comme lui à la plus haute imitation du Christ et jouit de la même liberté que lui pour répondre avec ardeur à tout ce que lui inspirera l’appel divin. Que rien ni personne ne vienne faire obstacle aux élans de l’amour, qu’il s’agisse de la quête passionnée du divin Pasteur en faveur de ses brebis perdues ou de la course aimante de ces dernières qui ont découvert la divine charité. L’invitation est lancée à tous, hommes ou femmes, car « il n’y a plus ni homme ni femme. Vous n’êtes tous qu’un en Jésus-Christ1 ». Aux cœurs les plus aimants d’y répondre ! Qu’on y prenne garde : une nouvelle noblesse est créée et c’est celle de l’amour. Les hommes comme les femmes sont invités à en être ni les uns plus que les autres, ni les uns moins que les autres.

  Sur les traces de la Vierge Marie qui a frayé le chemin et qui tient le flambeau qui l’éclaire, se faufilent déjà, dès les pages de l’Evangile, et la Samaritaine et la Chananéenne, et la femme adultère et la Madeleine, touchantes prémices de ces bataillons de femmes conquises par le Christ et qui s’élanceront après elles à travers les siècles et les continents. C’est Jésus-Christ et lui seul -personne avant lui et personne après lui – qui leur a octroyé la liberté pour que s’épanouisse toute leur stature intérieure et pour que se déploient ces virtualités et ces virtuosités de l’amour féminin. Elles susciteront l’admiration du monde chrétien ; elles changeront le monde et elles donneront naissance à une nouvelle race d’hommes, la race des chevaliers, la plus belle qu’on ait vu sur la terre.

  Les femmes façonnent le cœur des hommes dans leur sein et sur leurs genoux. Ce sont les femmes chrétiennes du Moyen Age à qui nous devons la génération des chevaliers. Il n’y a point, en cette évocation, la nostalgie stérile d’une époque à jamais révolue mais la croyance ferme et tranquille de l’intemporalité de l’esprit chevaleresque et l’espérance qu’on y reviendra. Affirmons-le avec vigueur : la chevalerie, contemporaine de ces centaines de cathédrales qui ont jailli du sol européen, est dans son esprit ce que ces édifices sont dans la pierre : un sommet. Sommet de qualité humaine et chrétienne qui n’a jamais été dépassé.

  C’est à y revenir qu’on retrouvera aussi les notions vraies de masculinité et de féminité, les rôles harmonieusement complémentaires de l’homme et de la femme dans la société et la très tendre vénération de la virilité qui, s’agenouillant devant la très Sainte Vierge Marie, s’incline doucement devant la féminité. Loin du machisme comme du féminisme, voilà l’époque qui nous découvre la plus fine intelligence que les sexes eurent l’un de l’autre. On n’y trouve point trace d’une absurde rivalité mais on y admire toute la grâce d’un temps qui sut donner à la femme sa place rayonnante. Voilà l’apogée de la beauté à laquelle a conduit le « fiat » de la jeune fille de Nazareth.

  Cessons de nous faire du mal et de désespérer. Ce que la très Sainte Vierge Marie a inspiré une fois dans l’histoire, elle peut le recommencer. C’est vers elle qu’il faut nous tourner, c’est elle qu’il nous faut invoquer. Demandons-lui de délivrer les femmes de l’esclavage de la libération de la femme. Demandons-lui de mettre un terme à cette lutte folle qui a dressé les sexes l’un contre l’autre. Demandons-lui de ramener les hommes qui ne savent plus quitter l’âge d’une éternelle adolescence à celui de leur maturité, de leur virilité, à l’âge des chevaliers.

Père Joseph

 

Editorial

Chers amis,

           Encore une fois, la Providence a guidé nos pas lorsque nous avons choisi les thèmes pour l’année 2021 : Notre Dame et la femme. Quel programme !

Prenant le risque d’être traitée de féministe, je ne peux que m’incliner devant la réalité : le salut de l’humanité a été compromis par une femme, il a été racheté par le « Fiat » d’une femme et sans aucun doute il ne se sauvera pas sans la femme !

  Les ennemis du Christ le savent bien, eux qui ont écrit : « Pour détruire le catholicisme, il faut commencer par supprimer la femme. Mais puisque nous ne pouvons pas la supprimer, corrompons-la1.» « Soyez fortes et inflexibles dans l’accomplissement de votre devoir de chrétiennes. Prenez la défense de la pureté en marchant contre la corruption qui amollit la jeunesse2» : en agissant directement contre le moyen mis en place pour réaliser cette destruction, avec l’aide de Notre-Dame, Reine des Anges, victorieuse du serpent insidieux, nous participerons activement à faire revenir sur terre le règne du Christ-Roi ! Soyons clairs, c’est un véritable appel à la vertu que nous lançons ici afin que, par les prières et les sacrifices touchant principalement à la modestie chrétienne, nous parvenions à redonner toute sa noblesse à la chrétienté qui vaincra Satan et ses suppôts !

  S’il y a peu de temps encore, ceux qui voyaient l’orage arriver étaient traités du mot méprisant et global de « complotistes », aujourd’hui personne ne peut nier que notre société est en grand péril…

  Satan aurait-il remporté la victoire finale ? Nous, catholiques – et c’est notre force – nous savons bien que cela est impossible ! Jésus-Christ a vaincu le monde et le démon avec ! Même s’il est certain que les apparences actuelles pourraient paraître trompeuses.

Pour les femmes, lasses d’avoir été humiliées par l’avilissement que certains leur ont fait subir en les mettant sous le joug de la mode et des exigences féministes, a sonné l’heure de la réaction. Fascinées au début par les attraits brillants des belles paroles qui semblaient vouloir les libérer d’un asservissement, elles ont maintenant compris quel était le but recherché. Elles se relèvent et elles vont montrer ce dont elles sont capables quand on attaque leurs enfants ! En effet, ne sont-ce pas eux que l’on a réussi à atteindre en attaquant la femme ? Ne sont-ce pas eux qui vont être atteints dans leur foi, leur morale et leurs mœurs ? Il ne sera pas dit que les femmes n’auront rien fait contre ceux qui veulent blesser la chair de leur chair en voulant les empêcher de gagner leur ciel !

  Aussi, après avoir identifié quels sont les ennemis de la femme, nous vous exposerons les modalités de notre Croisade et nous sommes sûrs que beaucoup d’âmes y répondront généreusement.

  Nos chroniqueurs ont écrit, qui pour les pères de famille, qui pour les jeunes filles, toute la portée de notre action, et un père capucin nous a offert un article résumant tout ce combat que nous mènerons pour l’honneur et le salut de la chrétienté.

  Ce dossier ne s’adresse pas uniquement aux femmes et nous comptons bien sur les hommes pour le lire, soutenir leur combat et en comprendre tout l’enjeu ! Loin des discussions stériles, loin des exposés habituels, il veut faire comprendre à tous, l’enjeu magnifique auxquels les catholiques de ce XXIème siècle sont appelés. Rejoignant les écrits de sœur Lucie de Fatima, il veut que cette lutte ne soit pas rabaissée à de petites querelles intestines et personnelles mais bien démontrer sa véritable dimension : le salut de l’humanité ! Le Père Joseph en laisse entrevoir toute la noblesse et appelle à atteindre un « sommet de qualité humaine et chrétienne qui n’a jamais été dépassé ».

  Soyons-en persuadés, Notre-Dame verra nos sacrifices ; elle sait combien cela coûte à chacun et elle saura récompenser les efforts qu’elle a demandés elle-même à Fatima.

« Monstra te esse matrem3 », Notre-Dame des Foyers Ardents, Marie Immaculée, nous remettons entre vos mains cette croisade ; chacun des membres de la famille y trouvera son rôle et aura à cœur d’y participer, car l’honneur de la chrétienté est en jeu !

  Que les âmes du Purgatoire s’unissent à nos prières en ce mois de novembre ; que le temps de l’Avent soit propice à nos sacrifices et que Dieu le Père entende les supplications de ses enfants.

Marie du Tertre

 

1 Loge maçonnique au XIXème siècle citée par Crétineau-Joly, L’Eglise Romaine et la Révolution (T. II, p. 50)

2 Pie XII La mode – Discours aux jeunes filles – 22/05/41

3 Extrait du chant : Ave Maris stella – Montrez que vous êtes notre Mère.

 

La prudence

           « Le prudent, nous enseigne Voltaire, se fait du bien, tandis que le vertueux en fait aux autres ». Cette conception de la prudence comme d’une sorte de mesquinerie, de pusillanimité, est popularisée au cours du XVIIIème siècle, le « siècle des Lumières », par les penseurs de la Révolution. Cependant, moins de cent ans auparavant, la Bruyère en faisait dans ses Caractères la marque de la noblesse d’âme : « Où manque la prudence, trouvez la grandeur si vous le pouvez », tandis que saint Thomas la présentait comme « la vertu la plus nécessaire à la vie totale de l’homme ». Afin de redonner à cette vertu ses lettres de noblesse, Marcel de Corte lui consacre un de ses ouvrages, La Prudence, ou la plus humaine des vertus, nous permettant de redécouvrir sa beauté et son importance dans l’agir humain.

 

La Prudence, d’après Aristote et saint Thomas d’Aquin

  La Prudence est l’une des quatre vertus cardinales, ou morales, avec la Justice, la Force et la Tempérance. « Cardinal » vient du latin cardo, ce qui se traduit par gond ou pivot. Quant à « Moral », il s’agit de ce qui est conforme aux mœurs, aux règles de l’agir. Ces vertus ont pour rôle de guider l’action de l’homme, en lui permettant de faire le bien et d’éviter le mal. Par elles, l’homme remplit sa nature d’être raisonnable et politique, en régissant sa manière d’agir par rapport à la société où il se trouve et au bien commun. Parmi ces quatre vertus, la prudence a la primauté. Elle est, selon les mots d’Aristote et de saint Thomas, la Recta ratio agibilium, la « droite règle de l’agir ». Son but est de « gouverner la vie de l’homme », de mener chaque acte, quel qu’il soit, vers sa fin bonne. saint Thomas dit qu’elle est « l’art de bien vivre », et donc nécessaire pour progresser dans la vertu. Cette importance peut sembler étonnante au premier abord, aussi Marcel de Corte, citant toujours Aristote et saint Thomas, analyse plus profondément ce en quoi elle consiste ainsi que les trois étapes qui la composent : la délibération, le jugement et l’exécution.

  La Prudence, nous l’avons dit, est la manière de mener toute action vers sa fin.

– La délibération, ou conseil, est « la recherche conduite par la raison relativement aux actions à faire ». Cette recherche, dans les cas où la réponse n’est pas évidente, se fait auprès de ceux qui ont le savoir, l’expérience, avant de devenir plus naturelle, plus instinctive. Elle appelle l’humilité de la part du sujet, qui reconnaît son ignorance et se met à l’école de plus sage que lui, mais aussi un juste choix des « maîtres » à consulter. Une fois les différents avis rassemblés1 (plus l’acte est important, plus la délibération est longue et les conseils nombreux), il est alors nécessaire de choisir, de juger de ce qui a été délibéré.  

– Le jugement détermine ce qui est le plus juste en fonction de l’objectif à atteindre, en écartant les propositions idéalistes (qui ne manquent pas dans un monde dénaturé comme le nôtre) pour se concentrer uniquement sur la solution réaliste, conforme à la fin de l’action recherchée. Il détermine, parmi les différents choix qui se présentent à lui, quel est le plus adéquat et le plus conforme à la fin recherchée, en fonction du contexte présent. Juger appelle un certain sens critique, une certaine connaissance des principes et un certain caractère. Si la délibération a en effet comme objectif de recueillir l’avis des maîtres, le jugement n’est en rien une application stupide de ce qui a été dit par tel ou tel, mais bien plutôt l’expression d’une volonté propre du sujet qui choisit l’une des options qui s’offrent à lui en acceptant les conséquences possibles et en les assumant. Juger engage déjà la responsabilité, avant même que l’action soit exécutée, car il entraîne naturellement un acte de la part du sujet.

– Une fois que la décision induite par le jugement est prise, il reste à la mettre en œuvre. Cette partie est la plus importante de la Prudence, car cette dernière étant la vertu de l’agir, elle doit se concrétiser dans un acte. Il est des hommes qui sont dotés d’une sagesse remarquable et d’une connaissance des choses qui force le respect. Ces hommes sont de bons conseils et savent les moyens de parvenir à une fin donnée, mais certains se refusent d’agir par crainte, par désintérêt, ou encore parce qu’ils considèrent que leur devoir est d’éclairer leur prochain plutôt que d’agir pour le sauver. Cela est hautement imprudent et dommageable, et le bon sens populaire ne manque pas de bons mots pour condamner cette apathie : « Il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne font pas d’erreurs », « qui ose gagne » … Car agir est prendre un risque : risque de se tromper, de se faire du mal, de ne pas rencontrer le résultat escompté. Mais risque nécessaire car lié intimement à un bien que l’on a jugé supérieur, plus digne d’être poursuivi, et ultimement rattaché au Bien suprême qu’est Dieu.

 

La prudence, d’après le monde moderne

  « La prudence, lit-on dans le Larousse, est l’attitude de quelqu’un qui est attentif à tout ce qui peut causer un dommage, qui réfléchit aux conséquences de ses actes et qui agit de manière à éviter toute erreur ». Il ne s’agit plus de viser au plus grand bien, objectif et indépendant de notre volonté, mais d’atteindre un bien personnel, subjectif, opposé au bonheur spirituel suite au rejet de la nature humaine, dirigée vers Dieu. Ainsi le « Prud’homme » des temps médiévaux, tant vanté par saint Louis2, a laissé la place au « influenceurs » des réseaux sociaux, aux girouettes humaines qui ne s’engagent jamais afin de toujours être du côté de la bien-pensance, du consensus populaire. Des trois actes de la Prudence, le monde moderne ne conserve en effet que la délibération, en l’étendant à l’extrême pour au final s’exempter de juger et s’éviter les conséquences potentiellement négatives d’une prise de position et d’un passage à l’acte. Et quand les circonstances les obligent à poser un acte, censément réfléchi et raisonnable, combien de fois voyons-nous ces Homonculi3 revenir sur leur parole et prétexter leur revirement, qui dans bien des cas est une trahison, par une ignorance des conséquences, un « changement de programme », un manque de réflexion. Cette prudence, synonyme de pusillanimité et de lâcheté, troque la moralité de chaque acte, dépendant de la fin visée, par une « morale de situation » liée au contexte particulier.

Rejetant les notions fondamentales de bien commun et de vérité, l’homme moderne fait de la Vox Populi le nouvel Evangile, le nouveau Décalogue. Les démocraties modernes deviennent alors les refuges parfaits de ces éternels enfants, condamnés à rester comme tels parce que rejetant toute responsabilité et toute atteinte à leur confort. A cette tyrannie du nombre s’ajoute le dictat suprême de la technique, des procédures. On crée des schémas qui s’efforcent de donner une solution miracle à chaque situation, en forçant si besoin la réalité à rentrer dans le cadre que l’on a établi. Le particulier, objet de la vertu de prudence, se trouve noyé dans le général. Le chef et le juge, premiers concernés par cette vertu, car ayant l’agir le plus important au vu du bien commun, se transforment en techniciens chargés d’appliquer les protocoles. Cela se vérifie dans la puissance toujours plus grande donnée à la Loi, chargée de remplacer l’absence générale de prudence pour assurer un semblant d’ordre social, car moins l’homme est prudent, plus il est nécessaire de le canaliser par la contrainte : « La loi joue ici le rôle de la prudence chez ceux qui n’en ont pas ».

 

Cultiver la prudence

  La vertu est un habitus, c’est-à-dire une « disposition stable à faire le bien », de manière ferme (« Firmiter »), rapide (« Expediter ») et agréable (« Delectabiliter »). Cela sous-entend un apprentissage qui peut être l’œuvre de toute une vie, puisque les vertus ne grandissent pas seules mais s’imbriquent et se soutiennent mutuellement. Il en est ainsi pour l’acte de prudence, qui bien que dominant l’ensemble de l’agir humain, doit s’appuyer sur la justice, la force et la tempérance pour atteindre sa perfection. Comment, en effet, un homme égoïste et soumis à ses pulsions pourrait, de manière habituelle, agir conformément à la règle de la prudence ? Discerner la vérité, arrêter le meilleur moyen de l’atteindre et le mettre en œuvre demande une disposition favorable au bien. Cela n’est bien sûr pas l’apanage des seuls chrétiens, un non croyant pouvant tout à fait être animé par l’amour du bien commun et faire grandir en lui, avec l’aide de la grâce actuelle que Dieu offre à chaque homme, les vertus de justice, de force et de tempérance ; sa prudence sera seulement imparfaite tant qu’elle restera cantonnée aux vues humaines, mais trouvera son ultime justification dans l’amour de Dieu, Bien suprême.

  De manière plus concrète, l’acquisition de la prudence, vertu de chef car vertu de l’agir, et vertu de « l’homme total », demande d’aimer le bien, et donc de le connaître. D’où le bienfait évident de la formation personnelle, tant spirituelle (religieuse) qu’intellectuelle : aimer entraîne une volonté de se rapprocher, de connaître plus profondément, et de cette connaissance grandit l’amour. Les ouvrages de maîtres ne manquent pas pour découvrir ou approfondir les grandes vérités de l’existence et celles de Dieu. Ces « maîtres à penser » transmettent aux générations qui les suivent la sagesse des temps, s’étant eux-mêmes appuyés sur les hommes de bien les précédant. La docilité à leur enseignement est une autre condition sine qua non pour acquérir la prudence, comme le souligne le livre de l’Ecclésiastique : « Tiens-toi au milieu des anciens prudents, et unis-toi de cœur à leur enseignement ». Il est également nécessaire de prendre garde au « prêt à penser » si présent dans notre monde moderne : télévision, radios et autres médias qui sont autant d’écrans, dans le sens d’obstacles, à un jugement droit et posé. La prudence demande une vie intérieure, et non pas une vie artificielle constamment connectée à la 4G et aux ondes. Ce serait faire ainsi le jeu du monde, « ennemi de tout forme de vie intérieure », avide de faire de chacun de nous des homo emptor, des « hommes consommateurs ».

 

  « Pareille à l’aurige qui, fermement appuyé de ses deux pieds sur le plancher du char, dirige celui-ci vers le but de la course, elle guide toutes les vertus vers leurs accomplissements. » Cette image, reprise des anciens philosophes, montre bien cette suprématie de la prudence sur les autres vertus de l’agir, mais également la nécessité pour elle de les faire grandir en parallèle pour progresser. Hélas, on préfère aujourd’hui voir les autres courir à notre place plutôt que de prendre les rênes, et le monde souffre cruellement de l’absence de ces hommes prudents, appelés à guider leur prochain dans la voie de la vérité et du Bien. Cependant, n’oublions pas que si la Prudence est reine de l’agir et « la plus humaine des vertus », la vertu des hommes complets, elle ne saurait surpasser la Charité, vertu des chrétiens. Aussi, si certains sont appelés à commander, et d’autres à transmettre la science, selon les mots de l’Apôtre, tous sont appelés à servir Dieu sur terre et dans les cieux : soyons humains, c’est entendu, mais soyons par-dessus tout chrétiens.

 

 Un animateur du MJCF

 

Conseils de Saint Jean Bosco

           Voici les trois conseils donnés par saint Jean Bosco au petit garçon qui voulait savoir comment s’y prendre pour devenir saint et qui deviendra le grand saint Dominique Savio :

¨ Primo : Ne pas s’emballer, car on ne reconnaît pas la voix du Seigneur quand l’âme est inquiète.

¨ Secundo : Continuer à faire son devoir d’état qu’il s’agisse du travail de classe ou des exercices de piété.

¨ Tertio : S’amuser de tout son cœur en récréation.

Et aucun de ces trois conseils ne doivent prendre le pas l’un sur l’autre ; ils sont tous trois d’égale importance.

 

Prière à saint François, ce stigmatisé si joyeux1

 

                      Bien aimé saint François, prenez-moi, je vous en supplie, dans vos mains crucifiées pour me plonger dans le cœur ouvert de notre Dieu, de notre tout.

                      Je ne vous demande pas de m’apprendre la résignation, c’est une lâcheté pour ceux qui sont fatigués d’aider Jésus à sauver le monde ; mais je vous demande de m’enseigner la louange, vous qui êtes un Séraphin. La louange, quand le seul Saint veut bien dans Sa miséricorde inouïe me faire une petite place sur Sa Croix où je suis un avec Lui. Donnez-moi ainsi de n’être pas un Cyrénéen maussade et bougonnant.

    Je ne vous demande pas de m’apprendre la modération, et l’équilibre, et la mesure, et le juste milieu, parce qu’il n’y a pas de juste milieu entre Tout et rien, entre l’Infini et le créé, entre Jésus vivant de ma mort et moi vivotant malgré Sa Mort ; mais je vous demande de m’apprendre à me donner tout à Lui sans mesure, à souffrir avec Lui au-delà de cette timide mesure que les événements me proposent, à connaître la joie de Sa splendeur sans mesure, à mettre dans mon amour pour Lui cette unique mesure dont parle saint Bernard et qui est de n’en pas avoir.

  Je ne vous demande pas de m’apprendre le contentement qui est la mort de la joie, la clôture acceptée de nos limites, la délectation du néant qui se suffit ; mais je vous demande de m’obtenir l’héroïsme de n’être jamais satisfait, le désir inextinguible de franchir tous les barrages jusqu’à l’Amour, l’élan pour obéir à tous les appels de Celui qui m’exige, la soif inassouvie jusqu’à l’éternité, pour moi et pour tous les hommes, de l’enivrement dans le Sang de l’Agneau, de la totale combustion dans le Feu dévorant de Yahvé.

  Bien aimé saint François, veillez sur moi pour écarter toujours le détestable enfer d’une allégresse sans stigmates et l’horreur d’une croix sans amour exultant. Si je succombe à Satan jusqu’à m’ennuyer sur la Croix, jusqu’à ne plus la désirer comme l’unique béatitude, alors obtenez pour moi de brûler ma tiédeur au souffle du Crucifié qui réjouit ma jeunesse. Et si mon enthousiasme fait alliance avec les pitreries vaniteuses, les orgueils troubles, les plaisirs trop humains, vous qui savez tant L’aimer, implore la Cause de notre joie de m’arracher à ces consolations maudites, et aidez-moi à me tourner vers NotreDame pour lui demander la plus haute grâce de Son Fils :

« Fac me plagis vulnerari,

Fac me Cruce inebriari,

et cruore filii ».

Ainsi soit-il !

 

1 Prière écrite par un grand handicapé.

 

Restaurer une maison ancienne

Les boiseries intérieures (1) : les portes

           Les boiseries intérieures, tant les lambris sur les murs que les portes intérieures, ont donné lieu à bien des beautés du travail du bois par les menuisiers, qui les agrémentaient parfois de détails amusants.

 

           Dans la restauration d’une maison ancienne, il est important de connaître les spécificités selon les époques pour en garder le caractère authentique, ou du moins de s’en approcher, pour éviter des notes disgracieuses ou en désaccord avec l’époque de la maison.

 

  La principale caractéristique de la porte ancienne est qu’elle vient en saillie sur le dormant (la partie bois qui entoure l’ouverture de la porte). Le battant de la porte vient donc par-dessus le bois fixe et se ferme avec un loquet le plus souvent, ou une clenche.

  Ce battant est souvent adouci sur les trois côtés (haut et latéraux) par une doucine ou moulure.

  Les portes modernes, où le battant est dans l’axe exact du dormant, ont bien moins de charme. De plus, le bois a moins de latitude d’y jouer naturellement que sur le bâti ancien. Soit cela bloque quand le bois gonfle, soit si l’on rabote un peu trop, il se produira « un jour » trop important, lorsque le bois séchera. La manière de faire des anciens menuisiers était donc plus logique pour respecter ce matériau vivant.

 

  Ces portes étaient souvent larges, voire à deux battants dans les demeures d’importance, mais peu hautes car la population était plus petite que de nos jours. Les dimensions que l’on trouve fréquemment sont 0,80 à 0,90 m pour la largeur et 1,85 à 1,90 m pour la hauteur.

 

  La fermeture se faisait par une béquille, ou un bouton que l’on actionne d’un côté, soulevant de l’autre une longue penture.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  La partie haute de la porte pouvait être vitrée pour laisser passer la lumière, avec un petit rideau que l’on tirait le soir pour l’intimité de la chambre.

  Pour éclairer un couloir ou un petit recoin, les dessus de portes (pleines) pouvaient être surmontées d’impostes à petits (XVIIIème) ou grands (XIXème) carreaux. Il est bon de les conserver, voire d’en créer, en récupérant des parties de fenêtres anciennes qu’un bon menuiser saura replacer sans difficulté.

 

  Les moulures des portes ont évolué selon les époques. Au XVIème siècle et début XVIIème, le motif dit « en plis de serviettes » est d’usage, tandis qu’à l’époque classique (seconde moitié du XVIIème), nous trouvons un grand panneau, ou double panneau en bas et un autre en haut, droit ou « en chapeau » de gendarme au XVIIIème.

 

 

 

  Parfois, dans une maison ancienne, co-existent des portes d’origine, moulurées et d’autres modernes, planes pour des pièces nouvellement créées. Un bon moyen d’harmoniser ces dernières avec l’existant est d’y appliquer des panneaux et moulures en imitant le mieux possible les anciennes. Une fois peintes, et ayant choisi des poignées en harmonie, rien (ou presque…) n’y paraîtra.

 

 

 

 

Quand on le peut, lors de la création d’une pièce, il faut tâcher de récupérer dans des bric à brac, des portes anciennes. Le menuisier fera ensuite le dormant en fonction du battant de porte trouvé.

 

Nous verrons la prochaine fois les lambris (ou boiseries) et leur raison d’être.

 

                  Jeanne de Thuringe

 

Notes : planche tirée du livre « La maison de pays » de René Fontaine.

 

Conseils de saint François de Sales

           Je vous recommande la sainte simplicité. Regardez devant vous, et ne regardez pas à ces dangers que vous voyez de loin… Il vous semble que ce soient des armées ; ce ne sont que des saules ébranchés, et cependant que vous regardez là vous pourriez faire quelques mauvais pas. Ayons un ferme et général propos de vouloir servir Dieu de tout notre cœur et toute notre vie ; au bout de là, n’ayons soin du lendemain. Pensons seulement à bien faire aujourd’hui ; et quand le jour de demain sera arrivé il s’appellera aussi aujourd’hui, et lors nous y penserons. Il faut encore à cet endroit avoir une grande confiance et résignation en la providence de Dieu. Il faut faire provision de manne pour chaque jour, et non plus ; et ne doutons point, Dieu en pleuvra demain d’autre, et passé demain, et tous les jours de notre pèlerinage. »

 

  « Ces brouillards ne sont pas si épais que le soleil ne les dissipe. Enfin Dieu qui vous a conduit jusqu’à présent, vous tiendra de sa très sainte main ; mais il faut que vous vous jetiez, avec un total abandonnement de vous-même, entre les bras de sa providence, car c’est le temps désirable pour cela. Se confier à Dieu dans la douceur et la paix des prospérités, chacun presque le sait faire ; mais de se remettre à lui entre les orages et tempêtes, c’est le propre de ses enfants ; je dis, se remettre à lui avec un entier abandonnement ».

 

1 Aux sources de la joie avec saint François de Sales, chanoine Vidal

 

L’instruction en famille : vers l’interdiction ?

           Nous avons laissé le projet de loi une fois celui-ci voté l’hiver dernier par l’Assemblée nationale. Il est temps de présenter une appréciation critique de la réforme avant de reprendre le fil de la discussion de celle-ci au Parlement.

 

Appréciation critique de la réforme

 

           Le remplacement du régime de simple déclaration par un régime d’autorisation préalable très encadrée appelle des critiques de principe fondées tant sur le droit naturel que sur le droit positif.

  Parmi les arguments de doit naturel se trouve le principe selon lequel les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. La liberté dont disposent les parents dans ce domaine est un droit qu’ils tiennent de Dieu lui-même devant qui ils devront répondre de la façon dont ils l’ont utilisée. La fonction de l’Etat est de compléter, voire le cas échéant de suppléer, le rôle d’éducateurs dévolu aux parents. Ce principe de la liberté parentale de choisir le mode d’éducation de leurs enfants ne doit pas être la victime expiatoire de l’incapacité de la laïcité à combattre les abus d’une religion conquérante. En outre, cette liberté préserve les familles de toute dérive vers le totalitarisme. Les régimes totalitaires commencent toujours par enlever les enfants à leurs parents pour les faire éduquer par l’Etat. Enfin, l’Etat peut suppléer les parents dans leur rôle d’éducateur mais les éventuelles carences de ceux -ci ne peuvent être présumées.

  Le droit positif vient, une fois n’est pas coutume, au secours du doit naturel. La liberté d’enseignement est une liberté protégée par la Constitution en tant que principe fondamental reconnu par les lois de la République. Il en résulte que son exercice ne peut être soumis à une autorisation administrative. En droit international, la liberté d’enseignement est reconnue par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention européenne des droits de l’homme. Or, depuis 1946, les traités l’emportent sur le droit interne de la France.  Dans une décision rendue le 19 juillet 2017, le Conseil d’Etat a jugé que le principe de la liberté d’enseignement implique la possibilité de créer des établissements hors de tout contrat avec l’Etat tout comme le droit des parents de choisir pour leurs enfants des méthodes alternatives à celles proposées par le système scolaire public, y compris l’instruction au sein de la famille.

  Plus généralement, la mesure d’interdiction de l’instruction dans la famille est inscrite dans un projet de loi destiné à lutter contre le séparatisme islamique alors que le lien entre les deux n’a jamais été établi. Même si l’interdiction faite aux parents d’invoquer à l’appui de leur demande d’autorisation leurs convictions philosophiques, politiques ou religieuses a été retirée du texte, celles-ci ne pourront cependant pas être invoquées car seul l’intérêt supérieur de l’enfant, apprécié par l’administration selon des critères que la loi n’a pas fixés, pourra justifier une telle demande. Le quatrième cas de dérogation à l’interdiction de l’école à la maison, la situation particulière de l’enfant motivant le projet éducatif, est particulièrement flou. Enfin, la généralité de la mesure d’interdiction qui s’applique de façon uniforme aux enfants âgés de 3 à 16 ans encourt la critique. 

 

L’examen par le Sénat 

 

  Le Sénat a examiné le texte en commission en mars, puis en séance publique du 30 mars au 12 avril 2021. Il a souhaité trouver un point d’équilibre entre lutte contre le séparatisme et liberté d’enseignement. Il a considéré que le texte remettait en cause la liberté de l’enseignement et que les objectifs que le gouvernement s’est fixé pour lutter contre le séparatisme auraient pu être atteints en utilisant pleinement les dispositifs existants.  S’il a supprimé du projet de loi les dispositions relatives à l’interdiction de l’instruction en famille et maintenu le régime actuel de la déclaration, le Sénat a renforcé les mesures de contrôle.  Les parents condamnés pour infractions sexuelles ou pour violence ne pourront exercer l’instruction en famille. Celle-ci sera également interdite en cas d’absence de déclaration ou de déclaration frauduleuse. Les personnes chargées de cette instruction devront présenter dans leur déclaration les modalités d’organisation de cette instruction et l’enseignement ainsi dispensé devra l’être principalement en français. Enfin, seuls des inspecteurs académiques spécialement formés pour ce mode d’instruction pourront exercer le contrôle pédagogique prévu par la législation.         

 

L’échec de la commission mixte paritaire et le vote final du texte le 23 juillet

 

  Les deux assemblées du Parlement ayant voté des textes différents, le gouvernement a décidé de provoquer la création d’une commission mixte paritaire composée de sept députés et de sept sénateurs chargée de trouver un compromis sur le contenu du projet de loi. La commission mixte paritaire s’est réunie le 12 mai et a vite constaté que les positions des deux assemblées étaient trop divergentes pour que puisse se dégager un accord.

Le texte est revenu à l’Assemblée nationale qui l’a examiné en séance publique du 28 juin au 2 juillet 2021. Ce fut en quelque sorte une seconde lecture au rabais, le gouvernement n’était pas représenté par le ministre de l’intérieur qui avait préparé et porté la réforme. Sur les dispositions concernant l’enseignement, le ministre de l’éducation nationale n’a assuré qu’un service minimum et une secrétaire d’Etat à la notoriété encore en devenir, Nathalie Elimas, en soutenait, assez faiblement d’ailleurs, la discussion. Les débats ne présentaient, il est vrai, guère d’intérêt, la majorité La République en marche ayant décidé, sur l’instruction en famille comme sur presque toutes les dispositions du projet, de revenir au texte qu’elle avait voté en février, sans tenir compte des apports du Sénat, et d’opposer une fin de non-recevoir aux amendements présentés par les députés de l’opposition. 

  Le Sénat a examiné le texte le 20 juillet. Prenant acte du vote par les députés d’un texte ignorant sa contribution au débat, les sénateurs ont rejeté en bloc le projet de loi. Le gouvernement a demandé à l’Assemblée nationale de statuer définitivement et celle-ci a le 23 juillet, dans l’indifférence générale, entre deux lectures du projet de loi sur le covid, voté à nouveau le texte qu’elle avait adopté le 2 juillet.     

 

La saisine du Conseil constitutionnel

 

  Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le 13 août 2021. Il n’a statué que sur les dispositions dont il avait été saisi par les parlementaires, ce qui lui a permis de ne pas se prononcer, au moins à ce stade, sur le renforcement du contrôle de l’Etat sur les écoles hors contrat et les associations cultuelles. Sur l’instruction en famille, il a considéré que la loi était conforme à la Constitution dans la mesure où il ne s’agit pas, selon lui, d’une liberté fondamentale, protégée au même titre que la liberté d’enseignement, mais d’une modalité de mise en œuvre de l’instruction obligatoire. Il a toutefois émis des réserves d’interprétation : le recours à cette technique juridique lui permet de ne pas censurer une loi tout en en donnant l’interprétation que devront suivre l’administration et les tribunaux. Le Conseil constitutionnel a ainsi interprété la loi pour limiter le pouvoir d’appréciation des rectorats saisis d’une demande de dérogation en vue d’assurer l’école à la maison : ceux-ci ne pourront, pour fonder leur décision,  que vérifier la capacité des personnes responsables de l’enfant à donner à celui-ci le socle commun de connaissances, de compétences et de culture prévu par la législation et s’assurer que le projet éducatif d’instruction en famille comporte les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage de l’enfant. Un décret devra préciser la procédure à suivre par les rectorats conformément à cette interprétation donnée par le Conseil constitutionnel. Cette décision, plus politique que juridique, ne rend pas bonne une loi qui reste mauvaise mais en réduit les effets les plus pervers.  Le combat mené n’aura pas été complètement vain.   

 

Thierry de la Rollandière